Autriche 2019/20 : panorama

 

Le dernier championnat 2018/19 - Les présentations 2018, 2017, 2016, 2015, 2014, 2013, 2012, 2011, 2010, 2009, 2008, 2007, 2006, 2005, 2004, 2003 et 2002.

 

C'est la première fois depuis l'internationalisation de la ligue autrichienne en 2006 qu'elle se déroulera sans clubs de l'ex-Yougoslavie. Après les clubs slovènes qui n'avaient pas pu suivre la cadence financièrement, ce sont les Croates du Medvescak Zagreb qui ont explosé en vol la saison dernière. Il n'y aura donc que 11 clubs au départ : un temps évoqué pour compléter le panel, Feldkirch a reporté sa candidature en 2020 par manque de temps de préparation.

Avoir un nombre impair de participants faisant un peu tâche, les dirigeants de la ligue ont communiqué en fin de saison dernière sur l'énorme croissance économique de la ligue en deux décennies, mais aussi sur son intérêt sportif : 4 champions différents sur les quatre dernières années, 42% des rencontres avec un seul but d'écart (et même 56% en play-offs). Dans le même temps, la ligue a répondu à une forte attente en limitant le nombre d'étrangers à 11, alors qu'il était jusqu'ici possible d'en aligner jusqu'à 13.

Cette opération de communication de la ligue paraît encore plus indispensable depuis l'information qui a choqué le hockey autrichien en octobre : le sponsor Erste Bank se retire du hockey sur glace en fin de saison. Cela fait 17 ans que la banque donne son nom à la ligue, une durée très longue pour ce genre de partenariat. Toute l'Europe s'était habituée à parler d'EBEL pour évoquer la ligue autrichienne élargie, en oubliant que cette "Erste Bank Eishockey Liga" n'était qu'un nom sponsorisé par nature éphémère. Ce sont 2,35 millions d'euros annuels (dont un tiers était distribué aux clubs) qui ne rentreront plus dans les caisses, ce qui pourrait mettre en difficulté les petits clubs. En plus, le contrat de télévision gratuite avec ServusTV est échu en fin de saison (la chaîne possédée par Red Bull ne diffuse que les play-offs sur la télévision proprement dite, la saison régulière n'étant visible que sur internet), et celui avec la télévision payante Sky s'achève en 2021. La ligue doit donc réfléchir de zéro à son concept, et envisage de produire elle-même ses images, mais cela a un coût.

Or, l'argent viendra à manquer sans nouveau mécène. Les ligues des moins de 20 ans et des moins de 18 ans (EBYSL et EBJL) pourraient être les premières sacrifiées, en rendant leur organisation à la fédération autrichienne. Mais il faut savoir que la fédération elle-même est sponsorisée par Erste Bank, et qu'elle est donc autant impactée, voire plus car ses ressources sont plus faibles. Juste avant de partir en Asie pour son voyage de noces, le président de la fédération autrichienne Gernot Mittendorfer (qui était comme par hasard directeur financier de Erste Group Bank avant un changement complet de dirigeants cet été...) a reçu un cadeau de mariage particulier, celui de devoir informer ses collaborateurs de la fin du partenariat. Face aux articles de presse alarmistes, la fédération a cependant publié un communiqué précisant que son propre contrat avec Erste Bank était signé jusqu'en 2021. Ce qui reporte le problème, mais ne le résout pas.

 

31 titres de champion : c'est le record exceptionnel dont peut se targuer Klagenfurt depuis le printemps. Le KAC n'a presque pas modifié son effectif et fait figure de prétendant naturel à sa propre succession. Il a simplement remplacé deux des étrangers par deux internationaux autrichiens de retour au pays, Lukas Haudum - depuis quatre ans en Suède et invité au camp de développement des Toronto Maple Leafs en juin dernier - et Manuel Ganahl - qui a découvert le haut niveau en Liiga finlandaise avec une saison à zéro but.

C'est pourtant le moins attendu des deux qui a le mieux démarré. C'est l'unique trio 100% autrichien de l'attaque qui porte l'offensive à la surprise générale. Thomas Hundertpfund, actuellement en grande forme, emmène avec lui ses compagnons de ligne Ganahl et Johannes Bischofberger. Et dans le même temps, le meilleur marqueur de l'an passé Nick Petersen - séparé de son centre de la saison dernière Thomas Koch qui sert les ailiers plus performants Matt Neal et Andrew Kozek - a vécu une grande crise de confiance et d'efficacité cet automne. Petersen a connu quelques changements de partenaires avant de se retrouver avec Haudum et le jeune centre Daniel Obersteiner (21 ans), valeur montante incorporée seulement en cours de saison dernière qui fait preuve de beaucoup de volonté.

Ces modifications des états de forme caractérisent un peu l'évolution actuelle de l'équipe. En défense aussi, David Fischer et Adam Comrie, qui ont joué un rôle-clé dans la conquête du titre avec un temps de jeu élevé, commettent désormais bien plus d'erreurs. Et dans les cages, le Norvégien Lars Haugen, exceptionnel lors des derniers play-offs, a vu sa doublure David Madlener lui passer devant avec d'excellentes statistiques. Ce n'est finalement pas plus mal pour un champion sortant de voir la hiérarchie interne évoluer  cela maintient de la vie et de l'enjeu au sein du groupe qui ne se repose pas sur ses acquis. La largeur de l'effectif envoie régulièrement des joueurs confirmés faire un petit tour en équipe-réserve.

 

En trois années, l'entraîneur américain Greg Poss n'aura jamais remporté le titre suprême avec Salzbourg. Un nouveau départ a été décidé avec un jeune coach de 33 ans, Matt McIlvane, qui était l'adjoint de Don Jackson au sein de l'autre club appartenant à la multinationale, Munich. De nouveau, un entraîneur navigue entre les deux villes afin de dupliquer un système qui fonctionne  un forecheck très agressif, tout en restant compact derrière.

L'équipe sponsorisée par Red Bull ne paraît plus être la favorite numéro 1, ce qui est assez inhabituel. La raison est qu'elle a décidé d'elle-même de commencer la saison avec 7 étrangers (encore moins que Klagenfurt qui en a 8). Si un huitième import est arrivé fin octobre avec Connor Brickley (attaquant de 27 ans qui oscillait entre NHL et AHL), c'est par obligation et pour une raison bien triste : le centre international Alexander Rauchenwald a dû quitter son poste pour soigner un cancer.

Après la retraite du capitaine Matthias Trattnig, une forte personnalité, beaucoup voyaient cette nouvelle saison comme un défi pour les autres cadres autrichiens qui n'ont pas toujours eu la même constance et le même leadership. Thomas Raffl semble avoir répondu à l'appel : il n'a pas hésité à son conseiller au nouveau coach l'identité de son nouveau centre (pour remplacer Ryan Duncan retraité). Avec son collègue ailier John Hughes, qui était déjà son partenaire l'an passé, ils pensaient comme tout le groupe que Raphael Herburger, que Poss s'obstinait à faire jouer à l'aile depuis trois ans, était bien plus pertinent au centre. Le résultat est sans équivoque : la ligne Raffl-Herburger-Hughes est dominante depuis le début de saison (et Lugano a déjà mis sous contrat Herburger pour l'année prochaine).

Même des buteurs réputés comme Bud Holloway et Chad Kolarik, les deux recrues estivales majeures, sont réduits à des seconds rôles. Le seul défaut de Salzbourg est presque d'être trop dépendant en ce moment des performances de son premier trio et de son gardien Jean-Philippe Lamoureux. Arrivé de Vienne, Lamoureux signe encore de grandes performances à 35 ans, trop content de pouvoir disposer à nouveau de l'entraîneur des gardiens Markus Kerschbaumer, le "gourou" qui en avait fait le meilleur portier de la ligue à Villach.

 

À l'intersaison, les Vienna Capitals, vice-champions sortants, ont perdu rien moins que leurs trois meilleurs marqueurs autrichiens. Le capitaine Andreas Nödl a pris sa retraite, le MVP de la saison Peter Schneider est parti en LNA suisse à Bienne et la révélation Benjamin Nissner a tenté sa chance à Tingsryd en Allsvenskan suédoise. Comme si cela ne suffisait pas, la poisse s'est acharnée. Le meilleur attaquant restant, Rafael Rotter, s'est de nouveau démis la cheville en août, absent jusqu'à Noël, et le meilleur défenseur restant Patrick Peter a vu a saison se terminer dès le mois d'octobre avec une rupture des ligaments croisés du genou droit.

Dans ces conditions, on comprend que Vienne utilise à plein le quota d'étrangers. Dès la pré-saison, l'entraîneur Dave Cameron a aligné deux blocs complets d'étrangers, plus le nouveau gardien titulaire Ryan Zapolski. Et s'il a dérogé à cette règle, c'est parce qu'il avait besoin des qualités dans les deux sens de la glace de Mike Zalewski comme centre de la troisième ligne. Un Autrichien, Nikolaus Hertl, en a alors profité pour se mettre en valeur sur les ailes du top-6.

L'équilibre fonctionne - Salzbourg s'est installé en tête du classement - parce qu'aucun étranger ne s'est blessé. Les trois attaquants Sondre Olden, Riley Holzapfel et Ty Loney (ex-Graz) ont toutes les qualités techniques et physiques pour mener l'offensive. Le nouveau venu en défense Brenden Kichton avait prouvé en AHL et en Liiga ses qualités dans la conduite du palet et pour mener un jeu de puissance à la ligne bleue. Mais ce retour contraint à deux lignes importées, qui laisse les Autrichiens au second plan, est un retour en arrière au développement réalisé par le club ces dernières années.

 

Le quatrième grand club autrichien (au vu de ses moyens économiques), Linz, reste sur sa pire saison depuis qu'il a intégré la nouvelle élite autrichienne en 2000. Trop lente, trop peu physique, l'équipe composée par Troy Ward a raté la qualification pour le top-6. Arrivé en janvier des Florida Panthers où il était au placard depuis un an et demi (il en restait autant à son contrat), Tom Rowe n'a pu redresser la barre en fin de saison. L'homme qui a symbolisé malgré lui en NHL la guerre entre les "modernes" (tenants des statistiques avancées) et les "anciens" (qui ne juraient que par les "gros" en défense) bénéficie paradoxalement pour cette nouvelle saison d'un recrutement... de poids. Les nombreux gabarits imposants qui arrivent ne sont toutefois qu'un des aspects du recrutement.

L'effectif ne s'est pas densifié qu'en masse musculaire, mais aussi dans la profondeur. Il est bien mieux paré pour réagir aux blessures, et l'a déjà montré pendant les absences de deux recrues, le défenseur slovaque Juraj Valach (relativement mobile pour un joueur de 2m02 et 103 kg), blessé aux ligaments du genou lors de la préparation, puis le centre Mark McNeill, un ancien premier tour de draft NHL qui la réputation de pouvoir passer d'excellent à invisible d'un match à l'autre. Le club a fortement investi cet été, y compris pour se débarrasser de joueurs décevants qui étaient encore sous contrat (Kapstad, Brocklehurst, Locke). Il faut dire qu'à défaut d'avoir pu faire revenir à la maison Lukas Haudum, qui a eu une proposition supérieure de Salzbourg, le club a récupéré 30 000 d'indemnité de formation grâce à l'unique apparition de Haudum en équipe première avant son départ en Suède.

Le club est compétitif dans toutes ses lignes. Le buteur Brian Lebler mène toujours l'offensive avec son centre Rick Schofield, et le Suédois Dragan Umicevic, toujours capable d'une passe décisive, paraît en meilleure forme physique que l'an passé. La défense a un meneur très mobile avec Josh Roach (dans l'équipe-type d'EIHL la saison passée avec Belfast). Surtout, David Kickert montre énormément de confiance et d'assurance alors qu'il est le seul gardien autrichien titulaire dans la ligue : une maturité qui se traduira enfin en équipe nationale ?

 

Rappelons qu'en mai dernier, Kickert et l'équipe d'Autriche ont vécu une immense déception en perdant leur place dans l'élite mondiale au profit de l'inattendue Italie. Clayton Beddoes, l'entraîneur de la formation transalpine, est aussi celui de Bolzano : il est entré en fonction juste avant les play-offs et a été (tardivement) prolongé cet été. Le club italien, même s'il perd à chaque intersaison ses meilleurs éléments, joue toujours les trouble-fête et reste capable de donner la leçon aux Autrichiens chez eux.

Mais avec seulement onze participants dans la ligue, la poule finale qui garantit l'accès aux play-offs n'accueille plus que cinq clubs. Les places y sont donc très chères, et le HCB a un peu perdu du temps en début de saison. Comme les rares joueurs italiens (y compris les doubles passeports) valent plus de points en prenant de l'âge, Bolzano est très contraint par le système compliqué de quotas de points de la ligue. Il a attendu le 11 septembre, deux jours avant le début du championnat, pour enfin prolonger Daniel Frank, un joueur qui a toujours mouillé le maillot. Mieux vaut tard que jamais, car Frank forme depuis lors la meilleure quatrième ligne de la ligue aux côtés du jeune international Ivan Deluca et du centre Domenic Alberga, un Italo-Canadien trouvé en ECHL/AHL. Bolzano est ainsi la seule équipe à avoir quatre lignes vraiment capables de marquer régulièrement, à défaut d'avoir un premier bloc évident.

La défense, qui a toujours été le point fort des Foxes, a aussi été complétée au dernier moment. Brett Flemming, qui avait laissé d'excellents souvenirs en 2015/16, n'a signé que début septembre. Il a passé les trois dernières saisons en Extraliga tchèque à Chomutov, avant la descente au printemps. Flemming fait preuve d'authentiques qualités de combattant, et c'est d'ailleurs ce qui lui a coûté sa place : il s'est cassé le doigt en bloquant un lancer. Le reste de la défense (dont Kevin Spinozzi, fils de l'entraîneur de Neuilly-sur-Marne, pour sa première expérience européenne) doit compenser tant bien que mal car le joker recruté pour pallier l'absence de Flemming - l'ex-international slovène Luka Vidmar - n'a pas le même niveau.

 

Le HC Znojmo a bien failli se retirer de la ligue autrichienne. Il n'a pas déposé de dossier de réinscription à la date limite prévue en février. Il s'est laissé convaincre en avril de rester, non sans avoir récriminé en se sentant toujours floué par les dirigeants autrichiens, tant par l'arbitrage que par la répartition des droits télé. Son entraîneur accro au tabac Miroslav Frycer avait même téléphoné au directeur de la ligue en plein match pendant les play-offs pour se plaindre.

Si Znojmo se sent incompris, les Autrichiens ne comprennent pas non plus Znojmo. L'environnement tchèque est très différent du reste de la ligue. Même du point de vue français, on peut s'étonner. Un Patrick McEachen n'y a pas trouvé sa place la saison passée, alors qu'Adam Sedlak, qui avait fait deux saisons anonymes à Dijon, y est aujourd'hui un défenseur de première paire. Ales Sova, non conservé à Anglet, est redevenu un pilier stable des lignes arrières. Très investi dans la construction de l'équipe, Frycer sait ce dont il a besoin.

La défense n'est toujours pas le point fort des Aigles (Orli), mais leur potentiel offensif reste intact. Même si leur meilleur marqueur Marek Kalus fait maintenant le bonheur de Linz, Anthony Luciani est toujours là pour mener l'offensive. La blessure du centre Radim Matus a même été un mal pour un bien, puisque le joker recruté à sa place, le Canadien Rob Flick, a immédiatement inondé les feuilles de score de son empreinte. L'équipe tchèque reste imprévisible, capable de gaspiller des avances de trois buts, mais aussi de battre n'importe qui.

 

Après des années de contre-performances et d'investissements peu avisés, Graz reste sur une excellente saison (deuxième, demi-finaliste, qualifié en CHL). Les 99ers veulent maintenant s'installer en haut du classement. Les grands chambardements semblent appartenir au passé, l'effectif est plus stable. En outre, le club a bien anticipé la réduction des étrangers en se dotant peu à peu d'un contingent de cadres autrichiens, encore renforcé à l'intersaison avec le jeune défenseur Philipp Lindner (Innsbruck). L'attaquant formé au club Daniel Oberkofler a attendu de passer 30 ans pour connaître la saison la plus productive de sa carrière (39 points plus 10 en play-offs) et pourrait encore dépasser ce total. C'est lui mène l'offensive avec l'international slovène Ken Ograjensek.

En revanche, d'autres joueurs-clés sont en récession sévère. Le capitaine Oliver Setzinger, qui avait parfaitement réussi sa mue en défenseur l'an passé, est plus en difficulté cette saison. Le meilleur marqueur de la saison passée Colton Yellow Horn, joueur si atypique, n'était plus capable de mettre le moindre but et a filé vers le championnat slovaque (Nitra).

Depuis l'an passé, Graz utilise de plus en plus la filière suédoise dans ses recrutements. Le club semble s'appuyer sur les réseaux de Jens Gustafsson, l'adjoint de l'entraîneur Doug Mason. Pour autant, les Scandinaves peinent à avoir un impact véritablement déterminant. Le recrutement du gardien de 35 ans Cristopher Nihlstorp était un pari car il a assez peu joué depuis deux ans en raison d'une commotion puis de problèmes de hanche. Ses performances moyennes ont surtout servi sa doublure Thomas Höneckl, qui a pu récolter de meilleures statistiques que lui. Mais quand Nihlstrop a contracté une pneumonie, Graz a recruté un jeune gardien de 21 ans, Oliver Dackell (le fils d'Andreas Dackell) jusqu'à fin décembre. Difficile de prédire qui sera le titulaire en fin de saison : le poste devant les filets est toujours un sujet délicat à Graz.

 

L'an passé, Gerhard Unterluggauer menait un staff d'entraîneurs sans étrangers - fait unique dans la ligue - et expliquait qu'il voulait développer les joueurs autrichiens en leur donnant du temps de jeu et des responsabilités dans toutes les situations de jeu. Les bonnes intentions de Villach ont échoué car l'effectif, trop réduit, n'a jamais été dans le coup. Le public n'a pas suivi. Après des années de vaches maigres et de cure d'économies, un nouveau dirigeant a été installé, Andreas Napokoj. Il a confiné Unterluggauer dans un placard, mis en place des actions de communication variées autour des matches pour reconquérir les spectateurs et a fixé comme objectif le retour en play-offs après trois ans d'absence.

Il ne reste plus grand chose de la spécificité du VSV, historiquement un club formateur. L'expérience d'un coach autrichien n'aura duré qu'un an. Le Finlandais Jyrki Aho, dernièrement en Chine comme entraîneur de l'équipe nationale puis adjoint à Kunlun, a mis en place un système de jeu stable et reconnu, même si ses qualités pédagogiques sont plus controversées car ses colères semblent paralyser certains joueurs. Il n'y a plus de sentiment, on l'a vu en pré-saison quand le gardien Dan Bakala, blessé à l'entraînement, a vu son contrat rompu "pour raisons personnelles et par accord mutuel". Villach a alors mis sur la main sur Brandon Maxwell, gardien très performant venu d'Extraliga tchèque, qui fait en plus le spectacle auprès des supporters après les victoires.

Le quota d'étrangers a été exploité à fond et ils jouent tous les premiers rôles. Le meilleur marqueur de l'an passé Jerry Pollastrone s'est bien adapté à la nouvelle donne : il mène le jeu avec sa belle vision de la glace, il met aussi des buts et il défend bien en prenant peu de pénalités. La grande découverte a été Anton Karlsson, qui a participé à la remontée de Leksand en élite suédoise : le Suédois de 23 ans était venu chercher un club où il aurait plus de responsabilités, il l'a trouvé. très bon patineur et engagé dans le combat, il est doté d'un tir du poignet d'une efficacité redoutable. Aho, voulant équilibrer ses lignes, lui a toutefois enlevé son poste de centre de la première ligne au profit de l'international danois Patrick Björkstrand, qui a signé pour deux ans. Karlsson est toutefois moins efficace sur le deuxième trio avec le joueur le plus lent Miika Lahti.

 

Il y a peu, Fehérvár était le seul club hongrois à haut niveau et déployait donc les meilleurs éléments de l'équipe nationale, sauf ceux qui trouvaient une place dans un grand championnat. Mais depuis la saison passée, deux équipes hongroises (MAC Budapest et Miskolc) ont intégré la ligue slovaque, elle aussi ouverte à l'international. L'AV19 se fait donc tailler des croupières. L'international István Sofron a ainsi signé au MAC alors même que le meilleur marqueur János Hári est parti en Liiga finlandaise.

On n'a pas cherché à les remplacer par de rares Hongrois en se lançant dans une course salariale avec les concurrents du championnat slovaque. Fehérvár fait donc "comme tout le monde" : il prend autant d'étrangers qu'il en a le droit, souvent des joueurs déjà connus dans la ligue. Hormis les deux attaquants Daniel Koger et Csanad Erdely, les joueurs hongrois tiennent des rôles plus réduits. Le plus talentueux d'entre eux, le défenseur Bence Stipsicz, a de belles qualités techniques et de patinage, mais son développement si prometteur il y a un an semble à l'arrêt tant il s'autorise trop de largesses dans ses tâches défensives.

Après une belle saison, où Fehérvár a eu l'avantage de la glace en quart de finale, il faudra plus lutter, pour se qualifier en play-offs. Les deux joueurs-clés n'ont pas totalement été remplacés. Mike Ouzas n'est pas aussi constant dans les cages que son prédécesseur Mac Carruth (ce qui pourrait être la chance de jouer plus pour sa jeune doublure hongroise Daniel Kornakker), et personne ne dispose des qualités de meneur de jeu d'un Hári. Ses passes décisives manquent beaucoup à des finisseurs comme Anze Kuralt. Le nouveau leader de l'attaque est un joueur moins altruiste : Andrew Yogan (ex-Innsbruck) se désintéresse trop souvent du jeu sans palet, mais une fois en zone offensive il crée du danger comme personne.

 

L'équipe d'Innsbruck pratique toujours un système de jeu très offensif. Même en laissant partir son duo de marqueurs Yogan/Clark, le recrutement n'a pas lésiné sur les profils capables de scorer : Joel Broda avait déjà inscrit 80 buts en 181 matchs d'EBEL dans trois clubs différents, l'ailier suédois Jesper Thörnberg est le meilleur marqueur du championnat danois, et Caleb Herbert arrive de la première équipe-étoile d'ECHL, ligue où il dépassait le point par match. Marquer des buts n'est jamais un problème dans le Tyrol.

Mais après deux premières années fantastiques sous l'entraîneur Rob Pallin, les derniers play-offs se sont déroulés sans Innsbruck. Cela risque encore d'être le cas cette année. Même si l'équipe semble faire preuve de combativité, la volonté d'être plus compacts derrière n'a pas été suivie d'effet. Elle a la moins bonne défense de la ligue, et le gardien C.J. Motte a été sacrifié : ses statistiques en dessous des 88% d'arrêts (alors qu'il tournait à plus de 92,5% en université et à plus de 91% en ECHL et dans ses piges en AHL) ne plaidaient pas en sa faveur.

Si Motte a été écarté, c'est parce que Scott Darling, que Pallin avait rencontré pendant l'été à Las Vegas, a proposé ses services fin octobre. Un ancien vainqueur de Coupe Stanley (Chicago 2015), toujours sans club à fin octobre, ça ne se refuse pas. Darling s'est vite rendu compte qu'Innsbruck n'est pas un endroit facile pour les gardiens et qu'il aurait beaucoup de travail. Le problème est que la profondeur de banc est vraiment réduite, même si le club a sauté sur l'occasion de se faire prêter Wolfgang Kromp, jeune joueur formé à Villach qui n'y avait plus sa place dans la nouvelle donne. La blessure du capitaine Tyler Spurgeon a encore réduit l'alignement alors qu'il faudra garder la force pour la poule de qualification en février, lorsqu'on repartira de (presque) zéro. Il faudra "sprinter" pour rattraper les adversaires qui auront pris des points de bonus par leur meilleur classement en saison régulière.

 

Même perspective pour Dornbirn qui s'est fait larguer au classement et devra d'abord regagner en stabilité. En plus d'avoir renouvelé la majorité de l'équipe, le club ne cesse de voir des joueurs partir et venir depuis la pré-saison. Mais après sept ans avec Dave McQueen aux commandes, le changement le plus important avait lieu derrière le banc. Les Bulldogs ont surpris en engageant comme nouvel entraîneur Jussi Tupamäki. Ils le connaissaient bien puisqu'il s'occupait de l'équipe partenaire de division inférieure Bregenzerwald... qui joue à Dornbirn depuis la fermeture de sa patinoire en plein air en 2012 (ce club aura enfin une vraie patinoire couverte de 1800 places qui ouvrira en 2021). Mais les références de Tupamäki, essentiellement avec l'équipe nationale d'Estonie, étaient assez limitées. Après un mois d'octobre catastrophique - zéro point - Dornbirn a démis le coach finlandais et l'a remplacé par son compatriote Kai Suikkanen, l'entraîneur qui avait conduit Bolzano à une remontée fantastique couronnée du titre en 2018 (ce qui ne l'avait pas empêché de se faire virer par le club italien neuf mois plus tard...). S'il répète le scénario à Dornbirn, il aura vraiment la réputation d'un faiseur de miracles.

Le gardien finlandais Rasmus Rinne - qui avait supplanté Ronan Quemener en 2017/18 - a connu un début de saison difficile. Il se met parfois hors de position en s'exposant trop sur un arrêt spectaculaire. Comme il s'est blessé, Dornbirn a fait venir lors de la trêve de novembre un gardien de Liiga expérimenté, Juha Järvenpää. Un changement de plus dans une équipe en mal de repères... Les Bulldogs ont quand même du potentiel dans leur effectif avec la qualité de tir de William Rapuzzi, l'excellent patinage du défenseur Jordan Subban (le benjamin de la fratrie) ou encore le grand gabarit que sait utiliser l'international danois Mathias Bau Hansen.

Dornbirn, qui alignait jusqu'à 14 étrangers ces dernières années, doit aussi se mettre en phase avec le nouveau règlement. Le club a surenchéri sur Innsbruck pour attirer le Viennois Emilio Romig, qui ne regrette pas son choix puisqu'il joue même en première ligne. Les joueurs formés au club Stefan Häußle et Simeon Schwinger se développent mieux maintenant qu'ils sont en troisième ligne, même s'ils manquent encore d'expérience et doivent s'améliorer défensivement. Dornbirn, avec la menace de l'arrivée possible du voisin Feldkirch qui a déjà plus de spectateurs et une bien meilleure cote de popularité, doit absolument trouver un ancrage local plus fort dans sa région du Voralberg. Être déjà maître chez soi est un objectif nécessaire.

 

Marc Branchu

 

 

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