Strasbourg, le débutant déjà mûr

 

Après avoir passé une bonne dizaine d'années à évoluer plutôt dans le haut de tableau de la D1, l'Étoile Noire de Strasbourg franchit cette saison la marche du haut niveau.

Longtemps écartée du podium de sa division à cause de la jeunesse de ses troupes (avant 2000) voire de surnombre de prétendants en poule de qualification (en 2000-2001), par manque durable de concentration (depuis 2002) ou parce que pas assez filou pour arriver à ses fins (l'épisode des jokers médicaux de Dunkerque en barrages de relégation de la fin de saison 2003-2004), l'équipe alsacienne va goûter cette saison aux joies du haut niveau, même si en France tout est relatif.

La précédente saison réunissait les conditions nécessaires souhaitées par les dirigeants bas-rhinois : un titre acquis sportivement dans une enceinte digne de ce nom.

Hé oui, finies les longues soirées de match en hiver dans le vieux Wacken bien glacial, le CSG Strasbourg évolue maintenant dans son Iceberg, nettement plus en rapport avec la renommée de la métropole. Les fréquentations à Cronenbourg étaient d'ailleurs excellentes puisque les locaux jouèrent souvent à guichet fermé. Mais cette saison, ce seront des Petits Poucets, le public alsacien devra s'habituer à voir des résultats moins affriolants qu'en Division 1 face à des effectifs plus habitués à la Ligue Magnus.

Et d'ailleurs, pour parler des troupes en présence, abordons celle des boys de Daniel Bourdages, entraîneur en poste depuis quinze ans, une petite performance dans ce domaine. Il devrait être suppléé dans sa tâche, comme depuis de longues années, par Dominique Goetz (un ancien de l'équipe, il y a cinq-six ans) et Guy Goutorbe (pour le matériel).

Une arrière-garde plus solide ?

En défense, quelques remaniements ont été réalisés. C'était sans aucun doute le point faible de l'équipe la saison dernière. Entre quelques prestations pas toujours très orthodoxes de Juraj Nemcak dans les cages et une défense qui était prise régulièrement d'accès de panique, il fallait trouver une solution rassurante face à des adversaires de Magnus plus rigoureux que ceux habituellement rencontrés.

Les deux gardiens sont conservés, que ce soit le Slovaque Nemcak ou Gilles Beck, jeune Strasbourgeois qui a déjà un peu tâté de la Magnus (en 2002-2003) avec Mulhouse en tant que troisième gardien, mais qui avait surtout joué à l'époque avec les Espoirs.

En défense, le départ assez rapide de Dave Grenier (vers Anglet) puis de Stanislav Mistrik, deux pièces importantes du dispositif alsacien, nécessitaient de trouver des solutions "de confiance" pour la suite.

Le staff bas-rhinois est donc revenu avec trois nouveaux : deux Slovaques, Pavol Resetka et Roman Gurican, et un Canadien , Jonathan Jolette. Resetka fait office de vétéran avec ses 33 ans et ses nombreuses saisons jouées en Extraliga slovaque, notamment à Zilina le nouveau champion (mais Resteka a joué cette dernière saison à... Puigcerda en Espagne). Son expérience peut être précieuse.

On pourra aussi suivre avec intérêt les prestations de son compère Gurican qui nous vient de Topolcany, club habitué au podium du deuxième niveau slovaque, et aussi de Jolette, sans doute le plus rude de nos trois défenseurs, du moins sur le papier.

Un temps annoncé partant, Wesley Jarvis est finalement resté à Cronenbourg, ce qui a ravi nombre de supporters. Il faut dire que ce joueur au gabarit d'un Lemoine ou d'un Fillipin rassurait par son assise défensive mais aussi de bonnes qualités de relanceur.

Il était associé à Thibault Dumuis, au club depuis 2001. Après Amiens, puis Orléans et Cholet, il s'est posé en Alsace où il a connu des saisons plutôt inégales, oscillant entre bonnes et plus anodines. Son profil est assez défensif, voire musclé quand il le faut, mais sa récente saison fut l'une des meilleures de sa carrière strasbourgeoise.

Le public de Ligue Magnus fera aussi la connaissance avec le Slovaque Milan Dirnbach qui entame sa quatrième saison à l'Etoile Noire. Son profil est plutôt défenseur-relanceur, comme le prouvent ses statistiques. Doté d'un bon lancer, on souhaitera surtout qu'il soit plus constant que les deux précédentes saisons, notamment au niveau défensif où il n'échappait pas aux paniques inexpliquées de son équipe.

Petit nouveau l'année dernière, et joueur local par excellence, Hughes Cruchandeau évoluait sereinement avec Dirnbach, sans toutefois officier sur la glace lors des situations spéciales. Le minot saura-t-il s'adapter à un niveau de jeu plus élevé ? On l'espère, ainsi que pour Damien Brau-Arnauty. Le petit défenseur alsacien a beaucoup moins joué la saison dernière que les précédentes, évoluant surtout en renfort devant. Malgré une volonté évidente, il risque peut être de pêcher par son manque de gabarit dans un secteur où justement il est prépondérant.

Pas trop de remous dans les trios

Devant, on constate beaucoup de re-signatures : les trois lignes Himler - Favreau - Flinck, Sevcik - Hohnadel - Jacko et Catelin - Saint-Marc - Reverdin semblaient être conservées avant le départ de Sylvain Favreau, puis de Joan Montesinos.

C'est rassurant pour la cohésion mais n'oublions pas que Strasbourg évolue au niveau supérieur. Il faudrait donc trouver un remplaçant au centre canadien mais aussi, et surtout, au moins deux ou trois attaquants supplémentaires de bon calibre pour apporter de la profondeur au banc et aussi du métier. Car c'est surtout ce qui va manquer aux strasbourgeois, peu habitués à ce niveau de confrontation hormis deux rencontres de Coupe (victoire contre Reims en 2002 et défaite contre Amiens en 2003) et deux matchs amicaux contre Morzine fin décembre 2005 (perdus d'un but à chaque fois).

Trois attaquants français ont été essayés courant avril, mais ni Romain Pierrel (Belfort), ni Pierre-Antoine Devin (Caen) ni Martin Jeannette (Dijon) n'ont été retenus.

Aussi, l'annonce de la venue de deux ailiers gauches, Todd Norman et Mika Suoraniemi, complète cet effectif, du moins partiellement.

Le Canadien avait été drafté, dans sa jeunesse, par les Canucks de Vancouver, mais a officié au mieux en ECHL, et c'était il y a bien des années. Il a ultérieurement été le coéquipier de Wes Jarvis à l'université St. Francis Xavier et a passé la dernière saison en CEHL, une ligue qui s'est créée l'an dernier dans les provinces atlantiques canadiennes en prenant pour modèle le semi-pro québécois. Norman a terminé sixième meilleur marqueur de cette ligue.

Le Finlandais passé par les équipes nationales de jeunes a été formé au TPS Turku, où il a même évolué pendant trois ans en SM-Liiga avant de descendre d'un échelon avec Sport Vaasa. Mais pour parler de Turku par exemple, Jani Kiviharju (ex-Mulhouse) n'avait pas non plus de statistiques mirobolantes, simplement une réputation non usurpée de teigne sur la glace. Souhaitons donc à ces deux néo-Alsaciens de montrer que les stats ne font pas tout.

Toutefois, leurs fiches sont relativement rassurantes même si ce ne sont pas des pointeurs de haut rang. On remarque par contre que ce sont des joueurs relativement peu pénalisés, une caractéristique que vérifient nombre de joueurs bas-rhinois, si l'on excepte quelques pitreries dispensables du capitaine actuel.

On regardera aussi avec curiosité comment se comportent les "cadres" de l'équipe. À commencer par Daniel Sevcik qui est arrivé en 2001 et s'est rapidement imposé comme le top-scoreur maison. Il a, depuis, su faire évoluer son jeu en se mettant plus au service de son équipe, ce qu'on pouvait lui reprocher lors de sa première saison. Constamment à l'affût, et très complice sur la glace avec Hohnadel, ce sera l'un des joueurs à surveiller.

Comment aussi ne pas parler du capitaine de l'Étoile Noire, Stéphane Hohnadel : formé au club, il n'en est jamais parti malgré quelques touches (déclarées) dans des clubs plus huppés. On le reconnaîtra sur la glace à son style très particulier : voûté, pas très esthétique mais plutôt efficace, bosseur et très accrocheur au point d'être même franchement agaçant lors de nombreuses filouteries, un autre domaine où il excelle.

Enfin, le troisième larron de la ligne, Jaroslav Jacko, est le type de joueur qui endort tout son monde pour mieux s'échapper ensuite. Nombre de ces réalisations cette saison témoignent d'un renard des surfaces, plutôt à l'aise dans les tâches offensives tout comme Sevcik d'ailleurs.

L'ex-deuxième ligne de la saison précédente était occupée par les gros gabarits. Exit Sylvain Favreau parti en Allemagne, il reste Peter Himler et Tomi Flinck, deux joueurs bien ancrés dans l'esprit des supporters locaux.

Le Slovaque, arrivé en 2002, a peu à peu calmé son jeu franchement viril pour se consacrer davantage à la construction d'actions. Rôdant souvent dans les slots, son grand gabarit en fait l'écran idéal pour gêner le gardien adverse lors de supériorités. D'ailleurs, nombre de ses réalisations sont souvent des rebonds ou des déviations à bout portant.

Autre tactique en revanche que celle du "grand Tomi" : si le Slovaque rôde tout près du but lors des supériorités, le Finlandais reste plutôt à la bleue, prêt à armer son slap ravageur (au point d'en fracturer certains plexis ou poignets de gardiens !). Arrivé à Strasbourg en 2001, Flinck était déjà bien connu des Alsaciens puisqu'il avait auparavant officié chez le rival mulhousien, et ce depuis les premières saisons en D3 avec Pascal Ryser. Ce Finlandais possède aussi l'avantage d'avoir officié avec brio à l'arrière lorsque l'effectif était déficient.

L'ex-troisième trio, celui dont le boulot principal était de gratter le plus de palets, a aussi été conservé. Ainsi Mathieu Saint-Marc (en poste depuis 2001) ou Maxime Catelin étaient deux éléments excellents dans les situations d'infériorité, même si le premier nommé savait aussi s'affirmer en supériorité.

Le troisième larron, Mathieu Reverdin, fut la révélation de l'équipe, l'année dernière : formé au club, puis parti au Genève-Servette, il est revenu à Strasbourg en début de saison et a surpris son monde par son audace, au point de se retrouver sur le quintet majeur lors des supériorités. Il lui reste tout de même à consolider son jeu défensif, où son compère Catelin est nettement plus convaincant.

Bien sûr, tous ces traits de joueurs n'étaient valables qu'en Division 1 mais ne demandent qu'à être confirmés au niveau supérieur.

On regardera quand même avec attention toutes les nouvelles recrues : après les Stéphane Julien, Sami Ryhänen, Maryan Bazany, Julien Desrosiers et Jesse Saarinen, sans compter le gardien fantôme Thomas Jetter (pour l'une des plus grosses farces au niveau CV sur-gonflé !) quelle sera la ou les révélations de ce nouveau cru ? Les filières alsaciennes sont rarement trouées et il serait réjouissant que cette règle soit de nouveau vérifiée cette saison. Sans compter l'éclosion d'un nouveau talent issu du tout récent centre de formation, à l'instar de Mathieu Reverdin.

Pour les ambitions, on pourra penser que le maintien est la priorité, avec pourquoi pas une bonne place en play-offs ? Comme l'estime le président Hohnadel, des équipes comme Chamonix, Mont-Blanc ou Caen sont des adversaires comparables à l'Étoile Noire. Les Alsaciens vont en plus bénéficier de l'avantage d'être les inconnus du prochain championnat : Caen (en 1998-99) ou Morzine (en 2004-2005) ont bénéficié de cet effet de surprise. D'autres équipes auront peut-être des difficultés face à la tactique toujours prudente de Daniel Bourdages.

Tous les amateurs de hockey en Alsace pourront en tout cas, dès la rentrée et s'ils le veulent, re-goûter aux joies du hockey version Magnus (après une bien triste saison blanche suite aux retards d'encaissement de qui on sait...), et c'est très bien ainsi !

Stéphane Rault

 

 

Départs : Grenier (Anglet), Mistrik (Courbevoie), Favreau (Peißenberg, ALL), Audéon, Montesinos (Grenoble jr)

Arrivées : Resetka (Puigcerdà, ESP), Jolette (Austin, CHL), Gurican (Topolcany, SVK), Suoraniemi (Sport Vaasa, FIN), Norman (Dartmouth, CEHL).

Effectif :

Gardiens : Juraj Nemcak (SVK, 24 ans), Gilles Beck (23 ans).

Défenseurs : Wesley Jarvis (CAN, 27 ans), Pavol Resetka (SVK, 32 ans), Roman Gurican (SVK, 24 ans), Jonathan Jolette (CAN, 23 ans), Milan Dirnbach (SVK, 27 ans), Thibault Dumuis (27 ans), Hughes Cruchandeau (18 ans).

Attaquants : Mika Suoraniemi (FIN, 26 ans), Todd Norman (CAN, 29 ans), Peter Himler (SVK, 29 ans), Tomi Flinck (FIN, 35 ans), Jaroslav Jacko (SVK, 31 ans), Daniel Sevcik (SVK, 29 ans), Stéphane Hohnadel (28 ans), Mathieu Saint-Marc (26 ans), Mathieu Reverdin (19 ans), Maxime Catelin (25 ans), Damien Brau-Arnauty (23 ans).

Entraîneur : Daniel Bourdages (CAN).

 

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