KHL 2020/21 : bilan

 

Résultats du championnat russe

Classement (après play-offs) : 1 Avangard Omsk, 2 CSKA Moscou, 3 Ak Bars Kazan, 4 SKA Saint-Pétersbourg, 5 Dynamo Moscou, 6 Lokomotiv Yaroslavl, 7 Metallurg Magnitogorsk, 8 Salavat Yulaev Ufa, 9 Traktor Chelyabinsk, 10 Jokerit Helsinki, 11 Barys Nur-Sultan, 12 Avtomobilist Ekaterinbourg, 13 Severstal Cherepovets, 14 Torpedo Nijni Novgorod, 15 Dynamo Minsk, 16 Spartak Moscou, 17 Vityaz Podolsk, 18 Sibir Novosibirsk, 19 Amur Khabarovsk, 20 Neftekhimik Nijnekamsk, 21 HK Sotchi, 22 Kunlun Red Star, 23 Dinamo Riga.

 

Avangard Omsk (1er) : système, sacrifice et recrutement

En trois ans, Bob Hartley aura déjà marqué de son passage la KHL avec une finale en 2019 puis le titre en 2021. L'entraîneur francophone a mis en place avec succès son système de jeu caractérisé par un très bon placement défensif. Ses joueurs, à l'instar de l'international finlandais Ville Pokka, bloquent énormément de tirs, parfois plus que leur gardien, et c'est ce sacrifice collectif qui a conduit l'Avangard à la Coupe Gagarine. Le rôle d'un des adjoints, Konstantin Shafranov, a également été souligné : l'ancien international du Kazakhstan a bâti le meilleur powerplay de la KHL, comme dans son poste précédent à Ekaterinbourg, et cela lui a valu d'être intégré au staff de l'équipe nationale russe.

À l'automne, pourtant, ce dénouement heureux n'était pas une évidence. Bob Hartley appelait à la patience en interview : " L'Avangard n'est en construction que depuis deux ans. Mais durant le camp d'entraînement, nous avons remarqué que 14 nouveaux joueurs sont arrivés durant cette période. Tout le monde veut gagner la Coupe Gagarine aussi vite que possible. Mais cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. C'est un long processus, comme la construction de l'Omsk arena : l'excavation, les fondations, les murs, le toit. Une équipe championne ne peut se former en une semaine ou après cinq ou six pas. " La rumeur évoquait à l'époque des divergences de vue avec le nouveau directeur sportif Aleksei Volkov et un veto mis à certaines propositions de recrutement.

Très critiquées, les recrues de Volkov ont pourtant joué un rôle précieux. Les Nord-Américains ont tenu leur rôle : Reid Boucher a été le meilleur marqueur de l'équipe en saison régulière et Corban Knight le meilleur joueur de la ligue aux mises au jeu. La recrue la plus controversée fut sans doute le joker Ilya Kovalchuk, accusé d'avoir été engagé juste comme grand nom médiatique, avec un trop faible apport pour son temps de jeu et un effort défensif limité. Mais s'il ne fut pas décisif en finale, le vétéran de 37 ans l'a été à quelques moments-clés, notamment par son but vainqueur en deuxième prolongation au premier tour des play-offs. Lorsque le capitaine Aleksei Emelin a subi un choc toxique au foie, les défenseurs Kirill Gotovets et Damir Sharipzyanov - encore deux acquisitions estivales - se sont joints à l'offensive pour marquer des buts décisifs et marquer plus en play-offs qu'en saison régulière.

Les deux plus grandes réussites concernent deux autres joueurs achetés, des investissements qui avaient été discutés avant de faire l'unanimité. Petit mais costaud, rapide dans sa vitesse de décision, Sergei Tolchinsky a été désigné meilleur joueur des playoffs. Mais l'ex-gardien Volkov a surtout fait un choix audacieux en recrutant le gardien tchèque Simon Hrubec début novembre chez le dernier de KHL Kunlun. Il a sacrifié Emil Garipov, héros des play-offs 2018 à Kazan au caractère réputé difficile. Au premier tour des play-offs, Hrubec, qui n'avait plus joué depuis un mois, a remplacé un Igor Bobkov nerveux et apporté stabilité et confiance à l'Avangard. Il a signé cinq blanchissages, dont les deux dernières rencontres.

Mais si l'Avangard s'est distingué par son recrutement réussi, cela ne démontre-t-il un manque de développement interne ? Arrivé à sept ans de Perm à Omsk avec ses parents, Egor Chinakhov a été la révélation de la saison. Hartley, qui ne le jugeait pas prêt la saison dernière, a été épaté par ses très gros progrès au camp d'entraînement, en le plaçant en première ligne. Comme la draft NHL 2020 a été retardée à l'automne, ce joueur qui ne figurait sur aucune liste a été pris au premier tour et il a signé à Columbus sitôt la saison terminée, non sans polémique avec son agent Shumi Babaev. Que devient donc l'ambition d'avoir une moitié joueurs formés au club d'ici 2023 ? Ces plans, assez nouveaux au sein de ce club qui n'a jamais été parmi les meilleurs formateurs, ont semblé contrariés. Le superviseur du hockey mineur engagé l'an passé - le Canadien Sean Finn qui travaillait à Yaroslavl - n'a pas été conservé à la tête de l'académie. Mais même chez les juniors, l'Avangard recrute : il a frappé fort en attirant le capitaine de l'équipe de Russie des moins de 17 ans Ivan Miroshnichenko, ailier puissant au lancer impressionnant. Il a ainsi évité que le SKA ait le monopole des plus grands talents du pays !

 

CSKA Moscou (2e) : les robots n'avaient pas la victoire programmée

Le CSKA Moscou se glorifiait à l'automne de sa " balance commerciale " positive car il avait acquis des joueurs pour presque rien et vendu pour 84 millions de roubles Tolchinsky à l'Avangard Omsk. Lorsque ce dernier a brillé contre eux en finale, les dirigeants moscovites pouvaient se mordre les poings de leurs décisions. Ce club qui avait l'habitude de dépenser plus avant le plafond salarial n'a pas fait les bons calculs à l'intersaison. Tolchinsky ne rentrait plus dans le profil de rémunération parce qu'on avait recruté Nikolai Goldobin pour 50 millions de roubles par an en espérant qu'il marquerait autant qu'en AHL. Comme il ne méritait pas sa place dans le top-6 offensif, il a progressivement perdu sa place dans l'équipe. Après avoir essayé pendant quelques semaines de négocier avec lui pour qu'il réduise son salaire (accordé trois mois plus tôt pour une durée de deux ans), le club l'a envoyé en décembre à Magnitogorsk.

Peu de temps avant, Nikita Soshnikov avait été recruté à sa place : l'ailier a mis 27 buts la saison passée à Ufa, il en a inscrit 4 en saison régulière et 0 en playoffs, avec le CSKA. Lui non plus n'a jamais trouvé sa place pour déloger les deux premiers trios Leipsic-Loktionov-Slepyshev et Okulov-Shalunov-Mamin. Malgré ces renforts peu convaincants, le champion en titre a soulevé pour la troisième année de suite la Coupe nommée d'après son ancien entraîneur de légende Viktor Tikhonov, une coupe remise au vainqueur de la saison régulière. Il a obtenu cette première place en blanchissant son adversaire Kazan au dernier match (1-0). Avec un effectif affaibli, le mérite de ce succès semblait surtout revenir à l'entraîneur Igor Nikitin, avec son système de jeu appliqué à la perfection - par des "robots" selon ses détracteurs, mais des robots qui patinent très fort et concèdent peu d'espaces.

Ce système continuait de fonctionner en play-offs, souvent avec peu d'occasions de but mais avec une efficacité maximale. Lars Johansson retrouvait enfin la forme pour devenir titulaire indiscutable : le gardien suédois avait connu un début de saison compliquée à cause de la quarantaine la plus longue de l'équipe - 21 jours avant de retrouver un test PCR négatif - alors même qu'il était asymptomatique, et il avait alors subi une blessure musculaire en reprenant le jeu après cette pause forcée.

C'est surtout la deuxième ligne théorique qui portait, presque toute seule, l'équipe sur ses épaules. Maksim Mamin, qui a joué toute sa carrière en troisième ou quatrième ligne, y vivait la saison de sa vie, en utilisant son gabarit y compris en écran devant le gardien, mais il a connu une blessure pendant la finale. Le centre Maksim Shalunov s'y montrait absolument décisif avec 7 buts gagnants en play-offs avant de prendre un match de suspension (pour une charge à la tête sur Stas au match 3 de la finale). Il n'a eu la même réussite à son retour, encore moins avec la Russie aux championnats du monde. Konstantin Okulov a fini pour sa part meilleur marqueur des play-offs en étant un peu le dernier des Mohicans du hockey créatif au sein de l'effectif, mais il fut ensuite critiqué pour avoir laissé partir deux contre-attaques fatales qui ont abouti à des buts en infériorité de l'Avangard au match 4 et au match 5 de la finale.

Personne d'autre n'a su prendre le relais lors des absences (au sens propre ou au figuré) de ces trois joueurs. Le CSKA détient donc maintenant seul un triste record. Il a connu 3 défaites en 4 finales de KHL. La seule autre équipe à avoir perdu deux finales jusqu'ici était... l'Avangard.

 

Ak Bars Kazan (3e) : Da Costa et Dawes en boucs émissaires ?

Après un tranquille début de saison et une série de 7 victoires, la seconde vague de Covid-19 a déferlé sur Kazan, privé de plusieurs joueurs-clés et de son entraîneur Dmitri Kvartalnov, malades. Malgré une passe difficile de 7 défaites en 11 matches, le club se refusait à parler de crise, et le classement lui donnait raison puisqu'il restait premier à l'Est. De fait, le club tatar a trôné sur sa conférence et a été le premier dans toute la KHL à valider son ticket pour les play-offs. Ak Bars avait déjà terminé à la première place de la Conférence Est un an plus tôt, mais paraissait encore mieux armé cette année. Tout en gardant une équipe homogène, il avait en même temps un premier trio très fort, mené par Stéphane Da Costa, entouré de Nigel Dawes et Viktor Tikhonov. Parmi les 10 meilleurs marqueurs de la KHL, le Français - cinquième - était le seul joueur appartenant aux équipes du dernier carré, celles qui répartissent le mieux le temps de jeu. Da Costa comptabilisait ainsi 16'18 par match sur la glace, quand les neuf autres étaient présents au minimum pendant 19'44 !

Cette réussite ouvrait-elle la voie à un changement d'image de Kvartalnov ? Il avait souvent connu des conflits avec ses étrangers, à l'instar de Max Talbot qui avait déclaré (à Yaroslavl à l'époque) que son coach "ne respectait ni les vétérans, ni les jeunes, ni les étrangers". Une première alerte eut lieu en décembre quand Justin Avezedo - qui connaissait des maux de tête après une commotion - rentra au Canada et décida d'y rester en mettant une fin prématurée à la saison. Le motif familial était explicable - sa femme était enceinte et il n'avait plus la tête au hockey - mais l'empressement à tourner la page Azevedo peut étonner pour un joueur qui a passé 7 ans de sa carrière au club. La reconnaissance tourne vite...

Les play-offs furent surtout favorables aux joueurs russes à Kazan. Adam Reideborn avait clairement gagné la position de numéro 1 en fin de saison, mais quand le Suédois rejoignit l'infirmerie, Timur Bilyalov utilisa sa chance à fond. Lorsqu'il se blessa à la cheville de façon malheureuse (son défenseur Rukavyshnikov avait poussé un attaquant adverse sur lui), Bilyalov perdit sa place à son tour, mais la nervosité de Reideborn fut pointée du doigt lors des deux premiers échecs face à Omsk en finale de Conférence Est, après deux tours passés sans la moindre défaite. Bilyalov devint alors le seul gardien russe titulaire à ce stade de la compétition, alors que tous ses compatriotes des autres clubs avaient au contraire perdu la concurrence face à un collègue étranger.

Les performances de Bilyalov ont contribué à faire revenir Ak Bars dans la série, avec l'aide d'attaquants russes. Stanislav Galiev a signé le but gagnant dans un angle très fermé au match 4 et l'action décisive (interception + passe) au match 6. L'hyperactif Dmitri Voronkov, acheté 2 millions de roubles (à peine 22 000 euros) il y a trois ans à son club formateur (Ermak Angarsk), a corrigé entre temps ses défauts de patinage et a été porté aux nues pour ses mises en échec et son sens du sacrifice au point d'être incorporé à l'équipe nationale à 20 ans. Mais si on soulignait autant sa célérité à rejouer après une opération de la mâchoire, c'était aussi par contraste avec la situation de Stéphane Da Costa, qui venait de subir trois commotions en quatre mois. La protection de la tête et du cerveau est devenu un sujet majeur dans le hockey mondial, mais une culture qui néglige les "symptômes invisibles" résiste dans les clubs russes.

Un terme russe doit être expliqué pour comprendre le contexte autour de Dawes et Da Costa : nekubovki. Une forme condensée qui signifie "pas des joueurs de play-offs". Cette étiquette peu enviable avait été accolée aux deux joueurs étrangers avant même que les play-offs ne débutent, comme pour mettre un bémol à leur saison régulière réussie. Kvartalnov n'a pas vraiment protégé ses hommes contre ces allégations. Quand Nigel Dawes était en manque de réussite et de confiance, son coach souligna que c'était la première fois qu'il atteignait une finale de Conférence (il a passé l'essentiel de sa carrière au Barys, peu taillé pour ce niveau). Da Costa, lui, avait déjà joué un match 7 de finale de Coupe Gagarine avec le CSKA, et Kvartalnov le sait bien puisqu'il était son coach. Mais le joueur de centre, à peine rentré de blessure, a suivi le même sort que son ailier en partant en tribune, sentant le club tout entier lui tourner le dos après une fuite sur sa volonté de retour à Ekaterinbourg. L'Avangard l'a pourtant prouvé : si un club veut soulever la coupe, il a besoin d'unifier dans un même élan Russes et étrangers.

 

SKA Saint-Pétersbourg (4e) : une stratégie perdant/perdant ?

Lorsque la Covid-19 a décimé l'entraîneur Valeri Bragin et les joueurs du SKA Saint-Pétersbourg fin septembre, il a aligné une équipe de 20 ans de moyenne d'âge, et une défense dont l'expérience cumulée en KHL était de 17 minutes. On a alors vu apparaître sur le banc comme assistant-coach - puis même comme coach intérimaire - le vice-président du club et de la fédération russe Roman Rotenberg, personnalité très politique réputée pour sa proximité avec les plus hautes sphères du pouvoir, qui a bel et bien depuis deux ans un diplôme d'entraîneur (jamais mis en pratique jusqu'ici). Cette équipe junior a même remporté deux victoires en cinq rencontres. Elle a renforcé la nouvelle image d'équipe "jeune" du SKA, celle qui aide l'équipe nationale.

L'image est en partie trompeuse : en play-offs, le SKA a souvent aligné une défense où tout le monde avait plus de 27 ans, y compris le gardien quand Anders Hellberg a délogé le numéro 1 programmé de la sélection russe Aleksandr Samonov. C'est tout le problème des doubles fonctions de Rotenberg et Bragin à la tête de leur club et de l'équipe nationale, qui a peut-être fait d'eux les hommes les plus détestés du hockey russe. Le débat n'était même plus de savoir quel intérêt primait sur l'autre : SKA et Sbornaïa ont échoué dans leurs objectifs respectifs, et c'est une stratégie "perdant/perdant" qui a été dénoncée. Le seul "trio tout prêt" que Saint-Pétersbourg a préparé pour la sélection, c'est la quatrième ligne Evgeni Timkin - Vladislav Kamenev - Artyom Shvets-Rogovoy. Elle symbolise le reproche fait à Bragin, celui de privilégier les besogneux et d'étouffer les talents. Le meilleur marqueur Vladimir Tkachyov, pas toujours irréprochable défensivement, a ainsi été envoyé en tribune au début des play-offs, avant de revenir éliminer le Dynamo à son retour du jeu par son intelligence de jeu.

Ce n'était nullement un cas unique. Aucun joueur n'était épargné par la rotation continuelle, qui concernait même les adjoints (certains sur le banc changeaient parfois d'un match à l'autre avec ceux en tribune !). C'est la conséquence de l'effectif pléthorique dans laquelle la concurrence devient une règle, mais qui ne donne pas forcément - hors cas exceptionnel de pandémie - des conditions idéales de développement. Un cas très médiatique a illustré cette difficulté : Vasily Podkolzin. Lorsqu'il a été sorti de la "ligne des jeunes" (avec Ivan Morozov et Kirill Marchenko) et envoyé en équipe-ferme à l'automne, Rotenberg a même reçu un appel d'un journaliste canadien de TSN pour demander des explications. La presse nord-américaine accusait déjà le SKA d'enterrer ce talent pour faire pression parce qu'il ne voulait pas renouveler son contrat. Excessif pour une relégation qui n'a duré qu'un match. La vérité est plus ambiguë : sa technique ou son patinage ne justifient pas l'encombrante étiquette de "McDavid russe" dont on a pu l'affubler, mais c'est bien Podkolzin qui a ressuscité son équipe en finale de conférence contre le CSKA en mettant 5 points (3+2) en deux rencontres alors que le CSKA menait 3 victoires à 0. Son temps de jeu était pourtant moyen (14 minutes) et il fait partie des joueurs que Bragin trouvait trop instable, ce qui lui a valu de se faire retrancher sans jamais jouer au championnat du monde.

Le SKA était déjà passé à autre chose car il a des talents d'une autre dimension dans son système. Totalement surarmé, il a engagé tous les meilleurs talents russes des années 2000, dont le plus prometteur de tous, Matvei Michkov, qui n'a que 16 ans mais a déjà signé un contrat jusqu'en 2026, avec un palier salarial annuel (de 5 millions au début à 30 millions de roubles à la fin). On retrouve là la volonté de constituer à Saint-Pétersbourg les bases de la future équipe de Russie.

 

Dynamo Moscou (5e) : le duo-vedette a mérité son salaire

Le Dynamo Moscou avait concentré sa masse salariale sur deux joueurs, les mieux payés de la KHL. Ils auront mérité leurs fiches de paye puisque Vadim Shipachyov a été le meilleur marqueur de la KHL et Dmitrij Jaškin le meilleur buteur. Les duettistes ont fait de l'attaque bleue et blanche la meilleure de la ligue. Mais ce n'était pas tout. Le gardien Aleksandr Eryomenko s'affirmait comme le plus régulier à 40 ans au point d'afficher le meilleur pourcentage d'arrêts en saison régulière alors que ses jeunes coéquipiers semblaient flancher psychologiquement. On se demandait alors si le Dynamo pourrait contester la domination ennuyeuse des deux "super-clubs" de l'Ouest.

Les play-offs ne furent pas totalement dans la continuité. Eryomenko ne put maintenir le même niveau, mais son concurrent Ivan Bocharov se montra finalement fiable. La confirmation fut en revanche totale pour Andrei Sergeev, qui a connu à 29 ans la plus belle saison de sa carrière. Ce défenseur droitier, placé dans le cercle gauche en avantage numérique avec un tir de réception redoutable, a même été le meilleur marqueur de son équipe en play-offs. Mais ce n'est malheureusement pas un compliment pour les attaquants.

Au deuxième tour face au SKA, le Dynamo a certes gagné le premier match 4-1, mais il y a perdu le malheureux Dmitri Kagarlitsky, qui a pris un palet dans la mâchoire. Or, celui-ci était sans doute plus qu'un joueur de complément pour la première ligne offensive. En son absence, Shipachyov et Jaškin ont continué à travailler avec le même effort, mais ils étaient complètement neutralisés. Les autres lignes plafonnaient et n'apportaient guère de soutien. L'échange à mi-saison de Teemu Pulkkinen à Yaroslavl contre Magnus Pääjärvi a été clairement perdant par le Dynamo : l'ailier suédois, qui était à l'âge junior un joueur époustouflant pour la Tre Kronor puis connut une excellente première saison en NHL, a conservé ses qualités techniques, parfois insolentes à l'entraînement, mais n'arrive pas à grand-chose en match. Son maigre point en 10 rencontres de play-offs n'a fait que confirmer son déclin incessant sur la dernière décennie. Quant à l'autre attaquant étranger Oscar Lindberg, tombé malade après une pré-saison prometteuse, il a réussi quelques excellents matches et a obtenu une prolongation de contrat d'un an, même si la philosophie du coach ne lui était sans doute pas favorable.

Le coach, c'était Vladimir Krikunov, qui prend cette fois définitivement sa retraite d'entraîneur, même si on a l'impression d'avoir annoncé ces adieux vingt fois. Le Dynamo va donc complètement changer de visage. Kagarlitsky part à Kazan, Jaskin a demandé à être libéré de son contrat car il voudrait retourner en KHL. Il ne restera du trio dominant que le capitaine Shipachyov, à 34 ans. Les bleu et blanc devront donc retrouver un nouvel équilibre.

 

Lokomotiv Yaroslavl (6e) : un "malgré-lui" en meilleur marqueur

L'entraîneur biélorusse Andrei Skabelka a peut-être amené le Lokomotiv Yaroslavl à sa saison la plus pleine depuis le tragique accident d'avion qui avait décimé l'équipe en 2011 puis sa reconstitution un an plus tard. Sa philosophie de jeu, fondée sur une volume élevé de patinage et un pressing agressif, correspond bien à un club qui a toujours privilégié des constructions d'équipe homogènes. Les joueurs attaquent et défendent à cinq, sans que personne ne s'exempte des obligations collectives.

Les quatre lignes étaient capables de marquer, mais le meilleur compteur en saison régulière fut à la surprise générale Pavel Kraskovsky. En 2016/17, il était le centre et le cerveau d'une ligne qui paraissait la plus prometteuse de la KHL avec le petit scoreur Aleksandr Polunin et le physique percutant et conquérant dans les duels d'Egor Korshkov. Peu à peu, ce trio s'est éteint puis dispersé. Les deux ailiers sont allés chercher fortune ailleurs (avant de rentrer ou de s'apprêter à rentrer au bercail), et Kraskovsky - qui n'avait jamais quitté son club formateur - semblait prêt à en faire autant à sa fin de contrat l'an passé. Magnitogorsk lui proposa un contrat, mais le Lokomotiv l'égala puisqu'il était agent libre restreint. Lorsque le club l'annonça, la mère du joueur écrivit sur Instagram le message "pire nouvelle de la journée", aussitôt soutenue par d'autres membres de la famille. Pourquoi garder un joueur contre son gré ? Sans qu'il ne change rien à sa préparation, de son propre aveu, il a trouvé confiance avec le nouveau coach Skabelka en étant utilisé dans toutes les situations de jeu. Kraskovsky reste toutefois un joueur irrégulier qui a alterné toute la saison périodes de fort pointage et périodes de vaches maigres (les play-offs tombant dans une phase creuse).

À vrai dire, ce courant alternatif correspond aussi à celui d'une équipe performante à domicile mais plus ordinaire pendant les longues tournées. Le Lokomotiv a semblé un peu louper le coche en terminant un point derrière le Dynamo, alors même qu'il avait laissé échapper une défaite par forfait en refusant de présenter une équipe même affaiblie contre Kunlun pour cause de Covid-19 (pensant à tort que la ligue trancherait en sa faveur en imposant un report). Il avait certes aussi un point de plus que le SKA, mais celui-ci était automatiquement classé devant en tant que champion de sa division. L'équipe de Yaroslavl était donc quatrième à l'Ouest, ce qui lui faisait affronter le CSKA au deuxième tour. Dans cet affrontement entre deux défenses de fer, c'est son adversaire qui a failli s'en mordre les doigts. Toujours appuyé sur son gardien canadien Edward Pasquale - amené du Barys dans les valises de Skabelka et très performant tout au long de la saison - le Lokomotiv a poussé le champion en titre au septième match. Sur l'ensemble de la série, il a dominé aux occasions et passé plus de temps en zone offensive, mais il y a manqué un peu de tranchant et il a fait un peu plus d'erreurs.

Le bilan semblait satisfaisant, mais une déclaration de l'attaquant pas toujours titulaire Nikolaï Kovalenko (fils de l'ancien joueur de NHL Andrei Kovalenko) trahissait un groupe pas si uni en critiquant ouvertement la politique du club : "Nous avons une attitude spéciale envers les étrangers, ils ont des salaires spéciaux et le coach est obligé de les inclure dans la composition. Les jeunes le voient et regardent vers l'Amérique du nord. " Après de tels propos, on se doute que Kovalenko a refusé la prolongation (pour signer à Kazan). Mais cette rancśur n'était pas que la sienne et visait notamment Anton Lander, l'étranger presque le mieux payé de la KHL qui n'a pas mis un seul point en play-offs en deux années à Yaroslavl. Son compatriote suédois André Petersson n'était pas entièrement épargné car des observateurs lui ont reproché d'avoir disparu dans les duels physiques face au CSKA. Il reste tout de même sous contrat. Le Loko devra donc gagner en constance et en unité dans le vestiaire pour que le système de Skabelka récolte un trophée et pas seulement une mention honorifique.

 

Metallurg Magnitogorsk (7e) : un papa heureux

Le dernier club russe atteint par la pandémie fut Magnitogorsk, et cette arrivée tardive le 12 octobre (l'entraîneur Ilya Vorobyov fut testé positif avant le match et dut laisser sa place) a brisé l'élan de la saison. Le Metallurg a été bientôt privé de ses deux gardiens Vasili Koshechkin et Juho Olkinuora, qui forment un duo finalement très complémentaire, mais aussi de ses deux premiers centres Prokhorkin et Lammikko. Les absences dans l'effectif ont eu pour mérite de faire débuter le jeune talent Danila Yurov à 16 ans à peine. Il démontra des prises de décision rapides qui manquaient souvent à ses collègues plus expérimentés. Les joueurs en reprise après la maladie eurent en particulier des difficultés à retrouver leur timing. Peu efficace, tirant au mauvais moment, Magnitka connut une série de 8 défaites en 10 rencontres et des rumeurs sur un conflit voire une bagarre entre certains joueurs ou membres du staff dans l'avion de l'équipe. Mike Pelino, l'assistant-coach des titres 2014 et 2016, fut alors rappelé à la rescousse pour reprendre place dans le staff.

La composition de l'équipe ne semblait pas exempte de reproche. Les attaquants finlandais marquaient trop peu pour des attaquants étrangers. Juho Lammikko fut remplacé par le défenseur suédois Philip Holm, recommandé par l'entraîneur-adjoint Frederik Stillman parce qu'il fallait renforcer les lignes arrières, et Harri Pesonen fut renvoyé. Magnitka estimait ne plus avoir besoin de se traîner 6 étrangers (pour 5 places) grâce au retour de blessure de Nikolai Kulemin, enfin guéri après deux opérations, mais aussi à l'arrivée de Nikolai Goldobin.

Le vice-président du club Sergei Laskov se voulait alors lucide et informé : "Nous connaissons les faiblesses de Nikolai. Il se replie mal, entre rarement dans les duels physiques. Mais quand Mozyakin est venu au Metallurg voici des années, c'était aussi un joueur créatif. Et lui non plus ne retournait pas toujours défendre." Au début, Nikolai Goldobin a semblé répéter le même parcours qu'au CSKA en glissant de première en quatrième ligne. Mais avec les play-offs, ce magicien avec le palet a été mis sur le trio majeur avec Nikolai Prokhorkin et Sergei Plotnikov. Ils se sont tout de suite compris pour effectuer des combinaisons intelligentes, mais on leur a ensuite reproché un manque d'envie dans la série contre Omsk.

La transformation la plus spectaculaire fut celle du vénérable Sergei Mozyakin. L'ailier de 39 ans a longtemps traîné sa peine pendant la saison, comme si on le gardait juste pour mérites rendus, à l'instar du match joué aux côtés de son fils Andrei Mozyakin : c'était un évènement purement symbolique car le fils en question - capitaine de l'équipe junior de Magnitogorsk mais loin d'être le plus doué - n'a en effectué qu'une présence d'une minute sans jamais toucher le palet. Et pourtant, en play-offs, c'est bien papa Mozyakin qui a été le meilleur marqueur de son équipe en compagnie de Taylor Beck, parce que les deux hommes se servaient de belles passes transversales classiques en avantage numérique. Meilleur buteur de tous les temps du championnat russe, Mozyakin a donc fini sa carrière sur une bonne note.

Dans cette élimination au deuxième tour, c'est surtout la défense de Magnitka qui a montré ses limites et en particulier son manque de mobilité. La blessure d'Egor Yakovlev au début des play-offs n'a rien arrangé parce qu'il était peut-être le meilleur défenseur de la ligue sur la fin de la saison régulière - qui vit le Metallurg revenir en forme - et qu'il tient un rôle irremplaçable à la ligne bleue en powerplay.

 

Salavat Yulaev Ufa (8e) : des Finlandais efficaces... sauf dans le derby

En début de saison, le Salavat Yulaev Ufa avait interverti les postes en remplaçant l'entraîneur principal Nikolaï Tsulygin - toujours dans le staff - par son adjoint finlandais Tomi Lämsä. Celui-ci avait déjà été entraîneur-chef en Liiga - contrairement à Tsulygin qui lui avait été préféré initialement malgré son inexpérience - et il avait acquis ses galons en KHL pendant trois ans au club, notamment par son travail sur le jeu en infériorité numérique. Mais ce privilège laissé à un étranger suscite quand même forcément la controverse en Russie.

La saison régulière des Bachkires a été plus réussie (18 points de plus en deux matches de moins), sans que l'équipe soit meilleure sur le papier. Le centre formé au club Mikhaïl Vorobyov, rentré de NHL, a déçu et glissé peu à peu jusqu'à la première ligne avant que sa saison ne connaisse une fin prématurée. L'ex-international russe Evgeny Biryukov et l'international biélorusse Dmitri Korobov n'ont pas rendu la défense plus forte (Korobov passera les play-offs en tribune) et il a fallu un échange pour stabiliser la défense en faisant venir Mikhail Naumenkov, échangé du CSKA contre un Soshnikov insatisfait de sa place dans l'équipe. Mais en se privant du meilleur marqueur russe, le Salavat devenait encore plus dépendant de ses joueurs étrangers, et surtout du trio finlandais Markus Granlund - Sakari Manninen - Teemu Hartikainen, le plus efficace de la KHL avec ses 70 buts.

Lorsque le contrat de Lämsä fut prolongé avant même que les play-offs ne débutent, la décision fut donc critiquée. On n'avait encore rien vu, après tout. Les experts russes commencèrent à pronostiquer que le style défensif et physique du Traktor viendrait à bout de l'attaque "finlandaise" dès le premier tour. Ce ne fut vrai qu'au premier match, le Salavat s'imposa ensuite 4 victoires à 1.

Mais le vrai test au Bachkortostan est toujours celui du "derby vert" contre Kazan, l'équipe de l'autre République musulmane voisine et rivale du Tatarstan. Le Covid-19 avait arrêté la saison précédente juste avant le derby. Il n'y avait donc pas de point de comparaison direct, mais la déception fut grande après l'élimination en quatre manches sèches. Le gardien finlandais Juha Metsola fut remplacé deux fois en cours de rencontre, son seul bon match fut le deuxième que son équipe dominait mais une mauvaise passe du treizième attaquant Artyom Pimenov précipita l'égalisation adverse et la défaite en prolongation. Quant au super-trio finlandais, il fut totalement neutralisé et ne marqua aucun but lors de cette série. Lämsä sépara même la ligne en remplaçant Hartikainen par le joker de mi-saison Geoff Platt, en vain. Lämsä devra donc réussir dans sa seconde saison à mieux impliquer ses joueurs russes en ne s'appuyant pas seulement sur ses compatriotes.

 

Traktor Chelyabinsk (9e) : un contrat long n'interdit pas la performance

L'opinion la plus répandue parmi les suiveurs de la KHL est que les hockeyeurs étrangers ne sont forcément là que pour l'argent et ne font aucun effort si on leur donne de longs contrats. On s'était donc gaussé du Traktor Chelyabinsk lorsqu'il avait fait signer pour 3 ans Tomáš Hyka et Lukáš Sedlák. Les deux Tchèques ont fait taire les moqueurs et démenti les clichés en menant leur équipe, Hyka par sa créativité et Sedlák par son gros travail physique dans les bandes. Ils ont beaucoup aidé Vitali Kravtsov (le numéro 9 de la draft NHL 2018) à retrouver pleinement confiance en son jeu et à mûrir pour gagner cette fois sa place chez les New York Rangers à la fin de la saison de KHL.

Même la concurrence entre étrangers, censée assurer l'émulation, a vite été abandonnée. Jacob Berglund avait besoin de jouer plusieurs matches de suite pour trouver la forme et le garder en réserve ne faisait donc pas sens. Il a été échangé au Severstal. L'inconvénient est que les renforts étrangers devenus indispensables n'avaient pas le droit de se blesser. Pontus Åberg, touché dans une charge genou contre genou de Dawes, est revenu au jeu en seulement deux semaines en février alors que les médecins suédois lui ont dit à son retour qu'une rééducation de cinq semaines était nécessaire. Åberg était le seul étranger en fin de contrat, et les discussions pour une prolongation n'ont pas abouti...

Le directeur sportif du Traktor, Roman Belyaev, a la réputation d'être dur en négociation auprès des agents (et peut-être pour lui-même puisqu'il ne sera pas conservé). Cela a aidé le club à faire de très bonnes affaires l'été dernier au moment de l'instauration du plafond salarial. Sergei Kalinin a certes vu son salaire amputé de plus de moitié par rapport au CSKA, mais il est devenu capitaine, il a eu du temps de jeu en avantage numérique, et il a donc marqué plus de points que dans ses deux saisons moscovites cumulées. Roman Manukhov, souvent superflu à Omsk puis à Kazan, est devenu un défenseur majeur. Face à des concurrents bien mieux dotés, les Ouraliens ont même réussi l'exploit d'occuper la première place de la Conférence Est en novembre.

L'entraîneur Anwar Gatiyatulin - dont le contrat de 3 ans fut aussi dénoncé comme une folie - a donc réussi sa première saison pour son retour. Le public de Chelyabinsk s'est de nouveau arraché les billets - limités par les restrictions - même si les gens étrangers à la ville bâillaient devant un système de jeu jugé ennuyeux. Le club a certes perdu l'avantage de la glace en play-offs en finissant cinquième de sa conférence, mais il a réussi à gagner le premier match à l'extérieur à Ufa. Le tournant de la série fut le match 3, le premier à domicile. Le Traktor avait plus souvent la possession et attaquait, mais son premier bloc encaissait quatre buts. Celui-ci ne comprenait pas que les vedettes, mais aussi le défenseur de 20 ans formé au club Sergei Telegin, coupable sur le troisième but et cloué sur le banc ensuite. Cela arrive avec les jeunes et ne fait pas oublier son bon début de saison. Également sorti après ce but (au profit de l'international tchèque Roman Will), le gardien Ivan Fedotov a pourtant retrouvé sa place au match 5 et coûté l'élimination en bougeant sa cage à 19 secondes de la fin, ce qui provoqua un tir de pénalité fatal.

 

Jokerit Helsinki (10e) : comment acheter un club sans argent

Ce fut une saison difficile pour les Jokerit. Si deux déplacements à Minsk leur ont été épargnés (puisque le club les a boycottés pour raisons politiques), ils ont dû être mis deux fois en quarantaine, car les règles sanitaires contre le Covid sont appliquées de manière bien plus stricte en Finlande qu'en Russie. Ces matches en retard ont dû être rattrapés dans un calendrier infernal pour une équipe certes homogène, mais sans réserve dans laquelle puiser.

En raison des restrictions de déplacement en Finlande, la KHL a décidé que les Jokerit devraient jouer tous les play-offs chez leurs adversaires. Un handicap supplémentaire pour une formation qui a montré ses limites offensivement. Le petit ailier créatif américain Brian O'Neill, meilleur +/- de KHL en saison régulière (+30), a été négatif en play-offs (-2) et n'a mis qu'une petite assist. Ses coéquipiers ont attendu deux matches et demi avant de marquer enfin un but et de remonter le score pour forcer une prolongation, mais le Lokomotiv Yaroslavl l'a remportée grâce à un buteur... finlandais, Teemu Pulkkinen. C'est cette efficacité offensive qui manquait aux Jokerit, dont un seul attaquant a trouvé le chemin des filets en play-offs, évidemment le sniper danois Nicklas Jensen.

Les péripéties de cette saison ont poussé les journalistes russes à interroger une fois de plus le président de la KHL sur l'intérêt d'avoir les Jokerit. Aleksei Morozov a répondu sans hésitation aux Izvestia : "C'est une équipe intéressante avec des hockeyeurs de bon niveau. Il est intéressant de jouer contre eux. Quand il y a des spectateurs, Jokerit est l'une des équipes qui a le plus de succès commercial dans la ligue." L'affirmation est sans doute vraie, mais ne dit rien de bon des autres équipes de KHL, elles aussi sous perfusion. Les Jokerit perdent en effet des millions chaque année, pandémie ou pas.

Les médias finlandais ne cessent de s'étonner de cet étrange modèle économique. Jari Kurri est certes le propriétaire majoritaire, mais c'est une façade. Le hockeyeur de légende a beau avoir gagné quelques millions de dollars dans sa carrière de NHL, sa fortune ne le rend pas capable de financer les Jokerit comme un oligarque. Le journal Italehti a disséqué le montage : Kurri n'a versé que 3000 euros en 2019 au capital de Jack Promotions Oy. Un an plus tard, cette société a ensuite opéré une extension de capital en vendant 40% de ses actions à Norilsk Nickel Harvalta Oy (filiale finlandaise d'une holding chypriote qui appartient au géant minier russe Norilsk Nickel) pour... 4 millions d'euros, soit la somme exacte qui a permis de racheter les Jokerit au précédent propriétaire Harry Harkimo. Kurri a donc acquis 60% des Jokerit sans verser lui-même un sou (ou presque), mais la structure serait vite en faillite sans l'argent russe. Dans ses comptes 2020, Norilsk Nickel Harvalta a en effet effectué un prêt en capital de 13,1 millions d'euros à Jack Promotions pour couvrir le déficit opérationnel du club. Cela représente 25% des bénéfices de la société finlandaise... mais pas grand-chose pour la société-mère, récemment condamnée à une amende record 1,6 milliard d'euros par la justice russe pour avoir pollué une rivière arctique par une fuite de 21 000 mètres cubes de fioul après l'affaissement du permafrost sous la cuve.

 

Barys Nur-Sultan (11e) : coups de poings puis coup de projecteur

Avant que le Kazakhstan ne constitue la grande surprise du championnat du monde (même s'il a fini sur un échec en manquant la qualification historique en quart de finale qui lui tendait les bras), le Barys Astana avait déjà démontré ses compétences au cours de la saison, avec les mêmes hommes-clés. Dans une KHL où le plafond salarial n'a pas du tout resserré le niveau, c'est même le seul club à avoir amené un peu de suspense au premier tour des play-offs, en obligeant Magnitogorsk à jouer six manches.

Cette saison ne fut pourtant pas du tout un long fleuve tranquille. Elle avait débuté une contamination en masse à la Covid-19 et le report de six rencontres. La politique du club suscite aussi la controverse au Kazakhstan. Après un dialogue avec la journaliste Dinara Baikadamova sur la domination des étrangers et le manque de confiance dans les jeunes joueurs locaux, l'entraîneur Yuri Mikhailis avait exprimé son mécontentement avec un langage fleuri à la fin d'une conférence de presse début novembre. Le micro était resté branché...

Moins de trois semaines après ce dérapage verbal, un incident plus sérieux - là encore filmé - éclatait à l'entraînement avec plusieurs coups de poings échangés entre les arrières Jesse Blacker et Nikita Kleshchenko. Le défenseur canadien naturalisé y récolta une fracture de la mâchoire. Le staff prit le parti du joueur le plus précieux : Blacker est le défenseur le plus fiable dans sa zone, l'autre joueur-clé avec le capitaine Darren Dietz (défenseur offensif et encore meilleur marqueur de l'équipe). Kleshchenko, qui n'utilise pas tant que ça son grand gabarit dans le jeu, a été renvoyé en équipe-réserve (le Nomad) et a perdu sa place en équipe nationale. Il ne faut toutefois pas caricaturer ce duel en un conflit entre les mercenaires et les locaux : Kleshchenko n'est lui-même pas un enfant du pays mais un jeune Russe naturalisé...

Le plus dur est peut-être à venir pour le Barys. Les projecteurs ont été braqués sur les joueurs du Kazakhstan au championnat du monde, mais les démarchages avaient déjà débuté avant le tournoi. Puisque les joueurs du Kazakhstan ne sont plus considérés comme étrangers dans toute la KHL, ils constituent une aubaine pour les clubs russes. Ceux-ci ont des arguments convaincants car les reports incessants dans le paiement dans les salaires ont fini par agacer les hockeyeurs du Barys. La politique de naturalisation du Kazakhstan profitera donc à l'avenir aux adversaires du Barys, trop contents de récupérer des étrangers "hors quota" grâce à leur passeport de complaisance. Même les joueurs locaux partent, notamment la révélation de la saison Kirill Panyukhov (meilleur marqueur de l'équipe en play-off avec 4 buts et 3 assists) vers Kazan. Ainsi dépouillé, le Barys peinera à rester le "club de base" qui prépare toute la saison l'équipe nationale.

 

Avtomobilist Ekaterinburg (12e) : promis, Président, c'est juste la faute aux arbitres !

Au quart de la saison, les deux meilleurs compteurs de la KHL étaient à la surprise générale deux attaquants d'Ekaterinbourg. Premier, l'ailier Aleksei Makeev, un Ouralien rentré dans sa région natale après sept ans au Vityaz, un joueur technique et agile avec une bonne intelligence de jeu. Deuxième, le vétéran Pavel Datsyuk, qui revivait à 42 ans en se voyant accorder par Bill Peters plus de 18 minutes par match, soit 2 de plus que l'an passé. En plus de son talent bien connu de passeur, la qualité de tir (notamment du revers) de Datsyuk lui a donné à 18% d'efficacité cette saison. Mais ce duo est ensuite un peu rentré dans le rang. L'Avtomobilist, meilleur powerplay de ce premier quart de saison (31%), a largement décliné par la suite pour finir à 20%.

Il serait tentant de faire coïncider cette chute avec la blessure à la jambe de Datsyuk. Son absence a surtout mis en lumière la faiblesse des autres lignes mais c'est au moment de son retour que la situation a empiré. L'Avtomobilist a alors enchaîné neuf défaites, dont huit en présence du magicien. Pour enrayer cette récession, il a d'abord recruté le défenseur allemand Korbinian Holzer (qui ne laissait pas présager son excellent Mondial) puis l'attaquant technique Sergei Shumakov, acheté à l'Avangard dans ce qui fut sans doute l'investissement le moins rentable de la saison : 6 matches, 0 point, une fiche de -3 et une blessure nécessitant une opération. Ekaterinbourg a fini avec seulement la 16e attaque de la ligue.

Septième de la conférence Est, avec un état de forme de 9 défaites sur ses 13 dernières rencontres, l'Avtomobilist n'abordait pas les play-offs en grande confiance. Il était pourtant tout proche d'égaliser à deux victoires partout contre l'Avangard (futur champion), en menant 3-1 au match 4... avant de se faire rejoindre par deux buts en avantage numérique, parce que Dmitri Zhukenov et Chay Genoway ont laissé traîner leurs crosses dans les jambes adverses dans les dernières minutes. Plutôt que de se regarder dans le miroir, les dirigeants du club ont alors désigné le responsable de cet échec : les arbitres. Le compte-rendu publié sur le site internet du club adopta un ton plaintif et persécuté qui se drapait de grands mots : "Les amendes n'ont d'importance que lorsque la peur prévaut dans les âmes des gens sur le sens de la justice et de l'estime de soi." L'amende attendue, la KHL la fixa à 300 000 roubles.

Le staff réussit à faire remonter ces récriminations jusqu'au président du club, le milliardaire Andrey Kozitsyn, qui dirige la compagnie minière de l'Oural. Il suit d'assez loin le hockey, dans lequel les sommes investies lui valent pour l'instant bien moins de succès que dans le basket féminin (où il a bâti la meilleure équipe d'Europe). Il a donc paraphé une lettre de protestation à la KHL pour demander à examiner la question de l'arbitrage. Cela évite la remise en cause interne dans le même temps. L'ancien entraîneur de NHL Bill Peters - qui y avait perdu sa place pour des accusations de racisme - avait deux ans de contrat et aura donc une seconde chance. Il a même obtenu de recruter encore plus de Nord-Américains en profitant des passeports du Bélarus ou du Kazakhstan comme Jesse Blacker, même si ce sont les joueurs de style russe très technique qui ont été les plus performants cette saison. Stéphane Da Costa sera aussi rappelé : la saison du Français à Ekaterinbourg (2018/19) reste la seule où le club ait réussi à passer un tour de play-offs !

 

Severstal Cherepovets (13e) : vainqueur sur les réseaux sociaux et sur la glace

Il se disait en début de saison qu'Andrei Razin ne passerait pas l'automne si le Severstal Cherepovets n'était pas dans les huit premiers de sa conférence. Mais le club a confortablement assuré sa place en play-offs - sixième à l'Ouest - et Razin a été candidat au titre d'entraîneur de la saison (finalement décerné à Bob Hartley). Il a adapté sa communication à l'époque. Tout en restant disponible auprès des médias traditionnels, au point d'apparaître sur Match TV pour une interview entre deux matches de play-offs, Razin a ouvert depuis l'été dernier un compte Instagram privé, qui a dépassé les 5000 abonnés. Il réussit à y critiquer les arbitres sans prendre d'amende. Il ne manie donc plus les poings, il utilise les champs de bataille modernes que sont les réseaux sociaux... et il sort souvent vainqueur. Le conflit sur le recrutement du joueur Zack Mitchell, dont le Severstal pensait avoir acquis les droits sans finaliser le contrat, a été tranché par la KHL en faveur du hockeyeur et du Dynamo Minsk, à la fureur de Razin qui n'a sans doute pas les compétences contractuelles d'un manager (il occupe la fonction par défaut). Mais c'est le club biélorusse qui a vu son compte suspendu par Instagram pour avoir publié plusieurs messages caustiques anti-Razin !

Les vrais succès d'Andrei Razin ont bien évidemment été obtenus sur la glace, et non dans ces luttes puériles par clavier interposé. Réputé pour ses méthodes psychologiques dures, il a clairement obtenu l'adhésion de ses joueurs cette saison. Il a été aidé par la figure tutélaire du club Yuri Trubachev, qui a raccroché les patins après trois rencontres pour endosser un costume-cravate et devenir assistant-coach pour faire un lien précieux avec le vestiaire. Le Severstal a clairement le plus petit budget des qualifiés en playoffs, mais le fait d'avoir des étrangers très moyens n'a pas été un handicap. Cela assurait que tout le monde sans distinction travaille dans le même sens avec beaucoup de dévouement et d'effort de patinage.

Non seulement les résultats sont bons mais la formation des jeunes continue d'être un pilier à Cherepovets : l'inattendu Nikita Guslistov est devenu à 18 ans le plus jeune Russe à signer un hat-trick en KHL, avant de devenir le plus jeune capitaine de l'histoire de la ligue à la faveur d'un match à Saint-Pétersbourg où Razin avait aligné une équipe bis pour faire souffler ses joueurs. Méthode critiquée, mais pari gagnant puisque le Severstal ainsi reposé avait gagné les trois rencontres suivantes pour assurer sa qualification.

Même en play-offs, le Severstal a longtemps fait trembler le plus prestigieux Dynamo Moscou. Il était tout proche de mener 2 victoires à 1, quand Dmitri Kagarlitsky - un joueur formé à Cherepovets - a crucifié son club d'origine en égalisant à trois secondes de la fin. La persévérance n'aura pas suffi face à une équipe au budget trois fois supérieur. C'est justement au Dynamo que retournera Aleksandr Petunin, meilleur marqueur du Severstal avec 39 points (autant que lors de ses trois premières saisons de KHL cumulées). C'est la troisième fois qu'il fait l'aller-retour entre Moscou et Cherepovets dans ce qui apparaît comme un prêt déguisé (les prêts étant interdits par les règlements de la KHL).

 

Torpedo Nijni Novgorod (14e) : une grande liberté offensive

La présence en play-offs du Torpedo Nijni Novgorod n'avait rien d'une évidence l'été dernier. Le club avait réduit son budget et avait même réduit le salaire de son entraîneur canadien russophone David Nemirovsky. On dit qu'il a fallu l'intervention du gouverneur de la région pour le convaincre de rester et pour trouver un accord in extremis avec le meilleur marqueur Damir Zhafyarov.

Fort heureusement. Zhafyarov est devenu le troisième marqueur de toute la KHL avec 61 points, et a prêté un peu plus attention à la défense en améliorant sa fiche de -16 à +6. Il a bénéficié d'une très grande liberté offensive avec plus de 20 minutes de temps de jeu par match, et a profité du retour du centre américain Andy Miele, avec lequel il avait joué deux ans plus tôt. Zhafyarov et Miele se sont vus adjoindre Ivan Chekhovich, qui avait été élu sur l'équipe-type du Mondial U18 en 2017 mais n'avait pas été sélectionné chez les moins de 20 ans russes : l'ailier buteur oublié en AHL a été si performant lors de son prêt par San José (17 buts) qu'il a même eu droit à ses débuts en NHL à son retour en fin de saison.

Le jeu offensif et imprévisible de Nijni Novgorod a aussi bénéficié à Chris Wideman, pour sa première saison hors de NHL/AHL. Meilleur marqueur des défenseurs de KHL avec 41 points, l'Américain de 31 ans a été le seul joueur de la ligue russe appelé par les États-Unis aux championnats du monde et y a remporté la médaille de bronze, même s'il n'a pas mis de point contrairement à son premier Mondial il y a cinq ans. Chekhovich a aussi obtenu ses premières sélections en équipe de Russie en février, aux côtés d'un Zhafyarov nommé capitaine pour l'occasion. Mais ces joueurs restent un peu trop unidimensionnels et trop peu physiques pour prétendre à une place en équipe nationale dans une grande compétition.

Même sur le plan offensif, le Torpedo a montré ses limites après la trêve internationale puisqu'il a perdu tous ses matches : 5 en saison régulière, qui l'ont fait glisser à la huitième place à l'Est, puis 4 contre le vainqueur de la conférence Kazan. Mais juste avant ces play-offs, Nemirovsky avait obtenu une prolongation d'un an de son contrat, ayant rempli sa mission. Il n'y aura pas de psychodrame estival cette fois. C'est plutôt le club qui risque de ronger son frein, car Zhafyarov veut examiner les possibilités en Amérique du nord avant de resigner.

 

Dinamo Minsk (15e) : toutes les manettes dans les mêmes mains

Directeur du Dinamo Minsk, devenu également cette saison président de la fédération, Dmitri Baskov était impliqué en toute chose cette saison (même dans le meurtre d'un opposant auquel il est soupçonne d'avoir participé...). La première fois que l'entraîneur Craig Woodcroft est tombé malade de la Covid-19, Baskov a même fait office de coach lors d'un match à Riga (perdu aux tirs au but), avant que l'on nomme un vrai entraîneur par intérim - Konstantin Koltsov - dans ces cas-là. Avant l'échec du Bélarus aux championnats du monde, il a donc eu la satisfaction de voir le Dinamo atteindre les play-offs après la dernière place de l'ouest la saison passée. Une qualification vitale pour l'existence du club.

Baskov a en effet rappelé les enjeux à l'issue du championnat : "Il y a deux ans, nous avons fait un pas risqué en pariant sur les jeunes. Nous comprenions que c'était inévitable et nécessaire pour le hockey biélorusse. Malheureusement, nous avons connu une saison difficile et un barrage de critiques. Certaines personnes avec l'accès au sommet de l'État ont été rapides à étiqueter le Dinamo comme un échec. [...] Beaucoup étaient déterminés à clore le projet. Nous avons passé un accord que l'on peut dévoiler. Tout était en jeu : si l'équipe associée à la confiance aux jeunes ne fonctionnait pas, le Dinamo ne jouerait plus en KHL."

Ce discours officiel est un peu trop beau pour être vrai. Les jeunes qui ont brillé sont ceux qui ont été prêtés par des franchises de NHL en attendant que la saison ne commence outre-Atlantique : Egor Sharangovich, Aleksei Protas, Maksim Sushko et Vladislav Kolyachonok. Ce sont tous de grands espoirs du hockey biélorusse, mais ils semblent tous inscrire leur avenir en Amérique et le Dinamo n'a servi que de point de chute provisoire en raison de la pandémie. Si on enlève ces joueurs de passage, les seuls jeunes Biélorusses qui ont eu du temps de jeu sont Stepan Falkovsky (20 ans) et Ilya Solovyov (24 ans). Mais les autres postes-clés ont tous été tenus par des étrangers.

Le poste qui a fait le plus débat est celui des gardiens, car le Tchèque Dominik Furch a joué 80% du temps (et 100% en play-offs) avec des performances souvent décevantes. Les portiers de l'équipe nationale - dont le naturalisé Danny Taylor - ont eu très peu voix au chapitre, ce qui a été l'excuse majeure utilisée aux Mondiaux par le sélectionneur Zakharov. Avec la nomination de Woodcroft comme entraîneur national, le staff du Dinamo Minsk aura toutes les manettes du hockey biélorusse... mais il reste difficile de concilier les objectifs de conduire à la fois le club et l'équipe nationale au succès.

 

Spartak Moscou (16e) : la dernière colère de Znarok

Le Spartak a aussi mal commencé la saison que la précédente (2 victoires en 8 rencontres) mais il avait cette fois une bonne excuse puisque le coronavirus l'avait privé de ses deux meilleurs centres Jori Lehterä et Robin Hanzl. Mais il ne faut pas oublier que les Moscovites avaient de toute manière 6 étrangers pour 5 places. Ils n'auraient pas pu les aligner en permanence en dehors des absences de Lehterä (également blessé début janvier), meilleur marqueur de l'équipe même s'il a manqué un tiers des rencontres. Les blessures plus longues des défenseurs russes, notamment de l'arrière le plus stable Dmitri Vishnevsky, ont peut-être été plus handicapantes.

Le directeur général Andrei Zhamnov est même descendu lui-même sur le banc en janvier, ce qui n'était pas un grand signe de confiance envers le coach Oleg Znarok. Mi-décembre déjà, la rupture du contrat de Roman Lyubimov (avec un triste bilan de 5 pts et -17), un ex-international du temps où Znarok était sélectionneur, était déjà un coup de griffe indirect envers l'entraîneur. Après tout, c'est lui qui avait choisi de s'entourer de vétérans. Tous n'ont pas échoué d'ailleurs : l'attaquant Sergei Shirokov, qui avait intégré l'équipe de Russie avant Znarok mais n'a jamais été réinvité après son départ, a connu une très bonne saison et égalé à 35 ans son record personnel avec 22 buts.

Néanmoins, la valeur ajoutée d'Oleg Znarok a paru bien faible pour l'entraîneur le mieux payé de KHL (on évoque 80 millions de roubles, soit 900 000 euros annuels). Les sponsors du Spartak - liés à l'homme fort de KHL Gennadi Timchenko - avaient confié le budget pour un effectif de haut niveau et n'ont jamais senti le retour sur investissement.

Le Spartak s'est qualifié à la huitième et dernière place à l'ouest, ce qui l'a placé face au CSKA. Il n'a jamais eu la moindre chance. Znarok s'est juste vanté d'avoir tenu le 0-0 au premier match en soixante minutes, un soir de "HudaShow" du gardien international slovaque Julius Hudacek (en dessous de ses performances de l'an passé). Znarok a même été décrit comme un entraîneur installé dans son confort matériel. On ne sentait plus la même colère transpirer de lui, sauf pour s'en prendre à la dernière conférence de presse aux journalistes qui critiquaient son jeu russe traditionnel, jugé trop passif et daté. Un dernier coup de gueule avant son éviction annoncée.

 

Vityaz Podolsk (17e) : une ligne dominante n'a pas suffi

Dans une KHL soumise à un plafond salarial, une ligne dominante pouvait-elle la clé pour accéder aux play-offs ? Les autres équipes éliminées ne comptent aucun joueur dans les 20 meilleurs marqueurs de la ligue et enviaient souvent le Vityaz Podolsk, qui en compte deux avec Justin Danforth, cinquième (puis étonnamment champion du monde avec le Canada), et le capitaine letton Kaspars Daugavins, onzième.

De fait, le club de la région de Moscou a pu compter sur une très forte première ligne Tedenby-Danforth-Daugavins, capable de faire des ravages grâce à l'agilité et à la vivacité des deux petits gabarits (Mattias Tedenby et Danforth), complétés par l'intensité de leur collègue balte. Cela n'a pourtant pas suffi. Le Vityaz n'a même pas pu disputer une "finale" pour la qualification au dernier match de saison régulière contre le Spartak. Il a été éliminé juste avant en perdant ses rencontres précédentes. Certains ont pointé comme responsable de cet échec Linus Hultström, dont les erreurs auraient coûté les points décisifs, mais cela n'a pas empêché le défenseur - très - offensif suédois d'être embauché par un grand club (Magnitka).

D'autres fustigent donc plutôt l'entraîneur Mikhaïl Kravets, qui n'a pas répété la performance de sa première saison. Il n'aurait pas su suffisamment motiver l'équipe qui a trop souvent "décompressé" contre un adversaire plus faible après avoir réussi une grosse performance. Dans tous les cas, au vu des conditions dans lesquelles cet effectif a été assemblé (une baisse de salaire forcée de 25% au dernier moment en août), il est peu probable que le Vityaz puisse refaire le coup une seconde fois. Pas sûr que le premier trio soit aussi fort la saison prochaine...

 

Sibir Novosibirsk (18e) : mêmes ingrédients, résultat moins goûtu

Au printemps 2020, le Sibir Novosibirsk passait un tour de play-offs mais était interrompu dans son élan par l'arrêt forcé du championnat. Cette fois, il a franchement raté sa saison et a été éliminé. Il s'est pourtant appuyé sur les mêmes ingrédients, en remettant essentiellement son destin sur ses renforts finlandais. Il continuera de le faire pour ce qui est du gardien Harri Säteri et du défenseur Jyrki Jokipakka, même si leurs performances ont été décevantes en début de saison quand les Sibériens ont perdu de points qu'ils n'ont jamais rattrapés. En revanche, les attaquants Mikael Ruohomaa et Juuso Puustinen ne seront pas conservés.

Après une très belle première saison, l'entraîneur Nikolaï Zavarukhin a été la principale victime de cet seconde saison moins favorable. On ne lui a jamais proposé de prolongation. Le contrat du manager Kirill Fastovsky est en revanche toujours en cours, même s'il a échoué lui aussi (aucun des renforts arrivés en cours de saison n'a amélioré la situation).

Fastovsky a fui la presse, et a même paru fuir ses responsabilités. Le défenseur Vitali Menshikov - le joueur qui mettait le plus de mises en échec et une figure historique du club - a ainsi été surpris en octobre d'apprendre de la bouche de son coach que le manager ne voulait plus de lui, sans que celui-ci assume de lui annoncer et expliquer sa décision. Les résultats moins bons ont sans doute rejailli sur l'ambiance dans l'équipe. Lassé de ne plus jouer, Vladimir Pervushin a par exemple mis un terme à sa carrière à 34 ans en plein milieu de la saison pour devenir entraîneur de jeunes au sein du club, un poste qui reste trop peu reconnu de nos jours en Russie, car financièrement peu gratifiant.

 

Amur Khabarovsk (19e) : l'entraîneur qu'on savait condamné

La saison de l'Amur Khabarovsk semblait condamnée avant même d'avoir débuté. Après le départ de l'entraîneur Gulyavtsev pendant la pré-saison, l'adjoint Pavel Torgaev s'était vu confier l'équipe dans des conditions très difficiles : ses joueurs étaient tour à tour tombés malades du Covid-19, et lui-même l'a attrapé. Sa santé n'a pas suscité la moindre pitié. Après une victoire suivie de six défaites, il a été viré, et Sergei Svetlov a alors pris sa place. Il avait été envisagé d'embaucher celui-ci en août, et cela aurait finalement été plus simple et préférable pour tout le monde.

Arrivé fin septembre, Svetlov a sans doute manqué de temps pour travailler, même si son système de jeu est assez simple et dépend surtout de l'absence d'erreurs individuelles. Un système dans lequel Nail Yakupov n'avait plus vraiment sa place. Le club s'est démené pour échanger sa recrue-surprise et obtenir une compensation financière : Yakupov a été échangé à l'Avangard, un deal gagnant-gagnant, surtout pour l'ancien numéro 1 de draft NHL qui aura soulevé le premier trophée de sa carrière (sans vraiment y contribuer puisqu'il était blessé pour les play-offs).

Même l'international tchèque Tomas Zohorna, figure du club depuis six saisons et devenu capitaine, est rentré au pays fin janvier parce que sa femme accoucherait bientôt. Les honneurs qui lui furent alors rendus impliquaient clairement qu'il ne reviendrait plus. Le club s'est peut-être trouvé un nouveau leader plus local avec son nouveau meilleur marqueur Vladimir Butuzov, un Sibérien qui avait déjà passé trois ans à Vladivostok (dans l'autre équipe d'Extrême-Orient qui fera son retour la saison prochaine) et qui a récolté ses premières sélections en équipe de Russie grâce à cette bonne saison.

 

Neftekhimik Nijnekamsk (20e) : ce n'est finalement pas si horrible ici

Le Neftekhimik Nijnenamsk a fini avec la pire défense de la KHL. Le poste de gardien n'y est peut-être pas étranger. Konstantin Barulin, solide titulaire la saison passée, n'a joué qu'un tiers des rencontres cette fois, parce qu'il n'a obtenu que 3 des 19 victoires du club. Lui qui avait toujours eu de bonnes stats a fini sous les 89%, bien en dessous de son collègue (Evgeni Ivannikov). Ancien MVP des play-offs 2011, ce qui lui avait valu de garder la cage de l'équipe de Russie et d'être champion du monde en 2021, Barulin a connu une triste fin en étant viré par le club tatar le 11 janvier. À 36 ans, il ne souhaitait pas prendre sa retraite pour autant et a retrouvé un club en République tchèque (Pardubice) dix jours plus tard pour finir la saison.

Que la faible performance défensive provienne du système de jeu ou bien des joueurs et gardiens, la responsabilité en revient dans tous les cas à Vyacheslav Butsaev puisque l'entraîneur avait aussi la responsabilité du recrutement, un privilège rare en KHL. Il travaillait aussi avec un budget limité. Des négociations ont eu lieu en fin de saison, mais les parties ne se sont pas entendues sur une prolongation de contrat. On pouvait alors craindre que le Neftekhimik doive repartir à nouveau de zéro, car il avait annoncé le départ de tous ses étrangers... mais ce ne sera pas tout à fait le cas.

Parti finir la saison à Lausanne, Libor Hudacek a eu la malchance de se fracturer le tibia à son quatrième match. S'il espérait initialement rester en Suisse, le club vaudois préférait attendre de voir comment son os se reformerait lorsque le plâtre serait enlevé. L'international slovaque, qui n'avait jamais connu de blessure si grave, a préféré jouer la sécurité en signant un contrat sans attendre avec le Neftekhimik. Il s'est plutôt plu en expliquant aux journalistes slovaques que Nijnekamsk n'était "pas aussi horrible que nous le pensions". Ce sera pris pour un beau compliment dans une ville souvent vilipendée... Sa famille ne se plaignait pas, en habitant à côté d'un joli parc, et lui-même parle maintenant bien le russe. Avec 17 points, 21 assists et une fiche positive (+3), Hudacek a connu une saison solide qui peut en faire un leader précieux.

 

HK Sotchi (21e) : beaucoup de jeunes mais peu de révélations

Il y a eu peu de licenciements d'entraîneurs cette saison en KHL, et ils étaient prévisibles dès l'intersaison. On a déjà évoqué le cas de Khabarovsk. Aleksandr Andrievsky, l'ancien capitaine de l'équipe nationale du Bélarus, a été viré après 13 matches, un peu moins d'un an après son arrivée. Les résultats (avec un calendrier difficile) expliquaient bien ce renvoi, mais ce n'était pas le seul motif. Une semaine plus tôt, un conflit interne avait éclaté dans l'effectif, et les autres joueurs s'étaient opposés à deux membres de l'équipe. L'entraîneur Andrievsky les avait soutenus, mais avait été désavoué par le directeur sportif Andrei Zyuzin. Celui-ci l'a remplacé par un coach plus malléable car inexpérimenté, Evgeni Starovsky, qui entraînait l'équipe junior à Cherepovets avec à peine quelques semaines d'expérience auprès de l'équipe première comme adjoint.

Zyuzin a totalement refondu l'équipe à sa façon. En quelques mois, il a remplacé 90% des joueurs et entraîneurs. Dans une équipe où les étrangers n'étaient pas performants, il avait beau jeu d'en rejeter la faute à son prédécesseur qui les avait recrutés. C'est bien Zyuzin qui a échangé le seul renfort étranger susceptible de mener l'offensive, Malte Strömwall, au SKA Saint-Pétersbourg en échange de trois jeunes. Une politique totalement assumée : Zyuzin ne fait pas mystère de ses liens forts avec le staff du SKA - qui est aussi celui de l'équipe nationale - et souhaite faire du HK Sotchi une plate-forme pour donner du temps de glace aux jeunes joueurs russes en KHL, temps de glace qu'ils n'ont pas dans les grands clubs.

Le bilan de cette stratégie n'est toutefois pas totalement convaincant. Le contraste entre le discours et la réalité était béant aux yeux des supporters, dont certains appelaient même à boycotter le club. S'il est vrai que les leaders de l'équipe ont été russes, le meilleur marqueur Sergei Shmelyov - qui a obtenu ses premières sélections internationales en février - effectuait sa quatrième année à Sotchi. Ce n'est donc pas une découverte. Le jeune joueur qui a le mieux bénéficié du temps de jeu pour s'exprimer, c'est le défenseur offensif Daniil Miromanov avec ses 29 points. Mais comme les Vegas Golden Knights l'ont signé en mars pour la saison prochaine en le testant en AHL pour la fin de saison, il ne risque pas de profiter beaucoup au SKA et/ou à l'équipe de Russie. Les autres jeunes n'ont pas encore franchi un cap.

Si Sotchi a fini avec la pire attaque de KHL (2,01 buts par match), c'est aussi parce qu'elle manquait cruellement d'expérience au poste de centre, où seul Nikita Tochitsky avait assez de bouteille. En particulier, German Rubtsov, prêté par les Flyers de Philadelphie, n'a pas saisi l'opportunité de démontrer le potentiel qu'on lui prédisait : tant en buts (3), points (11), engagements gagnés (seulement 41%) ou passes réussies (à peine 68%), la saison de ses 22 ans n'a rien eu de folichon pour un ancien premier tour de draft NHL.

 

Kunlun Red Star (22e) : un projet un peu vidé de sens

En interdisant quasiment tout contact entre la Chine et l'extérieur, la pandémie mondiale semble avoir privé de sa raison d'être le Kunlun Red Star. Quel intérêt d'un club qui ne se présente pas devant le public chinois et qui évolue en Russie avec des joueurs russes ou nord-américains ? Il a encore un peu fait parler de lui, notamment en novembre lorsque Stephanie Klein - qui travaillait avec l'équipe féminine de l'organisation - est devenue la première femme responsable du matériel d'une équipe de KHL pour remplacer l'habituel titulaire du poste, malade (Dmitry Safonov). Ce n'est pas un poste si évident car l'argent manque même pour le matériel au sein du club.

Sportivement, Kunlun n'intéresse plus guère et a fini sans gloire à l'avant-dernière place. Financièrement, les salaires impayés ont rendu le club peu attractif. L'entraîneur Aleksei Kovalev a conclu que le challenge n'en valait pas la chandelle et refusé la proposition de prolongation.

Et le projet olympique dans tout ça ? C'est le flou total. Curt Fraser - viré du Kunlun Red Star l'an dernier sans recevoir ses indemnités - vient de démissionner de son poste de sélectionneur national pour raisons personnelles. L'équipe de Chine n'a plus joué depuis la pandémie, et personne ne sait à quoi elle ressemblera. On a une petite idée tout de même : maintenant qu'ils ont passé deux années complètes avec l'équipe du Kunlun Red Star restée sous licence chinoise, les Canadiens Spencer Foo et Tyler Wong sont maintenant éligibles à l'équipe nationale.

 

Dinamo Riga (23e) : des malades et un voleur de crosse

Le Dinamo Riga a connu la pire saison de l'histoire de la ligue, et elle a été gâchée d'entrée. L'équipe a été infectée en deux vagues par la Covid-19, début septembre puis mi-octobre, perdant deux matches par forfait à chaque fois. Dans l'intervalle, les Lettons ont dû aligner des juniors pour ne pas subir d'autres défaites sur tapis vert. Le Dinamo ne comptait que 2 victoires en 2 mois, et avait déjà commencé à dégraisser son effectif à la trêve de novembre en renvoyant les vétérans internationaux lettons Mikelis Redlihs et Gints Meija. En manque de vécu commun, le système de jeu n'a pas vraiment pu se mettre en place et le Dinamo Riga n'a jamais été compétitif, avec à peine 9 victoires en 60 rencontres.

Peteris Skudra continuait de mettre la pression sur ses hommes, en les clouant parfois sur le banc après une mauvaise présence, mais avec le budget en baisse du club letton, cette méthode de management tombait à plat faute d'alternative crédible pour mettre en place cette concurrence interne. Même si le Dinamo a utilisé 45 joueurs et 8 gardiens (!), les leaders ont été toujours les mêmes, Miks Indrasis et Lauris Darzins, plus le jeune Martins Dzierkals qui est aussi devenu une alternative offensive en équipe nationale de Lettonie. In fine, alors qu'une prolongation semblait un temps envisagée, le comité directeur a décidé de ne pas renouveler sa confiance en Skudra.

Il ne servait à rien de cherchait une responsabilité individuelle dans une équipe collectivement trop faible. Le duo de gardiens Galimov/Proskuryakov, que le coach Peteris Skudra avait eu sous ses ordres au Torpedo, n'a certes jamais eu de bonnes stats, en dessous de 89% d'arrêts... mais tous les jokers embauchés ensuite ont fait encore pire : il faut dire qu'Aleksandr Lazushin a gardé la cage derrière des juniors pendant l'épidémie et que Zane McIntyre ne s'était pas entraîné depuis quatre mois. Une interview de Stanislav Galimov à Sport Express explique la situation qu'il a vécue : "Je vais vous dire comment on était traité pour le Covid à Riga. Nous étions confinés dans notre appartement, on nous a apporté un thermomètre, de la vitamine C, et on nous a dit de commander nous-mêmes de la nourriture. Nous avons repris le jeu sans délai, et cela a entraîné des blessures. Une fois guéri, j'ai joué dix matches de suite. J'ai ressenti une douleur musculaire. Lors du match à Cherepovets, on m'a dit de me reposer et on a titularisé Ilya Proskuryakov. À la mi-match, Ilya a été remplacé après deux buts encaissés. Je suis entré à froid, j'ai dû faire des sauts et le muscle m'a fait mal. Après des traitements, cela semblait aller mieux. Puis, il ne restait que moi et le jeune Bruno Bruveris parmi les gardiens. Ils m'ont dit que je devait jouer. Je me suis fait une déchirure au bout de cinq minutes. J'ai dit à Peteris que je voulais être opéré en Allemagne, où cela coûtait 10 000 euros, et pas ici. Peteris m'a dit qu'on me rembourserait 2 000 € (le coût de l'opération équivalente à Riga). J'ai envoyé tous les documents et reçus, mais quand Peteris a été viré, j'ai compris que cela ne servirait à rien."

Il n'y a donc rien de bon à retirer de cette saison... sauf pour un homme qui en a gardé un souvenir. Le défenseur canadien Jordan Murray a choqué la KHL lorsqu'il a volé la crosse d'Ilya Kovalchuk lors d'un match contre l'Avangard. Un comportement étrange alors qu'il aurait pu la demander à la star s'il y tenait tellement...

 

Marc Branchu

 

 

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