Suisse 2013/14 : présentation

 

La LNA suisse était jusqu'ici réputée pour attirer des renforts étrangers prestigieux et spectaculaires, à qui elle offre un cadre idéal à l'épanouissement. Mais maintenant que l'équipe nationale a atteint une étonnante finale du championnat du monde, l'attention se reporte de plus en plus sur les joueurs helvètes. Si autrefois on leur reprochait de se contenter d'une vie facile en laissant les responsabilités aux étrangers, ils s'inspirent les uns des autres, le succès venant, et adoptent désormais un état d'esprit dynamique en ne se fixant plus de limites. Le hockeyeur suisse est devenu à la mode, jusqu'en NHL.

 

13 titres de champion : voilà le palmarès de Berne depuis le printemps. Ce chiffre lui portera-t-il bonheur ? Le dernier club a avoir conservé son titre est Zurich en 2001, et lorsque la présente saison (commencée un vendredi 13...) s'achèvera, cela fera donc... 13 ans.

Pas besoin d'être superstitieux pour constater la malédiction qui s'est abattue cet automne sur les lignes arrières du SCB. La meilleure défense de LNA s'appuie sur un noyau stable qui a été conservé, incluant le fidèle gardien Marco Bührer, désormais trois fois champion. Un des rares départs, celui de Franco Collenberg, a été largement compensé par l'arrivée de Justin Krueger, international allemand mais fils de l'ancien sélectionneur national qui ne compte pas comme étranger pour avoir passé une partie de son hockey mineur en Suisse. Malheureusement, les blessures ont frappé jusqu'à quatre défenseurs en même temps. Le cas de Philippe Furrer, qui n'a jamais pu connaître une saison complète dans sa carrière, est le plus inquiétant car il souffre de douleurs persistantes au cou après une commotion cérébrale. Cette fragilité à l'arrière a saboté le début de saison bernois. Pour tenter d'endiguer la crise, le club a tenté la stratégie du bouc émissaire : un défenseur de quatrième ligne (!), Andreas Hänni, a sauté.

En général, c'est plutôt l'entraîneur qui sert de fusible dans ces cas-là. Le patron du SCB Marc Lüthi a pourtant repoussé jusqu'au bout cette solution qui aurait contredit sa propre décision : c'est lui qui avait promu l'ex-adjoint Antti Törmänen comme entraîneur (à la place de Larry Huras) contre l'avis du directeur sportif Sven Leuenberger. Les faits lui avaient donné raison jusqu'ici, puisque Törmänen a été vice-champion puis champion en deux ans. Les tribunes se sont aussi exprimées pour le coach, ce que Lüthi a interprété comme un référendum populaire. La patience n'a cependant qu'un temps : comme les résultats ne sont pas améliorés, il s'est résolu à sacrifier son "poulain", de mauvaise grâce, en expliquant qu'il ne pouvait pas virer 23 joueurs.

23, non, mais quelques-uns, c'est toujours possible... La principale recrue offensive Mikko Lehtonen ne répond aux attentes de personne depuis le début de la saison. La concurrence va donc se renforcer entre les étrangers avec l'arrivée en joker de Rostislav Olesz. L'ex-international tchèque, dont la puissance de jambes était un atout majeur, a vu sa carrière NHL brisée par deux blessures au genou. Il a essayé de la relancer cette saison en signant à New Jersey, sans s'établir durablement. Plutôt que d'être renvoyé en AHL, il a rompu son contrat pour venir en Suisse, où de belles années l'attendent encore à 28 ans s'il retrouve son niveau d'antan. Tout d'abord, il s'agit pour lui de très vite ramener Berne dans la "zone play-offs".

 

Fribourg-Gottéron a réussi à marcher sur les traces de l'époque dorée Bykov/Khomutov. On dit d'elle exactement la même chose qu'il y a 20 ans : qu'elle est sympathique, qu'elle pratique un beau hockey... et qu'elle échoue en finale par manque de gnac et d'agressivité. La presse alémanique en fait des tartines sur la mollesse romande.

La différence est qu'aujourd'hui, les joueurs-clés sont formés au club, Julien Sprunger et Andrej Bykov. Après avoir vu leurs contrats prolongés par anticipation, ils doivent être les garants de la défense de l'honneur fribourgeois contre les préjugés. On reproche au fils Bykov, en particulier, une certaine nonchalance à l'entraînement : son père était multi-médaillé d'or avec la Sbornaïa, le fils n'a même pas réussi à intégrer complètement l'équipe nationale de Suisse. Autant dire qu'un comportement de star serait déplacé...

Celui qui doit montrer l'exemple aux jeunes, c'est normalement le capitaine Sandy Jeannin. Malheureusement, le vétéran aux 236 sélections a pris un palet dans le visage au premier match de championnat qui a réveillé ses douleurs aux vertèbres cervicales. Depuis qu'il a repris le jeu trop vite il y a quatre ans après un coup à la tête, il paye pour savoir ce qu'il en coûte de négliger sa santé. Il ne peut pas regarder longtemps un écran de télévision ou d'ordinateur sans vertiges, et ses essais pour remonter sur la glace sont peu concluants.

Après le départ de Shawn Heins, le leadership physique a été confié à une recrue suisse, Timo Helbling. Mais tout comme son collègue Sébastien Schilt, il devra doser son agressivité, juste assez pour protéger ses attaquants, mais sans outrepasser les bornes. Fribourg-Gottéron devra apprendre à se faire respecter en conservant ses atouts, dont le moindre n'est pas le jeune gardien Benjamin Conz.

 

Depuis douze ans, Davos redevient champion toutes les deux ou trois saisons. Le triomphe récurrent du modèle le plus durable de Suisse, celui du sorcier Arno del Curto. Il imprègne tellement ses joueurs de sa philosophie de jeu qu'ils deviennent totalement adoptés, au point qu'on en oublie qu'ils sont originaires d'ailleurs. Qui imaginerait un Reto Von Arx (37 ans) sous un autre maillot que celui du HCD ? La seule star véritablement formée localement, c'est l'international Andres Ambühl, qui fait son grand retour dans les Grisons. Il a signé pour trois ans et est attendu comme le nouveau leader de Davos, celui qui porte le flambeau pendant le changement de génération.

Le HCD est en effet en train de muer, ce qui ne le rend pas forcément favori pour récupérer son titre aussi vite que les fois précédentes, malgré les statistiques qui le supposeraient après deux années de disette. C'est un changement de cap qui a été opéré : l'aiguille ne se dirige plus vers l'est mais vers le nord ! Les Tchèques ont été pendant la dernière décennie une part de l'identité du club, mais c'est terminé maintenant que le vétéran Josef Marha est rentré dans son pays.

Marha incarnait le renfort étranger idéal façon HCD : pas une vedette internationale, mais un joueur très apprécié localement et jugé avant toute chose sur ses performances effectuées par le club. Parmi les nouveaux arrivants, seul Ville Koistinen a déjà joué un championnat du monde chez les seniors : l'ancien défenseur de NHL a cependant fait peu parler de lui depuis qu'il est retourné depuis deux ans dans son club formateur Ilves. Ryan O'Connor est carrément une expérience inédite en LNA où l'on se (sur)paye habituellement des stars confirmées : le capitaine des Barrie Colts arrive directement des rangs juniors ! Ce défenseur offensif canadien, ancien international U18, est en effet un peu petit (1m80) pour la NHL : Davos tente un pari à long terme en lui faisant signer un contrat de cinq ans, avec toutefois des clauses de sortie de part et d'autre.

Ce qu'offre la station alpine de Davos, c'est un authentique environnement familial. Marcus Paulsson a pu s'en rendre compte : meilleur marqueur du début de championnat, l'attaquant venu de Färjestad a eu le droit à dix jours de congé pour aller assister en Suède à la naissance de son troisième enfant. Il est ensuite revenu préparer l'arrivée de toute sa famille, après avoir déjà pu reconnaître le terrain. Perttu Lindgren a pu mesurer la différence, lui qui a passé les deux dernières saisons en KHL et goûte ainsi ce professionnalisme à visage humain.

 

Malgré les rumeurs d'un retour en NHL à l'intersaison, le célèbre entraîneur Marc Crawford, coach du Canada aux JO de 1998 à Nagano, a choisi d'honorer sa seconde année de contrat avec les ZSC Lions. Enfin un peu de stabilité sur le siège éjectable du banc zurichois. Crawford a réussi à former un collectif solide qui travaille bien défensivement. Iil doit cette saison maintenir son système malgré le départ de plusieurs joueurs-clés en attaque.

Andres Ambühl (Davos), Thibaut Monnet (Fribourg) et Cyrill Bühler (Kloten) sont en effet tous retournés dans leur club d'origine. Bühler était un joueur de devoir de la quatrième ligne, Monnet était devenu un chouchou du public par son sens du jeu, et Ambühl n'avait pas son pareil pour marquer des buts importants. Il reste cependant une nouvelle idole potentielle en la personne du Zurichois de naissance Luca Cunti, joueur spectaculaire révélé aux derniers championnats du monde. Il peut bénéficier des passes précises de Robert Nilsson : comme son père, le globe-trotter Kent Nilsson, a joué entre autres à Kloten, c'est en Suisse que Robert a pris sa première licence et il ne compte donc pas comme étranger. Il est arrivé en janvier après des expériences en NHL et en KHL, où il avait été viré de Nijni Novgorod parce qu'il refusait de rejouer après une commotion cérébrale.

C'est aussi une commotion qui a mis fin au passage en Suisse de Guillaume Latendresse, l'ancien joueur des Canadiens de Montréal qui tentait de relancer sa carrière. Les Zurichois sont malheureux avec leurs renforts étrangers puisque 3 sur 5 sont blessés : Ryan Keller est absent un mois à cause de son genou et le défenseur Steve McCarthy ne reviendra qu'en février après une opération de l'épaule au tout début de saison. Il n'en restait donc que deux, le petit Américain Ryan Shannon et l'arrière au gros slap venu directement de NHL, Marc-André Bergeron. Pour beaucoup d'équipes suisses, ce serait un coup fatal, mais les Zurichois ont une grande profondeur de banc... y compris là où ne l'imaginait pas.

Dans les cages, on pensait que Lukas Flüeler n'avait pas de doublure assez solide, mais quand il a subi une commotion, on a découvert le contraire : le numéro 2 Tim Wolf a certes peu convaincu, mais un autre gardien issu de la structure de formation du club, Melvin Nyffeler, a alors été appelé des GCK Lions pour prendre sa place : il a débuté en LNA par deux blanchissages, une performance jamais vue depuis 1985. À seulement 18 ans, Nyffeler est le nouveau gardien prodige d'un pays toujours aussi bien pourvu à ce poste.

 

Bien que Lugano ait progressé sous Larry Huras, l'entraîneur canadien a été démis de ses fonctions. Il dit toujours aimer le club et n'est pas rentré dans la polémique, avouant même quelques erreurs comme d'avoir trop ouvert le dialogue avec certains joueurs seulement. Effectivement, il a peut-être voué une confiance excessive en Glen Metropolit, aux longues présences sur la glace. Mais il paraissait le seul à oser bousculer un vestiaire tessinois qui a la réputation d'être composé de starlettes incontrôlables qui n'ont plus un état d'esprit orienté vers la victoire. Les nouveaux entraîneurs (Patrick Fischer assisté de Peter Andersson) feront face aux mêmes difficultés.

Il y aura comme un vide à la Resega : Monsieur Petteri Nummelin ne sera plus là. Lors des derniers play-offs, alors qu'il était surnuméraire et ne jouait plus, il encourageait ses coéquipiers sur le banc avec sa présence charismatique. Il est rentré terminer en Finlande sa phénoménale carrière qui aura marqué son club d'adoption Lugano : 622 points en 569 matches de LNA, c'est la définition même du défenseur offensif. Aujourd'hui, c'est un de ses compatriotes - Ilkka Heikkinen - qui lui a succédé pour mener le jeu de puissance.

Lugano s'est renforcé physiquement avec le rude défenseur Clarence Kphargai et... le retour du local Raffaele Sannitz, chassé par Huras à l'automne dernier. Cela signifie-t-il que les décisions douloureuses sont terminées ? Non : le HCL a toujours le même problème, faire travailler son équipe avec constance et intensité. Cette fois c'est le vétéran Hnat Domenichelli, après cinq ans à Lugano, à qui l'on a montré la poste : il faut dire qu'il affichait un malus de -10 après seulement dix journées.

La chance de Lugano, ce sont les jeunes, que les nouveaux entraîneurs doivent cibler en priorité. Il s'agit souvent de joueurs de "pays moyens" du hockey international qui sont venus compléter leur formation en Suisse et jouent donc sous licence locale : le petit défenseur autrichien de 22 ans Stefan Ulmer, l'ailier italien de 21 ans Diego Kostner, qui a resigné pour trois ans, et le gardien letton de 19 ans Elvis Merzlikins, qui réalise d'étonnants débuts en LNA en concurrençant Manzato. Kostner et Merzlikins ont passé toutes leurs années juniors dans le Tessin. Quelque chose nous dit qu'on réentendra parler de ces joueurs à l'avenir, y compris en championnats du monde...

 

Quand on mène 3 victoires et 2 en quart de finale et 3-1 à vingt minutes au sixième match, on se mord les doigts de se faire éliminer. Plus encore quand l'équipe qui vous bat (Berne) devient ensuite championne. Genève-Servette en est resté frustré et n'en a que plus envie de se mêler à la course au titre. Ses ambitions portent un nom : Denis Hollenstein, épatant aux derniers championnats du monde, a signé pour 4 années, pendant lesquelles les Genevois ne comptent pas faire de la figuration.

Et si les Aigles ont commencé leur camp d'entraînement avec seulement 2 joueurs étrangers (Lennart Petrell et Alexandre Picard), ce n'est pas par manque d'ambition, bien au contraire. L'entraîneur-propriétaire Chris McSorley a su réclamer de la patience aux partenaires du club parce qu'il sait qu'en attendant, il peut recruter des joueurs qui ne trouvent pas de contrat en NHL, surtout cette saison avec l'effet de compression de la masse salariale. Le rapide Matthew Lombardi, champion du monde 2007, a signé fin août. L'international letton Kaspars Daugavins, un pour joueur d'émotion comme McSorley les aime, s'est engagé mi-septembre.

L'arrière de 29 ans Ian White, qui n'a joué qu'en NHL depuis sept ans, a attendu fin novembre pour se décider à franchir le pas. Il risque de créer une place de surnuméraire en attaque car son apport était réclamé dans une défense inexpérimentée où on en demande sans doute trop à Goran Bezina vu l'intensité du système de jeu. Les jeunes recrues Christian Marti, Jérémie Kamerzin et Frédéric Iglesias (un Genevois de retour à 24 ans après être parti faute de place après ses années juniors) ont un potentiel intéressant, mais il faut leur laisser le temps d'apprendre. C'est ce que font aussi les deux Français en attaque, le jeune international Eliot Berthon, qui aura une licence B permettant d'être prêté à Martigny, et le grand gabarit de 18 ans Floran Douay, un des meneurs de l'équipe junior du GSHC qui a fait sa première apparition en équipe première.

 

Un an après sa quasi-faillite évitée par l'ex-président de la fédération Philippe Gaydoul qui a démissionné pour investir dans le club, Kloten peut retravailler dans la sérénité. Renvoyé pour cause de salaire trop élevé, Felix Hollenstein est redevenu entraîneur avec pour mission de revenir en play-offs au lieu de jouer pour le maintien. C'est possible car - à l'exception de son fils Denis - les Aviateurs ont conservé l'essentiel de leur effectif et ont donc la stabilité comme atout.

Les principaux changements ont eu lieu dans les cages avec la retraite de Ronnie Rüeger. Kloten a engagé deux nouveaux gardiens pour deux ans, d'abord Marco Müller, qui espérait une place de numéro 1, puis Martin Gerber, dont le recrutement a sans doute anéanti ces espoirs. Après son retour en force comme vice-champion du monde, Gerber est en effet l'indéniable titulaire, même à 39 ans.

La défense, qui compte déjà trois internationaux suisses (Patric Von Gunten, Eric Blum et Félicien Du Bois) s'est enrichie d'un second étranger : en plus de l'offensif Micki DuPont est arrivé Jim Vandermeer, troisième d'une fratrie de six hockeyeurs dont il a été de loin le meilleur avec ses 461 matches en NHL, essentiellement dans un rôle physique en troisième ligne. Les lignes arrières de Kloten sont clairement parmi les meilleures du pays et valent clairement une qualification en play-offs.

L'interrogation concernait donc l'attaque, surtout après le départ de Denis Hollenstein. Malgré son potentiel technique et physique, Janick Steinmann (un Zougois dernièrement passé par Davos) ne semble pas capable d'avoir la même influence. Kloten a donc tenté un pari en embauchant Peter Mueller : l'ancien grand espoir américain, qui avait signé 54 points à sa saison rookie en NHL, n'a jamais confirmé les attentes initiales après quelques blessures graves. À 25 ans, il a pourtant encore du potentiel. Mueller a coupé ses cheveux qui lui tombaient jusqu'aux épaules la saison dernière en Floride, comme le signe d'un nouveau départ en Suisse : il semble surtout avoir retrouvé l'efficacité aux tirs qu'il avait perdue et est ainsi le marqueur que les Aviateurs attendaient.

 

Cinq demi-finales de suite. Ces saisons qui s'arrêtent toutes au même stade deviennent frustrantes pour Zoug, qui veut absolument jouer le titre. Le dernier motif des éliminations a vite été trouvé : Jussi Markkanen n'était pas un grand gardien. L'excuse ne fonctionnera plus chaque année : l'EVZ s'est offert le vétéran Brian Boucher, détenteur du record d'invincibilité en NHL (332 minutes sans prendre de but), a finalement tenu... cinq journées ! Les dirigeants zougois lui reprochaient une condition physique insuffisante. Il a été remplacé par un autre Finlandais, Eero Kilpeläinen, qui sera une solution transitoire puisque Zoug a engagé à partir de l'été prochain le gardien genevois Tobias Stephan.

À force de buter sur l'accès en finale, Zoug en a oublié que sa place était loin d'être acquise. Cette présence régulière dans le dernier carré, on le doit à l'agressivité que l'entraîneur Doug Shedden a su insuffler à chacun. Les joueurs se battent toujours, le problème n'est pas là. Le sujet est que le talent individuel de l'équipe ne vaut pas le top-4. En retardant le départ en NHL de Damien Brunner, le lock-out a masqué le contrecoup que signifie la perte du leader offensif. Il reste bien sûr la vitesse et la technique de Reto Suri, mais lui aussi va partir outre-Atlantique : il a signé à Tampa Bay pour l'an prochain.

Alors, il faut compter sur Josh Holden, meneur aussi bien dans le jeu que dans l'engagement physique. Il était blessé au coude en début de saison et aura beaucoup manqué, le centre de NHL Kyle Wellwood, recruté avec un contrat d'un mois, n'ayant pas du tout réussi à le faire oublier. Holden a donc été prolongé jusqu'en 2016, avec la promesse ensuite d'une reconversion dans l'encadrement du hockey mineur qui débutera dès la saison prochaine. Sa mission, pour l'instant, est de qualifier Zoug en play-offs, ce qui n'est pas du tout gagné.

 

Depuis des années, Ambrì-Piotta lutte pour sa survie, et beaucoup craignent de voir disparaître le petit village tessinois de la carte de la LNA. La litanie des problèmes financiers et des appels à l'aide ne peut pas durer indéfiniment. Cette fois, on n'a plus fait appel aux dons des fans, mais aux actionnaires via une augmentation de capital. Le HCAP n'a obtenu sa licence qu'en août, avec une condition notable : l'obligation de disposer d'une nouvelle patinoire en 2018 sous peine d'être exclu de la LNA à cette date. L'agrandissement de la Valascia, ce bâtiment en bois si pittoresque, n'a en effet pas été autorisée en raison des risques d'avalanche. Il faudra donc trouver un autre emplacement, qui pourrait être un ancien aérodrome désaffecté. C'est dans ce contexte que le défenseur offensif canadien Maxim Noreau a expliqué à la Neue Luzern Zeitung avoir refusé un contrat "two-way" des Sharks de San José (NHL) parce qu'il "se serait senti mal de quitter le club dans ces moments difficiles."

Ces moments difficiles se termineront-ils un jour ? Peut-être bien que oui. L'optimisme est enfin revenu dans la vallée de la Léventine. Dès l'été, les 3300 abonnements vendus ont prouvé que les supporters du HCAP voulaient croire au renouveau. Après sept années à lutter pour le maintien, un retour en play-offs ne leur paraît plus impossible. Nommé directeur sportif en plus de son poste d'entraîneur (une double fonction qui n'avait plus existé depuis Benoît Laporte), Serge Pelletier a en effet pu reconstruire l'équipe. Il a choisi d'abandonner un peu de profondeur de banc pour engager des individualités offensives saillantes.

Les arrivées d'Alexandre Giroux, qui était la grande star de l'AHL en 2009 en 2010 lors des deux titres de champion de Hershey, et de Daniel Steiner, vétéran de LNA arrivé du rival Lugano, ont en effet grandement contribué à redonner le moral aux supporters. Mais le plus important, c'est que les attentes ainsi suscitées se sont concrétisées sur la glace : Giroux et Steiner mènent effectivement l'attaque, qui redevient enfin dangereuse.

Si Ambrì-Piotta fait sensation en ce début de saison en faisant irruption dans le haut du tableau, c'est aussi parce qu'il dispose actuellement du meilleur duo de gardiens de la ligue. Le Zougois Sandro Zurkirchen a apporté une concurrence fructueuse à Nolan Schaefer, car elle semble profiter aux performances des deux joueurs. Malgré le banc limité, tout réussit donc au HCAP, qui a enfin droit à revivre des instants de bonheur.

 

Pendant deux ans de suite, l'entraîneur bâlois Kevin Schläpfer a qualifié Bienne en play-offs. Il a ainsi la réputation d'un nouveau faiseur de miracles, très proche de ses joueurs. Il n'a cependant pas pu empêcher un départ massif, ces performances exceptionnelles ayant attiré bien des convoitises. Les principaux défenseurs Clarence Kphargai (Lugano), Thomas Wellinger (Berne) et Anthony Huguenin (Fribourg), qui se sont tous révélés au fil des années sous les couleurs biennoises, ont aujourd'hui des cotes beaucoup plus hautes et n'ont pas échappé aux grands clubs. Repartant presque de zéro, les lignes arrières ont cette fois besoin d'un meneur étranger, le défenseur offensif canadien Brendan Bell, venu de Frölunda. Il devra encadrer des défenseurs venus de LNB, Claudio Cadonau (Langenthal) et Kevin Fey (Ajoie), qui ont encore à apprendre à ce niveau.

La tâche de la défense est d'autant plus difficile que le joueur-clé de l'équipe, le gardien Reto Berra, est parti tenter sa chance en NHL à Calgary après s'être lui aussi révélé à Bienne. Le club tente maintenant de promouvoir un autre jeune gardien, Lukas Meili, qui était numéro 2 à Kloten et n'est âgé que de 21 ans. Son potentiel est indéniable mais il manque encore d'expérience. En tout cas, le EHCB confirme avec ces transferts son rôle de découvreur de talents, qui bénéficie à tout le hockey suisse.

Mais la grande difficulté, ce sera de conserver les joueurs assez longtemps, y compris les renforts étrangers. Ahren Spylo revient en très grande forme cette saison après son opération des ligaments croisés, et Bienne s'est donc empressé de le faire signer jusqu'en 2016. Éric Beaudouin, qui était parti en DEL à Straubing, y a fait un flop total et est rapidement revenu. Le nouveau "truc" biennois pour compléter l'effectif malgré les départs, c'est de se faire prêter les joueurs dont les autres clubs ne veulent plus, comme Andreas Hänni (Berne) ou Loïc Burkhalter (Rapperswil). Cela s'annonce peut-être plus compliqué que de travailler dans la durée avec les jeunes, mais Bienne n'a plus le choix car les recruteurs chassent sur ses terres.

 

La dernière fois que le Lausanne HC était monté en LNA, il avait tenu deux ans. Cette fois, il compte s'y établir pour de bon. La difficulté des promus est grande en Suisse : comme les transferts y ont lieu très en avance, beaucoup plus tôt qu'ailleurs, il y a très peu de joueurs disponibles sur le marché. La force du LHC, c'est de compter déjà dans ses rangs Cristobal Huet. Le gardien français avait signé pour deux ans, et l'arrière-pensée du contrat était que la seconde année se passe en LNA : pari gagné pour le joueur comme pour le club ! Huet a obtenu la double nationalité suisse par son épouse et ne compte donc pas comme étranger, ce qui en fait un rempart idéal.

Reste à savoir si sa défense sera toujours capable de le protéger. Le vétéran John Gobbi a été recruté pour cela, mais hormis Jannik Fischer, qui était le principal défenseur physique dans l'équipe championne de LNB, il manque peut-être des joueurs capables de faire le ménage devant la cage. C'est pour cela que le LHC a recruté mi-septembre un autre Français à licence suisse, le rugueux Johann Morant. Malheureusement, une fracture partielle de la rotule début octobre a retardé son intégration complète.

Le LHC savait que sa créativité offensive est assez limitée. Il a donc profité d'avoir battu Langnau en barrage de promotion/relégation pour recruter chez l'adversaire l'espoir Étienne Froidevaux. Certesn l'ex-international junior n'a pas franchement réussi son passage chez les Tigers, mais son sens du hockey n'a pas pu s'évaporer. Lausanne a surtout utilisé ses quatre renforts étrangers pour son attaque : le meilleur marqueur de l'équipe Colby Genoway et l'international autrichien Oliver Setzinger étaient encore sous contrat (comme Huet), il restait donc deux places. Plutôt que des purs joueurs offensifs, on a opté pour des profils complets : Daniel Bång est un ailier travailleur, solide dans le grattage du palet, et Juha-Pekka Hytönen est un centre très utile dans toutes les situations de jeu, comme il le prouve depuis son arrivée. Lausanne se mêle même à la course aux play-offs : l'exploit serait-il possible ?

 

Maintenant que Langnau a été relégué, les autres clubs peuvent se dire que la longévité en LNA n'est pas une protection contre la descente. Que risque un club de bas de tableau comme Rapperswil-Jona ? Le bilan du SCRJ est bien meilleur que celui des SCL Tigers : en dix-neuf saisons en Ligue A, le bilan des qualifications en play-offs (dix) est même positif. Le problème est que la dernière remonte à 2008 et que les Lakers semblent baisser de niveau depuis cette date. L'arrivée durant le play-out d'Anders Eldebrink était cependant apparue comme le point de départ d'une nouvelle dynamique. L'entraîneur suédois avait commencé à stabiliser une défense qui n'en finissait plus de prendre l'eau, et surtout cet été il a réussi à faire venir un champion du monde en titre - son compatriote Niklas Persson - dans un club qui paraissait de moins en moins attractif.

Le centre complet Persson peut être un vrai leader, mais une seule hirondelle ne fait pas le printemps. Sur les six meilleurs marqueurs de l'an passé (on ne compte pas la star NHL Jason Spezza venue pendant le lock-out), il n'en reste plus que deux, plutôt vieillissants, Peter Sejna et un Adrian Wichser qui souffre du dos. Kolnik et Riesen ont reculé en LNB, et deux joueurs viennent de se faire renvoyer de l'équipe au cours de l'automne parce qu'ils ne "correspondaient pas à la nouvelle philosophie de jeu" : Loic Burkhalter et le meilleur buteur parfois taxé d'égoïsme Robbie Earl, remplacé par... un autre champion du monde, Nicklas Danielsson. La complémentarité des deux Suédois peut-elle porter le SCRJ ?

Peut-être. Mais la croyance que l'arrivée d'un ancien défenseur de renom comme Eldebrink suffirait à rétablir l'équilibre défensif était peut-être un leurre. Les play-outs, ce n'est pas une saison complète. Et même si le recrutement a eu pour objectif de renforcer la concurrence dans les lignes arrières, elles restent fragiles. Et plus que jamais, le gardien David Aebischer est en grande difficulté et n'en finit plus de décliner à 35 ans (quatre de moins que le finaliste mondial Gerber). Or, un gardien en confiance est un ingrédient indispensable sans laquelle une équipe ne peut pas fonctionner.

 

 

Marc Branchu

 

 

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