Russie 2017/18 : présentation
Conférence Ouest
Division Bobrov : SKA Saint-Pétersbourg, Jokerit Helsinki, Dynamo Minsk, Medvescak Zagreb, Spartak Moscou, Slovan Bratislava, Dinamo Riga.
Division Tarasov : CSKA Moscou, Lokomotiv Yaroslavl, Dynamo Moscou, Torpedo Nijni Novgorod, HK Sotchi, Vityaz Podolsk, Severstal Cherepovets.
Conférence Est
Division Kharlamov : Metallurg Magnitogorsk, Ak Bars Kazan, Traktor Chelyabinsk, Avtomobilist Ekaterinbourg, Neftekhimik Nijnekamsk, Yugra Khanty-Mansiysk, Lada Togliatti.
Division Chernyshev : Avangard Omsk, Salavat Yulaev Ufa, Kunlun Red Star, Barys Astana, Sibir Novosibirsk, Admiral Vladivostok, Amur Khabarovsk.
Division Bobrov (Conférence Ouest)
Le SKA Saint-Pétersbourg peut-il conserver son titre de champion malgré le départ en KHL des deux derniers éléments de sa ligne phare (après Panarin) Vadim Shipachyov et Evgeni Dadonov ? Il a encore les cartes en mains, au moins pour cette saison. Nikita Gusev et Ilya Kovalchuk atteindront dans un an des âges limites en NHL (28 ans pour le premier pour ne plus être considéré comme rookie, 35 ans pour le second pour être agent totalement libre). Ils avaient donc tout intérêt à rester une année de plus, et pas seulement pour les Jeux olympiques. La saison suivante s'annonce encore plus compliquée face au plan triennal du CSKA. Il faut donc calmer le rival dès maintenant pour contrarier ses projets.
Le trio Kovalchuk-Datsyuk-Plotnikov est éprouvé. Gusev n'a certes plus ses partenaires au jeu collectif léché, mais a un centre plus direct et moins passeur (Nikolaï Prokhorkin) et il bénéficie des progrès de l'ailier formé au club Aleksandr Barabanov, qui s'est musclé physiquement. Ce sont deux lignes complètes stables que Znarok pourraient emmener telles quelles aux JO. Les rôles sont clairement répartis en attaque, bien mieux qu'au CSKA, avec le seul étranger Jarmo Koskiranta au centre de la troisième ligne et des travailleurs en quatrième ligne (Kalinin, Kablukov, Ketov).
En revanche, la défense, renforcée de la nouvelle référence à 5 contre 5 Vladislav Gavrikov (aucun but encaissé aux championnats du monde), a le défaut d'être pléthorique. Elle compte douze arrières, les Suédois David Rundblad et Patrik Hersley plus dix Russes qui ont tous été testés au moins une fois en équipe nationale. Cela fonctionne jusqu'ici parce qu'il y en a toujours deux à l'infirmerie.
L'entraîneur et sélectionneur national Oleg Znarok arrivera-t-il à assumer la pression du favori aux JO, puis à se remettre au second objectif que constitueront les play-offs ? Il lui faudra gérer les frustrations de ceux qui auront échoué en Corée... ou, alternativement en cas de succès, de ceux qui auront manqué la grande aventure. Si la saison régulière est (trop) facile pour le SKA, tout sera moins simple, mais plus passionnant, à partir de février.
Les Jokerit Helsinki ne sont pas restés en KHL pour faire de la figuration. Ils fêtent leur 50e anniversaire et le célèbreront par un match en plein air contre le SKA en décembre. Même s'ils restent sur une saison très moyenne, les Finlandais n'ont jamais eu une composition aussi forte, la troisième de la ligue en valeur pure. Face au calendrier très dense en cette saison olympique, Jukka Jalonen dispose de 15 attaquants et 9 défenseurs de bon niveau et veut que chacun se batte pour gagner sa place.
La défense a été le secteur le plus renforcé. Tout comme le nouveau gardien Karri Rämö, les quatre recrues à l'arrière connaissent déjà tous la KHL : Matt Gilroy, Mike Lundin, Tommi Kivistö et Sami Lepistö ont à la fois de l'expérience et encore de belles années devant eux. Les grands gabarits danois Oliver Lauridsen et Jesper B. Jensen sont toujours là pour tuer les pénalités et faire le ménage en infériorité numérique.
La colonie du Danemark continue de s'étoffer puisque le centre et capitaine Peter Regin accueille à ses côtés son partenaire en équipe nationale Nicklas Jensen, qui amène sa vitesse et son excellent tir. Les ailes sont bien garnies, jusque sur la quatrième ligne avec le double mètre Marko Anttila et la pile électrique Antti Pihlström.
Les Jokerit, qui ont toujours misé sur l'expérience depuis leur entrée en KHL, intègrent même un junior, déjà en évidence aux derniers Mondiaux U20. Eeli Tolvanen n'a pas réussi son examen scolaire d'entrée au Boston College après avoir tenté de finir le lycée en deux ans (tout en étant deuxième marqueur d'USHL), et il a donc décidé de revenir au pays : son triplé à son premier match, avec trois tirs du poignet somptueux, a convaincu les Finlandais qu'ils tenaient une pépite. Il a aussi rendu les Russes jaloux car leurs juniors jouent de moins en moins en KHL !
Tout ça pour ça... En mai dernier, face aux contre-performances du Bélarus aux championnats du monde en France, la colère était montée jusqu'au président de la République : la pertinence de financer le Dinamo Minsk pour payer les salaires des joueurs étrangers était remise en question.
Quelques mois plus tard, les déclarations tempétueuses ont accouché d'une souris. On a bien compris que le représentant biélorusse en KHL ne serait jamais compétitif sans renfort. Quinton Howden et Jack Skille, judicieusement choisis pour leur capacités de patinage, sont arrivés peu à peu durant l'été. Le Dynamo, comme l'an passé, se reposera avant tout sur une ligne étrangère qui tiendra un rôle majeur. Cela n'empêchera pas les joueurs biélorusses de se développer : l'effectif n'est pas dense et Egor Sharangovich (19 ans), révélé au Mondial de Paris par ses buts contre la Finlande et la France, a su y trouver sa place.
Deux points sont bien plus problématiques pour l'avenir à court terme de l'équipe nationale. Premièrement, le jeune gardien Mikhaïl Karnaukhov, qui incarne la possible relève à un poste défaillant, ne joue presque pas. Comment le pourrait-il derrière Jhonas Enroth ? Celui qui était le plus petit gardien de NHL s'est vite rendu indispensable. Calme et réfléchi, le Suédois, grand admirateur de Carey Price, est un analyste lucide qui utilise beaucoup la vidéo pour comprendre et anticiper les points forts adverses.
Deuxièmement, les internationaux Andrei Stas (vers Omsk) et Nikita Komarov (vers le Dynamo Moscou) sont partis se faire embaucher dans d'autres équipes de KHL pour "nourrir leur famille" (dixit Komarov) au prix du renoncement à leur citoyenneté biélorusse. Heureusement que le défenseur Vladimir Denisov a refusé le deal similaire proposé par le Traktor (rester en abandonnant son passeport pour ne plus compter dans le quota d'étrangers) et a choisi au contraire de rester au pays en déclarant que sa patrie passait en premier.
Le Spartak Moscou, "club du peuple", est aujourd'hui encore celui qui fait le plus d'efforts d'animation envers les supporters dans la capitale. Mais il a surtout besoin de résultats positifs pour être à nouveau aimé. L'étiquette d'éternels losers devient collante. Dans une Conférence Ouest dont le niveau ne cesse de baisser, il faut absolument viser les play-offs.
Le meilleur marqueur, qui était le défenseur Matt Gilroy, n'est cependant plus là. Il a décliné la proposition du club parce qu'il attendait une éventuelle offre NHL, et le Spartak l'a remplacé par l'international finlandais Ville Lajunen, qui sera donc le nouveau patron du jeu de puissance. Ironie de l'histoire, Gilroy a finalement signé aux Jokerit, l'ancienne équipe de Lajunen ravie de la substitution.
La recrue la plus importante est arrivée tardivement, en août, quand Aleksandr Khoklachev a été échangé par le SKA. Grand espoir de sa génération 1993, Khoklachev avait quitté le Spartak à 17 ans pour jouer en Junior Majeur au Canada, mais il n'a pas réussi à percer en NHL à Boston. Cet attaquant polyvalent revient dans son club formateur et a été placé à l'aile gauche du centre américain Ryan Stoa. Ces deux-là forment le duo offensif majeur.
Cela ne suffit cependant pas à des Spartakistes qui commettent toujours trop d'erreurs. L'entraîneur Vadim Epanchintsev, qui débute en KHL sans grandes références, n'a pas tardé à sévir. Une recrue-vedette, le vétéran Stanislav Chistov, transparent en pré-saison, a eu 8 minutes de temps de jeu au premier match avant d'être envoyé en équipe-ferme. Même le capitaine Maksim Potapov a été écarté de l'équipe. Epanchintsev a convoqué tous les joueurs pour dire qu'il ne voulait pas de passagers indifférents et qu'il était prêt à se séparer de ceux qui ne lui convenaient pas. Mais ce message autoritaire suffira-t-il à éviter une nouvelle saison décevante ?
Le dernier championnat fut une souffrance pour le Slovan Bratislava, en difficulté pour verser ses salaires. Le club qui était derrière lui au classement, le Medvescak Zagreb, a quitté la ligue, et beaucoup se demandaient si les Slovaques ne suivraient pas le même chemin. Bratislava n'a pas de quoi débourser plus : les 9000 spectateurs paient déjà les troisièmes tickets les plus chers de KHL (derrière Saint-Pétersbourg et Helsinki) et les partenaires locaux ont des moyens limités. Le Slovan a donc eu recours à des sponsors russes pour boucler son budget, et reste donc dépendant de l'aide extérieure comme ses concurrents.
Un nouveau directeur général sans lien avec le hockey, Patrik Zeman, est arrivé en remplacement du manager historique Maros Krajci. Chargé de mettre en place des procédures de stabilisation financière, il a commencé à rechercher des économies dans un poste de dépenses important, l'optimisation du coût des déplacements en avion. Même si le Slovan se veut rassurant sur son avenir en KHL, l'incertitude a compliqué la préparation. Le camp a commencé avec des juniors et l'équipe s'est formée tardivement avec des joueurs à court de condition physique.
Toute l'équipe était en effet à reconstruire, en particulier la défense où il ne restait qu'Ivan Svarny. Heureusement, Andrej Meszaros est revenu au jeu comme capitaine après neuf mois de convalescence et le Canadien Cam Barker fait aussi son retour à Bratislava. Les lignes arrières ont finalement été renforcées de Simon Després, joueur de NHL de 25 ans, accessible parce qu'il n'a joué qu'un match l'an dernier à cause d'une commotion cérébrale. La condition pour le signer était un package dans lequel Eli Sherbatov devait être aussi mis sous contrat : c'est ainsi que l'ancien attaquant de Neuilly-sur-Marne se retrouve à jouer (un peu) en KHL !
Le Dinamo Riga a été re-créé il y a 10 ans, comme la KHL, mais il vit des championnats de plus en plus difficiles. Il a dû commencer la saison sans trois attaquants majeurs à l'infirmerie (Mikelis Redlihs, Colton Gillies et T.J. Galiardi), et il a perdu dès la première semaine le défenseur Guntis Galvins blessé à la jambe.
La mission de Sandis Ozolins devenait dès lors impossible. Entraîneur débutant, sans adjoint d'expérience pour lui aider à apprendre le métier, l'ancien défenseur-vedette - choisi parce que le sélectionneur national Bob Hartley ne veut pas s'impliquer à plein temps - s'est trouvé condamné à l'échec et a vite compris qu'il ne servirait à rien d'insister. Son équipe diminuée, offensivement impuissante y compris en jeu de puissance, a accumulé les défaites et l'a rapproché de la sortie.
Le Dinamo Riga risque fort de plonger durablement en dernière position. Au classement multi-critères de la KHL, le club letton devrait donc objectivement se trouver mal placé, surtout si les supporters finissent par perdre patience. Sera-t-il exclu pour autant ? Pas sûr. La nouvelle stratégie annoncée de la KHL est de réduire les clubs russes, pas étrangers, et le Dinamo reste un instrument géopolitique important de la présence russe dans les pays baltes "hostiles".
Division Tarasov (Conférence Ouest)
Un club qui achète tous les meilleurs joueurs juste pour que ses concurrents ne les aient pas, même s'il ne peut pas tous les aligner, on pensait que ça n'existait qu'en football. Démenti avec le CSKA Moscou, dont l'appétit ne connaît plus aucune limite.
Dès le premier jour de l'ouverture des transferts le 1er mai, il a assommé le marché. Il a versé 425 millions de roubles (6 millions d'euros) en compensation financière au Sibir pour acquérir trois attaquants majeurs (Shalunov, Shumakov, Okulov), plus 80 millions de roubles (1,2 million d'euros) versés à Ufa pour le meilleur espoir du championnat Kirill Kaprizov. S'y ajoutait Anton Burdasov, échangé à l'Avangard.
Même au registre des rentrées de NHL, les Moscovites ont fait en sorte de se tailler la grosse part du gâteau (sauf Markov qui à 38 ans ne rentrait pas dans la stratégie décrite ci-dessous) : l'attaquant défensif Roman Lyubimov, de retour au bercail au bout d'un an, Mikhaïl Grigorenko, ex-grand espoir du hockey russe de 23 ans au poste-clé de centre qu'il affectionne, et le solide défenseur international Aleksei Marchenko, qui a perdu son temps de jeu en NHL la saison dernière après une blessure à l'épaule. Que restait-il au SKA Saint-Pétersbourg, le grand rival ? Plus rien ou presque, et c'était le but.
Il y avait plusieurs motivations à ce recrutement à tout va. D'une part, l'ancien club de l'armée s'est porté garant du patriotisme en prouvant qu'il pouvait garder dans ses rangs nombre des meilleurs joueurs du pays, notamment pour les Jeux olympiques, à un moment où la KHL perdait ses forces. Mais cela va bien plus loin que la saison olympique. Toutes les recrues ont signé pour 3 ans, et le gardien Ilya Sorokin a prolongé pour la même durée. Autant d'années pendant lesquelles le CSKA veut dominer la ligue et assécher les ressources de son adversaire afin de soulever enfin la Coupe Gagarine qui se refuse à lui. Comment cela est-il compatible avec le plafond salarial décidé par la KHL ? On verra... Le CSKA a réclamé 6 joueurs en dehors du plafond et a obtenu "seulement" 2 dérogations pour des joueurs en provenance de la NHL. Mais les Burdasov et Shalunov auraient signé pour plus de 2 millions d'euros chacun par an...
L'autre problème est qu'à force de tirer sur tout ce qui bouge pour que la SKA soit bredouille, le CSKA a la besace qui déborde. Six lignes complètes en attaque et en défense ! Pour gérer la situation, une situation inédite dans le hockey mondial a été mise en place : absolument aucun joueur n'était titulaire. Après sept rencontres seulement, chaque hockeyeur avait passé au moins un match en tribunes !
Après cette situation provisoire de quatre à six semaines, les lignes définitives doivent se former. Mais le résultat était couru d'avance : en ayant signé un contrat à deux volets qui diminue son salaire par deux en cas de rétrogradation en équipe-ferme, Konstantin Okulov, meilleur buteur du CSKA en pré-saison, s'est piégé lui-même. Comme en NHL, la situation contractuelle détermine l'avenir du joueur. Que deux joueurs régulièrement appelés en équipe nationale la saison dernière, Okulov et Andrei Svetlakov, soient envoyés en équipe-ferme, cela fait quand même mauvais genre. Cette situation potentiellement explosive est confiée à un entraîneur assez inexpérimenté, Igor Nikitin, l'ancien adjoint de Dmitri Kvartalnov. Lui aussi a un contrat de 3 ans. Il tentera de maintenir un hockey moderne, prêt à l'innovation et à l'analyse des statistiques avancées.
Le défi est rude... tout comme celui de remplir les tribunes. Le club investit bien plus dans le recrutement que dans ses relations avec le public. Il a promis qu'il ferait des efforts, mais le premier match de pré-saison a montré que le chemin est long : la sécurité a confisqué les bouteilles en plastique même aux enfants, par 30 degrés de température extérieure... et alors que le bar de la patinoire était fermé.
Dans une KHL où les forces et les actions de certains varient comme les cours du pétrole, il y a un club qui reste toujours le même : le Lokomotiv Yaroslavl. Il avance à allure régulière en suivant les rails, et se garde bien du moindre excès. Quant un joueur prend de la valeur, comme Vladislav Gavrikov, on ne se lance pas dans une surenchère pour le garder, mais on le vend, plus de 100 millions de roubles (1,5 million d'euros) au SKA, qui avait besoin de "riposter" sur le marché.
La défense est donc affaiblie, et l'autre arrière international Ilya Lyubushkin est privé de son partenaire : arrivé à Yaroslavl quand le club avait eu droit de prendre un jeune dans chaque autre club pour reconstituer une équipe après le crash aérien, il s'est bien acclimaté.
Le style de jeu du Lokomotiv suit la même philosophie que le club : ne pas foncer sans réfléchir et agir avec méthode. Les jeunes Russes ont l'air déjà de jouer comme des vétérans, avec de la patience, en évitant les erreurs. Mais il est un domaine où Yaroslavl se donne pleinement : l'intensité physique. Les joueurs font bon usage de leurs grands gabarits.
Défensivement solide devant son gardien Aleksei Murygin, cette équipe est cependant limitée en zone offensive. Une locomotive qui avance sur des rails, ce n'est pas vraiment imprévisible ni créatif. Le duo de 21 ans Kraskovsky-Korshkov est ainsi trop inefficace devant le but pour être redoutable malgré sa taille imposante. La responsabilité offensive, une fois de plus, repose donc un peu trop sur le cinq majeur des renforts étrangers (Kozun-Kontiola-Talbot avec la paire Kronwall-Nakladal en défense).
C'est une belle ardoise que le Dynamo Moscou a laissée : 25 millions d'euros de dettes, la moitié en salaires non versés et la moitié en loyers et fournisseurs impayés. Le coupable a déjà été désigné : l'ancien manager Andrei Safronov. On a appris au passage que celui se targuait à l'époque de l'éphémère MVD (fusionné avec le Dynamo) de construire une "équipe sans millionnaires" était en fait... mieux payé que ses joueurs, un fait inédit en Russie et plus largement dans le hockey professionnel de haut niveau !
En conflit ouvert depuis longtemps avec Safronov, le Comité Central du Dynamo a tout simplement laissé l'équipe de KHL, légalement séparée de l'ancienne structure autonome du club de hockey, faire faillite. Aucun espoir pour les créanciers de revoir leur argent : pour toute question, prière de s'adresser à M. Safronov. La KHL a peut-être créé un dangereux précédent en cautionnant son tour de passe-passe, mais le syndicat des joueurs s'est tout de même battu. 42 joueurs (dont 14 titulaires, les autres étant des réservistes ou des juniors) ont refusé de se rendre à l'examen médical d'avant-saison pour cause de salaires impayés. La commission disciplinaire de la KHL les a libérés de toute obligation contractuelle. Cela a le mérite de la cohérence : prétendre reprendre les contrats en cours sans régler les arriérés salariaux, ce serait un peu fort de café.
On pouvait donc craindre qu'il ne subsiste qu'un Dynamo privé de substance. L'entraîneur et ex-adjoint Vladimir Vorobiev, qui espérait s'appuyer sur un squelette existant solide, a déchanté. Les maillons-clés Matt Robinson, Artyom Fedorov ou Denis Kokarev se sont éparpillés. Le meilleur espoir du club, le gardien Klim Kostin, a filé outre-Atlantique. Le bilan n'est cependant pas si catastrophique : certains des réfractaires de la visite médicale, comme Juuso Hietanen et très tardivement Aleksei Tereshchenko, ont fini par re-signer malgré tout, n'ayant pas trouvé mieux ailleurs.
Le Dynamo, en fin de compte, a toujours une bonne défense, protégée par deux gardiens efficaces : l'inoxydable Aleksandr Eremenko (37 ans) et le MVP des play-offs qui a fait de l'équipe-ferme de Balashikha (dissoute cet été par mesure d'économie) la championne de VHL, Ivan Bocharov. À 22 ans, celui-ci a enfin sa chance alors qu'il n'était que le quatrième ou cinquième gardien dans l'organisation. Les départs ont donc aussi du bon.
Si les bases restent solides, le Dynamo dépeuplé manque plus que jamais d'un leader offensif. La principale recrue Dustin Boyd n'a plus son environnement familier d'Astana. Danil Tarasov pourra difficilement maintenir son excellente forme du début de saison au rythme effréné de la KHL, parce qu'il avait auparavant un rôle mineur et a soudain été (sur-)employé dans toutes les situations de jeu.
Le Torpedo Nijni Novgorod a redynamisé son image cet été. Le vieux logo avec un majestueux cerf de profil, emprunté à l'usine automobile de Gorki qui est le sponsor historique, est toujours officiel, mais il a été déplacé de la poitrine aux épaules sur le maillot. Une tête de cerf plus moderne a fait son apparition dans le même temps, déclinée sur les tickets et les accessoires de merchandising. Toute une famille de mascottes rôde même désormais autour de la patinoire.
Sur le banc, pas de changement : Peteris Skudra fait toujours la loi. L'exigeant entraîneur letton a provoqué un remue-ménage estival en remplaçant une vingtaine de joueurs. Mais ce qui a surpris, c'est le retour massif de joueurs dont il s'était séparé depuis deux ou trois ans : le second gardien Ivan Lisutin, le défenseur Mikhaïl Grigoriev, les attaquants Denis Parshin, Sergei Kostitsyn ou Gennadi Stolyarov (nommé capitaine).
Avec ces volte-face, la stratégie est-elle lisible ? Alors que le style de Skudra a toujours été réputé travailleur et physique, le recrutement s'est orienté vers des étrangers de culture très technique : les hockeyeurs slovènes. Trois internationaux sont arrivés de la petite nation alpine, Jan Mursak, Ziga Jeglic et l'ultime joker Rok Ticar (qui avait commencé la saison à Ekaterinbourg). Les experts jugent toutefois l'effectif inférieur aux années précédentes. Au moins le gardien est-il motivé : Stanislav Galimov veut relancer sa carrière après avoir fini la saison sur le banc à Kazan.
Quand un entraîneur arrive dans un club, il est de bon ton - surtout en Russie - de proclamer des objectifs élevés en bombant le torse. Sergei Zubov n'a pas dérogé à la règle à son arrivée au HK Sotchi avec un très classique " je ne veux pas juste atteindre les play-offs mais aussi y faire quelque chose ". Depuis, l'ancien défenseur offensif de Dallas tourne plusieurs fois la langue dans sa bouche et se montre bien plus prudent.
Après avoir peiné à diriger les stars du SKA à sa promotion comme chef il y a deux ans (sa seule expérience d'entraîneur), Zubov découvre une situation plus difficile. Il y est allé gentiment pas à pas en découvrant une équipe en chantier et un système qu'il faudrait assimiler tout doucement.
Les play-offs, ce serait déjà bien pour une équipe qui a perdu les deux joueurs qui portaient l'offensive depuis trois ans, Ilya Krikunov et André Pettersson. Le Suédois était normalement toujours sous contrat, mais il a utilisé le règlement de la ligue sur les retards de salaire pour s'en libérer et signer à Omsk dès l'ouverture des transferts. Qui l'en blâmera ? Le soufflé olympique est retombé et Sotchi n'est plus vraiment "the place to be". La qualification reste toutefois possible car le niveau de la Conférence Ouest de KHL ne cesse de chuter.
Cette baisse générale est aussi la seule chance du Vityaz Chekhov. Quatre des cinq étrangers sont partis et les nouveaux ne présentent pas forcément les mêmes garanties. Le duo finlandais Jaakko Rissanen - Jesse Mankinen (recruté au KalPa Kuopio) quitte pour la première fois son pays et n'a guère d'expérience internationale. Heureusement que Maksim Afinogenov et Aleksei Makeev sont toujours là pour mener l'attaque : ils n'ont que 38 et 34 ans après tout !
Deux recrues étrangères (Vojtech Mozik et Nicklas Burström) ont été consacrées à la défense pour combler le vide laissé par Jerabek. De ce fait, les cages seront gardées par un duo russe, Igor Sapyrkin étant rejoint par Mikhaïl Biryukov.
Individuellement, cette équipe-ci est elle aussi un peu moins forte, mais elle compte s'appuyer sur la discipline de fer maintenue par l'entraîneur Valeri Belov pour rééditer sa qualification historique en play-offs, qui avait été attendue depuis dix ans.
Club portant le nom d'une usine sidérurgique dans une ville grise et polluée, le Severstal Cherepovets est à peu près tout, sauf glamour. Pourtant, cette saison, quelque chose semble changer. Est-ce la nouvelle notation de la KHL qui classe les performances sportives mais aussi l'affluence et l'impact médiatique dans le but d'exclure les mauvais élèves ? En tout cas, on s'est enfin décidé à peindre la dalle de béton sous la glace d'un beau blanc et à installer des éclairages dynamiques.
Penserait-on au spectacle ? Ça tombe bien, c'est la spécialité du gardien slovaque Julius Hudacek, qui s'est taillé une réputation de showman à Örebro en Suède. Mais le Slovaque, qui n'était resté qu'un match au Sibir il y a trois ans, devra surtout convaincre par ses performances sportives pour remplacer Jakub Kovar.
Sinon, le recrutement du manager Valeri Zelepukin se limite à des vétérans presque oubliés : l'ex-international Konstantin Korneev n'est plus que l'ombre de lui-même depuis deux ans et Vitali Vishnevski n'a plus joué du tout dans ce laps de temps, même s'il continuait à s'entraîner cinq fois par semaine du côté d'Anaheim. L'essentiel est toutefois que les joueurs formés au club emmenés par Dmitri Kagarlitsky continuent de porter l'équipe. Même s'ils ne sont pas glamour.
Division Kharlamov (Conférence Est)
Ces dernières années, la KHL était devenue de plus en plus une compétition entre trois grands favoris : le CSKA Moscou, le SKA Saint-Pétersbourg et le Metallurg Magnitogorsk. Ce trio d'intouchables risque fort de se muer cette saison en duo...
Le Metallurg Magnitogorsk n'a plus les moyens de lutter avec les moyens illimités des clubs des métropoles "occidentales", même s'il espère toujours malgré tout remporte la Conférence Est pour figurer de nouveau en finale. Cela s'annonce plus difficile avec une équipe affaiblie.
Le club de l'Oural ne pensait pas que ses trois meilleurs défenseurs souhaiteraient partir en même temps. Les jeunes internationaux Viktor Antipin et Aleksei Bereglazov poursuivent des espoirs de NHL, et Chris Lee a quitté Magnitogorsk parce qu'il n'existe aucune structure pouvant aider à prendre en charge son fils trisomique. Nick Schaus aura la très lourde charge de succéder à Lee dans le rôle du défenseur offensif mobile tirant de la droite, mais son parcours européen (Norvège, Allemagne, Autriche et Tchéquie) ne l'a pas vraiment préparé au niveau de la KHL. Le vétéran Denis Denisov arrive du CSKA à 35 ans, mais surtout, le top-4 défensif devra être complété par Grigori Dronov, 19 ans à peine. Il patine plutôt bien pour son gros gabarit, mais l'international junior saura-t-il gérer la pression ? "Magnitka" trouvera-t-elle dans la formation de ses jeunes le moyen de rivaliser encore avec les géants de l'Ouest ?
La question se posait un peu différemment concernant la non-reconduction du contrat de Danis Zaripov. Ce n'est qu'après l'annonce de son retour à Kazan que l'on a appris sa suspension de deux ans pour un contrôle positif effectué fin janvier. Or, son ancien club était au courant du problème depuis mars, par le courrier permettant un appel... Le Metallurg a pu ainsi se dissocier de l'image du joueur (et du fait que c'est le second cas à Magnitogorsk après celui de Mamin en 2008). Faute d'avoir présenté la moindre défense, Zaripov a été condamné par l'IIHF à la sanction maximale de deux ans, parce qu'il combinait à la fois un stimulant (la pseudo-éphédrine qui n'avait déclenché aucune suspension pour Niklas Bäckström aux JO 2010) et un diurétique pouvant servir de produit masquant (l'hydrochlorothiazide).
C'est une triste mais probable fin de carrière pour un joueur de 36 ans qui aura été le seul à faire partie de deux des grandes troïkas du hockey russe dans ce siècle (Zaripov-Zinoviev-Morozov à Kazan puis Zaripov-Kovar-Mozyakin à Magnitogorsk). La suspension internationale ne vaut certes pas dans les ligues professionnelles nord-américaines, mais les "vieux" ne sont plus du tout à la mode outre-Atlantique. On voit mal quel intérêt une franchise oserait à prendre le risque d'engager Zaripov. La NHL est bien contente de laisser ce problème d'image à la KHL, où les suspensions sont certes plus sévères (car elles suivent les critères de l'agence mondiale anti-dopage) mais qui fait quantitativement moins de contrôles.
Tout cela ne concerne plus Magnitogorsk, sauf qu'il faut remplacer Zaripov sur la ligne dominante des dernières saisons. On a bien essayé le local Yaroslav Kosov sur la foi de sa seconde moitié de saison, mais la marche paraît trop haute pour lui. La veille du début de championnat, Magnitka a donc engagé Igor Grigorenko, qui n'avait pas pu s'entraîner du tout après une opération compliquée (raison pour laquelle son ancien club l'Avtomobilist n'avait pas voulu l'attendre). Un joueur sans la moindre préparation pour répéter la magie de la première ligne ouralienne ? Il faudra au moins attendre qu'il prenne le rythme.
On peut encore se demander comment l'Ak Bars Kazan a pu s'enferrer dans la perspective inutile de faire revenir Zaripov. Le rappel de l'ancienne idole a fait très plaisir aux supporters... pendant un mois, jusqu'à ce que l'on découvre le pot aux roses. Le joueur connaissait normalement depuis mai la sanction qui l'attendait : Kazan a-t-il vraiment pu le mettre sous contrat en ignorant tout de l'affaire et se faire duper très naïvement ? Et sinon, à quoi bon ?
Ak Bars a su vite tourner la page avec le recrutement d'un autre vétéran champion du monde : Andrei Markov, avec qui les Canadiens de Montréal n'ont pas trouvé de nouvelle entente à la surprise (et à la déception) de beaucoup. Il ne voulait pas déménager sa famille dans une autre ville nord-américaine : ce "fidèle" ira donc à Kazan, quatrième étape de sa carrière après son club formateur le Khimik Voskresensk, le Dynamo Moscou et Montréal. Non seulement Markov reste très performant d'après les statistiques avancées de NHL, mais surtout il est exactement ce qui manquait à l'équipe tatare depuis les départs de Nikulin et Medvedev après la finale de 2015 : un défenseur offensif capable de mener le jeu de puissance et de lancer les contre-attaques par des passes longues. Une anomalie par rapport au style défensif de Kazan ? Non, car Markov a débuté au Dynamo avec l'entraîneur Zinetula Bilyaletdinov, qu'il retrouve seize ans plus tard en toute connaissance de cause. Le contrat de deux ans, un risque pour un joueur de cet âge (38 ans), était le prix évident à payer pour l'acquérir.
Avec cet ultime renfort, Kazan remplace Magnitogorsk dans le rôle du favori de la division Kharlamov, et même de toute la Conférence Est. C'est la dernière pierre d'une campagne des transferts réussie. Les Tatars ont d'abord surenchéri leurs grands rivaux de l'autre république musulmane (les Bachkirs du Salavat Yulaev) pour s'offrir les services du centre suédois Anton Lander. Chez les Oilers d'Edmonton, il oscillait jusqu'ici le choix entre un rôle défensif de quatrième ligne en NHL grâce à sa force dans les duels physiques et un rôle très offensif en AHL où il cartonnait. Lander préfère démontrer ses qualités de vision du jeu dans un autre contexte, et peut-être aussi aux Jeux olympiques.
Au poste de centre, souvent faible en Russie, les Tatars ont maintenant deux spécialistes capables de mener un jeu à haute vitesse, Lander (sur un trio "étranger" avec Justin Azevedo et Jiri Sekac) et le jeune international russe Vladimir Tkachyov, et ils ont aussi engagé Aleksandr Svitov pour les tâches plus physiques. Il manque au moins un bon ailier sur la deuxième ligne, surtout sans Zaripov, mais il reste une place d'étranger en réserve et Kazan n'a sans doute pas encore dit son dernier mot.
Le Traktor Chelyabinsk célèbre son 70e anniversaire en décembre et espère briller un peu plus. Le club continue de s'appuyer sur ses qualités formatrices, mais a aussi besoin de renforts étrangers pour le tirer vers le haut. Le gardien tchèque Pavel Francouz reste en particulier un atout majeur.
Pour sa seconde saison, l'entraîneur Anuar Gatiyatullin a indiqué qu'il avait tiré les bonnes leçons. En particulier, il escompte aborder les play-offs en meilleure forme, alors que les joueurs-clés avaient été très utilisés l'an passé. La ligne forte Kruchinin-Szczechura-Yakutsenia a été conservée, et on espère qu'un autre trio puisse aussi être performant. Avec Linus Videll et Gilbert Brulé, le Traktor continue de recruter des ailiers étrangers qui ont déjà écumé les patinoires de KHL et sont donc des valeurs sûres. Igor Polygalov a lui aussi été un joueur très régulier depuis neuf ans à Nijnekamsk, mais c'est un centre discret qui n'a pas forcément l'habitude de partenaires de prestige.
Le meilleur "coup" pourrait être le recrutement du Canadien naturalisé biélorusse Nick Bailen, qui avait un gros temps de jeu au Dinamo Minsk. Le club ouralien voulait une défense capable d'amener plus de pression offensive, et il a donc engagé un second arrière à vocation très offensive, en plus de Kirill Koltsov. Si le Traktor arrive à se construire deux lignes fortes et plus seulement une, il pourrait redevenir un outsider sérieux.
L'Avtomobilist Ekaterinbourg est le seul club de bas de tableau de KHL à avoir significativement accru sa masse salariale. Il a pas mal recruté à tous les niveaux. Le transfert le plus important est certainement le retour du gardien tchèque Jakub Kovar : le club avait connu trois années en play-offs avec lui, et n'avait pas connu le même bonheur pendant la saison qu'il a passée à Cherepovets.
La capitale de l'Oural a aussi fait revenir des joueurs formés au club : certains récemment comme le géant de deux mètres Nikita Tryamkin après un peu plus d'un an à Vancouver en NHL, certains bien plus anciens comme Grigori Misharin qui avait quitté la ville à 18 ans et y revient enfin à 32. Ces transferts rappellent en tout cas que l'Avtomobilist reste fidèle à la vieille école des "défenseurs défensifs". Il y a une distinction visuelle très claire à Ekaterinbourg entre les colosses des lignes arrières et les nombreux joueurs de petite taille à l'avant.
Une vision dépassée ? Certains suspectent une équipe lente, que le recrutement de joueurs âgés et déclinants n'aidera pas. Cela vient aussi du fait que l'entraîneur Vladimir Krikunov se décrit lui-même comme le dernier représentant de la "vieille garde" soviétique encore en activité. Déjà sorti une fois de sa retraite l'an dernier, il a annoncé que ce serait sa dernière saison. L'enjeu pour l'ancien sélectionneur national sera de trouver la bonne formule dans une attaque qui ne manque pas de talents. La clé est peut-être dans la tête d'Anatoli Golyshev, victime d'une "panne mentale" l'an passé après sa magnifique saison 2015/16. Le buteur retrouvera-t-il la confiance ? Son coach lui a fait passer le message qu'il s'était vu trop vite arrivé au vedettariat et qu'il lui fallait retrouver la valeur du travail.
Le Neftekhimik Nijnekamsk a longtemps été un club de milieu de tableau sans éclat, mais qui était épargné par les problèmes financiers. Il a pourtant été listé à l'intersaison par la KHL parmi les douze clubs ayant des dettes en retard à honorer auprès de leurs joueurs. La gestion du second club tatar a donc un peu dérivé, mais il garde toujours le soutien de son propriétaire, le complexe pétrochimique qui lui donne son nom.
L'usine a été mise en service en 1967 (le club de hockey ayant été créée quelques mois plus tard), et les dirigeants ont donc demandé de commencer le championnat par des rencontres à domicile avant de libérer la patinoire pour les grandes célébrations du cinquantenaire en septembre. De mauvais résultats qui gâcheraient la fête seraient évidemment malvenus...
L'évènement arrive cependant au moment où le Neftekhimik est en restructuration complète. Hormis le meilleur marqueur américain Dan Sexton et le défenseur Andrei Sergeev, la majorité des cadres ont changé. Même les gardiens sont nouveaux (Ilya Ezhov et Andrei Makarov). Le bouillant Andrei Nazarov peut donc reprendre de zéro pour inculquer sa philosophie et son système de jeu. Il ne fait plus de grandes déclarations à la presse et semble s'être assagi depuis le débordement de violence d'un de ses joueurs qui a conduit à son éviction du Kazakhstan. Personne ne croit qu'il ait vraiment changé, mais il déploie son goût de la rudesse avec un peu plus de discrétion.
Le compte à rebours a commencé pour le Yugra Khanty-Mansiysk, comme pour toutes les équipes de bas de tableau. Le classement multi-critères de la KHL doit éliminer trois vilains petits canards dans un an. Il faut améliorer les résultats, mais aussi attirer de l'attention médiatique et du monde dans les tribunes, ce qui n'a rien de facile dans une ville pétrolière isolée de seulement 90 000 habitants sans culture hockey historique.
Le Yugra n'a toujours pas moyen d'attirer de grands noms... sauf sur le banc. Il a confié son destin à Igor Zakharkin, l'ancien adjoint de Slava Bykov dans toutes ses aventures de coach. Un homme dont on sait qu'il privilégie un hockey offensif, moderne et spectaculaire. S'il se plaignait du recrutement à Ufa, Zakharkin sait dès le début que le Yugra n'a guère de moyens pour recruter. Mais il a été convaincu par l'enthousiasme des dirigeants, et en demande autant aux joueurs. Il les a ainsi surpris en se plaignant du silence et du manque d'ambiance et de musique dans le vestiaire. Il veut les voir s'amuser et apprécier d'être hockeyeurs professionnels... tout en leur rappelant que cette position privilégiée peut être perdue dans un an et qu'ils risquent tous d'être au chômage si le couperet de la KHL tombe.
Nul ne se précipitera en effet pour engager les joueurs du Yugra. Les seuls noms connus sont des vétérans déclinants en qui Zakharkin a confiance. Evgeni Skachkov (33 ans) reste sur sa pire saison en étant passé de 30 à 8 points à Sotchi mais a souhaité jouer pour ce coach. L'ex-international de 34 ans Anton Kuryanov a toujours son intelligence de jeu. Une des premières demandes de "l'occidental" Zakharkin à son arrivée a été d'arrêter l'embargo volontaire sur les étrangers, en vigueur depuis deux ans. Malgré le départ du défenseur finlandais Tuukka Mäntylä qui a surpris son entraîneur en ne soutenant pas les charges du camp de préparation, cela pourrait aider. L'attaquant Veli-Matti Savinainen aura l'avantage de ne pas être surpris des conditions puisqu'il était déjà passé par Khanty-Mansiysk il y a quatre saisons. Lui ou l'Américain Jeremy Morin ne mèneront pas l'attaque tout seuls, mais aideront à la profondeur offensive avec une bonne compétition entre quatre lignes de niveau proche.
Le Lada Togliatti fait partie des clubs les plus menacés, car ses indicateurs financiers sont aussi mauvais que son classement et que ses affluences. Cela fait trois ans qu'il promet des primes de fin de saison jamais payées, et cela n'a pas empêché la KHL d'autoriser le club à s'inscrire puisque les salaires mensuels ont été versés. Cet indicateur devrait cependant peser dans la balance en fin de saison...
La priorité du directeur général Vladimir Vdovin a été de garder son meilleur marqueur Nikita Filatov, l'ex-espoir qui a connu une résurrection aussi belle qu'inattendue. Il avait déjà refusé toutes les propositions d'échange pendant la saison, par "respect pour les fans". Laisser filer Filatov aurait été un arrêt de mort. L'attaquant avait signé pour deux ans et est donc toujours là... même si les engagements non respectés l'ont fait râler. On verra si le passé sera oublié avant une saison décisive.
L'entraîneur letton Artis Abols, qui avait déclaré l'été dernier "être en meilleure forme que la moitié de ses joueurs" au début du camp de préparation, a indique que la situation s'était améliorée, mais pas encore assez à son goût. Il aura besoin de joueurs pleinement impliqués pour s'éloigner du fond du classement et des menaces qu'il implique pour l'avenir. Il a quelques atouts. Les étrangers sont de meilleur niveau, en particulier les Canadiens avec le petit défenseur offensif Chay Genoway et l'ailier Carter Ashton. L'ex-international tchèque Jiri Novotny amènera une expérience bienvenue.
Division Chernyshev (Conférence Est)
L'Avangard Omsk n'a plus passé deux tours en play-offs depuis cinq ans, ce qui est indigne de son rang. L'entraîneur biélorusse Andrei Skabelka arrive après trois bonnes années au Sibir, qui lui confèrent une certaine aura. Avec un contrat de deux ans plus une troisième en option, il a une pleine autorité pour imposer ses vues aux vétérans comme le défenseur Evgeni Medvedev, nommé capitaine, ou Aleksandr Perezhogin, qui a eu une proposition de contrat revue à la baisse et dont le pouvoir dans le vestiaire s'est réduit. Skabelka a la réputation d'être exigeant car il veut imposer un hockey à haute intensité.
Pour faire oublier Vladimir Sobotka reparti en NHL, les Sibériens ont carrément mis en place un cinq majeur intégralement suédois. Jonas Ahnelöv et Erik Gustafsson étaient déjà présents. André Pettersson, productif lors de ses saisons à Sotchi, formera un trio avec le centre expérimenté Niklas Sundström et avec le champion du monde Dennis Everberg (Växjö), auteur d'un solide Mondial au milieu de coéquipiers de NHL. À suivre aussi, l'ailier toujours utile Dmitri Kugryshev, qui retrouve l'ancien entraîneur avec lequel il avait brillé au Sibir.
Skabelka aime utiliser quatre lignes homogènes et son président Vladimir Shaleev lui a construit une équipe dense. Le centre de la quatrième ligne sera le capitaine de la sélection biélorusse Andrei Stas... qui a renoncé à sa citoyenneté pour ne plus être considéré comme étranger !
Shaleev sait décidément utiliser les règlements à son service, et il a porté réclamation auprès de la commission disciplinaire de la KHL pour récupérer Kirill Semyonov, prêté en décembre 2015 au Metallurg Novokuznetsk. Ce club, dont il a été meilleur scoreur l'an passé, l'avait vendu à Ufa : ce sera déjà ça de moins pour le principal concurrent de division ! Sachant que la première place de la division offre l'avantage de la glace pendant les deux tours qu'Omsk espère enfin passer...
Le duel a donc été engagé dès l'intersaison avec le Salavat Yulaev Ufa, lui aussi très actif. Il a tout d'abord rompu le boycott officieux des entraîneurs étrangers qui prévalait depuis deux ans. Le manager Leonid Weisfeld a d'ailleurs vite complimenté son nouvel employé finlandais Erkka Westerlund en expliquant que c'est la première fois de sa carrière qu'il rencontrait un coach qui n'exigeait pas de nouveaux joueurs. Une pierre dans le jardin des entraîneurs russes... Une réminiscence, aussi, du conflit interne qui a pollué la dernière saison entre Weisfeld et l'ex-coach Zakharkin.
Avec un budget en hausse (grâce au million payé par le CSKA pour le talent Kaprizov), la composition s'est améliorée notamment dans les cages. Ben Scrivens remplace le jamais rassurant Niklas Svedberg. Le possible gardien du Canada aux JO aura plus le temps de souffler qu'au Dynamo Minsk dans une saison qui s'annonce longue, parce que sa doublure est le prometteur Andrei Kareev.
Les autres étrangers seront le Danois Philip Larsen - qui remplace Lepistö comme meneur des lignes arrières - et le trio Omark-Kemppainen-Hartikainen. Le grand Joonas Kemppainen, qui a la réputation d'un attaquant complet à vocation aussi défensive, est-il le bon choix pour la première ligne aux côtés de la vedette très technique Linus Omark ? Ce sera la question cruciale car le poste de premier centre a été le point d'achoppement avec Zakharkin pendant des mois.
Le Salavat a certes aussi récupéré gratuitement deux ailiers pour la seconde ligne grâce aux ennuis du Dynamo Moscou - Artyom Fedorov et Denis Kokarev - mais ce dernier est là encore plutôt un spécialiste défensif. Y a-t-il assez de purs meneurs pour cette équipe dense ?
Cette équipe colle finalement assez bien à l'image de Westerlund, qui incarnait le système corseté et ennuyeux de l'équipe de Finlande. Pourtant, s'il impose une organisation précise en zone neutre, le coach taciturne a fait mentir son image en répétant sans cesse à ses joueurs qu'ils ne sont pas des robots et doivent être créatifs en attaque. Pas besoin de le dire deux fois à Omark...
Quand la Chine prépare les Jeux olympiques, elle voit forcément les choses en grand. Les directives gouvernementales sont impressionnantes : 1000 patinoires et 100 000 enfants sur les patins dans cinq ans. Le Kunlun Red Star aura désormais une équipe-ferme en VHL, installée dans le centre historique du hockey chinois Harbin, et une équipe junior. Des camps d'entraînement et de sélection sont organisés en Amérique du Nord. Si pour l'instant d'éventuelles naturalisations "spéciales" n'ont pas été décidées, six nouveaux Nord-Américains avec la double nationalité ont été engagés. Cory Kane, dernièrement en Extraliga tchèque, et Brandon Yip, joueur de DEL au style très physique, amènent des gabarits inconnus chez les joueurs chinois traditionnels.
L'effectif a été revu presque de fond en comble, puisqu'il ne reste que cinq joueurs. Outre des figures connues comme Andrei Kostitsyn ou le défenseur slovaque Marek Daloga, la recrue majeure est Wojtek Wolski, victime d'un terrible accident aux vertèbres cervicales en début de saison dernière avec Magnitogorsk : il avait plongé pour contrer un palet, et avait glissé la tête la première contre la bande avec le poids de son vis-à-vis qui était tombé sur lui. Il a vécu des moments d'angoisse, seul sur un lit d'hôpital dans un pays étranger, alors que sa femme était enceinte, sans savoir s'il pourrait re-pratiquer un jour la moindre activité sportive. Après deux mois de minerve en espérant - vainement - que les vertèbres se ressoudent d'elles-mêmes, puis une opération en janvier pour poser des plaques en titane, il a repris la glace en juin et est déjà redevenu le même hockeyeur qu'avant.
Pour mener son projet olympique de 2022, la Chine s'est choisi à la tête de l'équipe nationale un homme faisant autorité : Mike Keenan est le seul entraîneur à avoir remporté à la fois la Coupe Stanley et la Coupe Gagarine. Théoriquement, les tâches devaient être réparties : Keenan prospectait le marché nord-américain, pendant que le directeur général Vladimir Krechin recrutait les joueurs déjà connus en KHL. Néanmoins, Keenan a fait des siennes en écartant Richard Gynge, qui reste sur des saisons à 18 et 24 buts en Russie mais dont le faible goût pour le travail physique est notoire. Gynge a été renvoyé à deux reprises en équipe-ferme (des allers-retours qui sont un prétexte réglementaire pour raccourcir les contrats et se débarrasser d'un joueur à moindre coût) puis échangé au Traktor. Une situation que les observateurs ont interprété d'une manière simple : Keenan s'impose pour prendre pleinement le pouvoir !
Le Barys Astana semblait à la fin d'un cycle. Il a fonctionné depuis des années avec le trio majeur Dawes-Boyd-Bochenski, et il ne reste plus aujourd'hui que Nigel Dawes, désormais capitaine. Mais si l'équipe nationale va subir immédiatement cet impact, le club peut plus facilement retrouver des équivalents... qui se verront sans doute proposer une naturalisation pour porter le maillot du Kazakhstan dans deux ans.
Linden Vey a le profil pour devenir le nouveau leader offensif : meilleur marqueur en ligue junior en WHL, 44 points en 138 matches de NHL et 228 points en 278 matches d'AHL. Et pour ce qui est de la complémentarité qui caractérisait forcément la première ligne après des années communes, il arrive avec son partenaire de trio en AHL, Matt Frattin. Le Barys a donc exactement la même allure que les années précédentes, il laisse une poignée de Nord-Américains s'occuper presque intégralement de l'offensive. Il a même un second arrière canadien, Darren Dietz, pas moins bon que son partenaire Kevin Dallman et certainement meilleur dans les tâches purement défensives.
L'inexpérience de l'entraîneur Evgeni Koreshkov a été pointée par certains comme un handicap dans cette reconstruction, mais l'ancienne star du Metallurg Magnitogorsk a beaucoup appris dans ses années d'adjoint, y compris en équipe junior de Russie et avec la sélection du Kazakhstan. Il a vite mis en place un système où chacun connaît sa place et ses missions. Présent huit fois en play-offs en neuf saisons de KHL, le Barys y prétendra donc une fois de plus.
Le Sibir Novosibirsk ressemble à un champ de bataille au petit matin, lorsqu'on compte les survivants. Aucune arme meurtrière n'a décimé les lignes sibériennes, simplement le CSKA avec son gros chéquier. Des vedettes offensives qui ont porté l'équipe ces derniers temps, il n'en reste qu'un, Stepan Sannikov : le seul officier encore valide a évidemment été promu au grade de capitaine.
Reconstruire sans cesse l'équipe n'inquiète pas le manager Kirill Fastovsky, qui a l'habitude. Cela fait partie de la fiche de poste quand on travaille au Sibir. Le défi ne fait pas non plus peur à Pavel Zubov, nouveau patron sur le banc après deux années comme adjoint : il avait vécu exactement la même situation au Metallurg Zhlobin (Bélarus) où son passage comme entraîneur en chef avait coïncidé avec un fort remaniement. Cela ne l'avait pas empêché d'être performant.
Intrus perpétuel du haut du classement parmi des clubs plus riches, le Sibir est toujours réduit à n'engager que des joueurs à la cote dégradée qui restent sur des saisons décevantes comme Aleksei Sopin ou Andrei Sigaryov. Mais il a eu le plaisir de voir revenir avec une belle motivation le Finlandais Jonas Enlund, qui comme beaucoup avait monnayé son talent ailleurs après avoir explosé au Sibir.
Le joueur-clé, aussi bien sur la glace que dans le vestiaire, est néanmoins toujours le même : le gardien tchèque de caractère Alexander Salak fait son retour après sa rupture des ligaments croisés en octobre dernier.
L'Admiral Vladivostok a gardé ses meilleurs atouts de la saison passée, notamment ses importants piliers défensifs. Le vétéran Anton Volchenkov, toujours prompt à bloquer les lancers et sans compromission dans ses mises en échec, y côtoie trois étrangers : la paire majeure Oskars Bartulis - Jonathon Blum, essentielle depuis deux ans, plus Shaone Morrisonn, arrivé en janvier lorsque le Medvescak a appliqué l'opération " tout doit disparaître avant liquidation de l'activité KHL ", et désormais à plein temps.
Trois étrangers en défense, plus deux en première ligne (Glazachev-Wright-Sabolic). Et pourtant, autour du grand espoir Vladimir Tkachyov, déjà très convoité mais qui se développera une saison supplémentaire avec de fortes responsabilités, la deuxième ligne compte deux ailiers originaires du Kazakhstan. Mais, tout comme Viktor Aleksandrov l'avait fait depuis longtemps, Vadim Krasnoslobodtsev, pilier de l'équipe nationale pendant huit ans, a abandonné à son tour la sélection pour pouvoir échapper au statut d'étranger.
L'Admiral commencera sa saison par sept rencontres à l'extérieur, ce qui complique forcément sa position initiale. Mais en fait, le club d'Extrême-Orient est favorable à ce calendrier... extrême. Cela permet de réduire le nombre de longs vols astreignants vers l'ouest, avec le décalage horaire correspondant, et de maintenir l'équipe en bonne condition physique. L'équipe espère donc se rattraper ensuite et remonter au classement.
L'autre club d'Extrême-Orient, l'Amur Khabarovsk, commence carrément pour sa part par huit matches en déplacement. Mais pour son retour, il a programmé une petite surprise : il recevra sur une patinoire de 26 mètres de large au lieu de 30, soit les dimensions déjà adoptées par l'Admiral. Copieur ! Le président du club Aleksandr Mogilny a indiqué avoir uniquement pensé à l'intérêt des fans en choisissant ce format, qu'il a connu en NHL et qui garantit selon lui un jeu plus dynamique.
Il y a toutefois un autre motif : les équipes jouant sur une petite glace ont des différences plus grandes que les autres entre les résultats à domicile et à l'extérieur. Pour un club de bas de tableau, se procurer un avantage compétitif à la maison est évidemment positif, surtout que les adversaires ont déjà le désavantage du voyage. Tous les points pris à domicile seront capitaux, et si cela attire la curiosité du public, cela sera encore un plus.
L'Amur fait en effet partie des clubs mal placés dans le classement multi-critères un peu opaque de la KHL. Même s'il a réglé ses dettes en juin, il n'a guère le choix : il lui faut atteindre les play-offs pour garantir sa survie. Sinon, il ne sait pas trop de quoi son avenir sera fait. Il peut bien vanter les mille enfants inscrits dans les écoles de hockey sur les cinq patinoires de la région, avec des branches dans les villes de Komsomolsk-sur-l'Amour, Sovetskaïa Gavan et Vanino, cela pèsera zéro dans la balance.
Si les premiers déplacements ont été difficiles avec plusieurs arrières blessés (dont les cadres Michal Jordan et Vitali Atyushov), le club a continué à se renforcer : il a rappelé le défenseur vétéran Maksim Kondratiev - qui voulait partir au Torpedo mais a été viré du camp de présaison par l'entraîneur Peteris Skudra - et a engagé Aleksandr Gorshkov, qui végétait à Vladivostok. Ses anciens partenaires, les jumeaux Ushenin, sont contents de le retrouver.
Marc Branchu