Bilan des championnats du monde 2006

 

Résultats de la compétition

 

La "petite" Lettonie a organisé son championnat du monde avec son enthousiasme sympathique, et sans problème majeur. Elle a prouvé qu'un pays de taille modeste pouvait accueillir une telle compétition et lui donner un peu de diversité, même si la Skonto Arena était vraiment à la limite du minimum admissible pour une deuxième patinoire.

Du point de vue de l'ambiance, on aura vécu le "Mondial du bruit". Les klaxons incessants en tribunes ont beaucoup agacé. De ce point de vue, les chants rythmés des supporters allemands ont certainement donné au groupe de division I mondiale d'Amiens une bien meilleure ambiance sonore qu'aux championnats du monde élite. Malheureusement, les chants ne font pas partie de la culture du public en Europe de l'est, et seuls les Suisses ont essayé de l'importer dans la petite Skonto Arena. La manie des klaxons est si désagréable pour les oreilles qu'on a même vu quelques panneaux "interdits aux supporters de hockey" (sous-entendu : aux klaxonneurs) à Riga. Un comble quand on sait combien les hôtels et commerces de la ville ont profité des championnats du monde pour monter leurs prix. Les délégations russe et biélorusse - supporters compris - se sont d'ailleurs installées à Jurmala, à trente kilomètres de la capitale, où tout était trois fois moins cher. Les prix pratiqués à Riga étaient sans commune mesure avec le niveau de vie de la population locale, et cela s'est ressenti par exemple sur les affluences des quarts de finale, trop chers pour les Lettons.

Sur le plan sportif, ce championnat du monde qui devait mettre le pied à l'étrier à la nouvelle génération a effectivement permis de découvrir les nouvelles vedettes du hockey mondial, mais malgré le rajeunissement des effectifs les résultats ont été étonnamment semblables à ceux des Jeux olympiques. Le vainqueur a été le même, et ce sont les trois mêmes équipes qu'à Turin qu'on a retrouvé sur le podium.

 

Premier : Suède. Même la grande URSS n'était pas parvenue à cet exploit dans les années soixante-dix : c'est dire si cette équipe de Suède 2006 a marqué l'histoire en remportant la même année la médaille d'or olympique puis le titre mondial. Huit joueurs ont participé aux deux étapes de ce doublé : Kenny Jönsson, Niklas Kronwall, Henrik Zetterberg, Mikael Samuelsson, Jörgen Jönsson, Mika Hannula, Ronnie Sundin et Stefan Liv. Huit joueurs, et surtout un entraîneur, Bengt-Åke Gustafsson, qui a donc été champion olympique et champion du monde à la fois comme capitaine de son équipe nationale et comme sélectionneur. Ce doublé d'un autre genre, il est le second à le réaliser après l'icône du sport russe Bobrov.

En décembre, les Suédois n'étaient que 11% à approuver totalement la sélection olympique de Gustafsson. Aujourd'hui, qui oserait le remettre en cause ? Le journal Aftonbladet l'a même rebaptisé "Super-Cerveau". Gustafsson sait faire travailler tout le monde dans le même sens, y compris ceux qu'il avait "ignorés". On aurait pu croire le talentueux Michael Nylander vexé de ses non-sélections, mais on a eu la surprise de le voir rejoindre l'équipe en cours de route et lui amener toute sa créativité sans broncher. Comparez à la Russie avec le cas similaire Morozov...

C'est certainement cet esprit sans faille qui a permis à la Suède de s'imposer alors que l'on pensait que jouer "avec la médaille olympique autour du cou" serait un handicap trop lourd. Pas grand monde au pays ne s'attendait à voir cette équipe gagner, elle a joué l'essentiel du tournoi dans l'anonymat car la représentation suédoise était plus faible que d'habitude en tribunes, les supporters ayant déjà été comblés à Turin (et ayant la Coupe du monde de football en vue). Libérée de la pression des échecs répétés, la Tre Kronor a montré que les JO lui ont réappris à gagner.

 

Deuxième : République Tchèque. Leur abdication en finale ne doit pas faire oublier que les Tchèques avaient participé jusqu'alors à quelques-uns des meilleurs matches du tournoi (contre la Finlande en poule et contre la Russie en quart de finale). Seulement, face aux Suédois qui faisaient figure de losers il y a encore un an, le pays qui régnait sur le hockey mondial ces dernières années fait un complexe inédit, né le jour de la demi-finale olympique.

Même si elle a perdu son titre mondial, la République Tchèque a mieux réussi qu'elle ne le pensait, avec un effectif inexpérimenté et un talent offensif limité en dehors du duo Erat-Vyborny. Elle a révélé l'inattendu Zbynek Irgl, qui a gagné sa sélection à la surprise générale, comme simple réserviste pour la deuxième phase, et qui s'est mué en héros en marquant le but en prolongation contre les Russes, juste récompense de son implication enthousiaste. La seule erreur de casting a été le vétéran Ivo Prorok. On se demandait comment un joueur viré du championnat du Danemark il y a un an et demi avait pu se retrouver sélectionné en équipe nationale tchèque au mérite de qualités irrégulières de buteur, et on a eu raison : il a constitué la seule fausse note du collectif tchèque, et son Mondial s'est terminé en fin de match contre les États-Unis quand il a cassé la crosse et proféré des insanités envers son entraîneur qui venait de le retirer - à juste titre - de la rotation.

C'est justement le sélectionneur Alois Hadamczik qui apparaît comme un des gagnants du tournoi, car il a "retourné" pas mal d'experts tchèques. Un des angles de la critique dont il avait fait l'objet à Turin avait été d'avoir retiré sa confiance en cours de route à Vokoun, cette fois il a fait jouer en permanence son titulaire Milan Hnilicka, qui a su se reprendre tout seul après ses nombreuses erreurs grâce à son expérience, et qui n'a donc pas été le maillon faible dans les matches importants.

 

Troisième : Finlande. Une médaille de plus pour les Leijonat, toujours placés mais si rarement gagnants. Cette troisième place a ceci de frustrant que les Finlandais n'ont peut-être pas su "briser les Tchèques" en demi-finale, comme l'a fait la Suède, alors qu'ils avaient sans doute les moyens d'appliquer une pression plus forte au lieu de se reposer sur leur organisation.

L'occasion paraissait belle d'ajouter un deuxième titre au palmarès finlandais, surtout après l'arrivée en cerise sur le gâteau d'Olli Jokinen qui a guéri son talon plus vite que prévu pour venir jouer ce championnat du monde. Mais la ligne de Peltonen et des deux (homonymes) Jokinen n'a pas eu le même rendement que dans la phase finale olympique. La Finlande a manqué de leadership en attaque, et ce n'est pas un hasard si c'est l'arrière Petteri Nummelin qui a été son meilleur marqueur. C'est le symbole d'une équipe qui s'est illustrée par de bons attaquants défensifs et de bons défenseurs offensifs ! Malheureusement, elle a systématiquement eu du mal à donner la pleine mesure de son jeu pendant soixante minutes.

Autre attaquant décevant, Tuomo Ruutu, considéré il y a eu peu comme le grand talent finlandais de demain, qui n'a marqué aucun point et a même dépassé son frère, pourtant le spécialiste familial, au classement des pénalités. Il a été si dépité de son tournoi que, à chaud, il a annoncé à la télévision finlandaise qu'il songeait à achever prématurément à 23 ans une carrière minée par les blessures...

 

Quatrième : Canada. Le capitaine Brendan Shanahan a expliqué que la force de son pays était de fixer à toutes les équipes nationales la devise "l'or ou rien", une vision de la compétition culturellement très implantée en Amérique du nord, même si elle y a aussi ses détracteurs. Le Canada ne se voit qu'en n°1 et il n'attachera donc pas d'importance à la triste conclusion qu'il a donnée à son tournoi en s'inclinant à plate couture pour le bronze contre les Finlandais.

Ce qui compte par-dessus tout pour les Canadiens, c'est de reconquérir l'or olympique dans quatre ans chez eux à Vancouver. Et de ce point de vue, ce tournoi est une réussite. Car Sidney Crosby et Patrice Bergeron s'y sont révélés comme un duo majeur qui peut dominer le hockey mondial grâce à son entente parfaite et à sa vitesse de décision et d'exécution. Dès sa première compétition internationale, Crosby a porté son équipe comme jamais Ovechkin ne l'a fait depuis deux ans. Le talent du Canadien défie donc toute comparaison.

Mais Crosby n'est pas la seule raison d'espérer. Car ce championnat du monde a aussi été positif pour un autre duo, Jeff Carter et Mike Richards des Philadephia Flyers, qui ont été plus discrets mais ont accompli du bon travail, notamment en infériorité. Ils ne deviendront pas des vedettes incontournables, mais ils s'affirment comme des éléments prometteurs pour le Canada dans un rôle plus défensif.

 

Cinquième : Russie. Pas d'arbitre coupable cette fois pour étayer la paranoïa russe, seulement cet étrange sentiment, relayé par la presse, que les Tchèques avaient fait exprès de perdre contre les Américains pour "choisir" d'affronter la Russie en quart de finale. Une théorie à laquelle personne ne croit à l'étranger, mais qui en dit long sur les complexes qui naissent de treize ans sans titres. Pourquoi une équipe invaincue en première phase et disposant de jeunes talents de la qualité d'Ovechkin et Malkin apparaîtrait-elle comme un adversaire "souhaitable" ? Peut-être parce qu'elle tend le bâton pour se faire battre...

Difficile en effet pour l'entraîneur Vladimir Krikunov de désigner cette fois un bouc émissaire à l'élimination, alors qu'elle découle surtout de ses choix. Son obstination à faire tourner ses quatre blocs l'a conduit à aligner son moins bon centre et sa paire défensive la plus inexpérimentée sur une mise au jeu en zone défensive en prolongation, à deux minutes de tirs au but traditionnellement plus favorables aux Russes qu'aux Tchèques... Ce refus du coaching a fait s'arracher les cheveux à tous les observateurs. Du moins, on ne peut pas dire que Krikunov ne sera pas resté fidèle à ses idées jusqu'au bout.

Qui pour le remplacer ? C'est le premier choix très délicat qu'aura à effectuer le nouveau président de la fédération Vladislav Tretiak. Il a décrété que l'équipe nationale serait sa priorité, et en plein milieu des Mondiaux il a commencé par retirer sa délégation à la PHL afin de remettre à plat les relations avec la ligue professionnelle dans l'optique de faire évoluer la sélection dans les meilleures conditions possibles. Mais avec qui comme entraîneur ? Puisque Tretiak a annoncé ne pas vouloir d'un étranger, les choix sont limités. Un homme de l'ancien système, au risque de déplaire aux joueurs habitués à des méthodes plus modernes ? Un jeune, jeté dans la fosse aux lions sans l'expérience nécessaire ? Ou un tandem, solution qui semble avoir sa faveur et pourrait remédier à ces deux risques... ou les additionner.

 

Sixième : Bélarus. Si chacune de leurs participations olympiques s'était soldée par un quart de finale, les Biélorusses n'en avaient encore jamais vécu un en championnat du monde. C'est désormais chose faite, et la seconde année de mandat de l'entraîneur canadien Glen Hanlon a été un grand succès. Sans surestimer le caractère révolutionnaire des innovations tactiques qu'il a amenées dans cette équipe (il arrivait déjà à son prédécesseur Zakharov d'aligner cinq attaquants en jeu de puissance), l'ex-gardien a clairement affiné la tactique et la confiance de cette équipe pour la rendre capable de préserver un score. La Slovaquie et la Suisse sont tombées dans le piège.

Clé de voûte du système, le gardien Andrei Mezin a enfin obtenu une distinction personnelle (place dans l'équipe-type), qu'il aurait déjà méritée l'an dernier, mais que seule la qualification en quart de finale lui a permis d'obtenir. Composée de joueurs individuellement peu cotés, la défense a parfaitement appliqué le système, en particulier la paire d'arrières composée du vétéran Aleksandr Makritsky et de la révélation de la saison Vladimir Denisov, qui ne faisait que cirer le banc du Yunost Minsk il y a encore un an. Et l'amélioration la plus inattendue (travaillée par Hanlon ?) provient d'un domaine traditionnellement "nord-américain", les mises au jeu. Les Biélorusses ont été la meilleure équipe sur les engagements, et Sergei Zadelenov a même été le centre n°1 du tournoi.

 

Septième : États-Unis. Craignant de ne pas pouvoir tenir la distance au forechecking, les Américains ont misé sur un jeu patient qui leur a permis de mettre en confiance leurs gardiens. Progressant petit à petit, ils ont même réussi un joli coup en battant les Tchèques en poule. Mais cette tactique défensive n'a pas gêné une seule seconde les Suédois qui se sont baladés en quart de finale.

Ils étaient sans doute trop limités pour faire mieux. Le joueur le plus complet a été Ryan Malone, tandis que les jeunes ont peut-être un peu déçu. Il faut dire qu'il y a beaucoup d'attente autour des espoirs américains, puisqu'une star "locale" pourrait avoir une influence sur la popularité du hockey aux États-Unis. Cependant, aucun d'eux ne semble avoir le calibre d'une superstar, à l'instar de Phil Kessel qui était annoncé comme le n°1 sûr de la prochaine draft il y a un an et dont la cote a décru depuis. Son style assez individualiste lui donne une trop faible influence sur le jeu de son équipe pour mériter le surnom usurpé de "Crosby américain".

 

Huitième : Slovaquie. Comme on pouvait s'en douter, les conflits dans le hockey slovaque ne se sont pas limités au terrain politico-administratif, comme ce fut le cas ces derniers mois entre l'ex-manager Peter Stastny et le président de la fédération Juraj Siroky. L'existence de problèmes entre les joueurs et le staff a été révélée au grand jour pendant le championnat du monde, quand Lubomir Visnovsky a expliqué qu'il refusait sa sélection en se plaignant de son faible temps de jeu aux JO. Des propos qui ont évidemment provoqué une polémique avec le sélectionneur Frantisek Hossa, via son adjoint Jergus Baca.

La Slovaquie avait été épargnée par ce genre de caprices de stars par le passé, et cela a évidemment une influence négative sur une équipe qui se repose toujours beaucoup sur ses individualités. C'est d'ailleurs le talent de Marian Hossa qui a sauvé les meubles : blessé par une charge avec le genou de Lytvynenko contre le Kazakhstan, il est revenu à temps pour lancer son équipe vers une victoire capitale contre la Suède. Sauvés de l'élimination qui les menaçait, les Slovaques se sont offerts un nouveau quart de finale contre le Canada, qu'ils ont encore inquiété avant de céder.

 

Neuvième : Suisse. Grâce à son assurance défensive, la Nati avait appris à ne plus perdre face à des adversaires moins bien classés qu'elle dans la hiérarchie mondiale. Cette belle série qui traduisait sa solidité s'est achevée contre le Bélarus, ce qui l'a éjecté des quarts de finale pour la première fois depuis quatre ans. Parfois fatigués de leur saison et très sollicités pour remonter des scores défavorables à de multiples reprises, les leaders de l'équipe ont manqué d'énergie dans ce match décisif où une Suisse trop passive s'est heurtée à un autre système défensif au point, car elle n'en a pas l'exclusivité.

Ralph Krueger place au-dessus de tout la condition physique, mais la fatigue de ses joueurs a atténué cet atout. Et c'est une qualité qu'il privilégie moins, la créativité, qui a encore fait défaut. Les Suisses ont eu les meilleures statistiques en infériorité, juste devant le Bélarus, mais ont été moins convaincants en supériorité, ce qui s'explique quand on sait qu'un Plüss ne joue même pas en jeu de puissance en club. Si les cadres étaient peu en forme, en particulier le gardien David Aebischer qui a joué tout le tournoi avec des performances moyennes, les jeunes ont plutôt réussi leurs débuts. Thomas Déruns a marqué son territoire par ses mises en échec et Raffaele Sannitz a pu amener sa présence devant la cage.

 

Dixième : Lettonie. La révolution de palais du hockey letton et l'éviction du très contesté Beresnevs, un proche du président de la fédération Kirovs Lipmans, a finalement eu peu d'effet sur les performances de la Lettonie. Avec leurs nouveau sélectionneur Piotr Vorobiev, les Baltes ont présenté des caractéristiques assez habituelles, en particulier l'irrégularité. Les tactiques du spécialiste de la défense ont montré leurs limites, car les nouvelles consignes contre l'accrochage et l'obstruction - pas encore en vigueur dans le championnat russe où Vorobiev s'est taillé sa réputation à coups de 0-0 - en annulent pas mal l'effet. L'exemple criant a été la parodie de match contre le Canada (0-11), dans une soirée excessive à tous les égards, mais les Baltes ont aussi pris trop de pénalités dans des matches plus "normaux"...

Cela ne les a pas empêchés de tenir en échec les Tchèques en match d'ouverture, une performance probante mais insuffisante pour créer l'exploit jusqu'au bout. Les Lettons n'ont pas démérité contre les Américains, mais ils ont quand même dû s'incliner et dire adieu aux quarts de finale, non sans avoir lavé leur honneur après le match choquant contre le Canada. Et ce soir-là, l'envie débordante de Kaspars Daugavins, benjamin du tournoi à 17 ans, a été le symbole de la nouvelle génération qui apportera bientôt du sang neuf à la Lettonie.

 

Onzième : Norvège. Il y a ceux qui parlent, et il y a ceux qui font... Les neuf matches de préparation n'ont finalement pas été de trop pour préparer la Norvège à un retour réussi dans l'élite, ce qui n'est jamais simple après plusieurs années d'absence. Ils ont rabattu le caquet du Danemark grâce à des unités spéciales parfaitement au point. La première ligne a été de tous les bons coups. Tore Vikingstad a imposé le jeu et Patrick Thoresen a été plein d'entrain sur chaque palet, mais le troisième homme Per-Åge Skrøder, s'il a su placer son corps devant son but, a eu plus de mal à remplir la mission allouée, mettre les palets au fond. Un mal récurrent chez les individualités norvégiennes, mais à l'opposé de la glace, les gardiens ont mieux tenu que prévu. Certes Pål Grotnes a montré ses limites, mais sa doublure de 21 ans a pris le relais : Mathias Gundersen, enfant adopté né en Corée, a été la révélation norvégienne du tournoi, lui qui avait fait ses débuts en équipe nationale en septembre dernier contre la France.

La Norvège a donc parfaitement tenu le choc pour son retour au haut niveau, et sa présence a été sympathique. Si son grand public peine à s'intéresser au hockey, ses supporters sont par contre très enthousiastes. Ils étaient quelques centaines à accompagner leur équipe, et les plus remarquées ont été ces pom-pom girls aux tenues sexy qui ont capté les regards. Les sondages sont donc unanimes : oui à la présence norvégienne au Mondial A.

 

Douzième : Ukraine. Une des découvertes de ce championnat du monde est ukrainienne. Il s'agit du gabarit imposant d'Aleksei Mikhnov, difficile à bouger devant la cage. Dommage que ce mastodonte, contrairement à son frère Andrei, ait choisi de représenter la Russie, pays qu'il a rejoint à quatorze ans en quittant l'école du Sokol Kiev... Un exemple de plus de cet exode des jeunes qui menace l'avenir du hockey ukrainien. Un avenir encore une fois "préservé" par un maintien obtenu en gagnant le match qu'il fallait. Comme d'habitude, le championnat du monde est l'occasion de remettre sur le tapis les éternels problèmes, qui ont même attiré l'attention du président de la république, qui a passé un coup de fil à l'entraîneur Seukand, surpris, après le deuxième tiers-temps de Russie-Ukraine.

Mais, outre ses soucis structurels, le hockey ukrainien a rencontré un autre problème inquiétant durant ce tournoi, celui des caprices de certains joueurs. La veille du début de la compétition, Sergei Varlamov est rentré à Kiev sous le prétexte officiel d'une "allergie". En fait, c'est un secret de polichinelle, il avait été vexé d'apprendre à l'issue des derniers entraînements qu'il serait simplement réserviste pour la seconde phase, et il a claqué la porte. Pire encore, Vitali Semenchenko a fait ses valises en plein milieu du tournoi, ce qui a choqué ses coéquipiers. Il se plaignait de son faible temps de jeu. Pourtant, son entraîneur l'alignait en infériorité numérique, et on ne peut pas dire que cette phase de jeu était rare pour l'Ukraine ! Avec les prisons stupides accumulées par les cadres de l'effectif comme Klimentiev, Shakhraïchuk et Zavalnyuk, elle a encore été l'équipe la plus pénalisée du tournoi.

 

Treizième : Danemark. Mikael Lundström tenait à garder le Danemark en élite pour laisser un bilan positif à la fin de son mandat. Il y est parvenu, et il a eu raison de maintenir sa confiance dans le gardien Peter Hirsch (qu'il emmènera avec lui à Leksand) car le sujet favori des moqueries des supporters danois s'est bien comporté. En 2007, les Danois joueront donc dans l'élite pour la cinquième année consécutive, une performance remarquable.

Ce qui restera des années Lundström, c'est que la discipline de jeu est la qualité ultime qui permet de se sortir des situations les plus périlleuses. Leur bon positionnement et leur capacité à éviter les pénalités ont permis aux Danois de se sortir une fois de plus du guêpier d'une poule de relégation toujours tendue et imprévisible. Ils y ont enregistré le retour de blessure du capitaine Jesper Damgaard, qui avait manqué lors du derby contre la Norvège. Il est un des éléments-clés qui permettent au Danemark d'avoir confiance dans son jeu, et de ne plus seulement surprendre l'adversaire sur ses points faibles comme c'était le cas lors de ses débuts dans l'élite. Mais il faut se méfier des joueurs "indispensables", car trop compter sur eux peut être à double tranchant, quand ils sont absents ou simplement trop sollicités. C'est le reproche qu'a fait ouvertement fait Nicolas Monberg (joueur blessé, hors du groupe et donc "libre de parole" vis-à-vis du coach en fin de contrat) à Lundström, en expliquant qu'il ne laissait pas assez souffler ses cadres (les trois Nielsen, Staal, Hansen ou Regin). Pour une équipe longtemps homogène, savoir gérer de la façon la plus juste les talents individuels qui éclosent sera le défi de demain.

 

Quatorzième : Italie. Ce maintien obtenu par les Italiens est peut-être encore plus méritoire que les deux points récoltés aux Jeux Olympiques. Cette fois, ils n'ont en effet presque pas pu compter sur leurs oriundi pour les secourir. En déclenchant une altercation dans le couloir des vestiaires dans un triste match contre l'Ukraine, Tony Iob, suspendu jusqu'à la fin de la compétition par l'IIHF en attendant une décision certainement plus sévère, a probablement achevé sa carrière internationale par cet énième épisode douteux. L'autre vétéran de l'attaque John Parco a manqué les deux premiers matches de la poule de relégation à cause de douleurs de dos. Assez imprévoyant par rapport au règlement sur les jokers, le sélectionneur Mickey Goulet a été forcé de rappeler à l'improviste et tardivement deux joueurs qui n'avaient même pas fait le stage de préparation (Rigoni et l'ex-leader de l'équipe Roland Ramoser).

Une vraie passation de pouvoir symbolique a eu lieu dans le dernier match contre la Slovénie. Alors que le score était de 0-3, le gardien Jason Muzzatti (vieux, canadien et sujet à des coups de sang fréquents) a été remplacé par Thomas Tragust, un espoir aux réflexes rapides qui n'a même pas vingt ans et qui n'aurait peut-être même pas été sélectionné si Hell n'avait pas été blessé (à la suite d'une bagarre générale de fin de match déclenchée par ce même Muzzatti, son coéquipier à Bolzano)... Non seulement Tragust a évité que le score s'aggrave, mais l'Italie est remontée et a égalisé à l'avant-dernière minute par Michele Strazzabosco. Elle a ainsi sauvé sa place dans l'élite de manière quasi-miraculeuse, tout en donnant un signe fort à la nouvelle génération.

 

Quinzième : Kazakhstan. L'effet de surprise, qui a fonctionné aux derniers Mondiaux comme aux JO, n'a plus joué. Le style de jeu du Kazakhstan est devenu trop prévisible pour ses adversaires. Cela fut flagrant dans le dernier match contre le Danemark où ses longues passes ne purent jamais permettre la moindre contre-attaque.

Et bien sûr, l'absence des gardiens Vitali Eremeïev et Vitali Kolesnik a été fatale. Comme on pouvait le craindre, leurs remplaçants n'avaient pas le niveau. Les trois ont eu leur chance et les trois ont déçu à des degrés divers. Avec Eremeïev ou Kolesnik, cela n'aurait pas été la même chanson, mais sans eux, le Kazakhstan est en division I mondiale. Pourra-t-il remonter à la place qu'il a occupée depuis un an ? Le sélectionneur Myshagin s'est montré pessimiste et a déclaré que rejouer un jour les JO serait presque impossble. Lui qui occupe son poste bénévolement et sans contrat, "à la russe", a été assez critique envers la fédération. Ne pas avoir l'argent pour rencontrer des équipes étrangères est une chose, mais faire terminer le championnat du Kazakhstan très tard en avril et écourter d'autant la préparation de l'équipe nationale, il a vécu cela comme un manque flagrant de volonté de soutenir la sélection. Des propos témoignant d'une certaine lassitude et anticipant un départ prochain ?

 

Seizième : Slovénie. Les Slovènes ont joué un bien meilleur championnat du monde que l'an passé, mais ça leur fait une belle jambe. Après avoir résisté de façon étonnante contre les Finlandais et les Tchèques, ils ont gagné le respect du hockey mondial et prouvé - comme la Norvège - qu'on pouvait menacer les grands avec une première ligne offensive talentueuse, au sein de laquelle Anze Kopitar a confirmé son statut de joueur majeur de la prochaine décennie.

Trop faibles en infériorité numérique, les Slovènes avaient tout de même encore un talon d'Achille qu'ils ont payé au prix fort. Et puis la défense "new-look", volontairement renouvelée au prix de quelques décisions fortes (non-sélection de Beslagic qui a annoncé qu'il ne voulait plus entendre parler de l'équipe nationale), a craqué sur la fin, d'abord contre la Lettonie puis lors de la poule de relégation. À deux minutes près, leur place dans l'élite mondiale s'est envolée...

Marc Branchu

 

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