Suisse 2012/13 : présentation

 

Le lock-out en NHL est une aubaine pour la Suisse, dont les affluences en hausse deviennent les meilleures d'Europe. Les circonstances sont favorables. D'un côté, l'Elitserien suédoise a demandé à ses membres de renoncer à des contrats temporaires. De l'autre, la veuve californienne de Ruslan Salei - mort dans l'accident d'avion du Lokomotiv Yaroslavl en septembre 2011 - téléphone aux joueurs nord-américains pour les dissuader d'aller en KHL. Les stars nord-américaines considèrent donc plus que jamais la LNA suisse comme une destination privilégiée.

 

Les ZSC Lions ont remporté le titre suisse 2012 au bout du suspense en partant de la septième place, et ce conte de printemps a été remarqué même de l'autre côté de l'océan : l'entraîneur Bob Hartley a été engagé par les Flames de Calgary. Zurich a réagi en embauchant un autre coach de NHL, Marc Crawford, qui a beaucoup de points communs avec Hartley : ils ont tous deux 51 ans, et chacun a gagné une des deux Coupes Stanley de l'Avalanche du Colorado.

Ces cursus apparemment semblables dissimulent cependant des styles différents. Bien qu'ils soient de la même génération, les deux hommes paraissent issus de deux époques différentes. Hartley est un meneur d'hommes plein de bagout et d'enthousiasme, Crawford est plus policé et s'exprime avec parcimonie, une stratégie inverse face une presse zurichoise friande de polémiques. Le spectacle ne doit-il pas avant tout être sur la glace ? Si Hartley avait construit ses succès sur le jeu sans palet et l'implication défensive, Crawford peut élever le rythme et étouffer l'adversaire en s'appuyant sur quatre lignes homogènes.

Avec l'arrivée de Roman Wick, un des meilleurs attaquants du pays, les Lions peuvent en effet aligner des internationaux sur tous leurs blocs. Cette densité offensive ne rassasiait cependant pas un public qui voyait les autres clubs engager des superstars. Le fantasme de l'automne s'est appelé Sidney Crosby, et une entreprise qui propose aux gens d'assouvir leurs fantasmes s'est justement proposée de le financer : un site internet spécialisé dans les relations extraconjugales s'est déclaré prêt à débourser les 400 000 dollars par mois nécessaires à assurer le joueur canadien. Le ZSC a décliné pour "raisons sportives et morales". Un débat éthique s'est donc ouvert, qui a uniquement servi à faire de la pub à ce site qui s'est offert une exposition médiatique gratuite. Ces spéculations reposaient en effet essentiellement sur du vent. Crosby s'est servi de ce temps mort pour récupérer après ses commotions cérébrales et n'était pas impatient de rejouer, même si le temps pourrait le faire changer d'avis.

En attendant, le ZSC a privilégié la réalité au fantasme : la réalité, c'est Dustin Brown, meilleur marqueur des derniers play-offs NHL, capitaine des Los Angeles Kings et parfois de l'équipe nationale des États-Unis (où il a côtoyé son nouveau coéquipier Ryan Shannon). Voyant que le lock-out se prolongeait, les Lions ont renvoyé la recrue canadienne Gilbert Brulé pour mettre à sa place Brown, joueur dominant dans les duels physiques et leader naturel idéal pour le champion qui montre encore les crocs.

 

Quand on a le plus nombreux public d'Europe, on se doit de lui offrir des stars de NHL dès que l'opportunité se présente. Les dirigeants de Berne n'ont jamais fait mystère de leurs intentions : même si on leur reproche de se contenter d'étrangers "corrects sans plus" en temps normal (rançon d'une politique financièrement raisonnées), ils savent s'offrir des "extras" quand les circonstances l'exigent. Ils ont donc devancé l'appel dès le mois de septembre, quand leurs concurrents jouaient les suiveurs et recrutaient leurs "jokers" plus tard.

Le retour de Roman Josi était chose acquise. Le SCB avait passé un accord depuis longtemps avec son ancien défenseur : s'il revenait en Suisse, ce serait à Berne et pas ailleurs. Convaincre Mark Streit de revenir dans son canton d'origine, et pas dans son ancien club le ZSC, était l'étape suivante. Prendre deux arrières suisses avec des contrats temporaires est un risque certain pour l'équilibre de l'équipe en cas de reprise de la NHL, mais ce choix a été assumé avec une arrière-pensée vite dévoilée : Streit a fait venir son coéquipier aux New York Islanders, John Tavares, le meilleur pur buteur de sa génération.

Voilà une star capable de terroriser les gardiens et de combler un public exigeant. Le régaler fait partie du contrat à Berne : Larry Huras, viré à l'automne dernier malgré de bons résultats uniquement parce que son hockey n'était pas assez spectaculaire aux yeux du patron Marc Lüthi, peut en témoigner. Son successeur et ex-adjoint Antti Törmänen n'a jamais pu se défaire du défaut de légitimité de sa promotion. Cela aurait été oublié s'il avait été champion, mais la finale perdue dans les dernières secondes a accentué la pression sur ses épaules.

Les résultats restent moyens malgré l'arrivée précoce des renforts, et le polémiste de service (Klaus Zaugg) ne lâche pas Törmänen, jugé par principe inapte à mener de telles stars. Le poste d'entraîneur à Berne n'est vraiment pas enviable...

 

Le lock-out de 2004/05 est un grand souvenir pour Davos, qui était devenu champion de Suisse derrière un duo offensif majeur composé de Rick Nash et de Joe Thornton. Un bon souvenir aussi pour les deux joueurs, dont c'est le seul titre en club. Les retrouvailles étaient donc programmées. Les dirigeants du HCD ont eu le tort de lever le voile sur ce secret de polichinelle un peu trop tôt, au mépris des principes de communication en NHL : les agents de Nash et Thornton ont été obligés de démentir formellement le moindre accord. Le lock-out étant déclaré par les propriétaires, il fallait surtout ne pas laisser filtrer publiquement que les moindres discussions avaient lieu pour que les joueurs envisagent cette hypothèse, même si évidemment tout était bouclé.

Cette faute de communication n'a pas eu de conséquences : les deux hockeyeurs sont bel et bien arrivés à Davos. Même l'explosion du coût des assurances en sept ans n'a pas empêché leur venue. Le "club cristal" des partenaires privilégiés du HCD a tout pris à sa charge. Le retour de Nash et Thornton était si évident qu'il n'a pas déclenché de curiosité particulière : la patinoire n'était pas pleine pour leurs débuts.

L'adaptation était facile pour les joueurs, car l'entraîneur de Davos est le même depuis toujours : Arno del Curto. Ils connaissent donc le système, qui exige notamment du passeur de réputation offensive Thornton un travail défensif soutenu. Heureusement que les renforts étaient là car Davos aurait été mauvaise posture en début de saison sans son meilleur marqueur Petr Sykora, qui s'était cassé la clavicule. Le retour du Tchèque a permis à Del Curto d'aligner un trio impressionnant : Sykora, Thornton et Nash font tous les trois plus de 190 cm et 100 kg, même si Nash ne donne pas encore toute sa puissance physique après une blessure à l'épaule à son arrivée.

Le HCD n'est plus aussi dominant qu'en 2005, mais Del Curto est patient : "nous pourrons jouer notre meilleur hockey quand tout le monde sera rétabli." L'énergique Peter Guggisberg est en effet blessé au genou jusqu'en janvier, et Reto Von Arx, sans qui Davos n'est pas tout à fait Davos, souffre d'une commotion et n'est revenu que début novembre. On attend que les Grisons soient au complet pour qu'ils expriment enfin leur véritable potentiel.

 

Le club qui avait le plus à perdre vis-à-vis de la NHL était Zoug : après son meilleur défenseur Rafael Diaz l'an dernier, c'était normalement autour de Damien Brunner - premier Suisse depuis 30 ans à finir meilleur compteur de LNA - de tenter sa chance outre-Atlantique. Mais le lock-out a inversé la tendance. Diaz et Brunner sont revenus, aussi forts qu'avant. Le génie technique Linus Omark, lassé d'attendre sa chance à Edmonton, a signé pour un an ferme, indépendamment de la reprise de la NHL. La "balance commerciale transatlantique", négative, est donc redevenue positive.

On peut se demander ce qui se serait passé dans le cas contraire, car ces renforts ne plaçaient Zoug qu'en neuvième position avant l'arrivée du joker de luxe Henrik Zetterberg. Damien Brunner a habité chez le Suédois pendant son bref passage à Detroit jusqu'à la déclaration du lock-out, et il a donc fait venir Zetterberg, qui ne pouvait plus rentrer dans son club d'origine Timrå du fait de la décision de l'Elitserien d'interdire les pigistes (et des finances précaires dudit club). Zetterberg occupe un poste important à la NHLPA, le syndicat des joueurs, et il a passé son premier déplacement avec l'équipe (en European Trophy à Mannheim) à suivre une conférence téléphonique sur les négociations. Sur la glace, il est cependant très impliqué, et sa venue règle le déficit aux mises au jeu né du départ de Glen Metropolit et de la retraite de Patrick Oppliger.

Les choix de Zetterberg et de ses collègues en négociation détermineront la saison du EVZ : la ligne Omark-Zetterberg-Brunner peut porter Zoug très haut en affolant les compteurs avec le style offensif et agressif prôné par l'entraîneur Doug Shedden. Mais si la NHL repart, les espoirs de titre s'envolent : la densité offensive est limitée, et la défense sans Diaz a trop de déchet. Il faudrait que Timo Helbling discipline et simplifie son jeu au maximum pour que son équipe ait une chance.

Le poste de gardien est une autre incertitude. L'inattendu Sandro Zurkirchen était en train de supplanter Jussi Markkanen quand les deux joueurs se sont blessés au genou. Zoug s'est fait prêter des gardiens par ses concurrents en attendant le premier retour, celui de Markkanen, mais le Finlandais devra retrouver son niveau de l'an passé car ses performances du début de saison ne méritaient pas d'occuper une place d'étranger.

 

L'an passé, Genève-Servette était resté collé en bas de tableau en début de saison et n'avait pas pu récupérer de ce départ catastrophique. Cette année, les Aigles sont partis en trombe et peuvent déjà se préparer à piquer sur les play-offs. Une vague d'euphorie s'empare de la patinoire des Vernets. Pendant de longues années, les spectateurs genevois a dû boire l'amère potion de la tactique défensive de Chris McSorley. Mais le coach devenu entraîneur-propriétaire a su au fil des ans prendre de mieux en mieux en compte l'ingrédient "spectacle". Son hockey est de plus en plus agressif et énergique.

Comme le système McSorley reste exigeant et ne convient pas à tout le monde, il a besoin de joueurs de confiance qui s'engagent dans la durée. Cody Almond, un centre combatif et utile en infériorité qui était trop lentement intronisé en NHL (6 puis 8 puis 10 matches par saison), a ainsi signé un long contrat de trois ans. Une option d'autant plus avantageuse pour le club qu'Almond a une licence helvétique et ne rentre pas dans le quota d'importés.

Cette construction a un autre avantage, elle fabrique des idoles pour le public genevois. Le retour du centre Kevin Romy, qui n'aura rien gagné de plus (sinon de l'argent) dans le marasme de Lugano, est ainsi une grande nouvelle. Mais l'idole locale, c'est Goran Bezina, qui a prolongé jusqu'en 2016. "Goran est le cœur et l'âme du GSHC, et il transmet ce virus à ses coéquipiers", a expliqué McSorley lors de la resignature. Le puissant Bezina est le maître de la ligne bleue en jeu de puissance, et il reçoit le renfort d'un autre défenseur offensif, Yannick Weber (Montréal), pour la durée du lock-out NHL : l'ancien junior de Berne n'avait joué qu'en LNB.et a choisi Genève pour débuter en LNA avec plus de responsabilités.

On comprend dès lors que le défenseur français Kévin Hecquefeuille ne pouvait plus faire valoir une de ses principales valeurs ajoutées, son lancer en supériorité numérique. Sa place était donc en sursis, jusqu'au retour de blessure fin octobre du Canadien Alexandre Picard, victime d'une déchirure du ligament du poignet durant l'été, sachant qu'un autre attaquant, Tony Salmelainen, est censé revenir en janvier après des syndromes post-commotion. Avec l'attaquant NHL Logan Couture en sus, Genève-Servette compte 6 étrangers pour 4 places (et même 7 si on compte le défenseur Brian Pothier, qui a encore deux ans de contrat mais ne doit pas revenir de la saison en raison d'une commotion). Et parmi ces "mercenaires", tous ont joué en NHL sauf un : il n'est guère besoin d'expliciter pourquoi Hecquefeuille est devenu superflu.

 

Sans doute Fribourg-Gottéron n'a-t-il jamais eu une équipe aussi compétitive depuis l'époque Bykov-Khomutov. Les Dragons pratiquaient alors le plus beau hockey du pays, mais échouaient en finale parce qu'ils n'étaient pas assez rudes et vicieux. Cela ne risque plus de leur arriver aujourd'hui : ils ont recruté Sébastien Schilt (Langnau), qui pratique par ailleurs le karaté, afin de muscler une défense déjà dotée des charges de Shawn Heins. Ce potentiel d'intimidation est nécessaire pour protéger des stars offensives vieillissantes (Christian Dubé, Pavel Rosa) et surtout Julien Sprunger. Après une nouvelle commotion cérébrale en avril, Sprunger est revenu au jeu en octobre, et sa santé est la chose la plus précieuse qui soit à Fribourg.

Le risque d'une équipe plus robuste est qu'elle prenne trop de pénalités. Ce devra être un point de vigilance avec Heins et aussi avec l'arrivée de l'ancien défenseur bernois Joel Kwiatkowski. C'est en effet le point faible du vétéran, pas toujours par excès de rudesse mais aussi par une certaine indiscipline dans le placement ou la prise de risques, du fait de son style assez offensif.

Le changement le plus important se situe dans les cages. Cristobal Huet y avait réussi une belle deuxième saison en emmenant Gottéron en demi-finale. Afin de se concentrer sur les play-offs, il avait cependant délégué les négociations contractuelles à son agent nord-américain, peu au fait des impératifs des clubs suisses qui planifient toujours bien en avance. En insistant sur une clause libératoire que le gardien français aurait été prêt à abandonner, l'agent a tout fait capoter. Fribourg-Gottéron s'est replié sur le jeune Benjamin Conz, qui a signé pour trois ans en ne demandant une clause libératoire (pour la NHL ou la KHL) qu'après la deuxième année, ce qui permet au club de commencer à bâtir l'avenir. Huet a dû se contenter d'un poste en LNB, à Lausanne.

Cette volonté d'avoir des certitudes explique que Fribourg ait bouclé très tôt son effectif avec cinq licences d'étrangers, sans laisser de réserve pour un joker. C'est donc le dernier club à avoir résisté à la "tentation NHL", d'autant moins pressante que le classement dans les trois premiers était très satisfaisant. En novembre, quand tous leurs concurrents s'étaient servis du lock-out, les Fribourgeois ont "craqué" eux aussi en embauchant David Desharnais. Il ne sera pas dépaysé dans un club qui a transformé à son compte et avec ses initiales le célèbre logo du "CH". Ce n'est pas le seul point commun avec Montréal : le bilinguisme (franco-allemand) de l'entraîneur est aussi important à Fribourg, et Hans Kossmann - lui - remplit parfaitement ces critères...

 

Depuis le dernier titre de Lugano en 2006, onze entraîneurs se sont succédé, soit une moyenne de deux par an, et aucun n'a dépassé les quarts de finale. Qui est prêt à accepter de prendre en main ce vestiaire réputé ingérable ? Réponse : Larry Huras. Il a déjà occupé tous les postes les plus difficiles de Suisse (entraîneur à Zurich, à Lugano une première fois, et à Berne), et il a obtenu un titre de champion à chaque fois. Mais ce coup-ci; on lui prédisait mission impossible : le HCL est un club "trop riche" dont les joueurs sont soupçonnés de venir se la couler douce sous le climat ensoleillé du Tessin.

Huras arriverait-il à affirmer son autorité ? Il a vite répondu à cette question. Dès septembre, il a renvoyé Raffaele Sannitz, en conflit avec lui. Il fallait oser évincer le chouchou local, né à Lugano et sous contrat jusqu'en 2016. Huras a aussitôt prévenu : "Le Lugano d'aujourd'hui n'est plus comparable au Lugano d'hier. C'est la performance qui compte, et qu'on soit tessinois, romand ou alémanique ne joue aucun rôle." Le public de Lugano n'idolâtre pas seulement les joueurs tessinois (rares dans ce club peu formateur), il a aussi des demi-dieux venus d'ailleurs comme Petteri Nummelin. Intouchable, Nummelin ? Pas pour Huras : le vieillissant défenseur offensif, surnuméraire, a été prêté à son club d'origine (TPS Turku).

Aucun autre entraîneur n'aurait pu ainsi briser les idoles sans se faire chasser. Désormais, chacun est prévenu que personne n'a un temps de jeu garanti et que le travail collectif est l'affaire de tous. Mais peut-on si facilement bousculer les habitudes ? Revitaliser le jeu défensif est un lent processus, et pour remplacer Conz, Lugano a engagé un gardien - Daniel Manzato - habitué à être livré à lui-même et faiblement protégé.

Pour ne plus avoir l'image d'un club de farniente, Lugano s'est musclé avec Thomas Rüfenacht et Johann Morant : le défenseur français, en particulier doit racheter sa réputation en Suisse, un peu comme l'arrière de NHL Luca Sbisa qui doit prouver dans son pays qu'il ne sait pas donner que des mises en échec rugueuses. L'autre renfort du lock-out est l'attaquant Patrice Bergeron, qui aura d'autant plus le rôle de mener l'attaque que le meilleur marqueur Hnat Domenichelli est absent pour longtemps avec une fracture tibia-péroné.

 

Le hockey suisse a failli perdre à l'intersaison un de ses membres les plus éminents, Kloten. Les révélations sur la situation financière du club s'aggravaient de semaine et semaine, et la dette de 7 millions de francs suisses était telle qu'elle ne lui laissait plus aucune chance. Il a déposé le bilan et ses créanciers (le fisc étant majoritaire) ont renoncé à 30% pour leur dû pour se faire payer. Les Aviateurs ont été sauvés par le jeune milliardaire Philippe Gaydoul, héritier d'une chaîne de supermarchés (Denner) qu'il a vendu au géant Migros avant de se réorienter progressivement vers le hockey. Il était en effet depuis trois ans le président de la fédération, et a donc dû renoncer à son poste pour prendre la direction de Kloten, club qu'il ne voulait pas voir mourir.

Tous les dirigeants ont changé et il ne reste rien de la mauvaise gestion passée. Même l'idole locale Felix Hollenstein, qu'on pensait indéboulonnable dans le staff sportif, a été sacrifiée en raison de son salaire élevé. On a choisi un entraîneur aussi inconnu que bon marché, Tomas Tamfal, qui ne s'occupait que de juniors. Sa connaissance du hockey est indéniable mais la gestion d'une équipe professionnelle de ce niveau est un nouveau monde pour lui.

Ce qui reste du précédent Kloten, ce sont les joueurs, mais ils ont dû consentir à une baisse de 15% de leur rémunération. Le défenseur Patrick von Gunten, de retour de Suède, a même lâché 30% pour pouvoir revenir chez les Flyers comme il le souhaitait. Le rapport qualité/prix est désormais assuré et Kloten a clairement une défense améliorée avec ce renfort.

La saison a commencé en revanche avec une attaque clairement affaiblie par le départ de Roman Wick. Les places vacantes d'étrangers ont été comblées fin septembre (quand les prix du marché avaient diminué) par le Tchèque Kamil Kreps et le "gréviste" NHL Brooks Laich. Il y a même un troisième joker simultané avec Raffaele Sannitz, qui a renoncé à une partie de son salaire de Lugano pour être prêté à Kloten et rejouer. On le voit, le club a toujours recherché l'optimisation de ses achats, comme si l'influence d'un héritier du "discount" dans les supermarchés avait déteint sur toutes les décisions. Mais il faudra que les joueurs digèrent l'arrivée des recrues supplémentaires après avoir supporté une baisse de salaire.

Un retour fait en tout cas l'unanimité : un an après une opération destinée à enlever une tumeur bénigne au cerveau (diagnostiquée car il était victime d'acouphènes), Romano Lemm, qui s'entraîne depuis janvier pour ce moment, est enfin revenu au jeu. Une bonne nouvelle pour l'international, attaquant méritant et apprécié.

 

Pour un point, et à la faveur du passage à vide genevois, Bienne s'est qualifié pour les play-offs l'an passé. Le sympathique entraîneur Kevin Schläpfer, que personne ne prenait au sérieux car il avait tout du coach-copain, est maintenant surnommé "Hockeygott", le dieu du hockey, après une telle performance. Un exploit impossible à rééditer ?

Rien n'est impossible avec un gardien de la trempe de Reto Berra, auteur d'une saison exceptionnelle. Son talent le destine à des plus hautes sphères, mais Bienne veut tout faire pour le garder. On a si confiance en lui qu'on a renoncé au moindre arrière étranger malgré le vide laissé par la retraite de Steinegger. La défense biennoise compte sur ses propres forces qui font leur preuve de plus en plus : Clarence Kphargai, qui a quitté le Libéria en guerre civile pour Berne à cinq ans, a progressé avec le club depuis cinq ans et vient même d'être appelé en équipe nationale. Le relanceur chaux-de-fonnier Anthony Huguenin, à seulement 20 ans, pourrait être le prochain.

Bienne a donc commencé la saison avec quatre attaquants étrangers, dont l'un, Ahren Spylo, s'est gravement blessé aux ligaments croisés. Cela a encourage le club à utiliser le lock-out en engageant deux jeunes stars de NHL qui ont déjà remporté la Coupe Stanley : Tyler Seguin tout d'abord, puis surtout Patrick Kane, beaucoup plus célèbre y compris par ses frasques (même les tribunes biennoises ont déployé une banderole lui conseillant de payer le taxi, allusion à son altercation avec un chauffeur à Chicago pour une histoire de monnaie). Kane sera d'autant moins sujet à des écarts extrasportifs qu'il habite en Suisse avec... sa mère ! Elle a abandonné son mari et ses filles pour venir tenir compagnie à son fils pour qu'il ne se sente pas seul.

L'attaque est donc totalement transformée car les recrues canadiennes venues pour une année complète, Marc-Antoine Pouliot et Jacob Micflikier, suivent le mouvement. Trop limité techniquement dans un contingent qui a brutalement changé de niveau, leur compatriote Éric Beaudoin est devenu surnuméraire. Le potentiel de Seguin et de Kane est tel que Bienne ne se fixe plus de limites. Les supporters se sont déjà trouvé un slogan : "Yes we Kane !"

 

L'habitué du bas de tableau Rapperswil-Jona pourrait être transformé par le milliardaire Hans-Ueli Rihs qui sécurise son avenir. Les Lakers n'ont plus leurs maillots fluorescents bleu turquoise, mais c'est leur jeu qui est devenu "flashy". Ils ont en effet récupéré Adrian Wichser, un des attaquants suisses les plus créatifs avec le palet, dont le ZSC ne voulait plus. Une aubaine, tout comme la venue de la star de NHL Jason Spezza, techniquement au-dessus du lot. Ajoutez-y un ancien comme Michel Riesen, formés dans un hockey pré-Krueger où l'engagement physique et la défense n'étaient pas les uniques vertus, et vous obtenez l'équipe peut-être la plus spectaculaire, aux antipodes de la mode suisse et du style de jeu de la "Nati".

Mais s'il y a toujours du spectacle avec Rapperswil, c'est aussi parce que la défense très lente laisse des boulevards. L'équipe est donc aussi rapide et technique avec le palet que dépassée physiquement sans le palet, avec des attaquants pas toujours impliqués collectivement. Pas un cadeau pour le gardien David Aebischer, qui détient donc le sort des Lakers entre ses mains. Beaucoup pensent que l'ex-international ne vit plus que sur ses lointains mérites d'antan et que ses performances depuis sept ans ne méritent pas tant de considération. Il a beaucoup de travail, mais c'est une chance inespérée de faire taire ses détracteurs en conduisant "Rappi" en play-offs malgré ses évidentes faiblesses défensives.

Des faiblesses encore accentuées par la blessure au genou d'Andreas Camenzind, ancien attaquant reconverti en défense (à l'instar de Loïc Burkhalter l'an passé). Les Lakers ont réagi en choisissant - logiquement - un arrière de NHL comme joker, mais comme on ne se refait pas, il s'agit d'un défenseur offensif, le jeune Michael Del Zotto des New York Rangers (en photo ci-contre sous le maillot canadien).

 

Quand on est sur le fil du rasoir financièrement, on s'évite en général les dépenses inutiles. C'est pourquoi la gestion d'Ambrì-Piotta laisse dubitatif. Début octobre, le comité directeur du club s'est réuni et a publié un communiqué de presse pour expliquer que "les simples changements des conditions externes, comme les remplacements fréquents et précipités de la direction technique ne se justifient pas pour trouver une solution que les joueurs doivent trouver eux-mêmes". Sous ce langage ampoulé, l'entraîneur Kevin Constantine ne pouvait pas espérer meilleur soutien... Deux semaines plus tard, il était viré ! Vu que son contrat courait jusqu'en 2014 et que son salaire était coquet (demandez à Angers qui l'avait laissé partir à l'époque en apprenant la proposition du HCAP), cela fait une belle indemnité de licenciement - pas loin d'un million de francs suisses - que le club n'a guère les moyens de se permettre.

Ambrì a réembauché Serge Pelletier, qui avait été viré en novembre 2005. Constantine contraignait les joueurs dans un système extrêmement précis et rigoureux, ce qui n'est pas le cas de Pelletier : ce genre de transition peut certes libérer les joueurs. Mais depuis le précédent passage de Pelletier, beaucoup d'entraîneurs prestigieux sont passés dans le village tessinois pour pas grand-chose (Rautakallio, Huras, Tlacil, Cada, Laporte et Constantine). C'est cher payé pour des chocs psychologiques qui par définition ne durent pas, et cela ne permet guère de construire.

Si Constantine a sauvé deux fois l'équipe en barrage de promotion/relégation contre le champion de LNB, c'est surtout que l'effectif est très limité. Ambrì a tellement tâtonné avec ses renforts étrangers l'an passé qu'un seul attaquant a dépassé les 10 buts ou les 20 points en saison régulière, le jeune attaquant formé au club Inti Pestoni. Le HCAP a absolument besoin d'un potentiel offensif supérieur, et il a investi dans ce domaine en faisant venir l'inattendu meilleur marqueur biennois Alain Miéville et l'ex-international Marc Reichert, qui peut utiliser sa qualité de tir dans un rôle moins défensif qu'à Berne. Les mercenaires Jason Williams et Richard Park semblent avoir été mieux choisis, et Ambrì s'est même payé un renfort de NHL ! Max Pacioretty a fait honneur à ses origines italiennes - masquées par une curieuse commutation de la voyelle finale en "y" - en signant dans le Tessin, mais il s'est blessé à l'épaule après cinq rencontres et est retourné se faire soigner en Amérique. Vu ses passes manquées à foison et son maigre but marqué, cela vaut peut-être mieux...

Les problème vient plus de la base arrière. Maxim Noreau est un parfait défenseur offensif puisqu'il est même le meilleur marqueur, mais il est tout seul dans ce rôle. Son pendant défensif, l'international tchèque Zdenek Kutlak, avait exprimé sa volonté de partir, et sa motivation est douteuse. Mais le principal reproche fait au manager Jean-Jacques Aeschlimann vient de sa gestion du poste de gardien. L'an dernier, il a eu l'idée de chercher un gardien d'AHL au passeport suisse, Nolan Schaefer. Il l'a mis en concurrence avec Thomas Bäumle et a décidé à mi-saison qu'il garderait le premier nommé et se séparerait du second. Voilà l'inconvénient des décisions très anticipées en LNA... Qui a sauvé Ambrì en barrages ? Le partant Bäumle, et pas Schaefer. Les supporters se plaignent maintenant de se retrouver avec le moins bon des deux portiers...

 

Décidée début 2010 par un vote de 77% de la population pour autoriser le financement public (15 millions d'euros, soit la moitié du chantier), la rénovation complète de l'Ilfis, la patinoire de Langnau, s'est achevée sans le moindre accroc. Son toit a été élevé de quatre mètres et donne l'impression qu'elle s'est agrandie, mais sa capacité est restée la même (6050 spectateurs au lieu de 6500, car on est passé de 2500 à 3000 places assises). Le président Peter Jakob, patron d'une entreprise de câbles acier et clôtures, a financé de sa poche le nouveau restaurant VIP avec sa tribune, dont il restera propriétaire.

Cette patinoire a un prix : les Tigers ont joué les dix premières journées à l'extérieur et sont condamnés à une course-poursuite impossible, un peu comme l'an passé. La différence avec Ambrì est qu'ils ne paniquent pas pour autant. L'entraîneur John Fust est sous contrat jusqu'en 2015 : il est le seul coach à avoir amené le SCL en play-offs (en 2011) dans toute l'histoire, et cela suffit à le rendre intouchable.

Ces play-offs avaient été réussis grâce à un jeune gardien brillant nommé Benjamin Conz. Avec un portier plus inconstant, comme le vétéran américain Robert Esche l'an passé, l'exploit n'était plus possible. C'est pourquoi le recrutement le plus important a été celui de Thomas Bäumle, qui a appris la résistance mentale à Ambrì. Seulement, Bäumle s'est blessé au pied, et il a fallu engager un étranger (le gardien tchèque Jaroslav Hübl) en attendant.

Les tuiles tombent et s'accumulent sur le SCL : le capitaine Simon Moser, dont le retour de blessure en novembre était attendu avec impatience, a été encore touché au pied, et le meneur de la défense Mark Popovic a subi une sévère commotion. Le lock-out sert donc de bouée de sauvetage aux Tigers : Jared Spurgeon (Minnesota Wild) ne fait que substituer Popovic alors qu'il devait s'y ajouter, et Tyler Ennis, le lutin agile des Sabres de Buffalo, amène un peu de pur talent offensif et de spectacle pour combler l'Ilfis.

 

Marc Branchu

 

 

Retour à la rubrique articles