Bilan des championnats du monde 2011

 

Résultats et comptes-rendus de la compétition

 

 

Finlande (1re) : la fièvre de l'or n'est plus interdite

Quinze fois médaillée olympique ou mondiale dans son histoire, la Finlande n'avait touché qu'une fois le métal le plus précieux, en 1995. À force de perdre des finales, l'or lui paraissait intouchable. Mais après neuf ans d'échecs répétés contre la Suède, elle a retrouvé le goût de la victoire en terrassant son rival dans un match dont elle n'aurait même pas osé rêver. Le sélectionneur Jukka Jalonen lui-même avait annoncé que l'objectif ne pouvait pas être la victoire finale. Une ambition modeste typiquement finlandaise qui a permis de se satisfaire de ces médailles, mais aboutissait jusqu'à présent à un complexe d'infériorité en finale.

C'est vrai que la Finlande ne comptait pas parmi les favorites. Ses prestations ne permettaient pas vraiment de changer les pronostics. Elle ne comptait certes qu'une seule défaite (contre les Tchèques), mais son bilan était rendu flatteur par trois succès obtenus aux tirs au but, où le capitaine Mikko Koivu ne pourrait éternellement répéter le même mouvement. Son attaque était peu efficace. Sa défense paraissait trop faible, et Sami Lepistö en particulier n'était guère rassurant en première ligne. Néanmoins, Jalonen gardait le cap. Son équipe démontrait sa volonté et sa discipline collective. Déjà, elle était fixée vers son objectif et prenait confiance.

Le jeu de puissance, longtemps aphone, s'est débloqué en quart de finale contre la Norvège. Petri Vehanen, le gardien de Kazan, a blanchi l'équipe russe en demi-finale pendant que Mikael Granlund mettait un but de légende. On disait que cette manière de transporter la rondelle sur sa palette était l'apanage des Canadiens car c'était un geste de lacrosse, leur autre sport national. Granlund a prouvé le contraire. Il avait tenté ce genre de but de derrière la cage plusieurs fois en junior et en senior, mais toujours en étant immobile. Pour la circonstance, il a réussi ce but en mouvement, le geste parfait. Le gamin est le nouveau héros du hockey finlandais.

La vivacité du junior Granlund a ouvert des espaces à Jarkko Immonen, centre complet à qui il ne manque que la vitesse de patinage. Immonen a franchi un cap supplémentaire depuis deux ans à Kazan en améliorant sa qualité de lancers, au point de devenir le buteur d'une équipe finlandaise qui n'en avait pas. L'idéal centre de deuxième ou troisième ligne est ainsi devenu le meilleur marqueur des championnats du monde !

La nuit de liesse qui a suivi fut aussi mémorable que celle de 1995. Une victoire en championnat du monde, pour les Finlandais, est un évènement rare et magique qui marque toute une génération. Le défi est maintenant de rendre ces moments plus fréquents... sans perdre cette incroyable saveur.

 

Suède (2e) : le Fasth de la couronne

Pär Mårts comptait déjà trois médailles d'argent à sa collection en tant que sélectionneur des moins de 20 ans, il en ajoute une quatrième pour sa première année avec les seniors. Il ne faudrait pas que la série continue, sinon la réputation lui collera à la peau.

Tant qu'à perdre un match, autant que ce soit le premier. C'est ce que la Suède s'était dit après avoir été surprise d'entrée par la Norvège. Un match qui a sonné le glas du gardien Erik Ersberg et l'avènement de Viktor Fasth. Le jeune gardien, qui ne comptait qu'une seule saison d'expérience en élite à l'AIK, a accumulé trois blanchissages (Autriche, Suisse, France) qui l'ont propulsé vers le titre de MVP du tournoi, décerné pour la seconde année de suite à un gardien. Un titre décidé avant le dernier tiers-temps de la finale... où Fasth a complètement craqué !

Jusque là, tout se passait presque trop bien pour la Suède. Après le faux-pas en ouverture, la seule autre défaite contre le Canada a été accueillie avec joie, car elle permettait de rencontrer une équipe plus facile (l'Allemagne au lieu de la Russie) en quart de finale. Une manière de choisir l'adversaire qui a quelques précédents lors de ces dernières années. Bengt-Åke Gustafsson, le prédécesseur de Mårts, avait eu recours au même subterfuge lors des Jeux olympiques de Turin, avec lesquels le tableau de la compétition présentait de troublantes similitudes.

Le vainqueur final, cependant, n'a pas été le même. Tout s'est joué de nouveau dans les vingt dernières minutes, à partir d'une relance ratée de David Petrasek, jusque là le meilleur arrière scandinave. Mårts, qui avait eu Petrasek sous ses ordres au HV71 a bien fait de le convaincre de revenir en équipe nationale... du moins à vingt minutes près. Le jeu suédois est parti en lambeaux dans une fin de match catastrophique qui laisse un goût amer.

Il aura manqué une période cette fois, mais la Suède se prépare de belles années maintenant qu'arrivent les nouvelles générations "élevées" par Mårts chez les U20. Un éventail incroyable de talents, de Patrik Berglund, buteur d'une redoutable efficacité destiné à devenir une superstar en NHL, à Mattias Tedenby, dont personne ne peut prédire la chorégraphie quand il se met à danser avec le palet en zone offensive.

 

République Tchèque (3e) : pas autant de réussite en étant favorite

Les Tchèques, sur lesquels se sont reportés les espoirs du public slovaque après l'élimination de ses favoris, avaient peut-être la meilleure équipe du tournoi. Leur talent offensif est connu, et en plus leurs centres (Tomas Plekanec, Patrik Elias, Tomas Rolinek, Jiri Novotny) sont tous de grands combattants, formant une colonne vertébrale remarquable.

La défense, malgré la commotion cérébrale de Radek Martinek qui a quitté le tournoi dès le premier match, disposait encore des relances de Marek Zidlicky, de l'apport offensif de Karel Rachunek et des charges contre la bande du solide Zbynek Michalek.

Le jeune gardien Ondrej Pavelec (en photo) a quant à lui prouvé qu'il pouvait s'installer dans le fauteuil de Tomas Vokoun, qui sait maintenant qu'il a un successeur.

Cela n'aura pourtant pas suffi. L'an passé, la République Tchèque avait gagné exactement quand il le fallait - et pas plus - pour devenir championne du monde. Cette année, elle n'a manqué qu'un seul match, la demi-finale contre les Suédois, qui lui ont rendu la monnaie de sa pièce. Ils tenaient leur revanche de la qualification soufflée à sept secondes près un an plus tôt, car ils ont été plus disciplinés. Les Tchèques prenaient déjà des pénalités par le passé, mais cette fois ils les ont payées. Marquer plus de buts en infériorité qu'on en encaisse ne peut quand même pas se produire tous les ans !

L'inoxydable Jaromir Jagr, auteur d'un match exceptionnel en quart de finale, a ensuite été tenu sous bonne garde par la défense suédoise dans cette demi-finale.

Une seule défaite, et c'est donc le bronze au lieu de l'or. Les joueurs de KHL Roman Cervenka et Jan Marek ont brillé dans le duel pour la troisième place contre la Russie, un match trop tard.

Dommage aussi que la ligne Michalek-Elias-Havlat qui paraissait en grande forme ait été affaiblie par les blessures. La déception, qui fait suite à une grande réussite, est cependant mesurée. Après trois éliminations en quart de finale, les Tchèques peuvent se satisfaire de cette deuxième médaille consécutive. Ils l'ont en tout cas bien célébrée.

 

Russie (4e) : le système Bykov à l'épreuve

En cinq saisons à la tête de l'équipe de Russie, c'est la première année où Vyacheslav Bykov ne ramène pas la moindre médaille. Les adversaires semblent s'être adaptés à ses systèmes de jeu qui ne fonctionnent plus aussi bien, même si cela ne suffit pas à expliquer les erreurs individuelles des défenseurs, pourtant les mêmes qu'avant, erreurs très nombreuses surtout dans le match pour la troisième place.

Que l'attaquant le plus constant ait été le démolisseur Evgeni Artyukhin (photo), avec son style de rhinocéros, n'est vraiment pas une gloire pour une équipe héritière du jeu de passes russe. Où sont passés les talents individuels ? Aleksei Morozov a brillé uniquement en première phase, Ilya Kovalchuk par intermittence... et le joker Aleksandr Ovechkin pas du tout, terminant avec zéro point en cinq rencontres. Le numéro 8 a été encore plus difficile à intégrer cette année alors que le panel de centres était limité.

Bykov s'est clairement planté dans le choix de gardien. Sentant la cohabitation impossible entre Ilya Bryzgalov et Evgeni Nabokov, il a préféré la fidélité au second nommé, qui s'était préparé un mois pour revenir au jeu... mais qui n'a pas paru dans sa meilleure forme et a fini par se blesser. Konstantin Barulin a dû le remplacer au pied levé, sans faire de miracles.

L'autre reproche qui est fait au staff est de ne pas intégrer les jeunes. Est-ce parce qu'il avait un temps de jeu limité que Vladimir Tarasenko a été discret, ou est-ce parce qu'il était en retrait que son temps de jeu s'est réduit ?

Pendant que Vyacheslav Bykov est relativement épargné, grâce à son sens indéniable des relations humaines, la critique se concentre sur Igor Zakharkin : l'ancien adjoint discret, qui complétait le charisme de Bykov par ses analyses tactiques, s'épanche de plus en plus souvent dans la presse, et il va parfois trop loin en s'attaquant à ses collègues entraîneurs. Et alors qu'il avait appelé à la solidarité russe face au Tchèque Milos Riha lors de la finale de KHL, il a été attaqué précisément sur son attachement à la Russie, qu'il a appelé d'un distant "ce pays" dans une interview. Zakharkin, dont la famille réside en Suède (comme celle de Bykov en Suisse...), est devenu la cible. Deux membres du comité exécutif de la fédération (Evstrashin et Karandin) et cinq légendes du hockey soviétique (Mikhailov, Maïorov, Petrov, Tikhonov, Yakushev) ont envoyé une lettre ouverte aux dirigeants de la FHR et des clubs de KHL : "Zakharkin ne devrait plus être éligible pour travailler dans le hockey russe. Ses principes moraux, éthiques et patriotiques ne conviennent pas aux exigences de décence d'un employé." Mais l'inséparable duo d'entraîneurs reste pour l'instant solidaire...

 

Canada (5e) : joueurs d'avenir et entraîneur du passé

Avoir été éliminé après ce qui était "de loin le meilleur match du tournoi", comme l'a déclaré l'entraîneur Ken Hitchcock, est une maigre consolation. Le fait est que les Canadiens ont été éliminés pour la seconde année consécutive en quart de finale, à chaque fois contre la Russie. Une régression ?

Le Canada a-t-il été victime de la jeunesse de son équipe ? Ce serait un jugement hâtif, surtout que les plus jeunes ont souvent été les meilleurs. Le junior Jeff Skinner (photo) a été épatant, et la présence de joueurs de ce talent à ses côtés a encore élevé le niveau de John Tavares, dominant offensivement par son sens du jeu.

Quant à Alex Pietrangelo, le meilleur défenseur du Mondial junior 2010, il n'aura mis qu'un an et demi à recevoir le titre équivalent en senior. Il a obtenu la meilleure fiche du tournoi (+9) et est devenu le vrai leader des lignes arrières, ce que n'auront pas été Dion Phaneuf et Brent Burns (+1).

Il faudra cependant que ces jeunes soient capables de confirmer dans les années suivantes et de ne pas se contenter de cette première impression éclatante. Cela n'a malheureusement pas été le cas de la révélation de l'an passé Matt Duchene, qui n'a pas produit le moindre point. Il a travaillé dans l'ombre, mais on attend plus que cela d'un joueur aussi rapide et talentueux que lui.

Mais la principale erreur n'a-t-elle pas été de confier une équipe de "poupons" à une vieille rosse comme Ken Hitchcock, qui n'a pas spécialement la réputation d'aimer travailler avec les jeunes et qui réserve ses compliments aux vétérans ?

Le Canada a certes obtenu une belle moisson de titres depuis quinze ans, mais si l'on fait le détail des médailles d'or en compétition internationale par coach, le bilan est plus restreint : Andy Murray 3 sur 4, Mike Babcock 2 sur 2, Pat Quinn 2 sur 3. Tous les autres ont échoué. Compte tenu du réservoir canadien, les joueurs ne sont pas le problème. Encore faut-il mettre en place le puzzle. Le président de la fédération Bob Nicholson semble en avoir conscience, puisqu'il a commencé à avancer des idées "audacieuses" (pour les pratiques nord-américaines) : un coach qui serait nommé à l'avance et qui aurait son mot à dire sur le choix des joueurs, au lieu de ses les voir imposer par le manager-sélectionneur !

 

Norvège (6e) : agir contre le chômage

Que la Norvège ait terminé à sa meilleure place depuis près de cinquante ans est encore plus impressionnant quand on sait qu'elle était privée de ses deux meilleurs joueurs et de son meilleur gardien.

Personne ne semblait pouvoir remplacer les ailiers Thoresen et Zuccarello-Aasen... et personne ne les a remplacés. La promotion d'un attaquant défensif comme Martin Røymark n'a évidemment pu donner le même peps à une première ligne qui n'a pas du tout eu le même impact. Pas grave, puisque la deuxième ligne a compensé par un Mondial exceptionnel, à l'instar de son centre Anders Bastiansen, survolté sur la lancée de ses play-offs en Elitserien.

Le gardien reste le cas le plus étonnant. À la place du charpentier Grotnes, qui a senti une douleur se réveiller au dernier entraînement, voici Lars Haugen le... chômeur. Lui aussi est semi-pro, sauf qu'il a perdu son boulot depuis janvier et touche les allocations. Et au hockey, il a été prêté en fin de saison à un club de bas de tableau où il partageait la cage avec un junior. Sans contrat sportif et professionnel, Haugen a pourtant été convaincant pour son premier championnat du monde, protégé par les défenseurs marathoniens Ole Kristian Tollefsen et Jonas Holøs. Et maintenant, le Dynamo Minsk propose à ce chômeur un salaire de KHL !

Toujours épatante, cette équipe norvégienne, la plus agressive du hockey international : finissant ses charges jusqu'à la limite, mordant la moindre occasion qui se présente, se jetant devant les lancers à l'image d'un Lars Erik Spets mémorable en prolongation lors de la victoire historique sur la Suède.

Révélation de ce championnat du monde, la Norvège récolte les fruits de ses académies de hockey où les jeunes joueurs bénéficient de deux entraînements quotidiens cinq jours par semaine. Un investissement payant.

 

Allemagne (7e) : comment garder Krupp sans se dédire

Après sa demi-finale de l'an passé, l'Allemagne était encore en veine d'exploits. En terminant première de sa poule de premier tour devant la Russie et la Slovaquie, les hommes d'Uwe Krupp défiaient une fois de plus tous les pronostics. La clé pour la Nationalmannschaft était de mener au score, car elle devenait alors invulnérable grâce à son incroyable combativité. Lorsque l'adversaire prenait les devants, elle était cependant trop limitée offensivement pour réagir, et c'est ainsi que le quart de finale contre la Suède a tourné court.

Les résultats ont donc décliné au fil du tournoi, mais ils étaient de plus en plus éclipsés par le débat sur le futur entraîneur. En prenant le parti de reporter le choix après le championnat du monde, le président de la fédération Uwe Harnos s'est mis lui-même dans une position intenable.

Depuis plus d'un an, les dirigeants allemands n'ont qu'un nom en tête : Krueger. Non pas le fils, Justin Krueger, qui a raté son Mondial, étonnamment faible dans les duels et a terminé avec la plus mauvaise fiche (-5). Mais le père, Ralph Krueger, l'ex-sélectionneur de la Suisse. Il est actuellement dans le staff des Edmonton Oilers en NHL, et il tient à assurer ses deux ans de contrat, car ils lui permettent de se créer les réseaux nord-américains qui lui manquent après avoir fait sa carrière en Europe.

Krueger n'étant disponible qu'en 2012, et Krupp s'étant engagé à Cologne dès cet été, l'idée a germé d'un "coach de transition". Un homme qui aurait travaillé avec Krueger et qui serait prêt à préparer son arrivée pendant une saison. C'est ainsi que Köbi Kölliker, qui était l'éternel adjoint de Krueger et entraîneur presque à vie des juniors suisses, a débarqué dans la salle de presse pour se présenter aux journalistes allemands qui ne le connaissaient pas. Une méthode de promotion qui les a un peu interloqués.

Ce nouveau championnat du monde réussi complique le scénario de transition. La pression populaire devient plus forte. Un site internet a même fait confectionner des T-shirts "Krupp doit rester" en sentant le filon. C'est la seule solution qui se justifie, mais elle implique que le président de la DEB Uwe Harnos doive se dédire. Il avait déclaré qu'un cumul des fonctions en club et en équipe nationale serait impossible, et il voulait absolument un nouveau poste de manager pour superviser les joueurs chaque week-end. Or, Krupp a posé comme condition pour rester de garder comme responsable hiérarchique le directeur sportif Franz Reindl, le seul homme qui lui a maintenu toute sa confiance lorsque l'Allemagne a fini relégable à Berne en 2009. Krupp et Reindl sont maintenant en position de force pour négocier.

 

États-Unis (8e) : la télévision comme parade à l'indifférence ?

Pour la première fois, le championnat du monde a été retransmis en direct depuis le début aux États-Unis, sur Versus, le même diffuseur que la NHL. Cette visibilité est capitale pour que les joueurs se sentent investis d'une mission et répondent de leurs performances devant leur public. Jusqu'ici, la compétition leur était en partie étrangère car ils ne l'avaient pas vue avant de s'y rendre.

Les spectateurs ont-ils eu de quoi se réjouir de leur équipe ? Pas vraiment. Le point arraché face au Canada sous la domination adverse leur a sûrement arraché de belles émotions. Ce sera tout. Une victoire obligée sur l'Autriche, une victoire tardive sur la Norvège et une victoire souffreteuse sur la France ne suffiront guère à les enthousiasmer.

Les Américains terminent à leur place, celle de l'équipe moyenne qu'ils ont envoyée. Derek Stepan, Blake Wheeler et le joker James van Riemsdyk étaient les seuls attaquants de premier plan, et ça s'est vu.

Les joueurs de troisième ligne de NHL ont joué... comme des joueurs de troisième ligne. Ils n'ont pas su sortir de leurs schémas pour trouver de la créativité offensive. Ce sont les universitaires Craig Smith et Chris Kreider qui ont été meilleurs que tous les autres attaquants pros. En fait de joueurs de NHL, il faut donc que les stars répondent à l'appel pour ne pas se contenter des seconds couteaux.

Le manager Brian Burke était le premier à se réjouir de la diffusion sur Versus, il pensait que cela donnerait envie aux jeunes téléspectateurs de vouloir participer au championnat du monde, étape indispensable pour créer ce processus d'identification qui existe partout ailleurs. Mais c'est aussi à lui-même d'initier ce cercle vicieux. Alors que le président de la fédération canadienne a critiqué certains refus (minoritaires) qui lui paraissaient peu justifiés, Burke continue d'excuser ses compatriotes (majoritaires) qui déclinent l'invitation. La caution qu'il a donnée au refus de Phil Kessel parce qu'il est "déjà venu deux fois" aux Mondiaux a de quoi éberluer de la part de l'homme chargé de composer l'effectif !

 

Suisse (9e) : drame au bord de la route

L'euphorie du début de mandat de Sean Simpson s'est bel et bien dissipée. La Suisse est retombée dans l'anonymat d'une nation qui lutte pour sa qualification sans vraiment faire trembler les gros. S'ils n'avait pas perdu un point contre la France, la victoire des Helvètes face aux Américains leur aurait permis de se qualifier en quart de finale. Mais l'élimination était déjà consommé et ce match sans enjeu ne valait qu'une neuvième place.

Maintenant que la Suisse a un système plus offensif, le manque de génie de ses attaquants apparaît encore plus clairement. Il est nécessaire qu'ils soient tous en pleine forme, et si le duo Plüss-Rüthemann semble inaltérable, le duo Monnet-Ambühl était loin de son niveau de l'an passé.

Pourtant, ce bilan tristounet ne signifie pas qu'il n'y a rien eu de positif dans la prestation suisse. Les bonnes performances des jeunes joueurs sont même un bon signe pour l'avenir. Le co-meilleur buteur avec le géant Gardner a été Raphael Diaz, avec son tir du poignet de droitier. L'agent du rapide défenseur Diaz a même signé au cours du tournoi un contrat avec les Canadiens de Montréal, qui voient en lui un nouveau Mark Streit.

L'autre révélation de la saison de LNA, l'attaquant Kevin Lötscher, n'aura en revanche pas profité longtemps de sa nouvelle étoile. De retour dans son Valais natal, il a été renversé sur un trottoir de Sierre par une conductrice ivre de 19 ans, qu'il connaissait apparemment. De retour d'une soirée arrosée, elle aurait proposé d'aller chercher la grosse BMW de papa pour conduire le groupe d'amis sur moins d'un kilomètre... uniquement pour "ne pas déranger le voisinage" parce que la bande alcoolisée était évidemment un peu bruyante ! La jeune fille conduisait si dangereusement que ses copains sont vite sortis de la voiture... mais c'est dehors que Lötscher s'est fait tragiquement renverser. Il a été plongé dans un coma artificiel pour stabiliser son état.

 

Slovaquie (10e) : haro sur Hanlon

"L'anglais". Par cette réponse lapidaire, lorsqu'on lui a demandé ce que l'entraîneur canadien Glen Hanlon avait appris à ses joueurs, la légende du hockey slovaque Jozef Golonka a fait mouche et cristallisé le sentiment général. La Slovaquie avait alors perdu contre l'Allemagne, premier pas vers une élimination qu'elle n'aura jamais pu éviter. Elle n'a jamais été ridicule, ne perdant que d'un but à chaque fois, mais ces honorables défaites ne prouvent-elle pas un certain manque d'ambition offensive ?

Il est vrai que le système très défensif de Hanlon na guère permis aux attaquants slovaques de s'exprimer. Mais est-il le seul coupable ? Faut-il clouer au pilori le premier sélectionneur étranger de l'histoire du pays ? Ce n'est pas lui qui a eu le premier l'idée de recroqueviller une Slovaquie autrefois offensive. L'anti-hockey était déjà la marque de fabrique de Frantisek Hossa... qui était comme par hasard l'adjoint de Hanlon.

On ne peut pas ignorer les problèmes plus graves que sont les carences de la formation et l'absence de relève. Les Panik et Zabrovsky, renvoyés à la maison avant le Mondial au profit des trentenaires, auront l'avantage de prendre le relais avec des attentes revues à la baisse, maintenant que leurs aînés ont laissé un échec comme dernier souvenir. Le capitaine Pavol Demitra a ainsi tiré sa révérence en larmes sur un Mondial raté, un an après sa place de meilleur marqueur du tournoi olympique. L'élimination du pays organisateur à la moitié de la compétition a été un véritable camouflet pour la génération dorée.

Pour certains organes de la presse économique, le seul gagnant de ce Mondial à domicile est le président de la fédération slovaque Juraj Siroky. La réputation de la fédération qu'il dirige est encore écornée, mais ses affaires sont florissantes. L'hôtel franchisé Hilton, qu'il a érigé sur un terrain acquis à moindre coût à côté de la patinoire de Bratislava reconstruite sur des deniers publics, devrait accroître sa fortune. Pour autant, Siroky n'a pas tout pouvoir à la fédération. Il a voté pour garder Hanlon, mais a été mis en minorité par le Comité Exécutif, qui avait engagé Hanlon et qui le remercie aujourd'hui.

 

Danemark (11e) : le réservoir est déjà prêt

Les défaites sans appel contre les Tchèques et les Finlandais avaient plongé les supporters danois dans un grand pessimisme. Leur équipe n'était pas au niveau et ils la voyaient déjà descendre. Heureusement, Mads Christensen voyait les choses autrement. Avec trois buts - en comptant le pénalty gagnant - contre la Lettonie, l'attaquant des Eisbären de Berlin a sorti une belle épine du pied de son équipe par un match exceptionnel.

Le bilan peut paraître maigre, avec seulement deux succès qui n'ont tous deux été arrachés qu'après une séance de tirs au but. Mais en l'absence de leurs leaders de NHL, les Danois ont été heureux de constater qu'ils ont désormais une vraie profondeur et ne sont plus dépendants d'une poignée de joueurs.

Les satisfactions individuelles sont nombreuses. Le jeune gardien Fredrik Andersen s'est pleinement installé comme titulaire. La paire défensive Kasper Jensen - Jesper Jensen, qui n'avait aucune expérience à ce niveau, a été remarquablement solide. Kirill Starkov a réussi son retour et remis sa carrière dans la bonne direction. Le seul regret de la quinzaine sera finalement le vol survenu dans l'Hôtel Tatra, où les ordinateurs, parfums et portefeuilles des joueurs danois ont été dérobés dans leur chambre. Au lieu de fêter leur succès sur les Allemands, ils ont passé une mauvaise soirée, pour moitié au commissariat pour porter plainte.

Le Danemark a mis juste les pénaltys qu'il fallait : face aux Lettons pour se maintenir, puis face à l'Allemagne pour terminer à la onzième place devant la France. Il consolide ainsi ses progrès dans la hiérarchie internationale, et accroît du même coup ses chances d'organiser bientôt les championnats du monde. Il a retiré sa candidature pour 2016 et laissé la Russie seule en piste, mais s'annonce maintenant comme le favori pour 2017.

 

France (12e) : légitimité dans l'élite

Cela fait quatre années que la France oscille entre la 12e et la 14e place mondiale, une position qui devient clairement légitime. Les Bleus ont surpris et convaincu le monde du hockey par leurs performances et leur organisation. Ils ont cependant eu du mal à enchaîner les rencontres de haut niveau lors de la deuxième phase, les joueurs de Ligue Magnus n'ayant pas le rythme international.

L'essentiel a été atteint pendant le premier tour avec une prestation solide face à la Suisse et une victoire méritée contre le Bélarus malgré un fléchissement au troisième tiers-temps. La lourde défaite 9-1 contre le Canada, où les erreurs se sont payées, n'est pas dramatique. Que Fabrice Lhenry, étonné de la fréquence des buts encaissés du côté de la mitaine, ait découvert que les buts étaient mal positionnés de quinze centimètres par rapport au dessin de la zone du gardien ne doit pas être vu comme une excuse. C'est plutôt une preuve attestant de sa science du placement, puisqu'aucun de ses collègues ne s'en est aperçu. Les organisateurs ont corrigé l'erreur dès le lendemain.

On escomptait que la France s'appuie sur ses atouts offensifs, mais elle n'y a pas réussi. Elle ne manquait pas d'occasions, mais elle ne les a pas transformées, terminant avec la plus faible efficacité aux tirs du championnat du monde (4,2%). La ligne Pierre-Édouard Bellemare - Laurent Meunier - Sacha Treille a constitué une menace régulière, mais le deuxième trio Julien Desrosiers - Stéphane Da Costa - Damien Fleury, trop unidimensionnel offensif, a rapidement dû être dispersé.

La bonne nouvelle est que les Français ont tenu défensivement, avec un attaquant reconverti qui a assumé son nouveau rôle, Kevin Hecquefeuille, auteur du but en prolongation qui a permis le maintien. De nouveaux défenseurs (Janil, Moisand) ont pris de l'expérience au niveau mondial, et même si tout ne fut pas parfait, Cristobal Huet a assuré et a amené une sécurité bienvenue dans les cages en l'absence du meilleur arrière Baptiste Amar.

 

Lettonie (13e) : le Dinamo a-t-il capté l'esprit grenat ?

Partie sans grandes ambitions mais mis en confiance par ses bonnes prestations face aux Tchèques puis aux Finlandais - les futurs vainqueurs poussés aux tirs au but - la Lettonie est tombée de très haut face au Danemark et surtout à la Slovénie. Elle avait alors un pied en dehors de l'élite et était confrontée à la perspective de la première relégation de son histoire. Jamais le vent du boulet n'aura été ressenti d'aussi près, figeant les chairs et glaçant les âmes.

Olegs Znaroks et ses joueurs paraissaient déjà démissionnaires dans leurs têtes, ils ont pourtant su réagir pour préserver l'essentiel, c'est-à-dire le maintien. La marée grenat pourra traverser la Mer Baltique l'an prochain en direction de Stockholm.

Cette horde de supporters lettons est cependant de moins en moins nombreuse, du fait de la crise économique mais peut-être pas seulement. Si autrefois le public letton se mobilisait exclusivement pour ses équipes nationales, l'intégration du Dinamo Riga en KHL a détourné une partie de son attention.

Comme les joueurs évoluent déjà sous un maillot grenat toute l'année, les tournois internationaux ne présentent plus le même caractère exceptionnel. La pression qui les entourait n'est plus aussi vive. C'est pourtant une composante essentielle des succès baltes, et elle est d'autant plus nécessaire que la Lettonie ne pourra plus compter sur les qualités techniques des "résidus de l'école soviétique" comme Aleksandrs Nizivijs (en photo) que le manager Sandis Ozolins avait convaincu de venir une dernière fois, mais qui prend maintenant sa retraite internationale. Qu'il ait été un des meilleurs joueurs à 34 ans n'est pas le signe le plus encourageant qui soit pour l'avenir.

 

Bélarus (14e) : tombé de haut

Encouragé par un bon premier match contre le Canada, le Bélarus pensait lutter pour la qualification en quart de finale, mais il est tombé de très haut contre la France. Cette équipe qui avait trop de qualité pour descendre a joué avec la peur au ventre jusqu'à la fin. Elle a manqué de leadership. Mikhaïl Grabovski a vécu le capitanat, qui lui a échu après la blessure de Kalyuzhny, comme un fardeau.

Au vu des déclarations du président Lukashenko qualifiant d'inacceptables les résultats de l'équipe nationale, la démission d'Eduard Zankovets était une évidence. Le manque de métier du coach est une explication rationnelle de la contre-performance. Il est indéniable qu'il a beaucoup tâtonné dans ses lignes et n'a pas trouvé la bonne formule. Cependant, la tentation de regretter le bon vieux temps de Glen Hanlon est largement tempérée par l'échec du Canadien aux manettes de la Slovaquie.

Certains reprochaient à Zankovets d'avoir sacrifié le tournoi présent à un rajeunissement inconsidéré, ce à quoi il a rétorqué qu'il avait simplement pris les meilleurs joueurs sans que l'idée de bâtir une équipe pour préparer l'avenir ne lui ait effleuré l'esprit. Une franchise déconcertante qui induit de réorienter le débat.

Le Bélarus a quitté le top-16 mondial chez les moins de 18 ans, battu par la France et la Slovénie, et les résultats de ses jeunes ne sont pas en phases avec ses ambitions. À l'exception d'un Dmitri Korobov prometteur, ses défenseurs ne semblent pas capables de déclencher les offensives ni d'y participer, par manque de mobilité et de lecture du jeu. À trois ans des championnats du monde à domicile, il va falloir recruter un entraîneur, rebâtir un système et former les nouvelles générations. Vaste programme.

 

Autriche (15e) : implosion en direct

Un ratage sur toute la ligne. C'est le seul moyen de qualifier ce championnat du monde pour l'Autriche. Elle avait soutenu la candidature de la Slovaquie, sa voisine, et était mécontente d'avoir été envoyée à Kosice, à l'autre bout du pays. Les supporters autrichiens qui ont quand même fait le déplacement ont encouragé leur équipe sans faille, et ont reçu l'hommage des organisateurs. Mais quand l'Autriche a joué un match de poule de relégation à Bratislava (qui est à seulement 60 kilomètres de Vienne), elle n'avait que quelques centaines de spectateurs acquis à sa cause, face à des supporters slovènes cinq fois plus nombreux alors qu'ils venaient de plus loin.

Ce manque de soutien pour un match aussi important illustre une certaine désaffection vis-à-vis de l'équipe nationale. Cela fait six ans que l'Autriche fait l'ascenseur, et elle finit par en avoir mal au cœur. Les spectateurs comme les joueurs ressentent une certaine lassitude. Et parfois, elle s'est transformée en colère.

Déjà, avant le tournoi, Matthias Trattnig avait déclaré comprendre que certains joueurs refusent de rejoindre l'équipe nationale car l'organisation autour de celle-ci était médiocre en comparaison des clubs (il faut dire qu'il joue à Salzbourg où le sponsor Red Bull procure deux kinés, trois responsables du matériel, etc). Mais le commentaire le plus vif est revenu - comme souvent - à Oliver Setzinger, qui s'est emporté contre le président de la fédération Dieter Kalt : "C'est toujours facile de regarder d'en haut, de manger de la baguette dans le salon VIP et de dire que l'équipe manque de leaders. Il ferait mieux de s'occuper du développement du hockey autrichien."

Dans un environnement aussi tendu, l'entraîneur Bill Gilligan a eu bien du mal à rassembler son groupe autour de l'objectif sportif, et il l'a avoué : "Les polémiques nous ont causé plus de dommages que les réponses négatives [de Pöck, Grabner, Vanek et Brückler]". Chacun essaie de se renvoyer la balle pour fuir ses responsabilités. Les leaders ont effectivement fait défaut. La défense a joué comme une béotienne et était trop lente, à l'exception du jeune Johannes Reichel et du bon patineur Robert Lukas. Quant au président Kalt, sa décision de faire appel à une société de consulting pour analyser les structures fédérales n'augure guère d'une grande efficacité, surtout quand il ajoute n'avoir aucun pouvoir sur la ligue.

C'est la quatrième fois de suite que l'Autriche est reléguée, et à chaque fois qu'elle remontée, les débats et les problèmes sont toujours les mêmes. À dans deux ans pour une nouvelle prise de tête ?

 

Slovénie (16e) : de beaux espoirs

La dernière place, conforme aux prédictions, traduit mal la bonne impression laissée par la Slovénie dans ce championnat du monde. Slovaques et Russes ont eu des sueurs froides face à ce promu sans complexes, tombé avec les honneurs. En battant la Lettonie, les Slovènes pensaient avoir fait le plus dur. Leur défaite contre le voisin autrichien a cependant brisé leur dynamique, surtout qu'elle a coïncidé avec la blessure de Rok Ticar, qui avait tapé dans l'œil de beaucoup d'observateurs.

La jeune ligne Jeglic-Ticar-Sabolic a en effet confirmé les espoirs placés en elle et s'est révélée au plus haut niveau. La Slovénie a montré qu'elle n'est pas un pays qui produit un des meilleurs joueurs du monde (Anze Kopitar) par accident, mais qu'elle est en train de réussir son changement générationnelle pour rebâtir une équipe capable de durer dans l'élite.

Comme on lui a attribué l'organisation du Mondial de division IA, dans sa nouvelle formule à une poule qui regroupera tous les prétendants à l'accession à l'élite (dont ses voisins autrichiens), la Slovénie sera dans les meilleures conditions pour revenir en 2013. Elle sera alors prise très au sérieux comme candidate au maintien.

Marc Branchu

 

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