Russie 2016/17 : présentation

 

Conférence Ouest

Division Bobrov : SKA Saint-Pétersbourg, Jokerit Helsinki, Dynamo Minsk, Medvescak Zagreb, Spartak Moscou, Slovan Bratislava, Dinamo Riga.

Division Tarasov : CSKA Moscou, Lokomotiv Yaroslavl, Torpedo Nijni Novgorod, HK Sotchi, Dynamo Moscou, Vityaz Podolsk, Severstal Cherepovets.

Conférence Est

Division Kharlamov : Metallurg Magnitogorsk, Ak Bars Kazan, Avtomobilist Ekaterinbourg, Traktor Chelyabinsk, Neftekhimik Nijnekamsk, Lada Togliatti, Yugra Khanty-Mansiysk.

Division Chernyshev : Avangard Omsk, Salavat Yulaev Ufa, Sibir Novosibirsk, Admiral Vladivostok, Kunlun Red Star, Barys Astana, Amur Khabarovsk, Metallurg Novokuznetsk.

 

 

Division Bobrov (Conférence Ouest)

 

Le SKA Saint-Pétersbourg n'a pas lésiné sur les investissements cette année pour s'emparer du titre. La partie la plus visible de cette dépense à tout-va, c'est qu'il a mis les moyens pour dissuader son meilleur joueur Vadim Shipachyov de céder aux sirènes de la NHL. Son salaire a été augmenté à près de trois millions d'euros par an. Le trio Gusev-Shipachyov-Dadonov a ainsi été maintenu intact.

La recrue la plus spectaculaire et la plus prestigieuse, c'est incontestablement Pavel Datsyuk, le joueur russe le plus unanimement respecté. Ce maître du palet et Messie du hockey peut même réussir un miracle : la résurrection d'Ilya Kovalchuk, évincé de l'équipe au printemps et qui ne peut pas tomber plus bas. L'effet Datsyuk a été net : au premier match à domicile, le "golem" Kovalchuk a mis 6 points (3+3), ce qui ne lui était jamais arrivé dans sa carrière (il avait "juste" signé trois matches à 5 points quand il jouait en NHL). L'autre ailier sur cette ligne est aussi un joueur renaissant, Sergei Plotnikov, qui était devenu objet de moquerie après sa saison à 0 but. En plus de Datsyuk et Plotnikov, deux autres revenants de NHL ont atterri au SKA : Viktor Tikhonov, champion du monde 2014 qui se cherche depuis lors, et Aleksandr Khokhlachev, qui a échoué comme tous les joueurs russes partis trop tôt outre-Atlantique (à 17 ans) et revient six ans plus tard sans avoir percé à la mesure de son talent annoncé.

Non content de happer dans ses filets tous ceux qui rentrent au pays, le SKA a chassé aussi chez ses concurrents en s'amusant à surenchérir : le CSKA a forcément répliqué sur Telegin, pas le Salavat sur Nikolaï Prokhorkin. Si on ajoute Sergei Shirokov aux joueurs déjà cités, on en est à dix internationaux potentiels, plus deux joueurs de devoir parfaits pour la quatrième ligne (Evgeni Ketov et Ilya Kablukov). Mais, oups, il y a aussi deux étrangers de premier plan (Moses et Koskiranta).

Idéal, de ce point de vue, d'avoir engagé le sélectionneur russe Oleg Znarok pour s'occuper de ce qui ressemble de plus en plus au "club de base" de l'équipe nationale. Le SKA savait parfaitement qu'il serait indisponible pendant trois semaines en plein championnat pour cause de Coupe du monde à la sauce NHL, accompagné de trois joueurs (alors qu'aucune autre équipe de KHL n'a laissé plus d'un joueur à cette occasion). Pas très grave au vu de l'effectif : Jarmo Koskiranta a pu assurer comme centre numéro 1, suivi à cette position des polyvalents Prokhorkin et Tikhonov.

Le problème, c'est de gérer le retour des deux centres Datsyuk et Shipachyov après la compétition. Il ne pourra pas y avoir de temps de jeu pour tout le monde. Entre-temps, le jeune Aleksandr Barabanov, seul titulaire "local", s'est rendu indispensable, et on compte 15 attaquants majeurs pour quatre lignes... L'autorité intimidante de Znarok sera bien utile pour gérer un vestiaire avec autant de vedettes...

 

Les Jokerit Helsinki n'ont signé qu'un bail de trois ans la KHL, et on aborde justement la troisième et dernière saison. Or, leurs fans commencent à se lasser. Ils sont historiquement divisés en deux clans depuis le début de l'aventure, et maintenant que la curiosité initiale est passée, les partisans d'un retour au bercail paraissent plus nombreux. Le président de la KHL Dmitri Chenyshenko est même venu personnellement à Helsinki en août pour couper court aux rumeurs par une conférence de presse à vocation rassurante : aucune annonce fracassante, simplement que la signature d'un nouvel accord triennal était envisagé d'ici la fin de l'année.

Si le doute plane, c'est que l'équation financière n'est pas si simple. Avec le handicap des sanctions européenne contre ses dirigeants russes (depuis la guerre en Ukraine), les Jokerit n'ont pas beaucoup fait croître leurs ressources propres depuis leur intégration en KHL. Certes, cette dernière envoie 3,5 millions d'euros au titre des droits télé et du marketing global, mais cela ne couvre pas les dépenses supplémentaires. Une saison en KHL coûte 23 millions d'euros, alors qu'elle en coûtait 10 en Liiga. La première saison dans la ligue russe a laissé à elle seule un déficit de 10 millions... Les clubs russes ont l'habitude d'opérer à perte et d'être refinancés par les autorités ou des entreprises proches du pouvoir, mais en Finlande, ce n'est pas le modèle économique normal...

La saison est rendue encore plus compliquée par un calendrier qui s'ouvre par huit déplacements. Les Jokerit se retrouvent du coup "condamnés" à commencer en bas de tableau. Un leurre : l'entraîneur champion du monde 2011 et champion du monde junior 2016 avec la Finlande, Jukka Jalonen, qui a connu entre-temps la KHL avec le SKA, dispose bien d'une équipe compétitive. Sa priorité était de la rendre plus physique : l'élimination au premier tour contre le Torpedo, seul adversaire qui pouvait bousculer physiquement les Finlandais, est dans toutes les mémoires. Rasmus Rissanen, tout sauf un enfant de chœur quand il s'agit de nettoyer son enclave, et le gros international danois Oliver Lauridsen arrivent à l'arrière. Le géant Marko Anttila et le rugueux Masi Marjamäki musclent l'attaque.

Pour autant, ce ne sont pas ces joueurs qui vont mener l'offensive. Le centre danois Peter Regin, premier étranger à être nommé capitaine des Jokerit, a été entouré d'ailiers qui doivent relancer leurs carrières, Sakari Salminen et Michael Keränen. Une deuxième ligne voit le jour autour de Joey Hishon, un ancien choix de premier tour de draft NHL dont les deux premières saisons profesionnelles ont été perdues à cause de commotions cérébrales. Ces meneurs ont du talent, mais pas forcément plus que les concurrents. À se focaliser sur le mauvais souvenir du Torpedo, on en a oublié qu'il était l'exception plutôt que la règle en KHL. Techniquement, les Jokerit restent un ton en dessous des cadors.

 

La division Bobrov est très en dessous de l'autre division (Chernyshev) à l'Ouest, et est même sans doute devenue la plus faible de KHL. Cela montre la difficulté actuelle des clubs étrangers qui y sont majoritaires. De tous, le Dinamo Minsk est sans doute celui qui se pose le moins de questions existentielles. Son rôle a été recadré depuis deux ans : servir les intérêts de l'équipe nationale. Il n'a ainsi commencé le championnat qu'après le tournoi de qualification olympique, contrairement aux Lettons de Riga. Ce qui n'a pas empêché de connaître la même désillusion...

Même s'il n'y a pas de restriction pour les clubs non russes, le Dynamo se les impose lui-même : pas plus de 6 étrangers, et si possible 5. Outre le défenseur tchèque Lukas Krajicek, à qui il restait heureusement pour lui un an de contrat (car il n'a pas été flamboyant...), un seul d'entre eux a été conservé : Matt Ellison, le meilleur marqueur.

Comme on ne sait pas très bien ce qu'il advient de l'ex-capitaine Aleksei Kalyuzhny - joueur biélorusse de l'année en 2015 mais persona non grata depuis le dernier Mondial ? - il fallait donc "rapatrier" de nouveaux internationaux qui figuraient encore au sein des clubs russes (où leur nouveau statut d'étranger les rend beaucoup moins intéressants depuis un an). Le centre fiable Evgeni Kovyrshin, depuis cinq ans à Cherepovets, et le talentueux Sergei Kostistsyn, à la carrière beaucoup plus "errante" du fait de sa réputation sulfureuse, font ainsi leur grand retour à Minsk.

Preuve de la hiérarchie entre club et équipe nationale, le nouvel entraîneur Craig Woodcroft a aussi été placé là par le sélectioneur national Dave Lewis, avec lequel il est en liaison constante. Il a immédiatement appris son texte dès sa première conférence de presse en saluant "le hockey au Bélarus qui se développe rapidement grâce au soutien du gouvernement et du Président".

On a tellement entendu ce discours par les entraîneurs successifs que l'on s'amuse du recrutement de Ben Scrivens, gardien canadien que l'on sait doté d'une forte conscience sociale et politique, au point d'évoquer des sujets qui fâchent comme la "démocratie" ou les "droits des minorités sexuelles". À un journaliste russe qui lui demandait s'il accepterait d'être reçu par Loukachenko, Scrivens a rétorqué que c'est peut-être le Président qui ne voudrait pas être pris en photo avec lui... " Je ne cache pas mes opinions et je n'en démordrai pas, mais je suis un invité et je ne vais rien changer à ce qui se passe en Russie et au Bélarus ". Cela reste lucide, mais ça a le mérite de la franchise par rapport aux discours rabâchés par des entraîneurs mués en porte-parole du régime...

 

La résurrection du Spartak Moscou a été un succès populaire, avec plus de 6000 spectateurs de moyenne, mais pas encore un succès sportif. Le nouveau numéro 1 des affluences dans la capitale n'a plus participé aux play-offs depuis 2011. Reconduit, l'entraîneur German Titov a promis à la fois de changer le système de jeu et d'intensifier la préparation, qui a commencé par deux semaines de camp en République Tchèque dès le 1er juillet.

Les gardiens, qui ont failli en fin de saison, ont été évacués avec leur coach spécifique. Le nouvel entraîneur des portiers est suédois, et le titulaire aussi : Marcus Svensson a été gardien de l'année en SHL et doit être le sauveur, s'il s'est bien remis de sa blessure survenue en finale de championnat avec Skellefteå.

Tout gardien a besoin d'une défense de métier, et celle du Spartak était légère (le petit gabarit Chay Genoway est maintenant parti chez les Jokerit) et inexpérimentée. Le triple champion du monde Dmitri Kalinin a été engagé pour son vécu, et vu son âge (36 ans), le Spartak était seul sur le coup. Il n'a en effet pas les moyens d'engager des joueurs russes très courus, vu qu'il a même perdu des joueurs moyens (Bodrov et Valentenko) pour raisons financières.

L'espoir du Spartak réside donc dans les progrès de ses jeunes. Le développement du vice-champion du monde junior 2015 Vyacheslav Leshchenko a ainsi été jugé un peu lent, et on attend beaucoup plus de lui cette année : il a été placé en première ligne avec le Tchèque Lukas Radil - le seul étranger qui avait donné satisfaction - et le centre américain Ryan Stoa, que Titov connaît bien pour l'avoir eu ses ordres à Novokuznetsk. Une ligne pour tirer l'offensive, c'est ce qui manquait depuis longtemps aux rouge et blanc, mais il n'est pas sûr que cela suffise à enfin humer le parfum du printemps.

 

Le président du Medvescak Zagreb, Damir Gojanovic, est rentré dans l'histoire : il est devenu le premier dirigeant à être officiellement suspendu de ses fonctions par la KHL. Le motif - non-paiement de salaires - paraît pourtant presque tristement banal dans la ligue. Mais il faut dire que cela concerne des arriérés de la saison 2014/15 (!) et que le club croate n'a toujours même pas daigné se rapprocher de la KHL pour au moins présenter un échéancier de paiement.

Le montant en jeu (100 000 euros environ) n'est pas énorme en soi, et ne suffit pas à remettre en cause la pérennité financière du club. Mais il entache sa réputation et sa crédibilité. L'affaire a de toute manière laissé des traces : le public a remarqué - et déploré - que les joueurs de valeur repartent très rapidement. Gilbert Brulé est heureusement resté et a le potentiel pour être une star : il aura fallu attendre sa troisième saison en KHL pour que l'ancien numéro 6 de draft se rappelle qu'il fut un très grand espoir de la NHL.

Redevenue très nord-américaine (une quinzaine de joueurs plus tous les entraîneurs), l'équipe du Medvescak intéresse de moins en moins de monde dans une KHL qui se lasse très vite de ses modes. La Croatie ne rivalise pas en potentiel économique avec la Chine... En plus, beaucoup de supporters sont encore nostalgiques d'une ligue autrichienne plus adaptée au développement du club croate. Pour toutes ces raisons, le Medvescak est sans doute le participant dont la pérennité en KHL est la plus douteuse.

 

Le Slovan Bratislava, lui, ne veut pas se poser la question d'un pas en arrière. Il sait qu'il est un petit poucet et qu'il restera l'un des plus faibles budgets, mais il compte sur l'envie des joueurs slovaques - voire tchèques - d'évoluer près de chez eux et pas au fin fond de la Sibérie. Et cela fonctionne : les conditions posées par l'agent d'Andrej Meszaros pour qu'il reste au Sibir (après des performances en demi-teinte) ont été jugés disproportionnées. Le défenseur a certainement signé un contrat bien moins lucratif avec le Slovan. Mais il est à la maison et a l'honneur supplémentaire d'être nommé capitaine.

Les lignes arrières ont fière allure avec quatre internationaux slovaques en exercice (Daloga, Meszaros, Sersen et Svarny), un international tchèque (Tomas Kundratek) et même un international italien (évidemment canadien), Nick Plastino, qui reste sur une belle saison à Tappara où il a fini champion de Finlande. Le problème est que l'élément le plus doué de cette défense - la recrue Marek Daloga - a été recadré par son coach Milos Riha et est prié de limiter sa participation aux mouvements offensifs, qui font pourtant sa valeur.

On peut donc craindre que le Slovan ne soit pas très enthousiasmant offensivement. L'attaquant tchèque Kaspar est une grosse perte, et le départ de Ticar signifie que le Slovène restant - Ziga Jeglic - est beaucoup moins performant sans un partenaire de jeunesse à ses côtés. Comme, de surcroît, le Tchèque Radek Smolenak s'est cassé la clavicule sur une vilaine charge dès le mois d'août, le Slovan a confié le leadership en attaque à des Nord-Américains. Les centres Jeff Taffe (Neftekhimik) et Kyle Chipchura (Arizona Coyotes, NHL) savent s'adapter et travailler dans les deux sens de la glace. L'ailier Jonathan Cheechoo reste au contraire un buteur jamais réputé pour son patinage ou son repli, et cela ne changera pas à 36 ans. Retourner une seconde année de suite en play-offs relèverait donc quand même de l'exploit.

 

Révolution de palais en Lettonie : le controversé Kirovs Lipmans, président de la fédération depuis 20 ans, qui claironnait déjà sa réélection, a été évincé et remplacé par Aigars Kalvitis, un dirigeant dans le domaine du gaz naturel. Bref, une marionnette de Gazprom. Lui-même soupçonné par les milieux nationalistes d'être trop inféodé aux Russes et au projet KHL du Dinamo Riga, Lipmans a donc été défait par plus servile que lui.

C'est en tout cas le thème de sa contre-attaque qui a visé avec sa finesse habituelle Juris Savickis, le président du conseil d'administration du Dinamo Riga : " Savickis est un ancien officier du KGB. Mes parents ont grandement souffert du KGB, des membres de ma famille ont été déportés en Sibérie et exécutés. Je ne dis pas que ce ne sont pas des gens bien, mais ils ont été élevés avec ça dans le sang. M'évincer était la tâche principale [de Savickis]. Gazprom refuse de financer fortement le Dinamo, un club étranger. Savickis ne peut pas réclamer de l'argent au gouvernement parce que c'est une compagnie privée. Il a imaginé depuis longtemps avoir un homme à lui à la fédération. Comme ça, la LHF pourra demander de l'argent public qui finira au Dinamo. "

Dans ce grand marigot du hockey letton (Lipmans a aussi révélé aux médias qu'il avait versé aux clubs tout ce qu'ils demandaient pour qu'ils votent pour lui...), le Dinamo Riga est en effet désargenté. Depuis la saison passée, le manager Normunds Sejejs est "obligé" de faire aussi figure de coach. Même le capitaine Kristaps Sotnieks est parti : ayant vécu toute sa vie à Riga, il s'est dit qu'il était temps de voir autre chose avant ses 30 ans, et il a signé à Togliatti. Pour compenser ce départ en défense, un précédent capitaine, Georgijs Pujacs, est revenu au pays après avoir fini la dernière saison en Slovaquie (au bout de trois mois de chômage).

L'effectif compte peu d'étrangers (6), mais c'est autant par manque de moyens que par choix. La presse russe s'est moqué de ces renforts au rabais, tel Colton Gillies, qui lui aussi n'avait trouvé un emploi qu'en Slovaquie. Les stats qu'il y a obtenues (17 points pour 141 minutes de pénalité) sont peu engageantes, pourtant le neveu de Clark Gillies - attaquant-vedette de la dynastie des New York Islanders dans les années 80 - est un ancien numéro 16 de draft NHL et doit quand même avoir un peu de talent. Pas de quoi empêcher une troisième saison de suite en bas de tableau pour le Dinamo Riga, certes. Jusqu'à ce que la manne financière dénoncée par Lipmans n'arrive ?

 

 

Division Tarasov (Conférence Ouest)

 

Après avoir dominé la saison régulière deux ans de suite sans jamais connaître le plaisir de soulever la Coupe Gagarine, le CSKA Moscou pourra-t-il cette fois aller au bout ? Rien n'est moins sûr après le départ simultané en NHL de trois joueurs, Aleksandr Radulov (Montréal), Nikita Zaitsev (Toronto) et Roman Lyubimov (Philadelphie). Si l'international-surprise Lyubimov n'était pas un joueur majeur de l'équipe, comment se remettre de la perte du capitaine Radulov, l'âme du club par sa hargne ? Et de celle de Zaitsev, qui a démontré aux championnats du monde puis à la Coupe du monde qu'il est déjà le meilleur défenseur russe ?

Ces deux joueurs n'ont pas d'équivalent, et il faudra que les autres joueurs se surpassent pour combler les absences. Le CSKA n'a d'ailleurs même pas cherché à remplacer Zaitsev, en repartant avec les mêmes arrières, sans lui. Cet exode a en effet placé le club dans une position de fragilité, exploitée aussitôt par son rival le SKA, qui s'est comporté en fin stratège (il est facile d'être stratège avec un budget illimité, me direz-vous...) en le poussant à la surenchère sur Ivan Telegin. Les Moscovites ont certes gardé leur joueur, mais même si Telegin a vaincu les sceptiques par son jeu rapide et énergique en équipe nationale, son contrat paraît mirobolant pour un attaquant qui a marqué 21 points en 93 matchs de KHL.

Pendant que le CSKA s'agrippait à son ultime international, il ne s'occupait guère de chasser. Et les premiers à s'en plaindre ont été les supporters, mécontents d'une augmentation de tarifs décidée alors que l'idole Radulov était partie et que le recrutement était pauvre. Inconfort des sièges, queue pour les toilettes, boutiques fermées ou mal garnies : malgré la fanfare en uniforme militaire à l'entrée pour l'animation musicale de l'ancien club de l'armée rouge, les conditions d'accueil du public n'ont, elles, pas progressé. On ne s'étonnera donc pas des tribunes à moitié vides.

La recrue-phare est arrivée avec retard : Valeri Nichushkin a signé pour deux ans, soit la durée résiduelle du contrat de Lindy Ruff, l'entraîneur des Dallas Stars avec lequel il est en conflit larvé. L'ailier puissant aurait préféré rentrer dans son club formateur (le Traktor) pour retrouver confiance et temps de jeu, mais le CSKA a acquis ses droits (qui étaient passés au Dynamo juste avant son départ en NHL) et ne lui a pas laissé le choix. La crainte est que Dmitri Kvartalnov ne soit pas spécialement un entraîneur plus conciliant que Ruff.

Cette même question du coach s'était déjà posée sur toutes les recrues : les "manieurs de palet" Vyacheslav Osnovin ou Aleksandr Popov n'étaient-ils pas inadaptés au système agressif du CSKA ? Un vétéran comme Popov, présumé trop lent pour le jeu direct des Moscovites, a cependant à cœur de défier les pronostics pour le premier changement d'environnement de sa carrière (entièrement passée à Omsk).

Par définition, les Canadiens semblent plus formatés au style Kvartalnov : le centre Greg Scott et l'ailier droit Bud Holloway sont d'anciens partenaires de junior majeur, censés former un duo complet. Le recrutement de Jonas Enlund, remis d'un an de convalescence pour sa cheville, porte le total à 6 étrangers pour 5 places. Un dépassement de quota compréhensible : le gardien suédois Viktor Fasth est de plus en plus supplanté par le jeune Ilya Sorokin... et malheureusement Stéphane Da Costa, victime de blessures récurrentes, attend toujours de connaître une saison complète avec le club moscovite.

 

Le Lokomotiv Yaroslavl est lui aussi identifié à un système de jeu très caractéristique, en l'occurrence un système particulièrement passif. Les défenseurs sont priés par leur entraîneur Aleksei Kudashov de rester dans leur camp, et en cela le très offensif Patrik Hersley était une erreur de casting : le Suédois sera recasé au SKA.

Le reste du recrutement étranger était plus pertinent. En plus de ses cadres russes (le duo Averin-Apalkov avait mené les compteurs de l'équipe la saison passée), le Lokomotiv s'est doté pour la première fois de meneurs offensifs canadiens. Autour du centre finlandais Petri Kontiola, il a placé deux ailiers très différents, le rugueux Maxime Talbot - l'homme qui a donné la Coupe Stanley 2009 à Pittsburgh avec deux buts au match 7 - et le petit Brandon Kozun, récupéré dans une tractation soigneusement préparée (échange des droits de Plotnikov au SKA, qui venait d'acquérir les droits de Kozun chez les Jokerit deux jours plus tôt).

L'attaque a donc été renforcée, mais également rajeunie au passage : le vétéran Sergei Konkov a été remercié "sur un coup de téléphone" (comprenez qu'il n'a pas apprécié), notamment parce que la ligne Aleksandr Polunin - Pavel Kraskovsky - Egor Korshkov s'est révélée la saison dernière, où elle a été sélectionnée en intégralité pour les Mondiaux juniors. Formé au Kazakhstan où son père est devenu international mais bel et bien russe, Korshkov est un espoir en vue (2e tour de draft de Toronto) par sa vision de la glace et son jeu physique.

Yaroslavl a donc les moyens de répartir les temps de jeu de manière équilibrée, et forme ainsi l'équipe la plus homogène avec quatre lignes qui appliquent les mêmes schémas de jeu. Un hockey rébarbatif pour les spectateurs... mais aussi pour les adversaires.

 

La division Tarasov se distingue décidément par des systèmes de jeu très affirmés dans leurs particularités : le Torpedo Nijni Novgorod privilégie pour sa part l'aspect physique. L'entraîneur letton Peteris Skudra a soigné un peu plus encore sa réputation féroce lors d'une bagarre avec son collègue Evgeni Popikhin (Neftekhimik) lors de la pré-saison.

On craignait le pire au sujet de la situation financière du Torpedo qui a beaucoup tardé à verser ses salaires en fin de saison dernière. Dans les faits, la baisse de budget ne se ressent pas tellement en attaque. L'équipe a gardé ses trois meilleurs marqueurs : le capitaine letton Kaspars Daugavins et les deux centres, le vétéran Dmitri Syomin et le jeune joueur formé au club Vladimir Galuzin. Elle a même changé ses deux renforts offensifs suédois sans perdre en qualité, en engageant le meilleur buteur de LNA suisse depuis deux ans, Fredrik Pettersson, et l'attaquant défensif John Norman, excellent en 4e ligne et en infériorité numérique au dernier Mondial.

La seule différence d'origine financière est liée à l'expérience. Les vétérans cherchant à relancer leur carrière ne sont plus d'actualité. Les noms ronflants ont disparu d'une défense où les sept titulaires ont à peine 24 ans de moyenne d'âge ! Ils mettent pour autant le même acharnement à faire le ménage devant Ilya Proskuryakov, gardien bien protégé mais aussi très efficace. Ce Torpedo n'a donc rien perdu de sa vigueur, surtout dans le sacrifice.

 

En apparence, tout va bien pour le HK Sotchi. Les six meilleurs marqueurs sont toujours là, emmenés par le Suédois André Pettersson et le Biélorusse Andrei Kostitsyn. Le gardien Konstantin Barulin est fidèle au poste, et le pilier défensif Renat Mamashev aussi. le seul départ majeur était impossible à éviter : révélé en quelques mois au bord de la Mer Noire, le défenseur offensif Ziyat Paygin a été rappelé par Kazan... où il ne joue pas plus qu'avant ! Mais cette perte ne semble pas insurmontable. La défense de Sotchi a profité du rajeunissement du Lokomotiv pour accueillir Ilya Gorokhov (39 ans) et elle a également été rejointe par l'international suédois Oscar Fantenberg, excellent à Frölunda pour réussir le doublé Ligue des Champions - SHL.

Pourtant, le club de la ville olympique a bien un problème, lié à sa jeune existence (il commence la troisième saison de son histoire). Et on ne parle pas là des tribunes de plus en plus dépeuplées après l'illusion des débuts lors de l'année des JO... Tout simplement, le HK Sotchi n'a pas de structure de formation de longue date, et donc pas de réservoir de jeunes dans lequel piocher. C'est pour cela qu'il a longtemps recouru à des agents libres sans restriction (ceux âgés de plus de 29 ans). Il manque donc de jeunes de qualité. Et ce n'est pas la risible draft KHL qui va le sauver : le numéro 1 de l'édition 2015, le défenseur Artyom Maltsev, est finalement retourné en junior majeur au Québec, sans avoir vraiment convaincu qu'il mériterait sa place.

Sotchi a par conséquent la formation la moins dense parmi les prétendants aux play-offs. Pour gérer une large saison, trois lignes compétitives et deux lignes de jeunes " moyens " avec des contrats bilatéraux, c'est peu. Comme l'infirmerie s'est vite remplie, c'est même très peu...

 

L'ancien club des services secrets, le Dynamo Moscou , cultive encore le goût du secret et de la discipline de corps. Les employés n'ont pas reçu leur salaire pendant des mois, et personne n'a moufté. Il faut dire que c'est le seul club à ne compter presque aucun membre du syndicat des joueurs. Simple coïncidence bien sûr : l'adhésion est volontaire et pas obligatoire !

Le risque était que la bombe financière explose à l'intersaison. Au début de l'été, lorsque le club a tardé à fournir ses garanties financières, certains craignaient même que sa participation à la KHL pût être remise en cause. Il n'en est finalement rien. Les problèmes en coulisses ont été soldés et le Dynamo a son visage habituel.

Les bleu et blanc ont conservé tout leur secteur défensif. Ils ont en fait connu un seul départ notable, l'attaquant Maksim Pestushko vers Omsk. Le bilan des transferts doit quand même être normalement positif avec le 2e marqueur de l'Admiral (Artyom Podshendyalov) et le duo du Traktor Rybakov-Kukoyov. Le héros du titre 2013 Aleksei Sopin, qui avait perdu peu à peu sa place dans l'équipe, est même revenu au sein de son club formateur après une bonne année à Nijni Novgorod. Bonus interne : le principal talent russe de sa génération Klim Kostin débute déjà à 17 ans.

Avec 10 victoires en 10 rencontres de présaison, le Dynamo a vite fait savoir qu'il faudrait encore compter sur lui. Ce n'est malheureusement pas suffisant pour drainer du public : la grande aréna du " Parc des légendes " sonne toujours creux.

 

Le Vityaz Podolsk est tendu vers un seul objectif : les play-offs. Il n'y a goûté qu'une fois, en 2007, sans avoir tiré grande gloire de sa qualification (il était 15e sur 19 équipes). Sans être impossible, le challenge s'annonce quand même très ardu.

Le défi a été confié à Valeri Belov, qui a été pendant onze ans le disciple de Zinetula Bilyaletdinov à Kazan. Il a essentiellement été son adjoint, mais quand son mentor est devenu sélectionneur national à plein temps (jusqu'à la débâcle olympique de Sotchi), il l'a suppléé pendant deux ans comme entraîneur-chef. Aujourd'hui, Belov vole de ses propres ailes, et on en aurait presque oublié qu'il avait une vue avant Kazan et qu'il n'est pas né de la cuisse de Zinetula : d'ailleurs, Belov dit se sentir chez lui à Podolsk, car c'est au Vityaz qu'il avait terminé sa carrière de joueur et commencé celle d'entraîneur.

Il y a donc une culture-hockey au Vityaz, qui préexistait avant l'époque de la goonerie nazarovienne. Il y a en particulier une école de hockey intéressante, avec des entraîneurs de bon niveau, qui en Russie gardent la même génération jusqu'à sa maturité. Vitali Prokhorov, champion olympique d'Albertville, a ainsi cocooné le prometteur Vityaz-98 - champion de Russie chez les moins de 16 ans en 2014 - avant de se voir confier ces mêmes joueurs nés en 1998, mais à l'échelle de tout le pays ! Il a en effet nommé comme chef du projet d'intégrer l'équipe nationale U18 à la MHL (la ligue junior de la KHL). On sait comment ça a fini : le staff médical ayant généralisé l'usage du meldonium (devenu une substance interdite), ces joueurs ont été privés du Mondial.

Le plus frustré était alors German Rubtsov, élément-clé du cru Vityaz-98 qui menaçait de partir en Amérique du Nord. Il craignait sans doute que la mauvaise image de la Russie n'entache ses perspectives de carrière (il a été choisi au premier tour de draft par Philadelphie). Le Vityaz aurait été désabusé que son meilleur talent s'en aille sans avoir même joué un seul match avec l'équipe première ! Rubtsov est finalement présent, normalement pour deux ans, et sera un des espoirs les plus suivis du championnat, avec son tir précis et son intelligence de jeu.

 

Ayant fini bon dernier de la Conférence Ouest, le Severstal Cherepovets a décidé de tout changer : l'organigramme complet de direction, bien sûr, mais aussi, plus symboliquement, jusqu'à la couleur des vestiaires, repeints pendant l'été.

Le coach est lui aussi nouveau : Aleksandr Golyavtsev a fait ses classes comme entraîneur en division inférieure (VHL), dont cinq ans au Molot Perm, avec une élection comme meilleur coach de la ligue en 2014. Il avait déjà passé l'essentiel de sa carrière de joueur à Perm, sa ville natale, mais quand elle avait quitté l'élite, il avait connu un parcours plus itinérant et avait déjà passé deux ans à Cherepovets. Il avait donc eu pour coéquipier Yuri Trubachyov, le vétéran qui malgré son manque de vitesse reste toujours un rouage essentiel de l'équipe.

L'attaque du Severstal est en effet limitée et repose toujours énormément sur quelques cadres formés au club, Trubachyov et surtout le capitaine Dmitri Kagarlitsky. Heureusement que le robinet de formation ne se tarit jamais. Pavel Buchnevich parti aux New York Rangers à seulement 21 ans, c'est au tour de la génération suivante (Daniil Vovchenko) d'avoir un rôle majeur. Pour avoir plus de profondeur, l'équipe de Cherepovets a fait le pari de réunir le trio SMS (Sitnikov-Magogin-Skorokhodov) qui avait bien fonctionné à Khanty-Mansiysk, mais n'a rien fait de particulier séparément.

Malgré le renouvellement du staff, la politique de construction d'équipe reste étonnamment semblable : des renforts extérieurs privilégiés sur les aspects défensifs, y compris un international tchèque un peu en déshérence dans les cages (maintenant Jakub Kovar après Stepanek). Des arrières d'expérience ont été acquis avec Adam Masuhr, un Suédois double champion de Finlande et renommé pour son lancer puissant, et deux joueurs qui connaissent bien la KHL, l'Américain Clay Wilson et le rugueux international biélorusse Nikolai Stasenko. Suffisamment solide pour s'éloigner nettement du fond de classement.

 

 

Division Kharlamov (Conférence Est)

 

Le Metallurg Magnitogorsk a logiquement appliqué le principe " on ne change pas une équipe qui gagne ". Le champion n'a perdu que deux défenseurs de troisième ou de quatrième ligne (Batyrshin vers Kazan et Ospov vers Yaroslavl) et a choisi de ne pas les remplacer. Ce sont de nouvelles générations formées au club qui prendront simplement le relais. Plutôt que d'investir dans le recrutement, Magnitka s'est surtout préoccupé de convaincre ses jeunes joueurs de rester malgré les propositions nord-américaines. Le plus important d'entre eux, le prometteur défenseur Viktor Antipin, a ainsi resigné.

Les attaquants locaux n'auront pas forcément la partie aussi facile que les défenseurs. Bogdan Potekhin et Yaroslav Kosov ne progressent pas aussi vite que les supporters et les observateurs ne l'auraient souhaité. Cet été, le club a donc recruté les frères Kazionov pour former un troisième trio expérimenté derrière la ligne-vedette et le deuxième trio étranger. Les jeunes se contenteront du quatrième bloc.

Or, le maintien au sommet du Metallurg dépendra évidemment de sa capacité à gérer le vieillissement de ses leaders, et en particulier de sa première ligne Mozyakin-Kovar-Zaripov. Le déclin maintes fois annoncé des deux ailiers russes se fait attendre. En particulier, Sergei Mozyakin semble toujours défier le temps, paraissant au sommet de son art à 35 ans. Peut-être parce que son style de jeu, fondé non pas sur l'énergie mais sur ses qualités techniques (surtout celles de son lancer), le lui permet.

 

Après sa pire saison depuis vingt ans, on s'était demandé dans notre bilan si, l'Ak Bars Kazan n'était pas en train de disparaître des cercles du pouvoir. Apparemment, le nouveau président du club Naïl Maganov a dû se poser la même question. Et pour y apporter un démenti cinglant, il a embauché Ravil Shavaleyev comme manager général fin juin.

Dans les années 1980, Ravil Shavaleyev était une des figures de l'équipe de Kazan, un défenseur râblé que l'on surnommait le Tatar fou. Mais c'est surtout au siècle présent, en tant que vice-président du club, qu'il s'est fait connaître. Shavaleyev était un de ces hommes puissants comme la Russie en produit, à la fois homme politique pour le parti au pouvoir Russie Unie et cadre de la compagnie pétrolière Tatneft, le sponsor majeur local. Il inspirait la crainte, au sein et en dehors du club, y compris physiquement par la force qui se dégageait de lui. Mais en 2012, il est tombé du troisième d'étage de sa chambre d'hôpital, en se mettant à la fenêtre pour fumer alors qu'il passait un examen médical. Il était alors très gravement blessé et on n'avait plus entendu parler de lui.

La période faste de Kazan (champion 2006, 2009 et 2010) s'était bâtie sur deux hommes forts complémentaires : Shavaleyev pour l'infrastructure (y compris le complexe d'entraînement et le centre de formation) et Zinetula Bilyaletdinov pour les systèmes de jeu. Le duo tatar magique est de nouveau réuni, mais entre-temps l'étoile de Bilyaletdinov a pâli, surtout depuis l'impardonnable échec olympique à domicile à la tête de l'équipe de Russie. On lui reproche de ne pas avoir su s'adapter à l'évolution du hockey et de rester bloqué dans ses principes. Les deux hommes, désormais moins craints, peuvent-ils répéter la formule à succès ?

Pour l'instant, rien n'indique une évolution fondamentale si on regarde l'effectif. La défense, autrefois le point fort, se cherche de nouveaux leaders depuis le déclin et le départ de Nikulin et de Medvedev. Or, les arrières les plus expérimentés (Yakov Rylov, Konstantin Korneyev, Nikolaï Belov) sont partis cet été. Les deux derniers sont d'anciens internationaux en disgrâce, mais Rylov était le meilleur pointeur de la défense. Ziyat Païgin, canonnier révélé en quelques mois au HK Sotchi, gardera-t-il la même réussite pour son retour à Kazan ? Pour ne rien arranger, le club a résilié contrat en août le contrat du très bon défenseur international slovaque Marek Daloga en raison d'ennuis de santé, et. Son remplaçant, l'international finlandais Atte Ohtamaa, reste sur une saison médiocre aux Jokerit. Les lignes arrières restent donc un chantier en cours.

 

Le budget de l'Avtomobilist Ekaterinbourg reste modeste pour la KHL. Le club de l'Oural n'a pas les moyens de s'offrir des joueurs russes de renom, et évidemment pas l'enfant du pays Pavel Datsyuk, qui reste un rêve. Le recrutement s'est donc concentré sur le choix des joueurs étrangers, pour lesquels les salaires de KHL permettent d'aborder un panel plus vaste. Le capitaine tchèque Petr Koukal voit ainsi arriver un compatriote et ami de longue date, Jan Buchtele, sur sa ligne. Le centre international slovène Rok Ticar mènera un autre trio, lui dont le club formateur Jesenice est imprégné par le style de hockey russe.

La défense a été renforcée par un second étranger, le Suédois Niclas Andersen, qui a déjà connu la KHL. Mais il a fallu en compensation renoncer à se payer un gardien étranger. Le jeune Igor Ustinsky (qui a fait de l'ombre à Jakub Kovar l'an dernier mais a peu d'expérience) et Vladimir Sokhatsky (Ufa) se battront donc pour la place de numéro 1.

Après ses colères anti-arbitrales et ses propos homophobes, l'entraîneur Andrei Razin est paraît-il devenu plus calme. Il dit ne plus avoir la même pression que durant sa première saison de KHL où il devait prouver sa valeur. Certains préjugés de couleurs se trahissent toutefois encore dans la méthode de motivation qu'il déclare toujours en vigueur, et qui consiste à affubler de maillots roses les joueurs "coupables". Il n'a cependant jamais eu à appliquer cette punition l'an dernier.

L'Avtomobilist fait en effet toujours plaisir à voir jouer, à l'instar de sa jeune vedette Anatoli Golyshev, joueur très technique qui ne rechigne pas aux duels physiques malgré son petit gabarit. L'équipe est pleine d'enthousiasme et pratique un hockey intense avec un tempérament très offensif.

 

Le Traktor Chelyabinsk fête cette saison son 70e anniversaire. L'équipe jouera trois rencontres dans des maillots rétro de l'époque soviétique. Si à l'époque le Traktor était dépouillé par les grands clubs moscovites, il reste aujourd'hui encore impuissant à garder ses talents.

Les joueurs en fin de contrat partent immanquablement. Même dans le cas du centre Andrei Popov (28 ans) qui a fait toute sa carrière au club, le Traktor a essayé d'égaler l'offre faite par Kazan, mais le joueur était parti dans sa tête. Il n'y a rien à faire contre ces envies d'ailleurs, sinon espérer que certains reviendront au bercail. Les dirigeants ont ainsi passé un mois entier à convaincre Kirill Koltsov - réputé de caractère difficile - de rentrer dans son club formateur. Il l'avait quitté à 15 ans dans les pires heures de l'histoire du Traktor : le club traversait alors une grande crise et était supplanté par son ancienne équipe-ferme, le Mechel, comme club dominant de la ville.

Le retour du fils prodigue n'est pas que symbolique, car Koltsov est tout bonnement le meilleur pointeur des défenseurs dans l'histoire du championnat russe ! Il pourra ainsi soutenir une offensive équilibrée mais sans individualités saillantes. Elle a été renforcée de deux ailiers tchèques, Michal Repik et Michal Birner, qui étaient partenaires de ligne pour l'éphémère Lev Prague en 2013/14.

Promu à la tête de l'équipe première en cours de saison dernière, Anuar Gatiyatullin, plein de calme et de sang-froid, semble incarner l'avenir. Mais les supporters exigeants ne pardonneraient pas que le club rate de nouveau les play-offs.

 

Le Neftekhimik Nijnekamsk sait qu'il ne pourra plus rappeler une énième fois son entraîneur préféré Vladimir Krikunov, désormais à la retraite. Une bonne nouvelle pour son successeur Evgeni Popikhin, qui essaie un nouveau club dans lequel s'installer comme coach. Le défi le rend déjà nerveux, si l'on en juge à sa bagarre avec son collègue Skudra (Torpedo) pendant la pré-saison.

Même en dehors du cas Krikunov, le Neftekhimik continue de pratiquer le " recrutement des revenants " avec les joueurs. Les deux principaux renforts offensifs sont les frères Dmitri et Konstantin Makarov, qui avaient déjà joué à Nijnekamsk entre 2007 et 2010 et pèsent chacun une trentaine de points par saison. Quant à Sergei Konkov, c'est déjà son troisième passage. La fois précédente, il avait déjà été mis à la porte du Lokomotiv, comme maintenant. Entre-temps, il a pris de l'âge (34 ans) mais a aussi gagné en expérience en obtenant deux titres de champion avec le Dynamo Moscou.

Le Neftekhimik doit être pris au sérieux. Il a gardé toute sa défense, et a une certaine densité de gardiens pour faire face au départ Sudnitsin. La concurrence est établie dans toutes les lignes et l'effectif a du potentiel. Il fait donc partie de ces clubs de milieu de tableau qui lutteront pour les play-offs dans l'Est.

 

La qualification paraît en revanche moins probable pour le Lada Togliatti. Cette équipe défend bien en général, et c'est dans les cages que se situe son poste le plus fort. Le gardien letton Edgars Masalskis (qui dispose maintenant de deux compatriotes, le défenseur Kristaps Sotnieks et le nouvel entraîneur Artis Abols) a en effet été rejoint par Ilya Ezhov, qui a connu la pression d'un club de haut niveau au SKA Saint-Pétersbourg.

Néanmoins, marquer des buts reste compliqué. Deux arrivées pourraient toutefois soutenir une attaque moribonde. Taylor Aronson est le défenseur offensif tirant de la droite que le Lada recherchait, mais il faut que le jeune Canadien s'acclimate bien dans la cité-dortoir de l'automobile russe. Et bien sûr, il y a Nikita Filatov, prêt à reconnaître ses erreurs passées, tant ses jeunes années de flambeur quand les dollars de NHL lui sont montés à la tête que ses problèmes d'alcool. On ne parlera plus de seconde chance dans son cas car on ne les compte plus, mais le Lada s'est dit prêt à partir d'une page blanche pour se doter de son indéniable talent offensif.

Le souci est que le Lada reste fragile au poste-clé de centre. Le staff s'est félicité d'avoir un vrai premier centre avec Mikael Johansson, là où son prédécesseur tchèque Zatovic était plutôt un ailier placé au centre. Ce n'est pas totalement faux, même si le Suédois joue aussi parfois à l'aile. Le problème est que ça risque de ne pas suffire. Le centre Vasili Streltsov et le polyvalent Aleksei Mastryukov sont actuellement blessés à l'épaule (gravement pour le second). Or, tous les autres joueurs qui avaient un peu joué à ce poste l'an dernier sont partis à l'intersaison, sauf Anton Krysanov, lui aussi convalescent en pré-saison, et Viktor Komarov, qui n'a que 22 ans. Cela donne une mesure de la tâche demandée à Johansson : le triple champion de Färjestad peut difficilement remplacer deux joueurs d'un coup...

 

Le Yugra Khanty-Mansiysk sera de nouveau le seul club russe sans joueur étranger, et c'est moins par patriotisme que par mesure d'économie. La seule politique qu'il peut se permettre est d'embaucher des joueurs jugés trop vieux ailleurs. Cela avait bien fonctionné l'an passé avec Konstantin Panov, la recette a donc été répétée. L'ex-international Anton Kuryanov (33 ans) et le "grand frère" Igor Radulov (34 ans) sont les nouveaux meneurs offensifs. Le défenseur Sergei Gusev a même été engagé à 41 ans !

Reste à espérer que les papys ne seront pas trop lents à se mettre en route. La pré-saison, avec 1 victoire en 12 rencontres, a été plutôt inquiétante. Le Yugra était resté assez compétitif l'an passé, il ne faudrait pas qu'il s'essouffle. Sinon, le public pourrait se lasser de voir évoluer une "maison de retraite". Il lui faudra juste un peu de patience avant de voir de jeunes joueurs apporter une nouvelle énergie...

Comme le club a été créé en 2007, il ne peut pas encore s'appuyer sur des produits locaux, mais ce temps approche. Le Yugra compte beaucoup sur sa génération 1999, menée par le capitaine Aleksandr Yaremchuk (né en Ukraine occidentale avant que sa famille ne s'installe dans la région). Elle a fini quatrième du championnat national des moins de 17 ans et représente l'avenir du club.

 

 

Division Chernyshev (Conférence Est)

 

Si l'on s'en tient strictement à la lecture de l'effectif, celui de l'Avangard Omsk est probablement le meilleur de la Conférence Est. Il y a pourtant une très grosse astérisque sur un des noms, et pas n'importe lequel, le meneur de jeu Vladimir Sobotka. Le club sibérien feint de croire qu'il va revenir, puisqu'il est toujours sous contrat. Son agent Petr Svoboda a promis de son côté aux Blues de Saint-Louis qu'il retournerait chez eux. De chaque côté de l'océan, on prévoit donc le joueur comme membre de l'équipe et on dément les déclarations d'en face. Ce jeu de dupes dure car Sobotka s'est préparé individuellement chez lui, en République tchèque, avant de rejoindre son équipe nationale pour la Coupe du monde. Soyons francs : à partir du moment où le joueur a pris sa décision dans sa tête, on sait qu'il ne reviendra pas, et il faut juste négocier proprement la rupture de contrat... La vraie question est plus de savoir quel cinquième étranger l'Avangard recrutera à sa place.

Le remplacement compliqué de Sobotka ne sera pas le premier. L'Avangard avait déjà perdu ses trois défenseurs au plus gros temps de jeu (Kempny, Aleksandrov et Lekomtsev) à l'intersaison. Il a compensé avec l'arrivée du vétéran Evgeni Medvedev (qui s'est frotté un an à la NHL) et le retour d'Erik Gustafsson après une année en Suisse. La cerise sur le gâteau est l'embauche tardive du gros gabarit Nikita Nikitin, champion du monde 2012 à son sommet (32 points en 54 parties de NHL avec Columbus cette saison-là) qui ne cesse de décliner depuis et est tombé en AHL. Difficile de croire quand même que Nikitin soit déjà fini à seulement 30 ans.

La main tendue à Nikitin - formé au club - est aussi une tentative de se réconcilier avec le public, fâché du départ de la figure locale Aleksandr Popov après 18 années passées exclusivement au club. Ce joueur introverti, techniquement l'un des meilleurs de KHL, a besoin d'être en confiance pour être performant et a été "cassé" moralement par les Jeux olympiques de Sotchi, enchaînant deux saisons faibles. L'Avangard "lâche" donc ses vétérans du cru, sans ouvrir la porte aux jeunes pousses locales qui se révèlent... ailleurs. D'où les grognements de ses supporters.

Mais si l'Avangard inspire des doutes, c'est aussi parce qu'il ne cesse d'avaler les entraîneurs. Il a encore fait très fort en licenciant le dernier en date Evgeni Kornoukhov... une semaine et demie avant le début du championnat ! En fait, le sponsor principal et quasi-exclusif Gazpromneft a fait savoir qu'il ne rajouterait des moyens que si le club engageait un entraîneur expérimenté compatible avec ses ambitions. Le choix était limité par une autre condition imposée d'en haut, que le coach parle russe. D'où Fyodor Kanareikin : l'annonce de son cancer et de son opération imminente avait choqué la Russie en décembre dernier, et son retour aux affaires est donc accueilli avec soulagement. Kanareïkin arrive avec son staff habituel, et un seul adjoint, Dmitri Ryabykin, est resté pour s'appuyer sur sa connaissance interne.

 

Le Salavat Yulaev Ufa est dans la situation un peu inverse d'Omsk. Igor Zakharkin a convaincu de ses capacités à gérer seul (sans Bykov) une équipe de haut niveau, et pourra appliquer sa philosophie de jeu dès le début de saison. Néanmoins, son effectif compte un peu trop de points d'interrogation pour un cador de la ligue.

Le club a en fait été victime d'une surenchère du SKA Saint-Pétersbourg sur son agent libre Nikolaï Prokhorkin. Lorsque l'on a dépassé le million d'euros, le manager Leonid Vaisfeld a tout simplement jugé que le joueur n'en valait pas autant. D'un point de vue moral, c'est peut-être fondé. Mais la loi du marché est celle de l'offre et de la demande, et les centres russes sont une denrée très rare... Le manque de profondeur à ce poste avait déjà posé problème l'an passé quand Andreas Engvist s'était blessé. L'attaquant de devoir Sergei Soin avait alors servi de suppléant, même s'il n'est pas destiné à une ligne à vocation offensive. Mais Soin s'est maintenant cassé la clavicule et ne reviendra qu'en décembre... Le polyvalent capitaine Igor Grigorenko joue certes au centre pour dépanner, mais le Salavat paraît toujours à la merci du moindre pépin en attaque.

La défense a en revanche été conçue pour rassembler de l'expérience, et pour digérer l'absence de Sami Lepistö pendant la Coupe du monde. Les trois recrues sont des trentenaires qui sont considérées comme des "créatures" de Bykov et Zakharkin. Ils avaient fait de Dmitri Vorobyov et surtout de Konstantin Korneev des champions du monde, et avaient appris à employer le slap de Denis Kulyash au CSKA.

La principale intrigue est toutefois celle du gardien Niklas Svedberg. Toute la Russie est convaincue que cet ancien meilleur gardien d'AHL, puis numéro 2 des Boston Bruins, n'a pas le niveau pour un club ambitieux. Même ses coéquipiers auraient exprimé des doutes. Pourtant, le staff, rassuré par ses play-offs au printemps, lui maintient une confiance absolue en dépit de ses erreurs trop fréquentes. Jusqu'à quand  ?

 

Le Sibir Novosibirsk réussit depuis des années à se mêler aux meilleurs de la Conférence Est sans pour autant rouler sur l'or. Il sait qu'il ne peut pas rivaliser financièrement. La volonté de faire revenir le natif de la ville, Egor Milozvorov, vendu en son temps, existe ainsi depuis plusieurs années, mais s'est toujours heurtée à plus offrant. Il a fallu que Milovzorov connaisse la pire saison de sa carrière (il a même été envoyé en équipe-ferme par le Neftekhimik) pour qu'il soit prêt à faire assez de concessions salariales pour rentrer à la maison.

Le Sibir dispose ainsi d'une attaque de qualité, car il a pu garder ses joueurs pleins d'envie (Sergei Shalunov, Maksim Shumakov et le mondialiste-surprise Stepan Sannikov), même s'il ont été exposés à la vue de tous par leur apparition en équipe nationale. C'est en défense, par contre, que les Sibériens ont été affaiblis par des départs (Konstantin Alekseev au CSKA, Sergei Gimaev au Vityaz Podolsk et Andrej Meszaros au Slovan Bratislava).

L'entraîneur biélorusse Andrei Skabelka est de toute façon quelqu'un qui sait adapter son système de jeu en permanence à la valeur de ses joueurs et de ses adversaires.

La suspension pour les 4 premiers matches du bouillant gardien tchèque Alexander Salak n'a finalement même pas handicapé l'équipe. Elle a au contraire permis à un gardien débutant de 20 ans, Aleksei Krasikov, de se révéler. Et pour éviter que les rivaux cherchent encore à exploiter la nervosité de Salak par des provocations, le Sibir s'est doté d'une force de dissuasion : le colosse Evgeni Artyukhin, sans équipe depuis décembre dernier, a retrouvé un emploi et ajoute du caractère dans le vestiaire.

 

Non seulement l'Admiral Vladivostok a payé tous ses arriérés de salaire, mais en plus il dit viser une 4e ou une 5e place de Conférence Est et une qualification au deuxième tour des play-offs. Comme souvent en Russie, les objectifs annoncés oscillent entre l'ambition et le délire, par rapport à la réalité des forces en présence.

L'Admiral a tout de même les moyens de retourner en play-offs, ce qui n'est pas une mince affaire en soi. Il a gardé ses deux principaux atouts que sont les défenseurs Oskars Bartulis et Jonathon Blum. Il a même musclé ses lignes avec un invité inattendu, Anton Volchenkov, défenseur très physique qui a passé une saison blanche en attendant vainement un nouveau contrat en NHL.

Néanmoins, il a perdu ses deux meilleurs marqueurs (Konstantin Makarov et Artyom Podshendyalov) et a donc absolument besoin de retrouver des renforts étrangers percutants en attaque. James Wright a mis 41 points la saison dernière en AHL : ce gros gabarit amène certes du physique et du travail, mais son pointage, déjà modeste il y a deux ans dans l'environnement très "nord-américain" du Medvescak Zagreb, est douteux dans un jeu russe. L'international slovène Robert Sabolic y est plus adapté parce que ça ressemble à ce qu'il a appris à Jesenice avec ses partenaires de ligne Ticar et Jeglic : reste à voir la complicité qu'il peut développer avec d'autres.

D'autres, cela peut être la pépite Vladimir Tkachyov. Ce joueur avait quitté Omsk à 18 ans parce que Kornoukhov (alors entraîneur des juniors) ne le laissait pas libre d'improviser en zone offensive. Il a démontré ses mains d'or et son explosivité en mettant plus d'un point par match en junior majeur, mais n'est apparu que deux fois en KHL avec le SKA. Il fallait une équipe de milieu de tableau en mal d'offensive pour qu'il explose : le port russe de la Mer du Japon était vraiment le lieu idéal pour qu'il jette l'ancre.

 

Cela faisait des années que la KHL parlait d'une expansion vers l'Asie, et pourtant la création du Kunlun Red Star a semblé se faire dans une certaine improvisation. Les déclarations du printemps dernier, évoquant une équipe constituée essentiellement, ou même pour moitié, de joueurs chinois, paraissaient témoigner d'une totale méconnaissance du contexte. Et même lorsque la commission d'inspection de la KHL a visité la patinoire de Pékin début août, certains de ses membres étaient persuadés que jamais cette salle ne pourrait accueillir un match de hockey sur glace un mois plus tard...

Le Centre Wukesong, construit pour accueillir le basketball aux Jeux olympiques d'été 2008, n'était pas équipé pour la vidéo-arbitrage, les statistiques de match étaient inconnues, etc. Pourtant, toutes les réserves ont été levées en temps et en heure. Il ne faut pas s'étonner de cette célérité. Ce bâtiment doit accueillir le hockey sur glace aux Jeux olympiques d'hiver 2022, et les Chinois ne sont pas du genre à se laisser prendre en défaut sur l'organisation. De plus, la salle multifonctions est gérée par le groupe Anschutz, qui pouvait apporter son appui technique.

Restait l'engouement du public, qu'il est plus difficile de créer de toutes pièces. Avec assez de publicité, la grande première à Pékin s'est bien passée, puisque les 14 000 places (vendues à une fourchette très large entre 7 et 260 euros) étaient remplies à plus de moitié. Il faudra confirmer dans la durée. le problème est que l'équipe doit partager son temps entre Pékin et Shanghaï, et que les affluences dans cette dernière ville ont été catastrophiques : 1734 spectateurs au premier match, 550 au deuxième... La KHL n'était jamais tombée aussi bas ! On dirait que la leçon du "Dragon", le club chinois de Ligue Asiatique, n'a pas été retenue : les tribunes ont toujours été vides à Shanghaï, et pleines dans les "petites villes" de Mandchourie (Harbin et Qiqihar, respectivement 10 millions et 1,5 million d'habitants), qui sont le cœur historique du hockey chinois.

Mais c'est surtout la leçon sportive de la Ligue Asiatique que la KHL n'a même pas pris la peine de connaître. Les joueurs chinois jouaient déjà un rôle mineur dans une équipe qui a cumulé 182 défaites de suite face à des équipes japonaises et coréennes : qui pouvait sérieusement croire qu'ils avaient le niveau pour évoluer en KHL ? Certes, l'équipe de Chine, reléguée de division IIA (quatrième échelon mondial), prépare l'avenir avec une moyenne d'âge inférieure à 22 ans. Mais dans l'optique des JO 2022, la marche paraît trop haute. Cela fait trente ans que le hockey attend le jour où la Chine s'éveillera, et ce pays ne fait que régresser...

Cela ne changera pas en six ans. Engagé comme assistant-coach, le Russe Oleg Gorbenko est un des meilleurs connaisseurs du hockey chinois. Il a entraîné pendant six ans le club de Chengdu et s'est occupé des équipes nationales U20, U18 et universitaires. Il connaît les conditions d'entraînement médiocres, les championnats chinois avec 8 matches officiels à peine... Un autre monde. L'effectif compte facialement cinq joueurs "chinois", dont deux n'ont pas de double nationalité (Tianxiang Xia et le troisième gardien Shengrong Xia), mais ils ne font que des présences rares et symboliques. La KHL ne les aidera pas plus à progresser qu'elle ne forme des joueurs croates au Medvescak... et le niveau de la Croatie est largement supérieur à celui de la Chine.

Les contrats sont rédigés en chinois, les joueurs sont payés en yuan, mais en pratique, le Kunlun Red Star est une équipe de culture sportive finlandaise. Trois défenseurs internationaux en sont la clé de voûte (Tuukka Mäntylä, Anssi Salmela et Janne Jalasvaara), et c'est en Finlande que l'entraîneur Vladimir Yurzinov jr a appris son métier et s'est entouré. Le patchwork de neuf nationalités n'a plus rien d'étonnant dans le hockey moderne, et la création de cette franchise permet à des joueurs qui en rêvaient d'intégrer la KHL, en particulier le Français Damien Fleury qui avait rencontré son actuelle compagne à Minsk. Cette équipe peut donc être compétitive. La Chine en 2022, non.

 

Les mélanges, c'est mauvais par la santé. Sur l'incitation de l'ancien goon de NHL Andrei Nazarov, le Barys Astana a eu le tort de confondre le hockey sur glace et le combat de rues. Sous le prétexte que son attaquant de première ligne Dustin Boyd s'était cassé la cheville (dans une action de jeu sans volonté de nuire) lors d'un match amical contre la nouvelle équipe chinoise du Red Star Kunlun, la brute épaisse Damir Ryspayev (stats en KHL : 23 parties, 0 point, 194 minutes de pénalité) a été lâchée pour se battre avec tous les joueurs adverses qu'il pouvait trouver, terrorisant les hockeyeurs asiatiques qui se demandaient dans quelle monde de fous ils étaient tombés. Ryspayev a été suspendu à vie par la KHL, sans que Nazarov ne soit sanctionné. Mais le retour de bâton n'allait pas tarder...

Mélanger le travail en club et en équipe nationale, cela pose toujours des problèmes. Au tournoi de qualification olympique, Nazarov a envoyé une équipe de club, composée à 100% des joueurs du Barys Astana. Pour la gestion du groupe, c'est beaucoup plus simple : deux mois de préparation commune sans distinguer le stage des internationaux.

Mais quand une relation est détériorée avec un joueur, elle l'est doublement. Le rapide attaquant Evgeni Rymarev - vrai moteur de l'équipe du Kazakhstan avec son compère et capitaine Starchenko - avait déjà failli être évincé. C'est finalement Vadim Krasnoslobodtsev à qui l'on a signifié son départ une semaine avant la reprise de l'entraînement. Recasé à Vladivostok, celui dont beaucoup de supporters du Barys portaient le maillot - le flocage est au même prix malgré le nombre de lettres ! - ne figurait plus dans une sélection nationale dont il a souvent été par le passé le meilleur pointeur.

De cette gestion brutale, il ne reste qu'une morne plaine. La défaite contre l'équipe de France a éliminé le Kazakhstan de son rêve olympique et provoqué le double licenciement de Nazarov de ces deux postes. En attendant de connaître l'avenir de la sélection nationale, la destinée du Barys a été confiée à Eduard Zankovets. L'ancien sélectionneur du Bélarus n'a jamais occupé ce poste d'entraîneur-chef en club. Il doit reprendre en mains une équipe moralement affectée, dans laquelle, heureusement, Brandon Bochenski et Nigel Dawes continuent de se comporter en vrais pros et en leaders offensifs.

 

Les voyages forment la jeunesse, mais ils fatiguent vite. C'est déjà une gageure pour l'Amur Khabarovsk d'avoir conservé ses trois meilleurs marqueurs (Tomas Zohorna et les jumeaux Ushenin), son principal défenseur (l'international tchèque Jan Kolar) et son premier gardien, le Finlandais Juha Metsola, qui sera encore une fois la clé de voûte de l'équipe. Jusqu'ici, les joueurs se lassaient rapidement des interminables déplacements en avion et repartaient vers des destinations plus reposantes.

Le principal changement a lieu derrière le banc, domaine où l'Amur est co-recordman avec l'Avangard : 11 entraîneurs consommés depuis la transformation de la Superliga en KHL, dont c'est la 9e saison ! C'est au tour de Miskhat Fakhrutdinov d'avoir sa chance après avoir démontré sa valeur au niveau inférieur en VHL. À 58 ans, il n'a rien d'un perdreau de l'année. Lui aussi va se heurter au calendrier inextricable, mais le fait d'avoir une équipe plus stable va peut-être l'aider à rester plus longtemps que ses prédécesseurs. Fakhrutdinov a nommé le vétéran Vitali Atyushov (37 ans), qui a carrément prolongé de deux saisons, comme capitaine.

L'expérience est décidément une qualité recherchée par l'Amur, qui a appelé d'anciens internationaux de 33 ans à la carrière déclinante. Si Maksim Kondratiev a su trouver sa place en défense, la venue du centre Andrei Taratukhin n'a pas dépassé le stade de l'essai : ça sent déjà la fin pour le triple champion de Russie.

Le problème récurrent à Khabarovsk, c'est de marquer des buts : moins de 2 par match en moyenne depuis trois saisons. L'Amur a donc carrément recruté à la fois le meilleur marqueur de la saison régulière de la Liiga finlandaise (Kristian Kuusela) et celui des play-offs (Teemu Ramstedt). On ne sait pas si cela sera suffisant pour aller en play-offs, mais cela devrait au moins permettre de se mêler vraiment - cette fois - à la bagarre pour la qualification.

 

Le Metallurg Novokuznetsk reste un cas un peu désespéré. La saison dernière, il a eu une ligne très performante, mais il n'en reste plus rien. Il n'est pas seulement dépouillé par ses confrères de KHL. Le défenseur américain Cade Fairchild est même parti en Suède. Les arguments financiers pour retenir les joueurs sont très limités.

Les plus jeunes découvrent néanmoins les inconvénients à être partis si vite : le défenseur Roman Manukhov (Lokomotiv) et l'attaquant Maksim Kazakov (Admiral) se retrouvent en quatrième ligne dans leur nouvelle équipe. Ah, les jeunes, ils sont si impatients... Novokuznetsk reste un vivier, d'où sont originaires trois titulaires actuels de l'équipe de Russie (Orlov, Telegin et le gardien Bobrovsky), mais il ne reste plus que ceux qui n'ont pas trop le niveau.

C'est dans ce contexte déprimant que Sergei Zinoviev a été nommé directeur général fin juillet. Oui, Zinoviev, le centre de la "ZZM" de Kazan, la ligne dominante de Russie il y a cinq à dix ans. Ce joueur à fort caractère, qui a rendu fous certains de ses dirigeants par ses exigences, se retrouve aujourd'hui de l'autre côté de la barrière. Écarté en 2014 du Salavat Yulaev Ufa qui en avait fait le plus haut salaire de KHL, il n'avait jamais officiellement annoncé sa retraite, mais avait réinvesti sa fortune dans l'immobilier et dans la station de ski de Sheregesh, considéré comme la meilleure neige de Russie, une poudreuse qui tombe dès novembre.

Sheregesh - nommée d'après les frères Sheregeshevy qui y avaient établi une mine de fer au début du XXe siècle - est un peu "LE" lieu de divertissement de ce bassin minier du Kouzbass, connu pour abriter le plus grand gisement de charbon de Russie. Si Zinoviev a investi ici, c'est qu'il vient de la région, en l'occurrence de Prokopievsk, à 30 km de Novokuznetsk. Même si on a du mal à l'imaginer s'impliquer dans ce club sans avoir eu des garanties sur un budget compétitif, on n'en voit pas la couleur. Zinoviev a déjà battu un record, le licenciement de coach le plus rapide de KHL, Nikolaï Soloviev ayant été jeté dehors après... 3 matches (dont une victoire) ! Le directeur sportif Valeri Zelepukin a alors été prié d'entraîner lui-même une équipe qui ne ressemble que de loin à une formation de KHL. Bon courage.

 

Marc Branchu

 

 

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