KHL 2013/14 : bilan

 

Résultats du championnat russe

 

Metallurg Magnitogorsk (1er) : quand un trio écrase tout sur son passage

Pour la première fois, un coach nord-américain s'est imposé en Russie. Et cette conquête n'a pas été obtenue par un entraîneur a priori réputé pour son ouverture d'esprit, mais par un caractériel, Mike Keenan, qui en NHL incarne la vieille école. Il a pourtant fait montre de belles capacités d'adaptation dans cet environnement inconnu. Il disposait il est vrai d'un staff anglophone, puisque le seul "intrus" Evgeni Koreshkov, l'ex-entraîneur champion des juniors rapidement marginalisé, a vu son contrat rompu en novembre (il a dû faire appel au syndicat des joueurs pour négocier deux mois de salaire en dédommagement).

Le tempérament de Keenan ne l'a pas desservi, au contraire. La seule fois où il a pété les plombs, en invectivant l'arbitre au sixième match de la finale, il a reçu des compliments de journalistes russes tout fiers de faire remarquer que même des Nord-Américains pouvaient utiliser des synonymes d'"homosexuel" comme une insulte, validant ainsi la position russe si controversée en la matière...

Dans ce contexte nouveau, Keenan a su laisser suffisamment de liberté d'improvisation offensive à ses ailiers-vedettes russes Sergei Mozyakin et Danis Zaripov. Dès lors qu'ils peuvent entrer en zone à pleine vitesse le long des bandes, leurs passes latérales sont ensuite redoutables pour faire exploser n'importe quelle défense. Après des expériences malheureuses avec des centres nord-américains (Cal O'Reilly et Justin Hodgman, pas conservés), Mozyakin et Zaripov ont été placés avec le Tchèque Jan Kovar : ce fut la formule magique. Le trio a totalement dominé la saison régulière et les play-offs, d'une façon jamais vue depuis la troïka de Kazan (Zaripov-Zinoviev-Morozov : cherchez le point commun). Mozyakin a dépassé tous les points de passage statistiques enregistrés la saison précédente quand il avait Malkin à ses côtés. Il a battu tous les records historiques d'URSS et de Russie en inscrivant 106 points. Ce total inclut ses 6 buts gagnants en play-offs, dont 4 en prolongation.

Après une telle démonstration, tout un pays attendait qu'elle soit confirmée en équipe nationale par Mozyakin, qui s'était dit "humilié" par sa non-sélection olympique. Le changement de sélectionneur devait lui dérouler un tapis rouge... mais c'est lui qui a décliné l'invitation à la surprise générale en se disant fatigué. Son collègue Danis Zaripov, pourtant blessé, a par contre finalement décidé de venir, réussissant un retour remarqué à 33 ans en étant le meilleur joueur de la finale. Le troisième homme, Jan Kovar, en revanche, n'arrive toujours pas à dépasser la quatrième ligne en équipe tchèque.

Le titre de Magnitogorsk ne se résume bien sûr à un seul trio (quoique...). Le défenseur offensif Chris Lee a excellé, surtout en supériorité numérique. Le gardien Vassili Koshechkin a enfin, à 31 ans, mis un terme à sa réputation de fragilité en play-offs. Quelques éléments du précédent titre de Magnitogorsk en 2007, comme l'attaquant Denis Platonov et le défenseur bloqueur de tirs Vladimir Malenkikh, sont toujours fidèles même s'ils sont plus discrets.

Le plus impressionnant est sans doute que le Metallurg ait aligné 11 joueurs formés au club en play-offs, dont 5 ont marqué en finale. On sait que la naissance du grand hockey à Magnitogorsk a 20 ans, lorsque le président du combinat métallurgique Viktor Rashnikov a fait venir quelques-uns des meilleurs joueurs d'Oural mais aussi du Kazakhstan (les frères Koreshkov) pour former une grosse équipe. Cependant, sa décision d'ouvrir une autre patinoire dédiée à la formation des jeunes hockeyeurs en 1997 a été tout aussi déterminante. Auparavant, Magnitogorsk n'existait pas dans le hockey mineur. Aujourd'hui, les générations s'entretiennent avec 80% d'entraîneurs locaux, et les jeunes entièrement formés sur la nouvelle glace arrivent à maturité : Viktor Antipin a été le meilleur défenseur de la finale à 22 ans, Yaroslav Khabarov s'est imposé à la ligne bleue avec ses buts décisifs en demi-finale et en finale, et l'attaquant Bogdan Potekhin est déjà le nouveau chouchou du public.

 

Lev Prague (2e) : le cocktail puis la gueule de bois

La KHL recherchait l'expansion internationale pour accroître l'influence russe, mais elle ne s'attendait peut-être pas à ce qu'un club étranger atteigne si vite la finale. Le Metallurg Magnitogorsk a en effet été sacré champion de Russie avant même d'affronter le Lev Prague, avec cette fois pour enjeu la Coupe Gagarine de vainqueur de la KHL.

Cet affrontement a donné un piment inédit à la finale, sous fond de rivalité toujours vive entre les Tchèques et Russes. Tout un pays s'est rangé derrière le Metallurg Magnitogorsk, défenseur de l'honneur national, et dans le même temps, la République Tchèque s'est prise au jeu de voir ce "Lev" défier les adversaires dans leur championnat. Pendant la saison, les spectateurs étaient moins nombreux pour voir le Lev que pour le Sparta Prague, qui appartient aux mêmes propriétaires et évolue en Extraliga tchèque. Mais en finale, la O2 Arena s'est remplie, et comme c'est la plus grande patinoire de KHL, elle a battu les records d'affluence de la ligue.

La lecture de l'effectif du Lev explique sa réussite. Il dispose d'un homme d'expérience dans les cages avec Petri Vehanen, 36 ans et déjà vainqueur de la KHL avec Kazan en 2010. La défense compte trois internationaux tchèques, deux internationaux finlandais et trois Canadiens tous passés par la NHL. Le capitaine Jiri Novotny mène l'offensive où s'est révélée l'attaquant de 22 ans Jiri Sekac, qui a inscrit 28 points contre... 1 la saison précédente. Et en play-offs, le petit Canadien de 170 cm Justin Azevedo a surgi pour enquiller les buts.

Ce cocktail du Lev Prague a été animé par l'entraîneur Kari Jalonen, qui savait qu'il ne resterait pas puisqu'il avait déjà été désigné comme futur sélectionneur de la Finlande. Il est arrivé en octobre, lorsque Vaclav Sykora, pour raisons familiales, avait demandé à reculer comme simple adjoint. L'intelligence tactique et son sens de l'écoute de Jalonen ont fait merveille pour mener cet effectif international où il connaissait déjà le meilleur buteur Martin Thörnberg, pour avoir entraîné le Suédois à Nijni Novgorod.

Mais ce printemps sera sans lendemain. Le Lev a peut-être été victime de son succès. Si les sponsors russes injectent de l'argent pour aider à monter une équipe de KHL dans de nouveaux pays, ils ne vont cependant pas poursuivre cette assistance à fonds perdus pour une formation capable de dominer les clubs russes. Et avec ses ressources propres, il n'avait tout simplement pas les moyens d'entretenir une équipe en KHL. Il a jeté l'éponge fin juin, laissant tardivement sur le carreau ses joueurs.

 

Salavat Yulaev Ufa (3e) : patience et longueur de temps

Même les années où il a fini champion (2008 et 2011), le Salavat Yulaev Ufa avait connu des périodes de crise. Cette saison, il a fait preuve d'une régularité remarquable. Son attaque a paru trouver la bonne harmonie, et la meilleure preuve qu'elle est la seule en KHL à avoir marqué à chaque match de saison régulière.

Et patatras : douze jours avant les play-offs, l'entraîneur Vladimir Yurzinov junior a dû être opéré de l'appendicite, juste au moment où il devait préparer la phase décisive du calendrier. On a bien cru que cette intervention bénigne serait lourde de conséquences, quand le Salavat a perdu ses deux premières rencontres à domicile contre le Torpedo, dont une avec une attaque restée pour la première fois muette. Le duo Mirnov-Kaïgorodov, grâce à la présence physique du toujours énergique Antti Pihlström à leurs côtés, se créait des occasions à chaque match, mais ne concrétisait pas toujours.

Si le Salavat s'est sauvé de l'élimination, c'est grâce à son gardien de 19 ans Andrei Vassilievsky. Faire confiance à un junior comme titulaire était un sacré pari, mais il a été gagnant. Ufa n'a été battu qu'en finale de conférence est par Magnitogorsk, et surtout sur la fraîcheur physique, après avoir joué 18 parties en 33 jours.

Ces play-offs ont clairement conforté la nouvelle politique de "production locale" des Bachkires. Le dernier gros salaire hérité de l'époque de la fièvre acheteuse, Sergei Zinoviev avec ses 5 millions de dollars annuels, est en fin de contrat, souvent malade et jamais à son niveau. Le défenseur de 37 ans Vitali Proshkin n'a pas retrouvé sa place de titulaire automatique à son retour de blessure. Quant au talentueux Nikita Filatov, qui rêve de se reconvertir en analyste de match, il devra d'abord apprendre à analyser ses propres performances toujours aussi sinusoïdales. Il a lui aussi fini en tribune, avec le revenant de NHL Anton Babchuk ou l'international slovaque Tomas Zaborsky. Aucun de ceux-là ne sera conservé.

Cette rotation totalement assumée a permis de laisser plus de place aux joueurs formés au club, dont certains sont des piliers. Dmitri Makarov a fini meilleur marqueur. Le défenseur Andrei Zubarev a joué - et remporté - son premier championnat du monde. L'attaquant Yegor Dubrovsky, mûri deux ans en VHL dans le club bachkire partenaire du Toros Neftekamsk, a été pour sa part la révélation de ces play-offs avec ses 6 buts. Et pour couronner le tout, il y a Vassilievsky, mais le gardien prodige préfère partir très précocement en Amérique du nord et ne sera donc pas resté longtemps...

 

Lokomotiv Yaroslavl (4e) : en avant toutes !

Le 1er février, en pleine préparation olympique, un communiqué a pris de court le milieu du hockey russe : Piotr Vorobiov, l'entraîneur du Lokomotiv Yaroslavl, a démissionné ! Pas si surprenant si on se souvient qu'en 2010, il s'était retiré sur les recommandations de ses médecins inquiets de l'état de ses valves cardiaques. Quatre jours après son 65e anniversaire, il a donc pris une retraite définitive pour raisons de santé.

Bien plus étonnant fut le nom de son remplaçant : Dave King avait quitté Magnitgorsk fin 2006 et raconté sans détours son expérience dans un livre. On ne pensait pas que le Canadien, âgé pour sa part de 66 ans, retournerait une seconde fois en Russie. Il est arrivé à la tête d'une équipe qui n'avait pas encore assuré sa qualification, et avec seulement quatre rencontres restant à jouer dans le championnat régulier, certes toutes à domicile. Elles furent toutes gagnées. On ne donnait alors pas cher de sa peau en play-offs face au Dynamo Moscou, qui restait sur deux titres consécutifs sans avoir jamais perdu un match au premier tour. Pourtant, Yaroslavl s'est qualifié en sept manches, et a enchaîné en éliminant l'autre favori, le SKA. Il n'a cédé qu'en finale de conférence contre le Lev Prague.

Vorobiev avait jeté les bases de l'équipe avec une condition physique toujours soutenue et son habituel système de jeu extrêmement défensif et replié. King l'a forcément libérée un peu en la faisant jouer de manière bien plus active en zone offensive. En six mois, le Lokomotiv aura donc changé sa tactique du tout au tout puisque le prochain entraîneur, l'ex-sélectionneur de la Suisse Sean Simpson, est très adepte du forechecking. Il disposera d'une équipe assez jeune de corps et d'esprit pour suivre ses volontés, grâce à une nouvelle génération incarnée par le trio offensif Plotnikov-Apalkov-Averin.

Yaroslavl garde le passé en mémoire, il suffit de compter les maillots floqués aux noms d'anciens joueurs dans les tribunes (qu'ils soient disparus dans la catastrophe aérienne comme Demitra ou toujours vivants comme Antipov), mais s'est désormais tourné vers l'avenir - et vers l'avant - avec la retraite de son entraîneur d'avant 2001 Vorobiov.

 

SKA Saint-Pétersbourg (5e) : nouvel échec de la piste aux étoiles

Après avoir terminé deux fois à la première place de la conférence ouest pour mieux se faire sortir en play-offs par le Dynamo Moscou, le SKA Saint-Pétersbourg a cette fois fini derrière son grand rival, de sorte qu'il s'est débarrassé d'un peu de pression. Sauf que, quand le Dynamo s'est fait éliminer au premier tour par le Lokomotiv Yaroslavl, le SKA a de nouveau fait figure de favori à l'ouest... et a été lui aussi écrasé par le Loko. Et cette fois, ce n'est pas la faute du gardien, car le Tchèque Alexander Salak a amené comme prévu de la sécurité à ce poste.

L'attaque du SKA était pourtant la plus dense de KHL, avec six joueurs au-dessus de 30 points. Mais en play-offs, il ne restait plus que le trio étranger Patrick Thoresen - Tony Mårtensson - Roman Cervenka qui a porté à bout de bras son équipe. Mais où sont donc passés les attaquants russes qui étaient dominants en saison régulière ? Deux d'entre eux se sont blessés juste avant la série fatale : Evgeni Ketov à la jambe, et Artemi Panarin à la main le lendemain. Et quelques jours plus tard, le meilleur marqueur parmi les défenseurs, Dmitri Kalinin, a rejoint l'infirmerie à son tour.

Ceux qui restaient ont déçu, et en premier lieu la superstar que l'on a chipé à la NHL, Ilya Kovalchuk, le capitaine dont les performances étaient observées à la loupe. La surexposition critique a atteint un point excessif, surtout que le genou de Kovalchuk n'était clairement pas rétabli après les Jeux olympiques. Son forfait pour le championnat du monde n'a surpris personne. En revanche, certains se sont épanouis en mai après avoir bien peu fleuri en mars. Le centre de la première ligne de l'équipe de Russie, Vadim Shipachyov, avait auparavant inscrit un petit point en play-offs, et le meilleur attaquant des Mondiaux, Viktor Tikhonov, n'en avait mis que trois.

Comment expliquer ces échecs répétés ? Les joueurs sont-ils mal choisis ? Mal préparés ? Mal coachés ? Les dirigeants du SKA n'ont pas tranché entre ces hypothèses et les ont toutes retenues : qu'il s'agisse du manager Aleksei Kasatonov, du préparateur physique Andrei Tochitsky, ou de l'entraîneur Jukka Jalonen avec tous ses adjoints, ils ont tous été virés d'un seul bloc.

L'ancien sélectionneur national Vyacheslav Bykov va donc faire son grand retour en Russie pour essayer de faire enfin gagner ce SKA, gros budget jusqu'ici incapable d'accéder ne serait-ce qu'à la finale de KHL.

 

Donbass Donetsk (6e) : brûlé par une quasi-guerre civile ?

Le "plus petit hockeyeur de Russie" Mikhaïl Anisin déclenche une sympathie naturelle par sa taille (1m65), par sa voix d'opéra démontrée au All-Star Game 2012, et par son titre de meilleur marqueur des play-offs la même année. L'entraîneur Andrei Nazarov lui avait tendu la main une première fois à Cherepovets l'an passé il a fait de même à Donetsk en le faisant échanger du Neftekhimik. En vain : après ses problèmes d'ego et ses rodomontades, Anisin a dilapidé ce qui restait de ce capital-sympathie par un incident hors glace dans le mois qui a suivi.

Conduit à l'hôpital d'Ufa la veille d'un match après une altercation avec la sécurité d'une boîte de nuit (d'où son coéquipier Serhi Varlamov est sorti la mâchoire fracturée), l'attaquant russe s'en est alors pris aux médecins, un comportement agressif "en état de choc" que tout le pays a vu puisque la vidéo a circulé. Cette fois, Anisin devra renoncer pour de bon à ses deux millions de dollars de salaire annuel. Licencié, il a dit "comprendre que sa vie professionnelle est dans une impasse" mais "tout faire pour s'en sortir". Son cri du cśur "Donnez-moi une chance" trouvera-t-il de l'écho quand on sait que Nazarov lui en a déjà donné deux ?

L'affaire Anisin n'a pas porté préjudice au Donbass Donetsk, qui a remporté huit des dix rencontres suivantes. Les Ukrainiens ont ainsi vite assuré leur place en play-offs, grâce à l'excellente première moitié de saison du gardien canadien Michael Leighton. L'international slovaque Jan Laco est ensuite revenu en fin de championnat en se montrant plus performant que son concurrent. Le club ukrainien a cependant connu des échecs, dont la perte incompréhensible de la Coupe Continentale à Rouen où il espérait se balader.

Ce week-end en Normandie a préfiguré ce qui se passerait en play-offs : déjà, Evgeni Dadonov et Maksim Yakutsenia sont sortis du lot, deux joueurs originaires de l'Oural comme leur coach Andrei Nazarov. Celui-ci a pourtant évoqué une possible naturalisation ukrainienne de Dadonov (qui a représenté la Russie en juniors) lorsqu'il a prolongé son contrat de trois ans. Était-ce du bluff ? Si c'est le cas, il a payé. Comme par hasard, les Russes ont soudain appelé Dadonov (24 ans) en équipe nationale, et il est devenu champion du monde sur la quatrième ligne, n'ayant certainement plus envie de changer de patrie.

Quant à la star véritablement ukrainienne, Ruslan Fedotenko, l'ancien double vainqueur de la Coupe Stanley a eu une contribution offensive limitée. Nazarov l'a même envoyé un match en tribune, par contre il ne l'a jamais critiqué publiquement, en mettant en avant son travail physique et son rôle de capitaine dans le vestiaire et dans les relations publiques.

Cette mission de fédérateur du hockey ukrainien est devenue de plus en plus un sacerdoce dans un pays en crise. Impossible de vivre dans une bulle et d'ignorer la situation politique. La KHL a délocalisé le septième match du premier tour de play-offs à Bratislava (le Donbass y a donc battu Riga sans l'avantage de la glace) avant de donner l'ordre contraire de finir le deuxième tour à Donetsk, au grand désarroi du Lev Prague qui a peu apprécié ce changement de dernière minute, mais qui s'est qualifié quand même.

À ce moment-là, c'est plutôt la capitale Kiev qui était à feu et à sang, et la conservatrice Donetsk était plutôt calme. Mais quand les manifestants de la place Maïdan ont renversé le régime, ce sont les séparatistes pro-russes qui se sont soulevés, d'abord en Crimée, puis dans le Donbass. Pris entre deux feux, le président du club Boris Kolesnikov a promis de reconstruire la patinoire incendiée par des hommes en armes, mais il s'est rendu compte que ce serait impossible dans les temps. Il a donc obtenu un compromis avec la KHL : le Donbass y préservera sa place et ses droits, mais prendra une année sabbatique forcée. Les contrats restent valables, mais seront gelés pendant un an, et les joueurs seront donc libres de s'engager ailleurs dans l'intervalle.

 

Barys Astana (7e) : blessé par ses propres supporters !

En l'occurrence, l'entraîneur ainsi libéré Andrei Nazarov a signé au Barys Astana où il remplacera Ari-Pekka Selin. La mise à l'écart du Finlandais peut surprendre, mais il faut prendre en considération que, comme son homologue Nazarov en Ukraine, Selin avait aussi la charge de l'équipe nationale. Et comme le Kazakhstan est une fois de plus redescendu de l'élite mondiale, cela lui a été fatal.

Le bilan en club est pourtant tout à fait positif. Le Barys a même occupé la première place de la Conférence Est à mi-janvier. Il a ensuite reculé, mais le fait d'être champion de sa division lui a permis d'être classé deuxième devant une équipe d'Ufa qui avait marqué plus de points. Cet avantage de la glace n'aura servi à rien.

Le Barys était doublement handicapé pour cette série. Il n'avait plus qu'un seul gardien puisqu'Ari Ahonen devait se faire opérer de la clavicule. Le vétéran Vitali Eremeïev s'est donc un peu fatigué en se retrouvant seul, malgré ses mérites nombreux... et parfois inattendus. En effet, il a même marqué un but cette saison. En fait, il lui a été attribué en tant que dernier joueur à avoir touché le palet, mais c'est un lancer adverse non cadré (du défenseur Igor Ozhiganov du Sibir) qui a doublement rebondi dans les balustrades avant de finir vers la cage laissée vide pour jouer à 6 contre 5.

Le second handicap a été encore plus cruel, car ce sont les supporters du Barys qui l'ont infligé à leur équipe ! Pour fêter la qualification au premier tour contre l'Avtomobilist, ils ont en effet porté en triomphe Talgat Zhailauov, un chouchou en tant qu'unique joueur ethniquement kazakh. Sauf que leur "support" s'est avéré bien fragile, puisqu'ils l'ont lâché ! Bilan : choc au sol et commotion cérébrale. Une blessure qui a sûrement sa place parmi les plus idiotes de l'histoire du hockey.

 

Sibir Novosibirsk (8e) : le chant syllabique de Sibérie

La patinoire de Novosibisk, construite à la fin des années soixante, renferme certainement une des meilleures atmosphères de la KHL. Elle conserve un indéniable cachet traditionnel avec sa structure en bois, sans que l'absence de confort moderne ne dissuade la foule, puisque les 8000 places sont régulièrement remplies. Les chants du public de Sibérie ne sont pas difficiles à comprendre, ils sont de nature essentiellement syllabiques. "Si-bir". Répétez - très fort - après moi.

"Kos-ki-nen". Il s'agit là du gardien finlandais Mikko Koskinen, dont le mauvais rebond lâché en prolongation du deuxième match de play-offs à Kazan a été vite pardonné. Il a en effet rapidement retrouvé son haut niveau statistique. La délivrance est venue à la deuxième prolongation du sixième match, quand Stepan Sannikov s'est montré le plus efficace dans le slot. Une revanche personnelle pour Sannikov, dont l'occasion a bout portant en prolongation du match 5 avait été le tournant du premier tour contre Omsk un an plus tôt. Arrivé cette fois au deuxième tour, le Sibir a été battu en quatre manches par le futur champion Magnitogorsk, mais en perdant à chaque fois d'un petit but.

"Kvar-tal-nov", a donc scandé le public durant une ovation à son équipe fraîchement éliminée. Il reconnaît ainsi les mérites du jeune entraîneur Dmitri Kvartalnov, qui a transformé le style de jeu sibérien en le rendant plus agressif et en demandant de lancer systématiquement au but. Présent depuis deux ans, il a demandé à rentrer à Moscou pour raisons familiales. Il a vite retrouvé du travail dans la capitale en signant au prestigieux CSKA. C'est le Biélorusse Andrei Skabelka, déjà joueur du Sibir en 2004/05, qui prendra sa suite.

 

Dynamo Moscou (9e) : les sauveurs de la patrie ?

Champion deux fois de suite, le Dynamo Moscou était bien parti pour dominer de nouveau la KHL. Sa suprématie en saison régulière a été impressionnante, par sa capacité à surmonter les pépins. Le 1er octobre, il a perdu trois joueurs sur blessure dans le même match (!) : le Finlandais Janne Jalasvaara (côte cassée), le Slovaque Dominik Granak (adducteurs) et le meilleur buteur de la ligue en septembre Maksim Pestushko (traumatisme crânien et fracture de la mâchoire supérieure).

Pourtant, la perte provisoire de ses trois défenseurs étrangers (le Tchèque Filip Novák étant lui aussi à l'infirmerie) n'a pas traumatisé un club qui a alors lancé dans le grand bain Gleb Koryagin : cet arrière jusqu'ici inconnu de 19 ans s'était préparé physiquement en Amérique pendant l'intersaison pour arriver fin prêt au camp de pré-saison de l'entraîneur Oleg Znarok à Pinsk, réputé terriblement dur.

Le Dynamo prouve ainsi qu'il est devenu une référence dans la formation : il a brisé l'hégémonie du CSKA qui durait depuis 37 ans sur le classement général des équipes de jeunes du championnat de Moscou. Ce réservoir explique qu'il ait plaidé pour une réduction de 5 à 3 étrangers, alors que la majorité de ses concurrents veulent augmenter le quota (la KHL a finalement arbitré un statu quo).

Le Dynamo a aussi été consacré par la convocation des deux attaquants défensifs Sergei Soin et Denis Kokarev en équipe de Russie pour les Jeux olympiques à domicile de Sotchi. Malheureusement, ils ont dû tous deux renoncer à ce rêve sur blessure. Le seul qui a joué, c'est le meilleur marqueur bleu et blanc, Leo Komarov, mais c'est pour mieux précipiter le pays-hôte dans le désespoir en le battant en quart de finale avec l'équipe de Finlande.

Après ce drame national, la Russie cherchait un sauveur et s'est tournée toute entière vers Oleg Znarok, candidat unanime comme une évidence. Le président de la fédération Vladislav Tretiak est venu lui faire signer son contrat au premier match de play-offs, avant de s'éclipser pour ne pas paraître interférer. Trop tard. Le Dynamo, qui n'avait pas perdu un match au premier tour depuis deux ans, a été éliminé en sept manches par le Lokomotiv Yaroslavl. Les deux dernières défaites (0-6 et 1-5) ont été particulièrement cruelles pour une formation réputée pour son système défensif.

Le gardien Aleksandr Eremenko, invulnérable depuis deux ans dès qu'il arrivait en play-offs, a cette fois craqué en encaissant de mauvais buts (lancer de la ligne bleue entre les bottes ou tir en angle fermé). Le battage médiatique à l'automne avait conduit à son rappel inespéré en équipe nationale, mais au Dynamo on n'a pas compris qu'on l'amène à Sotchi pour servir uniquement de troisième gardien, une place dévolue d'ordinaire à un jeune. Cette coupure d'un mois a cassé son rythme, et la défaite olympique, même s'il l'a un peu vécue par procuration, l'a fragilisé psychologiquement.

Znarok n'en a eu que plus de temps pour préparer le championnat du monde. Non seulement le Dynamo a mis à disposition son coach, mais aussi tout son staff qui avait ainsi des habitudes de travail communes : l'adjoint Harijs Vitolins, l'entraîneur des gardiens Rashid Davydov et même le manager Andrei Safronov se sont tous occupés également du destin de l'équipe nationale. Les "Dynamistes" ont ainsi ramené la Russie au titre mondial. Mais comment géreront-ils dans la durée ce double travail en club et en sélection ?

 

Ak Bars Kazan (10e) : une punition à la hauteur de la déception

L'échec de Sotchi a été un peu celui d'Ak Bars Kazan, puisque c'est en donnant à ce club deux titres consécutifs que Zinetula Bilyaletdinov avait été désigné sélectionneur de la Russie (l'histoire se répète donc trait pour trait avec Znarok...). Même s'il a été exigé qu'il se consacre exclusivement à l'équipe nationale pour la préparation olympique, le collectif actuel garde son héritage. Quatre joueurs ont d'ailleurs participé aux JO : les défenseurs Evgeni Medvedev et Ilya Nikulin ainsi que les centres Aleksei Tereshchenko et Aleksandr Svitov, même si ce dernier n'était que remplaçant.

Après Vancouver, les nombreux joueurs de Kazan avait surmonté leur déception et gardé leur titre, mais cette fois, le contrecoup a été terrible. L'Ak Bars (panthère blanche en tatar) a été éliminé au premier tour sans même atteindre les quarts de finale, ce qui ne lui était pas arrivé depuis... 1997 !

La punition a été immédiate : les hockeyeurs ont été obligés de rester et de continuer à patiner jusqu'au 30 avril, à la grande colère du syndicat des joueurs. Celui-ci avait en effet négocié depuis deux ans avec la KHL que la préparation d'été pourrait commencer dix jours plus tôt lors de la saison olympique, à condition qu'en contrepartie les joueurs éliminés des play-offs puissent être libérés en vacances dès le 15 avril. Or, deux clubs ont trahi l'accord signé, ceux de Kazan et Chelyabinsk.

Au-delà de cette réaction bêtement punitive, il serait plus pertinent de réfléchir aux raisons de cette élimination inhabituelle. Clairement, tous les clubs avec des participants aux JO ont peiné à se lancer dans les play-offs à peine dix jours plus tard. Mais les internationaux n'ont pas été les plus décevants. La baisse de forme la plus marquée est celle de Konstantin Barulin, meilleur gardien de la ligue en septembre, mais qui a fini avec des statistiques inférieures à sa doublure Emil Garipov et qui a perdu définitivement sa place en play-offs.

L'autre chute de performance est celle d'Aleksandr Burmistrov, l'enfant du pays parti à 18 ans et revenu quatre ans plus tard avec de l'expérience NHL. Meilleur marqueur en saison régulière, le centre a compté 0 but, 2 assists et une fiche affreuse de -7 en play-offs. Il a cependant été intégré à l'équipe nationale et est devenu champion du monde, sans convaincre sur sa quatrième ligne. Si Barulin ne sera pas conservé, Burmistrov aura droit à une revanche avec Kazan l'an prochain..

 

Torpedo Nijni Novgorod (11e) : élimination endeuillée

L'entraîneur letton Peteris Skudra a imprimé au Torpedo Nijni Novgorod un style personnel. Il a en particulier bousculé les coutumes russes qui consistent à aligner des paires fixes de défenseurs. Il n'hésite pas à employer un nombre impair d'arrières et donc à les faire tourner à chaque présence. Selon lui, les joueurs doivent simplement prendre garde à ce que leur partenaire du moment est gaucher ou droitier. Pour le reste, le système collectif s'applique à tous, et les joueurs l'ont démontré par des relances sûres.

Portées par l'international finlandais Juuso Hietanen pour l'aspect offensif et par l'international biélorusse Vladimir Denisoc pour l'aspect physique, les lignes arrières de Nijni Novgorod ont été solides, pendant que le trio Salminen-Immonen-Wolski menait l'attaque. Les systèmes de Skudra, que les traditionalistes caricaturent parfois en un banal "dump-and-chase" nord-américain mais qui est simplement plus mixte et plus international, ont sans doute profité aux joueurs étrangers. Tant mieux, car ils devaient absolument prendre le relais après le départ des meilleurs joueurs russes de l'équipe à l'intersaison.

Une vraie opposition de styles attendait Nijni Novgorod au premier tour de play-offs face au style offensif débridé d'Ufa. Toute la série a été extrêmement disputée entre deux équipes qui rivalisaient en vitesse et en combativité. C'est donc l'efficacité qui ferait la différence. Les deux jokers arrivés en janvier ont d'abord excellé : l'attaquant Evgeni Skachkov a marqué 3 points au premier match dont un but spectaculaire en lucarne après avoir éliminé deux adversaires, et le gardien Ivan Kasutin n'a encaissé qu'un but lors des deux premières rencontres (3-1 et 1-0). Ces deux succès à l'extérieur plaçaient le Torpedo sur une voie royale, mais le troisième match perdu après 116 minutes de jeu a compliqué la série. Le lendemain, un Kasutin forcément fatigué a craqué, et la série s'est transformée en marathon.

Sur la route du match décisif, un bus de supporters du Torpedo s'est retourné dans un virage, et un d'eux est mort dans l'accident. Les fans des deux équipes ont alors convenu que les deux premières minutes de la partie se dérouleraient dans un silence respectueux de deuil. C'est dans ce contexte douloureux que Nijni Novgorod a été éliminé au septième match, Skudra regrettant la première pénalité sévère qui aurait influencé le résultat.

 

Dinamo Riga (12e) : sur les deux fronts

Le hockey letton a réussi une saison pleine et montré que la réussite en club n'est pas incompatible avec celle de l'équipe nationale. La Lettonie a en effet atteint les quarts de finale des Jeux olympiques, et le Dinamo Riga, qui lui fournit la majorité des joueurs, a aussi rempli son objectif en allant en play-offs de la KHL.

Malheureusement, cette participation olympique a coûté cher : le quatrième marqueur du club Miks Indrasis s'est fracturé un os du talon lors du quart de finale contre le Canada, et le septième marqueur Vitalijs Pavlovs a été suspendu pour dopage. À ce stade, le Dinamo avait déjà perdu deux défenseurs blessés, Oskars Cibulskis et Arvids Rekis. Pour couronner le tout, le meilleur marqueur Kyle Wilson s'est blessé au dos juste avant la fin de la saison régulière.

Malgré le retour de blessure de Gints Meija et l'arrivée de Lauris Darzins (viré de Kazan), les Baltes avaient trop peu de profondeur de banc pour surmonter autant d'absences. Ils se sont battus avec énergie, mais ont cédé en sept manches en play-offs contre Donetsk. Le bilan sportif reste satisfaisant, pas le bilan financier puisque le club avoue quelques difficultés en la matière.

Cette saison restera celle des adieux pour le capitaine du club Sandis Ozolins. Après une carrière longue et parfois tourmentée à l'époque de ses problèmes d'alcool en NHL, mais bien réhabilitée depuis son retour au pays, la légende du hockey letton a décidé de se lancer en politique. Il se présentera aux prochaines élections législatives pour le nouveau parti fondé par l'ex-premier ministre de droite Einars Repše.

 

Medvescak Zagreb (13e) : détruit-il la réputation de la KHL de l'intérieur ?

Comme les autres clubs étrangers "recrutés" pour servir les plans d'expansion de la KHL, le Medvescak Zagreb a eu la moitié de son budget fournie par les Russes, notamment via des filiales de Gazprom. Mais en le voyant si bien réussir, certains se sont demandés si la KHL ne se tirait pas une balle de pied par ce financement d'un club qui... écorne indirectement sa réputation.

En effet, le Medvescak a ostensiblement composé son équipe avec des Nord-Américains, essentiellement des joueurs d'AHL, même si certains ont un passé prestigieux comme le meilleur marqueur Jonathan Cheechoo (qui fut meilleur buteur de NHL avant de perdre confiance) ou ont déjà passé cinq ans en Europe tel le deuxième marqueur Matt Murley. En voyant cette formation - dont ils pouvaient facilement évaluer le niveau des joueurs - battre régulièrement les meilleurs clubs de KHL, les Nord-Américains ont eu beau jeu d'y voir la démonstration que les prétentions de la ligue russe de rivaliser avec la NHL étaient surfaites.

La vérité est plus nuancée : le différentiel de styles, quand une équipe est la seule à se démarquer, est clairement à son avantage, car les adversaires ont du mal à s'y ajuster. C'est encore plus vrai dans le cas du Medvescak qui dispose d'une petite glace à laquelle les visiteurs ne sont pas habitués. Même s'ils ont souvent été pris de vitesse, les Croates ont donc su neutraliser la technique russe par leur impact physique. La clé de leur réussite tient aussi en deux statistiques : 7e place de la KHL en supériorité numérique et 4e en infériorité. Et c'est justement parce que les unités spéciales ont été moins efficaces en play-offs que Zagreb a été très vite battu en quatre manches par le Lev Prague.

Cette première saison est avant tout un succès populaire confirmé. Profitant de la faible compétitivité des clubs historiques de football et de basket, le Medvescak continue de tenir le haut du pavé dans le paysage sportif de Zagreb, grâce à son atmosphère festive. Il a placé la saison sous le signe des records et a battu celui des décibels (130) et de la ola la plus longue (15 minutes et 3 secondes). Mais surtout, malgré l'élimination expéditive, le public a eu une manifestation plus spontanée en applaudissant son équipe pendant un quart d'heure.

 

CSKA Moscou (14e) : l'armée rouge expulse les Américains

Depuis qu'il a de l'argent, le CSKA a un organigramme avec plus d'une dizaine de dirigeants, mais il a fait plus parler de lui pour ses dissensions en coulisses que pour ses performances sur la glace. Quelle est la part liée à des médias moscovites en mal de sensation dans ces supposés problèmes ? Difficile à dire. En tout cas, le manager Sergei Fedorov n'a pas vraiment su apaiser la situation. Au contraire, en voulant revenir sur la glace au lieu de s'occuper de sa fonction, il a plutôt fait diversion. L'entraîneur John Torchetti semblait embarrassé par ce retraité de 44 ans et ne l'a fait jouer que pour une exhibition, la Coupe Spengler.

Pendant ce temps-là, les premiers feux s'allumaient en coulisses. Fedorov échangeait le poulain formé au club Sergei Shirokov - que l'on dit fâché contre lui - à Omsk en retour du vieillissant Aleksandr Frolov, et le CSKA n'a vraiment pas gagné au change. L'ex-défenseur de NHL Daniil Markov voyait pour sa part son contrat résilié après s'être répandu en injures sur le préparateur physique Barry Brennan et le staff.

En janvier, le gardien slovaque Rastislav Stana, dont les performances excellentes l'an passé étaient en chute libre, a été renvoyé et remplacé par deux portiers d'un coup, Mikhaïl Biryukov et Jeff Glass. Deux nouveaux jokers étrangers (Deron Quint et Jan Mursak) étaient achetés. Objectif affiché : se renforcer pour les play-offs. Tout ça pour se faire vite sortir en quatre manches par le SKA Saint-Pétersbourg...

Encore une fois, dès qu'elle est privée de son joueur-phare Aleksandr Radulov (victime d'une commotion cérébrale), l'offensive du CSKA perd toute crédibilité. Et ce n'est pas la recrue-vedette et nouveau capitaine Aleksei Morozov qui y a changé quoi que ce soit : il était porté disparu dans "son" cercle droit, sa position préférentielle de buteur.

Evidemment, Torchetti et tout son staff ont été débarqués. Beaucoup n'avaient jamais vraiment accepté qu'un Américain puisse s'occuper de l'ancien club de l'armée rouge. Mais tous les problèmes sont-ils résolus pour autant ? La grande satisfaction de la saison est Nikolaï Prokhorkin, 20 ans et déjà meilleur marqueur de l'équipe (du fait bien sûr de la blessure de Radulov). Auteur d'une belle campagne de 20 buts au poste de centre (il a été moins performant en équipe nationale où on l'a testé à l'aile), Prokhorkin a déclaré dans la presse qu'il voulait rester mais que le CSKA ne lui avait rien proposé, prenant les lecteurs à témoin qu'on le forçait à partir contre son gré en Amérique du nord... Les Kings de Los Angeles ont alors démenti son arrivée en expliquant qu'il était d'après eux toujours sous contrat pendant un an au CSKA. Cette interview n'était-elle qu'une stratégie de revalorisation salariale ? En tout cas, les médias font toujours leurs choux gras du CSKA...

 

Avtomobilist Ekaterinburg (15e) : le nouveau Datsyuk ?

Avec un nouveau manager (Leonid Weisfeld) et un nouveau coach (Anatoly Emelin), l'Avtomobilist Ekaterinbourg a réussi à se qualifier pour les séries avec pourtant seulement l'avant-dernier budget de la Conférence est. En play-offs, il a même neutralisé le premier trio "nord-américain" du Barys Astana, mais sa deuxième ligne s'est fait dominer.

Le joueur-clé de cette belle saison se nomme Fyodor Malikhin, septième marqueur de KHL alors qu'il était presque inconnu. Cette révélation tardive à 23 ans a déclenché un effet de mode, entretenu par des vidéos de ses pénaltys magistraux, inscrit avec une vitesse de mains incroyable. On l'a mêmecomparaison avec un autre centre originaire d'Ekaterinbourg, un certain Pavel Datsyuk, qui lui non plus n'avait jamais été international junior.

Certains lui imaginaient un avenir en NHL puisqu'il était en fin de contrat. Weisfeld, lui, indiquait qu'il ferait tout pour garder Malikhin. Mais celui-ci a refusé la proposition de contrat et a préféré signer un contrat à Kazan... comme un certain Datsyuk lorsqu'il avait quitté la ville à 22 ans !

Le plus dur pour l'Avtomobilist sera donc de confirmer ses performances sans sa nouvelle idole. La région de Sverdlovsk a déjà annoncé la réduction de 10% de sa subvention, que le club espère compenser par le merchandising et la hausse du prix des billets, puisque le public l'a tant soutenu cette année.

 

Admiral Vladivostok (16e) : la petite glace comme arme

Ce qui vaut pour Zagreb est également valable pour Vladivostok : jouer sur une surface différente procure un avantage indéniable à domicile. Felix Schütz, premier Allemand sans aucune origine "soviétique" à évoluer en KHL ("pas une si grande aventure que beaucoup croient", selon lui, hormis l'éloignement avec sa copine restée au pays), l'a expliqué à Eishockey News avec un certain amusement : "Sans la petite glace, nous n'aurions sans doute pas atteint les play-offs. Pour être franc, nous avons souvent dû rire quand un adversaire devant sa cage a viré sur le côté, a cherché une relance et s'est soudain arrêté à la bande parce qu'il n'y avait simplement plus de place."

Schütz a fini meilleur marqueur de son équipe, ce qu'il n'avait jamais été dans sa carrière, après le départ fin décembre du précédent "top-scoreur" Enver Lisin, échangé fin décembre au CSKA contre deux joueurs, l'attaquant Ilya Zubov et le défenseur Mikhaïl Naumenkov. L'équipe manquait en effet vraiment de profondeur. Schütz et le Suédois Niclas Bergfors ont marqué un quart des buts à eux deux.

L'Admiral a eu la présence d'esprit de choisir des entraîneurs ayant déjà travaillé en Extrême-Orient (à Khabarovsk) et connaissant donc les spécificités de l'éloignement géographique. Ce fut d'abord Hannu Jortikka, jusqu'à ce qu'il ne parte, officiellement parce que sa femme était malade en Finlande. Il y avait également une autre raison : les cadres de l'équipe n'appréciaient guère les hurlements et les comparaisons disgracieuses qui ont fait la réputation des discours de Jortikka. Le champion olympique 1988 Sergei Svetlov est ensuite arrivé, et il a qualifié l'équipe en huitième position de Conférence Est, exactement comme il l'avait fait avec l'Atlant à l'Ouest un an plus tôt.

Cette qualification des nouveaux venus est moins surprenante qu'il n'y paraît. Seules deux "équipes d'expansion" de la KHL ont raté les play-offs à leur première saison, le Dynamo Minsk en 2008/09 et le Lev Poprad en 2011/12. Les autres ont toujours bien réussi grâce à une assistance budgétaire, voire réglementaire. L'Admiral a ainsi pu aligner sept étrangers contre cinq à ses concurrents, et en a largement profité.

 

Atlant Mytishchi (17e) : le succès uniquement par intérim

Après le licenciement-éclair de Sergei Svetlov au bout de 5 rencontres, Aleksei Kudashov a été nommé entraîneur par intérim de l'Atlant Mytishchi. Il a alors gagné 11 des 16 matches suivants, et semblait avoir sorti le club de la crise. Au soir d'une victoire de prestige sur la glace du CSKA fin octobre, Kudashov a donc été nommé entraîneur de plein droit, perdant son statut de simple intérimaire.

Et comme par malédiction, c'est ce jour-là que la dynamique s'est brisée. Comme si cette officialisation de sa mission avait soudain enlevé tout pouvoir au coach ! Sur les 7 rencontres suivantes, dont 5 à domicile, l'Atlant n'en a plus remporté qu'une seule. Il s'est éloigné de sa feuille de route, et n'a jamais pu s'y ramener : il a raté les play-offs pour la première fois de son histoire.

Son choix de coach ayant peu fonctionné, le manager Aleksei Zhamnov doit assumer un recrutement manqué. Evgeni Artyukhin, censé amener le hockey physique que Zhamnov avait mis en place jusqu'à la caricature au sein du Vityaz, a été surtout bon à blesser l'adversaire. L'ex-défenseur international Vitali Atyushov est très loin à 34 ans de son niveau d'antan. Yuri Trubachev, dont le but donna le titre mondial junior 2003 à la Russie, a semblé perdre toute volonté sur la glace. Parmi les recrues, seul Igor Radulov, le grand frère de qui vous savez, a tenu sa réputation en terminant premier buteur (15 buts) et deuxième marqueur (21 points).

Le premier et le troisième au classement interne des marqueurs (23 et 21 points) sont des "rookies" qui n'étaient apparus que brièvement l'année précédente : le centre Aleksandr Kadeikin et l'ailier Sergei Shmelyov, formés respectivement à Elektrostal et au Tatarstan, sont arrivés dans la banlieue moscovite à 17 ans via la draft KHL (qui sert donc pour une fois à quelque chose) et ont passé trois ans en juniors (MHL) avant de percer cette saison en équipe première, maintenant qu'ils ont dépassé les 20 ans. Ces deux jeunes joueurs représentent donc un chatoyant rayon de soleil.

 

Severstal Cherepovets (18e) : le cimetière des éléphants

Le Severstal Cherepovets parviendrait-il à digérer le départ au SKA de son meneur de jeu formé au club Vadim Shipachyov ? La réponse est malheureusement négative. Après trois années de présence en play-offs, les nordistes se sont fait éliminer, pour 7 points, dans une conférence ouest devenue difficile.

Autrefois berceau des jeunes, le club a fait plutôt office de cimetière des éléphants cette année. L'ex-international Vladimir Antipov, jadis reconnu comme un joueur d'équipe, a connu une triste fin de carrière en se faisant virer le 1er janvier avec une fiche de -18. Le défenseur de 37 ans Aleksandr Guskov, arrivé en octobre avec pour objectif de battre le record de buts de Fetisov (153) dans le championnat national soviétique/russe, n'a pas augmenté de la moindre unité son total (144) et n'a pas non plus dépassé le Nouvel An.

Le cas le plus pénible est sans doute celui de Nikolaï Zherdev. Comme avec Anisin l'an passé, le Severstal s'est dit qu'il allait relancer un joueur à problèmes. Renvoyé du Lev Prague en août pour un problème d'alcool puis du Spartak Moscou en novembre, Zherdev a même récupéré le numéro 87 de Shipachyov... mais pas son héritage. Il a été écarté de son troisième club de la saison, le 1er février, sans que son sort n'intéresse plus personne. Dire que ce joueur était le quatrième de sa génération si l'on en croit la draft NHL, et qu'il était encore champion du monde en 2012...

Face à ces échecs russes, ce sont en fait les joueurs étrangers qui ont porté le Severstal cette saison. Le meilleur marqueur est suédois, Linus Videll. Avec 93,1% d'arrêts, le gardien tchèque Jakub Stepanek a relancé sa carrière dans un "petit club", même si sa tentative de retour en équipe nationale a viré au cauchemar...

 

Traktor Chelyabinsk (19e) : frustrations et adieux du prodige Evgeni Kuznetsov

Finaliste 2013, le Traktor Chelyabinsk a vécu ensuite une saison douloureuse. L'entraîneur Valeri Belousov, qui avait pourtant toujours eu le dernier mot sur le recrutement, a étonné ses dirigeants en se montrant mécontent dès le premier camp d'entraînement d'Aleksandr Guskov et Renat Mamashev. Les deux défenseurs réputés pour leur slap ont été écartés après seulement deux rencontres, quasiment sans avoir eu leur chance. Semaine après semaine, Belousov a continué de se débarrasser des recrues de l'intersaison : Anton Kuryanov (1 but en 13 parties) ou encore l'international letton Lauris Darzins. Quant à la star biélorusse Andrei Kostsitsyn, elle est restée jusqu'à la fin mais a terminé certaines rencontres sur le banc, sanction de son manque de lancers.

La déchéance la plus étonnante est encore celle de Konstantin Panov : le capitaine, en qui Belousov louait le combattant-modèle quelques mois plus tôt, a été renvoyé dans l'équipe-ferme, le Chelmet Chelyabinsk, où il a également porté le "C", un double capitanat unique dans le hockey russe. Sa disgrâce n'était toutefois pas irréversible, puisqu'il a été rappelé par le Traktor pendant une des blessures de Kuznetsov.

La frustration d'Evgeni Kuznetsov a en effet été le fait marquant de la saison. L'attaquant de 21 ans était resté dans sa ville natale pour pouvoir assister à tous les regroupements de l'équipe nationale et se donner toutes les chances de participer aux JO de Sotchi. Mais, blessé à l'épaule puis au pied, il n'a jamais été dans la course. Il voulait donc au plus vite changer d'air pour oublier cette déception.

Se sachant sur le départ vers la NHL, Kuznetsov avait invité par avance tous ses amis au dernier match de saison régulière pour en faire celui des adieux, car chacun tenait à une fête chaleureuse de départ. Elle aurait pu être plus belle encore avec une qualification en play-offs, que le Traktor pouvait encore obtenir en remportant ses deux derniers matchs à domicile. Mais il a perdu l'avant-dernier (0-1 contre le Torpedo) et ce dernier match comptait alors pour du beurre. Le seul enjeu devenait donc la cérémonie en l'honneur de Kuznetsov. Le successeur de Panov avec le "C", Dmitri Ryabykin, lui a donné son titre de capitaine en cadeau, pour qu'il puisse ainsi réaliser son rêve d'enfance. Quant à Evgeni, avec quatre partenaires, il a lui aussi offert un cadeau lors de ce pot de départ, en finançant une surfaceuse pour la patinoire de l'école de hockey.

Du fait de l'élimination précoce du Traktor, il restait quelques jours avant la limite des transferts en NHL. Kuznetsov a donc anticipé son départ à Washington, et a vite été adopté par les Capitals. Le nouveau sélectionneur Oleg Znarok l'a alors sélectionné pour le championnat du monde, qu'il a commencé en quatrième ligne et fini... sur le banc. C'est sa deuxième médaille d'or, mais sa contribution réelle y a été minime.

Le Traktor, pour sa part, a perdu son enfant chéri et devra tout reconstruire. Il a remercié Belousov - légende du hockey à Chelyabinsk - pour tout le travail accompli et s'est séparé par la même occasion de tous ses adjoints.

 

Avangard Omsk (20e) : impossible à sauver du désastre

Quand une saison commence mal, il est souvent difficile de la sauver. Un des dix plus gros budgets de la KHL, l'Avangard Omsk, s'en est rendu compte. Il aura tout tenté. Après le changement d'entraîneur puis de gardien, il a poursuivi en échangeant le vétéran Aleksandr Frolov (fiche de -12 en 22 parties) au CSKA contre un international russe plus actuel, Sergei Shirokov (qui excellera dans la conquête du titre mondial 2014).

Juste avant la trêve de décembre, l'Avangard est revenu dans la course avec une série de 6 victoires en 7 rencontres. La sensation du moment était alors Maksim Kazakov, attaquant de 20 ans intégré sur la ligne avec Popov et Perezhogin.

La blessure grave du gardien Mathieu Garon a cependant encore compliqué les choses. Pour trouver un partenaire au vieillissant Andrei Mezin, l'Avangard a dû payer le prix fort pour acheter Henrik Karlsson à Skellefteå (que le départ de son portier n'a pas empêché de conserver son titre de champion de Suède).

Avant la longue trêve olympique, Omsk comptait 7 points de retard sur la qualification avec 4 déplacements pour boucler son calendrier. L'entraîneur tchèque Milos Riha a alors préparé son équipe en commando avec deux entraînements par jour. Il n'y avait donc pas le temps de penser à Sotchi pour un Aleksandr Perezhogin déçu de sa non-sélection aux Jeux olympiques. Mais son collègue Aleksandr Popov est revenu encore plus démoralisé d'y être allé, il a même songé à arrêter sa carrière à seulement 33 ans après l'échec olympique. Pour l'ultime chance de qualification, Riha a envoyé son équipe se jeter à l'offensive, mais le miracle n'a pas eu lieu.

Pour les équipes éliminées des play-offs en KHL, la saison n'est pas encore finie : elles jouent la "coupe de l'espoir". Pas de quoi motiver Riha, qui savait que le club lui cherchait un successeur. Il ne s'est pas présenté à un entraînement du matin, fournissant un prétexte idéal à mettre un terme prématuré à son contrat de deux ans, signé en septembre. Son adjoint Evgeni Kornukhov l'a remplacé et a conduit Omsk à remporter cette "coupe de l'espoir". Mais pour les supporters, l'espoir n'a qu'un nom : Raimo Summanen, le bouillant entraîneur finaliste en 2012, dont tout le monde attendait le grand retour vite officialisé.

 

Slovan Bratislava (21e) : les derniers feux de Šatan

Pas deux fois. Le Slovan Bratislava a déployé le même effort que la saison précédente, suivant les instructions égrenées avec le même enthousiasme par son entraîneur Rastislav Cada. Mais cela n'a pas suffi à accéder aux play-offs ce coup-ci. Dans l'escalade financière qui s'est emparée de la conférence ouest de KHL, le club slovaque est avant tout victime des limites de son budget.

Miroslav Šatan s'est sans doute décidé trop tard à revenir au jeu, début décembre. Trop tard pour une équipe qui aurait eu besoin d'un tel leader en continu. Trop tard surtout pour lui-même, puisque sa non-sélection olympique - vécue par une partie du pays comme un affront envers un joueur si légendaire - a été motivée principalement par sa forme encore incertaine eu égard à son manque de compétition. Šatan s'est rattrapé en participant à son douzième championnat du monde élite, le huitième en tant que capitaine. Un ultime adieu puisqu'il a décidé d'arrêter sa carrière : le meilleur joueur du Mondial 2002, inoubliable année du sacre pour la Slovaquie, aura été le symbole du maillot à la Double-Croix pendant vingt ans.

Entre l'équipe de Slovaquie et le Slovan Bratislava, on aura surtout remarqué les différences d'appréciation entre les entraîneurs. Parmi les sept joueurs en commun, le sélectionneur national Vladimir Vujtek a ainsi retenu Jan Brejcak, que Cada ne considère que comme huitième défenseur au Slovan. Même s'il s'est principalement servi de Brejcak comme remplaçant, Vujtek l'a quand même plus fait jouer que le géant Vladimir Mihalik, pleinement titulaire en club mais vite dépassé au niveau international. Une constante néanmoins entre les deux formations : meilleur marqueur du Slovan, Michel Miklik l'a aussi été avec la Slovaquie et a ainsi réussi une saison pleine.

Le moment le plus sympathique de sa saison, Bratislava l'aura vécu lors du All-Star Game, que la KHL continue d'organiser surtout hors de Russie comme outil de promotion de son expansion. Alors que Komarov venait de battre le record lors de l'épreuve de vitesse, le représentant local Milan Bartovic l'a surpassé à son tour et récolté une ovation...

 

Yugra Khanty-Mansiysk (22e) : les experts sont soudain devenus des incapables

L'arrivée d'un nouveau directeur général ambitieux venu du volleyball, Andreï Belmach, n'a pas tardé à bouleverser la vie du Yugra Khanty-Mansiysk. Depuis son inclusion en KHL, le club de la capitale du pétrole russe avait dû sa réussite à un hockey "soviétique", adjectif éminemment laudatif qui signifie "collectif", "offensif", "attractif". Le travail du trio d'entraîneurs d'expérience Soloviev-Shepelev-Ketov avec des joueurs pourtant inconnus avait récolté des hommages dans tout le pays.

Dès le début de saison, le message propagé au sein du club a changé. Les dirigeants ont créé toutes les conditions pour une équipe de haut niveau, indiquait-on, et la responsabilité de résultats moyens incombait aux entraîneurs. Subitement ceux-ci étaient décrits comme "coincés dans le passé", mais en faisant cette fois référence à une période paradoxalement plus récente, les années 90 : en Russie, cette décennie maudite évoque l'écroulement du pays et ne déclenche que des souvenirs négatifs. Tous les maux de la Terre étaient donc reprochés à Soloviev : le "champion des excuses" aurait mal préparé physiquement ses troupes à l'intersaison, il n'emploierait pas d'outils modernes, il ne pratiquerait pas les unités spéciales...

Le trio d'experts, devenu du jour au lendemain un trio d'incapables, a donc été viré. Oleg Davydov, recruté par le manager Potaïchuk comme coach des défenseurs en début de saison, a été nommé entraîneur par intérim. Et comme le trio "incompétent" avait aussi été accusé de n'avoir jamais embauché d'entraîneur des gardiens, on en a aussitôt recruté un, le Tchèque Rudolf Pejchar. N'était-ce pas un peu facile de se servir de boucs émissaires ? Les résultats n'ont fait qu'empirer. Un entraîneur célèbre, Hannu Jortikka, a été engagé comme consultant, mais il ne voulait pas s'installer durablement à Khanty Mansiysk pour raisons familiales.

La vérité est que le Yugra est à sa juste place au vu de son effectif. Avec un seul marqueur de plus de dix buts (Veli-Matti Savinainen, 13), la pauvreté de son attaque a été criante.

 

Spartak Moscou (23e) : disparition d'un club pour faillite bancaire ?

Vendredi 13. La date restera comme maudite dans le souvenir des partisans du Spartak Moscou. Peut-être la fin du " club du peuple " au glorieux passé. Le vendredi 13 décembre 2013, la Banque Centrale de Russie a retiré leur licence à trois banques soupçonnées de malversations, pour assainir un système bancaire en crise. Parmi elles, Investbank, le sponsor principal du Spartak. À cette époque, déjà, les salaires de novembre n'avaient pas été versés, et certains semblaient se douter que quelque chose se tramait...

Le conseil sibyllin glissé à l'entraînement par le vétéran Vyacheslav Kozlov ("ne pas garder l'argent à la banque"...) n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Le gardien Jeff Glass a aussitôt retiré toutes ses économies, ce que tous ses coéquipiers n'ont pas pu faire à temps. En effet, la plupart des salaires des hockeyeurs spartakistes étaient versés sur des comptes à la Investbank : avec cette faillite forcée soudaine, ces comptes étaient gelés. La loi russe prévoit certes une garantie pour les comptes de dépôt, mais elle est plafonnée à hauteur de 16 000 euros, ce qui ne représente pas grand chose pour un joueur professionnel.

La KHL a versé au cours des premières semaines la rémunération minimale prévue par la ligue (l'équivalent de 60 000 euros annuels) pour éviter que les joueurs aient motif à révoquer leur contrat et garder le Spartak dans son calendrier. Les premières autorisations de ruptures contractuelles ont été décidées en mars, une fois la saison régulière terminée. Dans l'intervalle, c'est la KHL qui a dû payer elle-même les déplacements, les hôtels, les repas, tout en reprochant au club de conserver une masse salariale élevée et ses joueurs étrangers (le meilleur d'entre eux, le défenseur américain de 38 ans Deron Quint, a finalement été échangé au CSKA en janvier).

Mais pendant ces deux mois et demi sous perfusion, le Spartak a vécu un cauchemar. Le vendredi 13, il était encore en pleine bataille pour l'accès aux play-offs après deux ans de disette. Mais dès que les vivres ont été coupés, il a enchaîné 20 défaites d'affilée. Et l'entraîneur Fyodor Kanareïkin de pointer du doigt les Wandell, Spirko ou Anderson : "Les paiements ont cessé, et ils ont méprisé leurs devoirs professionnels. Et pendant ce temps, on dit qu'il faut de plus en plus d'étrangers en KHL. Je pense qu'il est clair que les légionnaires viennent surtout pour l'argent. C'est pourquoi les étrangers du Spartak sont l'ombre d'eux-mêmes par rapport au début de saison. Le peuple russe a l'habitude d'être dans des situations difficiles. C'est notre mentalité."

Après avoir battu tous les records de défaites et sans un sou en poche, le Spartak a évidemment renoncé à participer à la "Coupe de l'espoir" pour les équipes non qualifiées en play-offs. Le seul espoir qui vaille, celui d'être au départ de la prochaine saison, paraît bien mince...

 

Vityaz Podolsk (24e) : des dribbleurs à la place des voyous

Totalement débarrassés de sa réputation de club de voyous, le Vityaz Podolsk est redevenu un club comme un autre. Le nouveau symbole en a finalement été Maksim Afinogenov, promu capitaine après l'échange à Nijnekamsk de la transparente recrue Masim Rybin. Le premier capitanat de sa carrière adulte, Afinogenov l'a assumé en devenant le meilleur marqueur de sa nouvelle équipe. Il partage avec le deuxième compteur Aleksandr Korolyuk ce don du 1-contre-1 développé dans sa prime jeunesse soviétique.

Cette technicité a permis au Vityaz d'être capable de battre des adversaires du haut du tableau, mais parallèlement, cette même équipe commettait aussi des erreurs techniques lourdes de conséquences contre ses opposants directs.

Le mince espoir de se qualifier, le Vityaz le devait aux six blanchissages engrangés par le gardien Ivan Lisutin jusqu'au 12 décembre. Des performances qui n'ont pas duré. Un mois plus tard, l'entraîneur Yuri Leonov, en poste depuis près de deux ans, se faisait limoger parce que le retard sur la zone des play-offs s'élevait à 13 points. Retard irrémédiable alors qu'on avait joué 80% de la saison régulière.

La suite a révélé la vacuité de ce renvoi du coach (l'adjoint Oleg Orekhovsky a pris le relais). Le retard a carrément doublé dans les 20% restants du championnat : le Vityaz a été distancé de 26 points au classement final !

 

Neftekhimik Nijnekamsk (25e) : impossible à contredire... mais pas à renvoyer

Vladimir Krikunov avait fait le choix de quitter le Kazakhstan pendant l'été pour retourner à Nijnekamsk, où il avait déjà passé deux fois 3 ans. Il n'avait pas cependant pas calculé que l'équipe avait bien changé en son absence et n'était plus habituée à son style dictatorial. Du Slovaque Branko Radivojevic, réputé rétif dans les vestiaires russes, à Mikhaïl Anisin, artiste de poche au tempérament rebelle, ils ne paraissaient guère adaptés à ses exigences physiques et mentales. Anisin a d'ailleurs vite été échangé à Donetsk.

Le troisième séjour de Krikunov dans la ville tatare n'aura donc pas duré 3 ans... mais à peine plus de 3 mois. Le glas a sonné au lendemain d'une gifle chez son ancien club du Barys Astana (1-5), la onzième défaite sur une série de douze matches. Le patron de l'usine pétrochimique locale, Vladimir Bulgakov, qui était l'initiateur du rappel de Krikunov, l'a convoqué dans son bureau pour déterminer comment sortir par le haut de cette mauvaise passe. Mais Krikunov, qui ne supporte la contradiction ni de ses joueurs ni de ses adjoints, ne s'est montré guère plus ouvert aux idées émises par le puissant sponsor. L'entretien n'a donc pas abouti à une solution de consensus, mais à son limogeage pur et simple.

L'entraîneur-assistant Dmitri Balmin a pris le relais, mais Nijnekamsk a définitivement renoncé à la qualification en cédant ses deux joueurs-phares, le défenseur vu en équipe nationale Nikolaï Belov et le combatif attaquant Yegor Milovzorov, à l'autre club tatar Kazan. De loin le meilleur marqueur du Neftekhimik, Milovzorov n'a guère aidé sa nouvelle équipe en play-offs puisqu'il a perdu sa place de titulaire.

La saison s'est donc finie en roue libre, et l'entraîneur finlandais Kari Heikkilä n'est arrivé que tardivement, début mars, avant la coupe de consolation. L'objectif était déjà de préparer le championnat 2014/15.

 

Dynamo Minsk (26e) : la priorité est ailleurs

Le Dynamo Minsk peinait déjà à atteindre les play-offs lorsqu'il faisait appel à de la main-d'śuvre importée. Il ne faut donc pas s'étonner de ce que sa compétitivité soit limitée maintenant qu'il s'est plié à la consigne de jouer avec un maximum de 6 étrangers en plus du gardien, avec 5 millions de dollars de dotations en moins de la part de l'État. Celui-ci en avait bien besoin pour finir ses nombreuses patinoires, sûrement plus utiles au développement du hockey que la centaine d'étrangers passée en quelques années sans laisser de fondations.

L'entraîneur Aleksandr Andrievsky a fait les frais d'une série de six défaites à l'automne et a dû céder sa place à son adjoint Lubomir Pokovic. Le Slovaque, connu depuis longtemps à Minsk, a commencé par trois victoires, mais le soufflé est très vite retombé. Et Pokovic de regretter de manière récurrente un manque de concentration.

On espérait que les hockeyeurs biélorusses profiteraient de la moindre concurrence interne pour se mettre en valeur dans la perspective des championnats du monde à Minsk. Malheureusement, ils ont tous éprouvé des difficultés à marquer des buts. Tous sauf un, le naturalisé de fraîche date Geoff Platt, qui a fait ses débuts pour le Bélarus à l'automne. Platt est le joueur qui tire le plus dans toute la KHL, avec 4,5 lancers cadrés par match. Il est donc logique qu'il mette fréquemment le palet au fond. Il compense son manque de gabarit et de patinage par un grand cśur, et son dévouement en fait depuis cinq ans le chouchou des fans du Dynamo.

Certains supporters ont même annoncé qu'ils ne viendraient plus quand Geoff Platt a été transféré au Nouvel An au Lokomotiv Yaroslavl, où il a évolué au centre et non plus à l'aile. Platt a conservé son appartement à Minsk et est resté à disposition de l'équipe nationale, mais son départ signifiait que le club tirait une croix sur les play-offs. Le capitaine Aleksei Kalyuzhny exprimait lui-même dans Pressball le moment où le vestiaire a cessé d'y croire : "probablement quand il est devenu clair que l'échange de Platt était finalisé. Clairement, quand le club cède un leader, il renonce en conséquence à des ambitions élevées pour cette saison."

Peu importe après tout. La pleine réussite des Mondiaux 2014 à domicile, qui a mis tout un pays en transe, a convaincu le Bélarus que les performances du Dynamo Minsk n'étaient pas la priorité.

 

Metallurg Novokuznetsk (27e) : un nid pour les juniors

La plus petite masse salariale de KHL (2,6 millions d'euros) n'a pas changé ses habitudes de se déliter au fil de la saison. Le Metallurg Novokuznetsk s'est débarrassé en novembre de deux joueurs finlandais, le grand centre Marko Anttila, envoyé en ligue inférieure (VHL) jusqu'à ce qu'il signe en Suède, et le gardien Niko Hovinen, envoyé à Vladivostok. Puis en janvier, il a obtenu des compensations financières pour deux défenseurs, Egor Martynov (Sibir) et l'espoir local Zakhar Arzamastsev (CSKA).

Dès qu'un joueur sort du lot, il est donc vite revendu. Mais d'autres se révèlent dans une équipe qui fait tourner quatre lignes de façon homogène. C'est même un terrain de développement idéal pour des juniors qui, ailleurs en KHL, ont trop rarement leur chance.

Damir Zhafyarov a ainsi beaucoup joué pour un junior (14 minutes) et a été la bonne surprise de l'équipe de Russie des moins de 20 ans. Si l'on prend en compte son absence légitime pendant les Mondiaux juniors, ce petit ailier à la bonne technique est le meilleur buteur du club rapporté à sa présence, un but toutes les soixante minutes effectives sur la glace. Son contrat a été prolongé de trois ans.

L'enjeu pour le Neftekhimik sera de parvenir à garder ce talent-ci (formé au club moscovite du Rous), contrairement aux jeunes pousses locales Sergei Bobrovsky et Dmitri Orlov, parties depuis longtemps en NHL et devenues championnes du monde en mai (Bobrovsky a été élu meilleur gardien, mais Orlov s'est blessé au bras en cours de tournoi et sa médaille d'or est plus symbolique).

 

Amur Khabarovsk (28e) : l'autre Extrême

Pendant que le nouveau venu Vladivostok connaissait du succès, le club historique de l'Extrême-Orient, l'Amur Khabarovsk, a été plongé dans une détresse sportive et financière insoluble.

Le versement des salaires a très rapidement eu deux mois de retard. L'international tchèque Jakub Petruzalek, la star du club depuis trois ans, a écrit deux lettres à la KHL pour demander la résiliation de son contrat. Fin décembre, il a eu gain de cause et a été libéré en même temps que l'autre vedette offensive, le Slovène Jan Mursak.

L'Amur a fini la saison avec 2 étrangers au lieu de 5. Dans ces cas, c'est à ceux qui le peuvent d'en profiter pour se mettre en valeur. Aleksandr Yunkov, 31 ans, a battu son record de carrière en marquant 29 points, dont 18 buts.

Le plus impressionnant est que Yunkov a aussi obtenu une fiche positive (+1) pendant ses présences sur la glace, quand son collègue Andrei Stepanov (un Moscovite passé par le championnat du Bélarus et naturalisé pour cette équipe nationale depuis cette époque) a pointé à -29...

 

Marc Branchu

 

 

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