KHL 2018/19 : bilan

 

Résultats du championnat russe

Classement (après play-offs) : 1 CSKA Moscou, 2 Avangard Omsk, 3 SKA Saint-Pétersbourg, 4 Salavat Yulaev Ufa, 5 Avtomobilist Ekaterinbourg, 6 Lokomotiv Yaroslavl, 7 Barys Astana, 8 Dynamo Moscou, 9 Metallurg Magnitogorsk, 10 Ak Bars Kazan, 11 Jokerit Helsinki, 12 HK Sotchi, 13 Spartak Moscou, 14 Torpedo Nijni Novgorod, 15 Vityaz Podolsk, 16 Traktor Chelyabinsk, 17 Dinamo Riga, 18 Sibir Novosibirsk, 19 Neftekhimik Nijnekamsk, 20 Kunlun Red Star, 21 Admiral Vladivostok, 22 Severstal Cherepovets, 23 Amur Khabarovsk, 24 Dynamo Minsk, 25 Slovan Bratislava.

 

CSKA Moscou (1er) : le grand retour du club dominateur

1989. Champion d'URSS pour la treizième fois consécutive (!), le CSKA voyait partir ses meilleurs joueurs - Fetisov et la KLM - vers la NHL tandis que le système soviétique commençait à s'effondrer de l'intérieur. L'ancien club de l'Armée rouge - référence ultime dans le hockey mondial - a alors sombré dans l'oubli et dans la crise. Trente ans plus tard, le voici redevenu dominant. Un succès qui ne souffre aucune contestation car le CSKA a établi son règne sur tous les plans. Prouvons-le point par point.

Incapable d'aller au bout ?

En dix années de KHL, aucun vainqueur de saison régulière n'avait réussi ensuite à soulever la Coupe Gagarine remise au triomphateur des play-offs. De 2015 à 2017 (les trois années avec Stéphane Da Costa), il avait terminé premier mais avait été éliminé en séries. En 2016, le titre de champion de Russie avait été remis au vainqueur de la saison régulière, mais il lui avait manqué la consécration au septième match de la finale. Risquait-il encore d'être prêt trop tôt ? Entre mi-septembre et mi-décembre, il a obtenu 30 victoires en 31 rencontres ! Cela ne l'a pas empêché d'être performant au bon moment. Le CSKA a été le premier club à remporter une finale de KHL en quatre manches sèches. Et Ilya Sorokin, MVP des play-offs, a été le premier gardien à signer deux blanchissages de suite en finale. Autant de grandes premières.

Un club ennuyeux ?

Si le CSKA était synonyme de beau jeu léché à l'époque soviétique, on lui reproche depuis des années un jeu moins spectaculaire. C'est vrai, l'entraîneur Igor Nikitin a bâti son équipe sur la meilleure défense de la ligue. Mais avec de nouveaux adjoints plus expérimentés (Yakubov et Koreshkov), il a laissé cette saison plus de place à l'improvisation. L'arrivée du centre canadien Linden Vey, un joueur qui a un vrai don dans sa vision de jeu, a permis cette évolution : même si Nikitin a souvent changé ses trios, c'est Vey qui a le mieux complété les ailiers Mikhaïl Grigorenko et Kirill Kaprizov sur la plus belle ligne, et la plus souvent décisive. Le jeu de possession du CSKA a été dominant, pas toujours par du beau jeu, mais aussi et surtout à l'usure : il était très difficile de lui reprendre le palet tant il disposait de beaux gabarits solides dans les coins.

Un titre acheté ?

Quand une équipe domine autant, on lui reproche forcément d'avoir tué le suspense. Le CSKA dépasse le plafond salarial et paye la "taxe de luxe" instaurée par la KHL, mais il a surtout surpayé des revenants de NHL pour les faire revenir en Russie. Il ne s'est pas arrogé toutes les vedettes, en tout cas moins que du temps de l'ex-URSS. Dans les dix plus gros salaires de KHL, on ne recense qu'un seul joueur du club champion, Aleksei Marchenko : sans doute trop cher pour un défenseur qui a perdu sa place en équipe nationale et semblait en régression, mais il a atténué ce reproche en retrouvant un niveau très solide en play-offs. Le CSKA n'a pas dépensé des millions sur une vedette comme ses concurrents mais a construit une équipe homogène : le buteur en or olympique Kirill Kaprizov, qui n'est pas dans les huit joueurs les mieux payés de l'équipe, a même joué la finale sur la 4e ligne aux côtés du percutant Ivan Telegin !

Un gâcheur de talents ?

C'était le reproche majeur fait en 2017 quand le CSKA avait acheté à tout va au point d'avoir six lignes. Il aurait enterré la carrière des joueurs qu'il recrutait, tel le jeune Sibérien Konstantin Okulov envoyé en équipe-ferme de VHL. Okulov est revenu encore plus fort cette saison (20 buts et 7 en play-offs, records de carrière) et sa capacité à effectuer des mouvements non conventionnels est intacte. Le CSKA a développé sa pyramide et il utilise pleinement son équipe ferme (Zvezda, l'étoile) qu'il rapatriée cette saison à Moscou dans sa patinoire historique. L'exemple criant est Maksim Mamin - rentré d'une expérience moyenne en NHL fin novembre - qui a commencé les play-offs en VHL avant d'être rappelé : après seulement 3 points en saison régulière, il en a mis 5 de plus dans les séries... dont le but du titre en prolongation. C'est un symbole car Mamin a été entièrement formé au club. Le CSKA se vante d'avoir formé une douzaine des joueurs champions. Certains sont certes arrivés sur le tard, mais le meilleur marqueur de l'équipe Grigorenko, s'il a posé ses premiers coups de patin à Khabarovsk, portait déjà les couleurs du club moscovite à 9 ans.

Un club sans public ?

La dichotomie entre le niveau de jeu du CSKA et ses tribunes trop souvent vides était la plus navrante du hockey mondial. En s'installant dans la belle patinoire du parc des légendes, le club moscovite a plus que doublé son affluence (8448 spectateurs de moyenne). Bien sûr, les ultras lui reprocheront de s'être coupé de ses supporters, mais il est devenu tendance auprès d'un public plus m'as-tu-vu. Le Premier Ministre Dmitry Medvedev, pas connu comme amateur de hockey contrairement à son président, est ainsi venu plusieurs fois en play-offs. Bon, le terme de club "populaire" serait mal choisi quand le parking est rempli de voitures de luxe de type Bentley ou Maserati, mais ce n'est pas une trahison de l'histoire du club : à la fin de l'époque soviétique, quand le CSKA gagnait tout, il n'y avait plus en tribunes qu'un public d'apparatchiks.

 

Avangard Omsk (2e) : la patte Bob Hartley

Ce n'est que la deuxième fois que l'Avangard passe deux tours de play-offs en onze ans de KHL, et pour la seconde fois il est allé en finale. Après des saisons de changements incessants d'entraîneur, Bob Hartley a donc très vite imposé sa marque. Ce changement de culture ne tient cependant pas qu'à lui.

Le T-shirt du patron

Dès son arrivée à la direction du conseil d'administration de l'Avangard Omsk, Aleksandr Krylov s'est fait connaître en apparaissant en public avec un T-shirt portant l'inscription " Mikheev est l'Avangard ". Des mots, il est passé aux actes en conservant Ilya Mikheev, arraché aux griffes du SKA : ce joueur-symbole formé au club est resté le meilleur marqueur de l'équipe (même s'il partira cet été tenter sa chance en NHL). Krylov est un homme de réseaux, déployés non seulement chez le sponsor majeur Gazpromneft (son ancien employeur) pour augmenter le financement du club, mais aussi au sein de la KHL dont il a déjà rejoint le conseil d'administration. Il a rapidement annoncé vouloir changer la culture de négativité du club. Il a pu s'appuyer sur un staff nord-américain qui a instauré une culture de confiance, avec un programme hebdomadaire planifié, y compris des jours de repos, au lieu d'un contrôle permanent.

À quoi tient une saison

L'entraîneur canadien Bob Hartley lui-même a pointé combien les beaux succès obtenus par son club en play-offs avaient tenu à peu de choses. Il a rappelé l'avant-dernier match de la saison à Astana où son coach vidéo (celui de l'équipe de Lettonie également entraînée par Hartley, Aldis Abolins) lui a recommandé de tenter un " challenge " car il y avait une petite chance que le but encaissé en prolongation soit hors-jeu. À quelques centimètres près, le but a été invalidé, et le point ainsi récupéré a permis à l'Avangard Omsk de devancer Kazan. Avec l'avantage de la glace au premier tour des play-offs, les aigles ont démoralisé tout de suite leur adversaire chez eux. Omsk n'avait jamais éliminé Kazan en play-offs. La victoire sèche en quatre manches contre une référence de la ligue, certes payée avec la blessure du capitaine Evgeni Medvedev (il reprendra certes le jeu quelques semaines plus tard mais avec un temps de glace réduit et sans le C laissé à Emelin), a lancé des play-offs de toute beauté. Même le 0-0 de plus de 109 minutes au match 6 de la finale de conférence contre Ufa n'a jamais été ennuyeux malgré le score. C'est Aleksei Bondarev, un défenseur vétéran de 35 ans pas toujours titulaire, qui a marqué le but de la qualification en finale, son premier but depuis plus de deux ans !

Shumakov ou la bonne leçon

Deux recrues ont transformé l'équipe en cours de saison. Taylor Beck est la pièce manquante qui a transformé le jeu de puissance, passé ainsi à quatre attaquants. Mais la Russie a surtout associé Bob Hartley à la réhabilitation de Sergei Shumakov. Cet attaquant, qui avait été écarté pendant les play-offs par le CSKA pour une incartade dans sa chambre d'hôtel, paraissait perdu pour la cause lorsqu'il avait choisi le bras de fer avec son club au lieu de s'excuser. N'ayant d'autre choix que de partir à un camp NHL, sans l'habituelle préparation des clubs russes et dans une forme rédhibitoire (taux de masse graisseuse de 14%), il avait été ballotté entre deux équipes en jouant seulement en AHL. L'Avangard a insisté auprès du CSKA pour obtenir ses droits par échange, et Bob Hartley s'en est alors occupé. Après avoir étudié le cas, il confiait à Sport Express : " Sergei travaille très sérieusement pour retrouver la forme. Mais quand tu essaies de le faire en février quand le reste de la ligue l'a fait en juillet ou en août, tu ne rattrapes pas le retard. Shumakov doit donc oublier la saison 2018/19 et la prendre comme une leçon. Il est encore très jeune et je pense qu'il comprend maintenant combien il est important de suivre sa condition physique. Au moins, nous avons essayé d'ajouter à son live une page intitulée ce que signifie être professionnel. D'un autre côté, s'il brille en play-offs, la saison régulière sera oubliée. " Cette dernière phrase était prémonitoire : Shumakov a marqué les play-offs avec ses 12 buts, sans cesser dans le même temps d'être accusé de simulations ou d'attitudes arrogantes.

Le style Bob Hartley

Le hockey de l'Avangard était à haute intensité, un 1-2-2 très agressif où les trois attaquants pressent haut, avec énormément de patinage et une forte condition physique. Ce ne sont pas les joueurs étrangers - en particulier les deux Québécois transparents David Desharnais et Maxime Talbot - qui l'ont le mieux incarné. La meilleure recrue de l'intersaison aura été un joueur venu d'un petit club chassé de KHL (le Lada Togliatti), Denis Zernov. Longtemps utilisé au centre avant de passer à l'aile parce qu'il était handicapé par une épaule souffrante en attente d'opération, ce petit gabarit de 1m75 utilise sa grande rapidité aussi bien avec le palet que sans : c'est le deuxième joueur qui a donné le plus de mises en échec après un pur amateur de la chose (Aleksei Emelin). Quel était le point faible ? On soupçonnait la mobilité défensive en début de saison, mais un Cody Franson ne s'est pas montré si lent à pivoter sur grande glace. La faiblesse du powerplay et le manque de buteurs ont été corrigés par Beck et Shumakov. En fin de compte, face à un adversaire en finale qui forecheckait autant qu'elle, l'équipe sibérienne a surtout succombé par ses gabarits par trop inférieurs.

L'Avangard reviendra-t-il à Omsk ?

Le club reviendra-t-il un jour dans la ville qui l'a vu naître ? Ou son exil dans la banlieue moscovite, à Balashikha, arrange-t-il tout le monde ? Krylov a promis que l'Avangard retournerait dans sa terre d'origine, mais l'Arena-Omsk, victime de fissures structurelles, est à jamais inutilisable. Et ce n'est pas forcément la faute des constructeurs autrichiens car il semble que le terrain choisi sur les bords de l'Irtysh était un peu trop mouvant... Le démantèlement du bâtiment vieux d'à peine quinze ans a en tout cas commencé. On ne sait pas où ni quand une nouvelle patinoire pourra voir le jour. Mais le président de la fédération russe Vladislav Tretiak a promis qu'Omsk se verrait attribuer la co-organisation du Mondial junior 2023, organisation initialement attribuée à la seule Novosibirsk. Les lobbys des deux villes s'affrontent, mais ce qui est sûr est que le temps presse pour être prêt pour une échéance aussi rapprochée.

 

SKA Saint-Pétersbourg (3e) : il voit grand... mais pas tout de suite

Le SKA Saint-Pétersbourg a connu son grand moment en organisant deux matches de suite dans le stade de football de la Gazprom Arena, un Russie-Finlande puis le match au sommet SKA-CSKA (67 770 spectateurs). Il a ainsi préparé le terrain à la plus grande patinoire intérieure du monde, celle qui sera installée pour les championnats du monde 2023 (attribués à Saint-Pétersbourg) et qui dépassera le Forum de Montréal. Mais ce match SKA-CSKA a aussi été nettement perdu, la septième défaite de suite contre l'adversaire majeur. Malgré leurs grands projets, les Péterbourgeois ne sont plus dans l'immédiat la force dominante de la KHL. Le pouvoir est retourné à Moscou. Même s'il a établi le record d'assistances de la KHL (65, dépassant les 60 passes de Radulov), le talent pur Nikita Gusev était une star un peu trop seule.

Le SKA a même failli tomber d'encore plus haut en commençant les play-offs par deux défaites à domicile contre le Spartak : n'était-il pas pris en flagrant délit d'arrogance et de complexe de supériorité ? L'entraîneur Ilya Vorobyov a aussitôt exigé plus de physique et d'agressivité. Il a augmenté le temps de jeu de son attaquant le plus actif physiquement Sergei Plotnikov et a rappelé de la tribune Viktor Tikhonov jr, au détriment des "techniciens". Le symbole des maux du SKA est devenu malgré lui Andrei Kuzmenko, le joueur échangé du CSKA à l'intersaison : ses voltes virevoltantes dans les coins étaient très belles mais elles n'amenaient pas de butin concret. Limité dans le jeu sans le palet, il a perdu sa place dans l'effectif.

L'effectif du SKA avait peu de ressources pour produire du jeu. Il disposait de deux centres défensifs (Jarno Koskiranta sur la troisième ligne et Ilya Kablukov sur la quatrième ligne) mais avait peu de créativité sur le top-6. Quand Pavel Datsyuk s'est blessé (une perspective dont la probabilité n'était pas faible vu l'historique du vétéran...), le SKA a aligné au centre du premier trio Mikhaïl Maltsev, un jeune joueur local de 21 ans qui a passé l'essentiel de la saison en réserve. Les alternatives étaient Nikolai Prokhorkin, joueur polyvalent qui n'était pas au mieux en play-offs, et Aleksei Byvaltsev, qui s'est un peu réveillé sans compenser une saison très déclinante par rapport au niveau entrevu l'an passé à Khabarovsk.

Si le SKA ne s'est finalement qualifié face au Spartak puis au Lokomotiv, c'est sans briller à cinq contre cinq, uniquement par son efficacité en supériorité numérique. Néanmoins, s'il a été éliminé en finale de conférence face au CSKA, il a livré un bien meilleur duel. Il a poussé le futur champion au septième match et a gagné chaque rencontre devant son public. Cette résistance a en fin de compte réhabilité Ilya Vorobyov : il restera à la tête du SKA, tout comme de l'équipe nationale. Mais sa tâche s'annonce délicate car ses meilleurs joueurs - en particulier Gusev et le défenseur Vladislav Gavrikov - ont succombé aux sirènes de la NHL.

 

Salavat Yulaev Ufa (4e) : cinq étrangers dominants

Le 11 octobre 2018, un nouveau président a été nommé à la tête de la République du Bashkortostan, Radiy Khabirov. Au nouvel an, le Salavat Yulaev Ufa a alors pu faire l'objet d'une purge interne, quand le directeur général Tahir Ibrahimov et le directeur sportif Roman Belyaev ont été virés. Tous les "extérieurs", ou soupçonnés proches de l'ancien pouvoir, ont été écartés au profit de gens bien implantés dans le club. Belyaev, dont le poste restait vacant, restera cependant comme l'homme qui a eu l'idée de recruter un certain Metsola...

Le gardien finlandais Juha Metsola est l'un des meilleurs de KHL depuis plusieurs saisons à Khabarovsk, mais il avait fait peu parler de lui avant les play-offs 2019. Ceux-ci avaient commencé part deux erreurs : un palet relâché de la mitaine qui a fait perdre le match 1 contre Magnitogorsk à la 100e minute, puis une déviation de la crosse contre son camp sur un palet envoyé de derrière la ligne de fond par Ellison au match 3, erreur finalement rattrapée. Mais ces petites fautes ont été complètement oubliées par des performances de plus en plus exceptionnelles pendant trois tours de play-offs, jusqu'à un dernier match contre Omsk perdu 0-1 à la 110e minute après 69 arrêts consécutifs, et avec trois joueurs devant lui pour lui masquer la vue. Avec sa mitaine rapide comme l'éclair, le petit Metsola a fini ces play-offs avec 95,6% d'arrêts.

Ces play-offs ont complètement transformé la perception de l'entraîneur inexpérimenté Nikolai Tsulygin. Critiqué au début de l'hiver, son système assez passif a fait merveille en séries : son équipe compacte a bloqué beaucoup de tirs avec un très bon effort défensif, à l'instar d'un Aleksandr Kadeikin, considéré comme un des meilleurs centres défensifs du pays et testé en équipe nationale.

Néanmoins, la production offensive est restée très dépendante d'une seule ligne. Quand le club était en crise à l'automne, il se disait que les joueurs russes étaient jaloux du temps de jeu privilégié des étrangers, en particulier en avantage numérique. Mais les play-offs ont démontré que l'équipe était portée à bout de bras par les étrangers : Metsola d'une part, mais aussi la ligne dominante Linus Omark - Joonas Kemppainen - Teemu Hartikainen, qui mène souvent ses attaques à quatre hommes avec le défenseur offensif danois Philip Larsen. Ce sont eux qui impriment le tempo offensif. Mais le Salavat n'avait pas de deuxième ligne russe capable de suivre, encore moins avec la blessure du meilleur buteur Anton Burdasov, victime d'une charge genou contre genou de Rylov au deuxième match des play-offs.

 

Avtomobilist Ekaterinburg (5e) : une transparence salariale subie

18 victoires d'affilée. La série exceptionnelle de l'Avtomobilist en début de saison a mis en lumière l'entraîneur Andrei Martemyanov. En 2015, sa carrière paraissait finie quand il s'était fait virer après 7 matches d'Orsk en VHL, pris en grippe par les joueurs et les supporters qui le traitait d'" entraîneur pour enfants " (que ce soit devenu une insulte en Russie en dit long sur une certaine perte de valeurs...). Mais il a ensuite réussi au niveau supérieur, en KHL, où les joueurs se prennent moins pour des stars et acceptent que tout le monde soit traité à équivalence. À Khabarovsk puis dans sa ville natale d'Ekaterinbourg, Martemyanov a mis en place un jeu rapide et direct à la cage.

La première anicroche est survenue en novembre avec la publication des salaires de l'équipe dans la presse. Le club n'a pas du tout apprécié cette violation des standards éthiques de la KHL. Ce qui est une habitude en NHL est moins commun en Europe. On a donc appris que Nigel Dawes était de loin le plus payé avec 2 millions d'euros de salaire de base alors qu'un Stéphane Da Costa ne dépasse le million qu'avec les bonus. Dawes mérite après tout sa rémunération puisqu'il a été le leader de l'équipe et a mené le meilleur powerplay de la ligue, de loin. Les quatre plus gros salaires étaient ceux de la première ligne Dawes - Da Costa - Sexton et du gardien Jakub Kovar, ce qui n'a rien d'étonnant. L'Avtomobilist est un "nouveau riche", il n'a jamais racheté les droits d'aucun joueur russe, et il a donc investi dans les étrangers pour progresser.

Malheureusement, ces étrangers ont buté au deuxième tour des play-offs sur leurs homologues d'Ufa. Stéphane Da Costa a pâti de mauvaises pénalités. Il a manqué le premier match parce qu'il avait expulsé pour une charge à la tête au tour précédent contre le Traktor (facilement passé 4 manches 0), et il a encore été renvoyé au dernier match pour un coup de crosse à l'entrejambe sous les yeux de l'arbitre. Au quatrième match, c'est Dawes qui était malade. Et entre-temps, au troisième match perdu en prolongation, l'Avtomobilist a joué de malchance puisque Belousov et Da Costa ont tiré sur la barre transversale. À l'inverse du Salavat, la saison si bien commencée s'est donc mal terminée.

Avec le retour à la maison enfin concrétisé de Pavel Datsyuk (qui remplacera Da Costa en partance vers Yaroslavl), les ambitions de l'Avtomobilist restent intactes. Anatoli Golyshev, devenu l'attaquant au temps de jeu le plus élevé de l'équipe depuis qu'il a complété sa palette en jouant en infériorité numérique, a resigné pour quatre ans le lendemain de l'élimination (et les New York Islanders qui l'ont appelé le jour suivant se sont entendus répondre qu'ils venaient trop tard). Et avec son taux de remplissage de plus de 98%, Ekaterinbourg attend avec impatience sa nouvelle patinoire qui doit ouvrir dans deux ans et demi.

 

Lokomotiv Yaroslavl (6e) : une jeunesse à éduquer patiemment

L'entraîneur Dmitri Kvartalnov ne relâche jamais la pression, ni sur les équipes adverses, avec un jeu sans palet très agressif, ni sur ses propres joueurs. Il exige une performance maximale et rebat sans cesse les cartes. Chaque joueur peut perdre sa place à tout moment, et même Denis Alekseev, le joueur qui a le plus progressé cette saison, a ainsi passé un match de play-offs en tribunes. Le moment-clé de ce coaching est survenu à deux manches partout au premier tour des play-offs contre Sotchi. Kvartalnov a rappelé le gardien tchèque Alexander Salak, qui semblait supplanté depuis longtemps par le gardien de 20 ans Ilya Konovalov : blanchissage à la clé pour le Tchèque. À ce même match, le coach a aussi fait reculer de la première à la quatrième ligne Brandon Kozun, le meilleur marqueur de l'équipe. Au lieu de se lamenter de cette rétrogradation, le Canadien s'est montré décisif dans ce nouveau rôle aux côtés d'un "gamin" de 21 ans formé au club, Artur Kayumov.

Malheureusement, Kozun a aussi pris une pénalité de match au tour suivant contre le SKA, dans une série que le Lokomotiv a un peu gâché par des pénalités coupables. Cela fut le péché mignon de cette jeune équipe qui avait besoin de mesures "éducatives". Le meilleur exemple en fut Grigori Denisenko, meilleur marqueur du Mondial junior... un mois après avoir été envoyé en "équipe-ferme" de VHL (le Lada) par Kvartalnov. Sujet à des écarts de discipline et à des relâchements dans la zone défensive, Denisenko a encore beaucoup à apprendre. Le Lokomotiv, qui évite de tourner la tête à ses jeunes joueurs par de gros contrats, est le club idéal pour progresser... si les intéressés ont la patience de le comprendre.

S'il parvient à conserver ses jeunes et à les garder fidèles au projet, le Lokomotiv - qui a joué son dernier match avec une équipe de moins de 23 ans de moyenne d'âge - dispose d'un potentiel intéressant. Il a quand même battu trois fois sur quatre le CSKA, futur champion (et la seule défaite a été concédée aux tirs au but). Dommage d'être tombé au deuxième tour sur le SKA, comme l'an passé, et pas sur les Moscovites éliminés en 2017. Il est difficile de vivre dans l'ombre des deux géants, mais ce Lokomotiv prometteur espère franchir un cap l'an prochain avec de nouveaux attaquants étrangers (Lander et Da Costa)... mais sans Kvartalnov parti à Kazan et remplacé par un entraîneur canadien (MacTavish).

 

Barys Astana (7e) : la meilleure saison... sous ce nom

Le Barys Astana a réussi la meilleure saison de son histoire, et elle restera à jamais la meilleure sous ce nom-là puisqu'on a appris au beau milieu des play-offs que la capitale du Kazakhstan serait débaptisée d'Astana en Nursultan en l'honneur du président presque à vie Nursultan Nazarbaev qui venait d'annoncer son retrait du pouvoir.

Le Barys a pu faire plaisir aux 10 000 spectateurs de ce qui s'appelait encore Astana en remportant un premier tour épique en sept manches face au Torpedo, par un but décisif à huit minutes de la fin de Darren Dietz, qui a pénétré les lignes et repiqué au centre grâce à de bons écrans. Un but qui illustre toute la saison : le défenseur offensif Dietz a été le meilleur marqueur de l'équipe et le joueur de l'année à son poste, palliant l'absence de Kevin Dallman (blessé) aussi bien en club qu'en équipe nationale.

Le jeu de style offensif mis en place par l'entraîneur biélorusse Andrei Skabelka a eu les moyens de ses intentions : un défenseur formé à l'étranger sur chaque ligne (chargé de l'appui offensif), un gardien de confiance avec Henrik Karlsson et six attaquants étrangers ou naturalisés étalés sur trois lignes fortes. Avec en cerise sur le gâteau la pression du public sur les gardiens adverses. Skabelka aurait bien aimé confirmer au deuxième tour contre l'Avangard Omsk, club dont il avait été évincé en janvier 2018 par l'influence de certains joueurs toujours présents. Mais avec 12 matches de play-offs en 25 jours, le Barys a fini sur les rotules, et avec trois blessés importants : le deuxième marqueur André Pettersson, le défenseur canadien Jesse Blacker et le meilleur attaquant kazakhstanais Roman Starchenko.

 

Dynamo Moscou (8e) : nouvelle patinoire... et nouveau tour de passe-passe

Le Dynamo Moscou avait misé sur deux recrues de prestige pour revenir sur le devant de la scène : le centre Vadim Shipachyov et l'ailier Dmitri Kagarlitsky. Ils n'ont pas déçu et ont constamment mené l'équipe en finissant troisième et quatrième compteurs de la KHL. Ils ont pourtant changé sans cesse de partenaire, parfois par obligation puisque Daniil Tarasov puis Andrei Alekseev, les premiers joueurs testés à leurs côtés, se sont blessés. Comme Shipachyov et Kagarlitsky étaient si utilisés qu'ils pouvaient paraître lents, il leur fallait un troisième homme qui patine fort. Ce fut le plus souvent le Letton Miks Indrasis qui eut ce poste un peu ingrat, car devant assumer les responsabilités défensives.

Les deux vedettes n'ont pas suffi néanmoins pendant un début de saison poussif. L'entraîneur Vladimir Vorobiev, accusé de manquer d'autorité, a été écarté de son poste dans les premiers jours d'octobre. Il a été remplacé par Vladimir Krikunov, qui fait plus de faux adieux qu'un vieux chanteur et n'en finit plus de revenir dans ses anciens clubs. Il était en pays de connaissance puisqu'il a hérité d'un staff d'adjoints qui étaient tous ses anciens joueurs lors du titre 2005 ! Krikunov a évidemment remis en place les séances de musculation qui ont fait sa réputation et son 1-3-1 des familles. C'est bien dans un duel simple et défensif que le Dynamo a passé le premier tour des play-offs face aux Jokerit et s'est offert un derby contre le CSKA.

La saison aura surtout vu le Dynamo emménager dans sa nouvelle "VTB Arena" de 11000 spectateurs au parc Petrovsky, lieu historique du club bleu et blanc où trônait autrefois le légendaire stade Dynamo. Plus de dix ans après la démolition de l'enceinte mythique, les hockeyeurs ont pris possession des lieux le 4 janvier, avant la reprise des footballeurs, le stade un temps prévu pour la Coupe du monde 2018 n'ayant pas été prêt à temps.

Dans ce nouvel écrin, le Dynamo est redevenu un objet de convoitise. Le directeur général Valeri Shantsev - autre héritier du titre 2005 - a été poussé dehors par une manœuvre étonnante (non sans avoir d'abord prolongé le contrat de son vieil ami Krikunov comme ultime décision) : un nouveau changement d'entité légale ! En 2015, ce moyen avait été employé pour ne plus reprendre les dettes de la structure dirigée par Andrei Safronov, alors accusé de tous les maux (dont un salaire mirobolant). Quatre ans plus tard, dans un revirement de balancier, c'est l'ex-adjoint de Safronov, Evgeny Krivopuskov, qui a été nommé directeur général du "HK Dynamo-Moscou". Derrière la nouvelle entité se trouve un puissant sponsor, la banque VTB, et la fondation de l'oligarque Arkadi Rotenberg, dont la fratrie tire toutes les ficelles du Dynamo, du football au hockey.

 

Metallurg Magnitogorsk (9e) : une reconstruction plombée par quelques contrats

Le Metallurg Magnitogorsk s'était donné trois ans pour rebâtir une équipe apte à reconquérir le titre, mais il en semble loin à ce jour. Les jeunes joueurs locaux ont encore paru trop tendres pour se tailler complètement une place (on ne compte pas dans cette catégorie Aleksei Vereshchagin, jeune recrue venue du Sibir qui a pris à 24 ans la meilleure fiche de l'équipe avec +20).

L'entraîneur tchèque Josef Jandac a formé une équipe organisée, volontaire et disciplinée, mais Magnitka n'est plus la puissance offensive digne de son passé de hockey créatif. Elle est tombée de haut au premier tour des play-offs en n'arrachant que deux victoires en prolongation (à chaque fois sur le petit score de 2-1) face à Ufa.

On aura beau jeu de faire remarquer qu'il y avait cinq attaquants étrangers. Mais ce ne sont pas eux qui grevaient le plus la masse salariale. Wojtek Wolski, pas sur la même longueur d'onde que son coach, a ainsi été remplacé en novembre par un joueur quatre fois moins cher (Michal Bulir) en provenance d'un club tchèque en déclin financier (Pardubice). Iiro Pakarinen a toujours été un second couteau. Dennis Rasmussen a été solide en saison régulière mais a gâché trop d'occasions en play-offs, où Matt Ellison a aussi perdu en efficacité. C'est à l'inverse le jeune Américain venu de NHL Nick Shore, discret en saison, qui a été le meilleur marqueur en play-offs, mais il souhaite tracer son avenir outre-Atlantique.

Le vrai problème de Magnitka est de s'être rendu prisonnier des contrats très élevés de ses vétérans. Le gardien géant Vassili Koshechkin n'a jamais vu son étoile de titulaire autant vaciller que durant ces play-offs. Le vénérable capitaine Sergei Mozyakin, s'il restait à 37 ans l'arme offensive majeure des Ouraliens, porte la responsabilité de la défaite cruciale au match 5 par sa perte de palet en sortie de zone ayant provoqué le but fatal en prolongation. Et surtout, les oreilles du manager Gennadi Velichkin n'ont cessé de siffler parce qu'il a fait de Nikolai Kulyomin, rentré dans son club formateur à 32 ans, le troisième joueur le mieux payé de KHL. Cher pour un attaquant devenu spécialiste d'infériorité numérique en NHL, et qui restait sur une saison presque blanche. Kulyomin est au mieux un bon joueur de complément (ce qu'il fut en saison régulière), et au pire un joueur transparent : son bilan de zéro point et -5 en play-offs fait tache alors qu'il lui reste deux ans de contrat avec un salaire qui n'a presque plus cours dans une KHL moins dispendieuse qu'il y a quelques années.

 

Ak Bars Kazan (10e) : date de péremption dépassée

L'Ak Bars Kazan a peiné à digérer son titre de champion. Ses cadres russes en particulier ont été les ombres de ceux qui avaient mené la panthère des neiges au titre un an plus tôt. Le centre Vladimir Tkachyov n'a pas confirmé et s'est éloigné de la sélection nationale (c'est son homonyme qui est maintenant en équipe de la Russie B). Le défenseur Andrei Markov a connu un net déclin pour sa deuxième saison, comme si la barre des 40 ans était un mur aussi brutal que le 30e kilomètre au marathon. Le gardien Emil Garipov n'avait plus la même forme avant que sa saison ne prenne fin prématurément par une blessure de longue durée. Vladislav Podyapolsky - formé à l'école de gardiens de Novokuznetsk - s'est révélé en remplaçant Garipov avec les mêmes stats de haut niveau... en saison régulière.

On pensait alors encore que le système défensif traditionnel d'Ak Bars pouvait fonctionner. Ses étrangers restaient performants, et l'ex-défenseur de NHL Paul Postma, élu meilleur arrière de KHL en octobre, semblait même un des meilleurs rapports qualité/prix du recrutement estival de KHL, à "seulement" 600 000 euros annuels. Mais les play-offs ont fait l'effet d'une douche froide : Kazan a été balayé à plate couture en quatre manches sèches par Omsk. Outre l'absence de leur gardien titulaire, les Tatars ont été totalement dépassés en vitesse par le forechecking de l'Avangard... qui avait engagé leur préparateur physique de l'an passé, l'Américain Brandon Bovee !

La fidélité à l'entraîneur Zinetula Bilyaletdinov, qui avait tiré la couverture sur lui après le titre (au détriment du reste du staff), a donc été brisée. Son système conservateur a reçu une leçon de hockey moderne par Bob Hartley, et ses contempteurs au sein du club ont eu gain de cause. L'entraîneur tatar n'a pas été prolongé, et l'international suédois Anton Lander - qui restait reconnaissant à Bilyaletdinov de l'avoir soutenu pendant une longue phase sans marquer à son arrivée à Kazan - n'a pas re-signé. Une nouvelle ère va donc s'ouvrir avec un coach connu pour apprécier le hockey à haute intensité, Dmitri Kvartalnov.

 

Jokerit Helsinki (11e) : plusieurs bilans désastreux

Les Jokerit n'étaient la tête de série que sur le papier au premier tour des play-offs de KHL. Ils restaient en effet sur 11 défaites consécutives (!) contre leur adversaire désigné, le Dynamo Moscou. Un record qui est même monté à 13 avant que les Finlandais ne retournent le troisième match par deux buts du petit attaquant de 170 cm Sakari Manninen, l'indubitable star du club cette saison (en partance pour Ufa).

Les Jokerit se sont finalement inclinés en six manches face au Dynamo malgré une nette domination aux tirs. Première explication : leurs gardiens Ryan Zapolski et Janis Kalnins n'ont pas soutenu la comparaison. Deuxième explication : le système de jeu de l'ex-sélectionneur Lauri Marjamäki ne déclenchait que des tirs extérieurs sans jamais se remettre en question au cours de la série. D'où le pourcentage d'efficacité aux tirs en dessous de 5%, que l'on pourrait qualifier de désastreux. Mais dans ce cas, quel vocable employer pour les statistiques en supériorité numérique (0 but en 26 occasions durant la série) ? Cataclysmique, peut-être ?

À moins que ces mots ne doivent servir à commenter le bilan financier. Les Jokerit ont perdu 15 millions d'euros cette saison, ce qui fait un trou cumulé de 70 millions en cinq années de KHL. Si la Russie a l'habitude des clubs sportifs à fonds perdus, la presse finlandaise a dénoncé cette incurie financière en indiquant que les Jokerit étaient " captifs des Russes ". L'aventure russe des jokers intéresse de moins en moins la Finlande, qui est devenue championne du monde avec une majorité de joueurs de Liiga. Heureusement, le nouveau héros de toute une nation, le géant Marko Anttila, est bel et bien un joueur des Jokerit : le manager Jari Kurri avait eu le nez creux en prolongeant son contrat de deux années supplémentaires en décembre dernier, à un moment où l'improbable future vedette de la phase finale du Mondial était blessée.

 

HK Sotchi (12e) : une fin prématurée

Du point de vue français, la déception de la saison KHL est sans doute que Yohann Auvitu n'ait pu s'y imposer. Le défenseur avait tout pour y réussir, tant sur la glace avec son amour du jeu construit qu'en dehors puisqu'il comprend le russe. Malheureusement, le décès de son père fin octobre a coïncidé avec une galère sportive : il venait d'être sorti de la deuxième paire de défense, il s'est blessé quelques semaines plus tard, et le HK Sotchi a fini par rompre son contrat de deux ans par anticipation en janvier.

Le club de la Mer Noire a vite changé ses plans. Il a peu à peu renforcé sa défense. Fin octobre, il a fait resigner tardivement Yuri Aleksandrov qui n'avait pas réussi à trouver d'autre club. En décembre, il a fait revenir Ziyat Paygin, qui avait brillé pendant quelques mois à Sotchi en 2016/17 mais n'avait jamais confirmé ailleurs. Sotchi a alors changé ses plans en utilisant 4 de ses 5 licences d'étrangers en attaque, avec l'embauche de l'international slovaque Martin Bakos, revenu d'une tentative nord-américaine avortée.

L'objectif était de diversifier les atouts d'une attaque trop dépendante du duo composé du centre Robert Rosen et du capitaine Eric O'Dell, un ailier qui provoque des fautes et des buts par son fort engagement physique. L'offensive a cependant peiné à concrétiser en play-offs contre Yaroslavl, avec un certain manque d'impact offensif des défenseurs. Le gardien Dmitri Shikin, entré à la place de Konstantin Barulin dans le courant du match 2 alors qu'il avait été remplaçant depuis des semaines, a certes remporté les deux rencontres suivantes à domicile, mais a été chassé deux fois en cours de route lors des deux dernières manches. Les deux victoires constituent un record du club en play-offs, mais elles n'ont pas empêché une nouvelle élimination au premier tour.

 

Spartak Moscou (13e) : la renaissance d'un club d'émotions

Après des années dans l'ombre des clubs disposant de riches sponsors et d'argent public à foison, le Spartak Moscou renaît peu à peu. La saison ne s'est pourtant pas engagée sous les meilleurs auspices. L'équipe ne semblait pas donner le maximum de son effort. L'entraîneur Vadim Epanchintsev, que le club avait tardé à confirmer malgré l'objectif atteint les play-offs), ne semblait pas suffisamment conforté pour avoir des leviers de pression sur son groupe. Mi-octobre, le directeur général Aleksei Zhamnov l'a renvoyé et a pris sa place sur le banc. Un rôle d'entraîneur de nouveau pris par nécessité.

Coach "contre son gré", Zhamnov faisait bien son travail, mais le Spartak semblait avoir tout gâché en perdant 8 de ses 9 dernières rencontres de saison régulière. Il ratait l'occasion de récolter un adversaire prenable en play-offs et se retrouvait face au SKA, qui avait remporté les quatre dernières confrontations. Mais contrairement à l'an passé (1 but en 4 matches contre le CSKA), le Spartak ne rendait pas les armes. Bien en place pour éviter les contres surnuméraires, il frappait au bon moment pour remporter à la surprise générale les deux premières manches à Saint-Pétersbourg, la seconde au bout du suspense sur un but de Martins Karsums à cinq secondes de la fin. Dire que cela faisait neuf ans que le Spartak n'avait pas gagné un match de play-offs !

Deux manches à zéro : le public avide d'émotions ne demandait que ça pour s'enflammer, mais la série prenait une tournure houleuse à Moscou avec des fautes répétées et des débordements en tribunes (insultes et jets d'objets qui ont valu une amende). Un incident a mis le feu aux poudres : le gardien Shestyorkin en grand écart a accroché la cheville de Kaspars Daugavins avec sa crosse - trop loin du palet pour que ça puisse faire figure de tentative de poke-check - et le Letton s'est gravement blessé en heurtant la bande. Daugavins a été hospitalisé avec des côtes fracturées et un hémothorax... alors qu'il devait rentrer le soir même à Riga pour assister à la naissance de sa fille, survenue par conséquent en son absence. Cette blessure était celle de trop pour les rouge et blanc, déjà privés de Ben Maxwell, de la valeur montante de la saison Anatoli Nikontsev - 17 buts - et du défenseur fameux pour ses buts de la zone neutre - il a encore récidivé cette saison - Andrei Kuteikin. Obligé de compléter sa quatrième ligne avec des réservistes quasi-débutants, le Spartak ne pouvait plus résister aux millionnaires du SKA.

Mais le plus important est que la fièvre autour du Spartak soit revenue. L'hébergement dans la patinoire du parc des légendes occupée par le CSKA a été prolongée de deux ans, avec des ambitions en hausse et l'arrivée d'un coach de renom (Znarok). Le club a donc de quoi voir venir en attendant que se concrétise le projet de reconstruction de la patinoire historique de Sokolniki, présenté en novembre dernier au MAPIC de Cannes : 12 500 places, glace modulable entre surface européenne ou nord-américaines, patinoire d'entraînement, piscine et courts de tennis...

 

Torpedo Nijni Novgorod (14e) : des libertés sur la glace... et avec la loi ?

Le Torpedo Nijni Novgorod est un cas rare en KHL : une équipe de milieu de tableau qui mise résolument sur l'offensive avec un jeu fondé sur la possession du palet. Qu'ils soient russes (Denis Parshin, Damir Zhafyarov, Anton Shenfeld) ou nord-américains (Andrew Calof, Andy Miele), ses attaquants déploient leur créativité dans ce système qui leur donne de la liberté pour déployer des actions complexes.

Le mérite en revient à l'entraîneur canado-russe David Nemirovsky qui a parfaitement mené cette équipe à la double culture. Il s'est appuyé pour cela sur le défenseur vétéran de NHL Anton Volchenkov qui a aidé à l'intégration des étrangers, y compris le gardien à chaud tempérament Barry Brust, engagé à la date limite des transferts pour pallier la blessure de Stanislav Galimov.

On espère que ce climat sportif favorable ne sera pas entaché par les investigations judiciaires en cours : la directrice financière du club Natalya Eremina et le directeur exécutif Sergei Malyutin ont en effet été soupçonnés de malversations et arrêtés par la police...

 

Vityaz Podolsk (15e) : victime de la nouvelle règle

La KHL a décidé juste avant le début du championnat d'adopter la victoire à 2 points. Cette façon de resserrer artificiellement le classement, qui traite le symptôme plutôt que la cause, n'a dupé personne. Mais curieusement, elle a effectivement entretenu le suspense à l'ouest puisque le Vityaz Podolsk a dû attendre la dernière journée pour être sûr de ne pas être dépassé par le Dinamo Riga et de se qualifier. Raboté du bénéfice de ses victoires plus nombreuses dans le temps réglementaire, le Vityaz est le principal perdant de la nouvelle méthode de comptage. Avec une victoire valorisée à 3 points, il aurait fini sixième et non huitième de la conférence ouest. Il aurait alors évité les deux cadors intouchables (SKA et CSKA).

Au cours de la série de sept victoires en décembre, qui l'avait fait grimper au-dessus de la barre de qualification, le Vityaz avait pourtant battu un CSKA Moscou invaincu depuis 18 rencontres. Il avait ainsi confirmé son statut de briseur de séries, pour le meilleur et pour le pire (le Vityaz avait été la première équipe à perdre contre le Sibir en début de saison). Mais en play-offs, le CSKA ne lui a laissé aucune chance. La différence de niveau était trop grande.

Le simple fait de participer aux play-offs reste une satisfaction pour le Vityaz, porté par une belle première ligne. Avec un troisième homme capable de travailler dans les deux sens de la glace (comme Gennadi Stolyarov), les deux grands techniciens Miro Aaltonen et Aleksandr Syomin ont fait merveille. Après une saison anonyme en VHL dans son club formateur du Sokol Krasnoïarsk, la Russie avait presque oublié Syomin, qui a frappé à la porte du petit club de la région de Moscou pour avoir sa chance. L'ancien double champion du monde, à l'époque où il brillait à Washington aux côtés d'Ovechkin, a toujours la capacité de se démarquer pour un one-timer et a mis 19 buts (contre 8 l'an passé en division inférieure). Il a ainsi signé, à 34 ans, sa meilleure saison en Russie, la première qui l'a vu pointer aussi souvent qu'en NHL.

 

Traktor Chelyabinsk (16e) : beaucoup de mauvaises décisions

Médaillé de bronze la saison passée, le Traktor Chelyabinsk n'avait pourtant pas souhaité renouveler le contrat de son entraîneur Anuar Gatiyatullin, qui réclamait une augmentation et son mot à dire dans le recrutement. Le nouveau coach German Titov a déverrouillé le système défensif ennuyeux et donné plus de liberté à ses joueurs. Mais après le départ à l'intersaison des vétérans Yuri Petrov et Aleksandr Chernikov (deux spécialistes d'infériorité numérique formés à l'école de maçonnerie du Lada), il ne restait que des attaquants pas toujours pressés de venir au soutien de leurs défenseurs.

Le début de saison a donc été catastrophique. La direction avait annoncé qu'il n'y aurait aucun changement sur le banc avant décembre, afin de se laisser le temps de tirer les bonnes conclusions. Des bonnes résolutions vite remisées au placard. Dès le mois de septembre, l'ancien entraîneur chargé des défenseurs, Andrei Sokolov, a été rappelé à la rescousse. Début octobre, Titov annonçait son départ pour raisons familiales. L'adjoint Aleksei Tertyshny prenait sa place. En apparence, la saison paraît sauvée : le Traktor a finalement raccroché le wagon des play-offs. Mais il n'y est parvenu que par la faiblesse de ses adversaires à l'Est, et il n'y a servi que de faire-valoir, balayé en quatre manches dans le derby ouralien contre Ekaterinbourg.

Le manager général Evgeni Gubarev (père d'un joueur de quatrième ligne de l'équipe) a donc entendu ses oreilles siffler. En plus des mauvais choix managériaux, sa gestion du grand espoir local Vitali Kravtsov a fait controverse : il lui a refusé de le laisser finir la saison en NHL après l'élimination, en expliquant que le club risquait de perdre ses droits dans ce cas (selon un règlement qu'il est apparemment le seul à interpréter ainsi). Il risque ainsi de s'aliéner le principal talent du club - qui n'en est parti que plus vite à New York dès le début de l'été - au lieu de montrer qu'il cherche le meilleur accord pour le joueur en bonne intelligence.

 

Dinamo Riga (17e) : une année plus rock

Le Dinamo Riga a manqué les play-offs pour la cinquième saison consécutive, mais il ne les a ratés que pour un petit point, dans une conférence ouest à la qualité relevée. Contrairement aux saisons précédentes où le club letton s'enfonçait dans les profondeurs du classement, il a donc démontré qu'il était compétitif.

Et s'il l'a été, c'est parce qu'il a retrouvé des joueurs étrangers dominants, ce qui lui manquait depuis un bout de temps. Le percutant attaquant suédois Linus Videll est ainsi le premier étranger à finir meilleur marqueur du Dinamo depuis... Videll lui-même en 2014/15 ! De fait, un apport "extérieur" était rendu nécessaire après le départ d'Indrasis, sans que ça ne nuise au rendement du capitaine Lauris Darzins, qui a signé la meilleure saison de sa carrière dans le sillage de Videll en inscrivant 44 points.

Mais la figure marquante de la saison, avec ses longs cheveux et sa barbe, aura été Matthew Maione. Ce défenseur offensif, ancien partenaire d'Alex Pietrangelo en lycée et en université, aime tellement se joindre à l'attaque qu'il a fini deuxième pointeur parmi les arrières de KHL. Il a été la "rock star" de la ligue cette saison, au sens propre puisqu'il a interprété à la guitare la chanson Ho Hey des Lumineers lors du All-Star Game de la ligue qui s'est déroulé à Kazan.

 

Sibir Novosibirsk (18e) : un film d'horreur d'une durée d'un mois

Le début de saison du Sibir a ressemblé à un film d'horreur. Plus précisément le moment où les protagonistes sont sacrifiés impitoyablement, un à un, au fil des scènes. Après 5 défaites, Julius Junttila - arrivé en tant que meilleur joueur de Liiga finlandaise - était viré. Après 6 défaites, l'entraîneur Vladimir Yurzinov était mis à la porte. Après 12 défaites d'affilée, le centre canadien Cory Emmerton, retiré de la composition avec une fiche atroce de 0 point et -10, était prié de retourner en Suisse (où ses performances redevenaient normales). À ce moment-là, l'ambiance était à fleur de peau dans l'équipe, au point que les joueurs avec la plus grande ancienneté au club, Maksim Ignatovich et Konstantin Alekseev, ont failli en venir aux mains pour une passe manquée... lors d'un échauffement avec un ballon de football !

Le pire est que le Sibir n'était pas franchement largué dans le jeu. La plupart du temps, il restait dans le match et était proche de prendre des points. Mais la faible efficacité de ses gardiens (Danny Taylor et Aleksei Krasikov) comme de ses attaquants l'ont laissé bredouille et ont peu à peu miné son moral. Le seul qui surnageait était le débutant en équipe senior Nikita Mikhailov (20 ans), qui a même été appelé en équipe de Russie B. Arrivé dans une belle galère, le Français Charles Bertrand, rapidement privé de Junttila avec qui il avait été recruté en duo, n'a pas eu la réussite escomptée avec 3 maigres points en 23 parties. Il a fini par être renvoyé à son tour fin novembre et par se recaser à Fribourg-Gottéron.

Le Sibir avait entre-temps recruté des joueurs qui présentaient l'avantage de ne pas avoir connu les semaines noires, tels Gilbert Brulé ou encore Shane Prince : ce dernier a pour sa part fait le chemin inverse des autres étrangers du club puisqu'il a quitté un club suisse en crise (Davos) pour se "ressourcer" en Sibérie. Le retour de l'attaquant formé au club Yegor Milovzorov a fait le plus de bien puisqu'il a mis 22 points en 24 matches. Une bonne pierre pour... rebâtir l'équipe pour la suite, car la saison était évidemment déjà fichue. Même si le Sibir a connu une fin de championnat très correcte, le retard accumulé pendant la série de défaites était évidemment impossible à rattraper.

 

Neftekhimik Nijnekamsk (19e) : le contre-exemple de l'intégration finlandaise

L'intégration des joueurs de Liiga finlandaise en KHL donne des résultats assez aléatoires. La saison passée chez les Kärpät, Mikael Ruohamaa était le centre de Julius Junttila et Charles Bertrand (il continuait de jouer cet hiver avec le Français... au jeu vidéo Fortnite pendant les longues nuits d'hiver à Nijnekamsk). Mais contrairement à ses collègues passés au Sibir, il a parfaitement réussi ses débuts en KHL, entre deux ailiers qui évoluaient ensemble au JYP, Juuso Puustinen et Joonas Nättinen. Après un excellent début de saison, le trio finlandais a un peu ralenti ensuite. Il ne sera pas conservé et changera de club. Et devinez où ira le duo Puustinen-Ruohomaa ? Au Sibir !

Les Finlandais n'ont pas suffi et n'ont pas vraiment été satisfaits de la performance collective. Après sa très bonne saison précédente, le Neftekhimik est retourné dans l'anonymat. La raison se situe aussi dans les cages. Ilya Ezhov est resté le gardien russe le plus utilisé de la ligue (de nouveau 50 matches joués), mais alors qu'il arrêtait 93% des tirs la saison passée, son pourcentage est tombé à la plus faible valeur de sa carrière en KHL, à 91,1%.

Les étrangers restent rarement longtemps dans le "trou perdu" de Nijnekamsk, qui a besoin de cadres locaux. Deux juniors (Timirov et Khasanov) ont été sacrifiés au "grand frère" tatar Kazan pour faire venir Pavel Padakin, l'ex-Superman qui n'a pas eu la même réussite qu'à Sotchi l'an dernier mais a au moins pu avoir du temps de jeu. En fin de compte, un seul homme a empêché de justesse que les cinq étrangers soient aussi les cinq meilleurs marqueurs, c'est Damir Sharipzyanov. Ce défenseur de 23 ans formé au club est un pilier de plus en plus important, et d'une saison à l'autre, il est passé de la plus mauvaise fiche (-17 dans une équipe à la différence de buts équilibrée) à la meilleure fiche de l'équipe (+6 dans une formation au bilan négatif).

 

Kunlun Red Star (20e) : plus nord-américain, (un peu) plus chinois

L'affaiblissement de la concurrence à l'Est n'a finalement pas permis au Kunlun Red Star de retourner en play-offs. L'équipe chinoise a connu une saison assez médiocre. Quand Curt Fraser a remplacé l'entraîneur finlandais Jussi Tapola le 19 janvier, il a déclaré avoir trouvé des joueurs " se laissant glisser " sur la glace et leur a demandé de tous patiner à cinq pour montrer plus de solidarité sur la glace.

Fraser a signé pour deux ans et sa signature doit être suivi d'autres changements structurels. Le club veut passer d'un effectif cosmopolite très européen à une équipe plus nord-américaine qui sera peut-être plus homogène. L'effectif "à moitié chinois" reste toujours l'objectif officiel, mais il s'agira essentiellement de doubles nationaux à l'instar de Brandon Yip, capitaine et meilleur marqueur de l'équipe. On a tout de même assisté à un évènement avec deux premières apparitions d'un authentique Chinois, le gardien de l'équipe nationale Sun Zehao, qui s'est formé en autodidacte devant des vidéos de gardiens au vu des méthodes d'entraînement peu développées en Chine.

L'autre enjeu majeur, à trois ans des Jeux olympiques, est de se conquérir un public. C'est peine perdue à Shanghai, où l'équipe a joué presque toute la saison. Le but est surtout d'attirer les spectateurs de la capitale et ville olympique Pékin, où elle n'a disputé que deux rencontres dans ce championnat. Le club a décidé d'y revenir, mais il sera difficile d'occuper la salle de basket des JO 2006 (maintenant "Cadillac Arena") qui a accueilli un match NHL en ouverture de saison si son gestionnaire continue d'exiger des coûts de location exorbitants (en millions de dollars).

 

Admiral Vladivostok (21e) : même la nourriture est rationnée

L'Admiral Vladivostok avait été ré-inscrit en KHL à la condition sine qua non de payer les 100 millions de roubles de dettes résiduelles à ses anciens joueurs et créanciers. Mais le directeur général Nikita Soshnikov a voulu jouer au plus fin : il a nié l'existence de l'accord conclu en sa présence, expliqué la bouche en cœur qu'il ne lui était légalement pas possible de payer les dettes contractées par l'entité légale précédente envers des gens avec lesquels il n'a aucun rapport.

La KHL, échaudée par le précédent du Dynamo Moscou, voulait justement éviter à tout prix que le redémarrage sous une nouvelle structure légale devienne la norme, ce qui aurait porté un coup fatal à son image : en octobre, elle a suspendu Soshnikov et son adjoint Aleksandr Selivanov. Des joueurs ont alors levé le voile sur leurs méthodes d'économie, qui concernaient l'habillement (une seule tenue en toute saison), les voyages (lignes régulières avec excédent de bagages à leurs frais) et surtout la nourriture puisqu'ils devaient signer lorsqu'ils prenaient une portion de céréales !

Les performances obtenues dans ces conditions ont plutôt convaincu que cette équipe était capable de mieux en commençant la saison normalement. Encore faut-il pouvoir conserver les joueurs qui avaient signé au salaire minimum mais qui se sont parfois révélés à l'instar du gardien Nikita Serebryakov, ancien numéro 2 devenu titulaire. Après avoir annoncé ne pas vouloir s'en séparer, l'Admiral n'a pas réussi à retenir le défenseur Stepan Zakharchuk, dont le passage à Vladivostok aura été marquant. Il a pris 15 matches de suspension dès sa première partie avec le club (!), moins pour la faute elle-même - une charge contre la bande sur un joueur qui se retournait à ce moment-là - que pour son lourd casier. C'est la cinquième fois qu'il blessait un adversaire en KHL. L'entraîneur de l'Admiral, Sergei Svetlov, veut croire que c'est juste un effet malheureux de la différence de taille.

 

Severstal Cherepovets (22e) : un licenciement qui fait un heureux

Parfois un avis extérieur, exprimé avec vigueur, permet de se faire une bonne idée de la situation d'un club. Voyez ce que Pavel Buchnevich, attaquant des New York Rangers qui rentre à Cherepovets chaque été, a déclaré à Sport Express au sujet de son club formateur : " Je suis très content que le directeur général Aleksei Koznev ait été renvoyé du club. Vraiment heureux. Regardez l'effectif qu'il a composé pour cette saison. C'est un cauchemar. Les trois étrangers sont faibles. Prenez Carter Ashton. Je me souviens de lui au Torpedo, un robocop de la quatrième ligne. Et au Severstal il est sur le premier trio. Ce n'est pas sérieux, comment gagner avec un tel premier trio ? Et il a viré l'entraîneur alors que c'est lui qui est à blâmer ? Très triste pour le club. "

À vrai dire, on s'attendait à ce que le Severstal vive une saison difficile après le départ à la capitale de la vedette locale Dmitri Kagarlitsky. Avec un budget identique, renouveler l'équipe à 40% était une gageure. Répéter la qualification en play-offs eût été un exploit encore plus considérable que l'an passé. L'entraîneur Aleksandr Gulyavtsev y a donc laissé son poste. Son successeur Andrei Razin a été choisi pour secouer les joueurs avec sa méthode forte, mais il n'y a pas eu de miracle.

Au moins le pire a-t-il été évité. Le peu médiatique Severstal était mal en point au classement multi-critères de la KHL et risquait de faire expulser de la ligue en fin de saison. Mais alors que son expansion internationale bat de l'aile de plus en plus, la KHL n'a finalement exclu aucun club russe.

 

Amur Khabarovsk (23e) : un assistant-coach très spécial...

Après son renvoi de Cherepovets, Aleksandr Gulyavtsev a connu deux mois de repos, puis a été embauché le 12 janvier par l'Amur Khabarovsk, l'autre club bien content que la KHL ait en fin de compte décidé de garder tout le monde. Gulyavtsev a remplacé Nikolaï Borshchevski, que l'on a accusé d'avoir épuisé son équipe déjà fatiguée par les longs voyages depuis l'Extrême-Orient. Entraîneur russe à l'ancienne, il n'accordait jamais de jour de repos de peur que les joueurs le passent à se soûler...

Gulyavtsev a choisi un adjoint (Pavel Torgayev), mais pas l'autre. Il se dit que c'est l'influent Vyacheslav Fetisov (qui a donné son nom à l'aréna locale) qui a soufflé le nom d'Aleksandr Yudin, l'ancien goon nommé assistant-coach chargé de la défense après quatre années de chômage. Yudin, qui écoute toujours Bon Jovi en boucle et sécrète naturellement de l'adrénaline en excès, a par exemple expliqué à l'entraînement à ses joueurs médusés qu'il faut mettre la crosse entre les jambes de l'attaquant puis la lever pour " faire passer l'envie de jouer ". Elle a bien changé, l'école russe de hockey...

Toujours encadré par des joueurs tchèques avec des succès variés (Tomas Zohorna meilleur marqueur, Filippi et le gardien Kasik vite virés), l'effectif de l'Amur a eu comme révélation de l'année Igor Rudenkov, qui s'est découvert un bon potentiel offensif pour sa troisième année au club et a aussi conduit la Russie à la médaille d'or des Universiades en tant que capitaine.

 

Dynamo Minsk (24e) : pas d'entraîneur, moins d'argent et moins d'étrangers

Si la KHL a gardé ses clubs russes, c'est que ce sont deux clubs étrangers qui ont fini aux deux dernières places de la ligue. Le Dynamo Minsk a connu une saison très médiocre, mais il a eu le mérite de conserver son équipe jusqu'au bout même si la qualification a vite paru impossible. Le club a démenti en décembre la rumeur du départ de son meilleur marqueur, l'ailier finlandais Teemu Pulkkinen, et il est effectivement resté jusqu'à la fin de la saison régulière. Mais si le club biélorusse n'a pas faussé le championnat par un "déstockage" comme d'autres avant lui, il n'a pas vraiment construit à long terme. C'est surtout la saison suivante qui inquiète.

Déjà, le club a attendu le 11 mai pour annoncer que l'entraîneur Andrei Sidorenko ne serait pas reconduit. La raison en est simple : il est aussi le sélectionneur de l'équipe nationale, et il fallait attendre qu'il remplisse la mission de faire remonter le Bélarus dans l'élite mondiale. Pire, alors qu'un accord avait été trouvé avec un potentiel successeur, Aleksandr Andrievsky, et que sa double nomination (club/sélection) avait été approuvée par le comité national olympique, la signature a capoté en raison de divergences de vue. En arrière-fond : il n'acceptait pas une réduction du nombre d'étrangers, voire de son salaire, conséquence d'une nouvelle diminution annoncée du budget...

Le Dynamo Minsk avait donc six joueurs sous contrat à fin mai, quand les autres clubs de KHL ont déjà des effectifs presque complets. Qui plus est, il n'a toujours pas d'entraîneur. La cause en est directement le Président de la République, Aleksandr Lukashenko. C'est encore lui qui a plaidé pour la réduction de 6 à 4 étrangers au sein de l'équipe, directement dans un communiqué du service de presse présidentiel. Il y expliquait que le Dynamo n'était pas meilleur que les clubs du championnat biélorusse qu'il a affronté dans une série de rencontres, que tout le monde a deux bras, deux jambes et une tête, et qu'on n'a pas besoin de mercenaires dont les absences (pour blessure ou maladie) traduiraient la faible motivation.

Amener des étrangers pour ne pas atteindre des play-offs ne sert à rien, dit en substance le président moustachu. À ce compte, il est vrai qu'une équipe plus locale ne pourrait pas faire bien pire. Et comme elle est financée par l'argent de l'État, on peut comprendre qu'il y ait d'autres priorités. Jamais le Dynamo n'a manqué les play-offs trois ans de suite : cela risque fort d'arriver dès l'an prochain dans ce contexte.

 

Slovan Bratislava (25e) : encore un club "européen" en moins

Le Slovan a fait de son mieux pour être compétitif, avec une belle série de 5 victoires en octobre, mais il ne s'est jamais vraiment remis des deux matches de gala organisés à Vienne face aux deux adversaires les plus forts (CSKA Moscou et SKA Saint-Pétersbourg). Humiliée par deux fois (0-9 et 0-7), l'équipe slovaque a ensuite totalement décroché. Cet "évènement" viennois n'aura pas vraiment eu le retentissement positif escompté. La star du SKA Nikita Gusev a dit que c'était un match comme un autre et a dit qu'il ne sentait pas que la KHL poussait vers l'Europe. Le président de la ligue Dmitri Chernyshenko s'est senti obligé de répliquer qu'il lui enverrait toutes les informations sur les efforts de promotion effectués par la KHL...

La réalité est que, efforts ou pas, l'expansion européenne de la KHL a sérieusement du plomb dans l'aile. Elle ne conquerra pas le marché autrichien, et au contraire, elle a perdu la Slovaquie. La décision annoncée de "garder tout le monde" s'est vite heurtée à la situation financière de plus en plus dégradée du Slovan Bratislava. En mai, la KHL a publié deux calendriers, un avec et un sans le Slovan. C'était le prélude à la décision inévitable d'ouvrir la procédure d'exclusion du club slovaque.

Comme les autres clubs étrangers, le Slovan avait intégré la KHL sous perfusion d'argent russe. Gazpromexport figurait sur les maillots cette saison. En avril, le club avait annoncé l'arrivée d'un investisseur, une entreprise russe de renom, qui serait prêt à financer la nouvelle saison... mais il a finalement renoncé devant les dettes cumulées. On évoque une ardoise de sept millions d'euros. Le Slovan Bratislava va retourner dans le championnat slovaque, mais il n'a pas encore rempli les conditions de sa licence, en particulier à cause de ses dettes envers les joueurs et envers la ville de Bratislava (pour le loyer de la patinoire). Et l'exemple du Medvescak - dont le retour dans la ligue autrichienne s'est transformé en débâcle - montre que le financement "post-KHL" n'a rien de simple. On peut se demander si le Slovan n'a pas trop tardé à entreprendre ce retour en laissant la dette gonfler au fil des ans.

 

Marc Branchu

 

 

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