Italie 2005/06 : présentation

 

Les espoirs de renouveau ne durent jamais bien longtemps dans le championnat italien, qui est à nouveau retombé à huit équipes. Après la relégation de Turin, où les JO risquent d'être - comme on pouvait le craindre - sans lendemains qui chantent pour le hockey local, faute de laisser ne serait-ce qu'une patinoire correctement dimensionnée comme legs, c'est Varèse qui a, de nouveau, déclaré forfait. Le club lombard au passé brièvement glorieux et aux résurgences chaotiques, qui ne tenait sur pas grand-chose sinon la volonté de ses bailleurs de fonds, semble fini pour de bon. Lassée de se battre contre des moulins à vent pour le futur de sa patinoire, le PalAlbani, la famille Colombo a finalement décidé de se désengager complètement, y compris du hockey mineur, et ce quelle que soit la grogne des tifosi. Milan est donc à nouveau le seul club de série A à évoluer hors des régions traditionnelles du hockey que sont le Trentin-Haut-Adige et le nord du Veneto.

Malgré tout, il y a encore quelques motifs d'espérer dans cette saison olympique qui ne peut quand même pas passer inaperçue. La course au titre devrait être plus serrée après des années de domination milanaise, et la fédération italienne des sports de glace, qui contrairement à son homologue française n'est pas pressée de répondre à l'ultimatum de l'IIHF en accordant l'indépendance au hockey, a même eu une bonne nouvelle à annoncer, un accord avec le bouquet satellite Sky pour la retransmission d'un match de championnat chaque semaine à la télévision. Au moins le camp minoritaire des fondus de hockey en aura-t-il pour son argent.

 

Champion quatre années de suite, Milan semble cette année faire un peu profil bas. Après avoir déclaré forfait pour la Coupe Continentale pour protester contre la formule des compétitions européennes, il se contente de présenter une équipe honnêtement calibrée pour son championnat national. On a même l'impression que les Vipers ont mis leurs charentaises en recrutant les papys Maurizio Mansi, le quarantenaire italo-canadien, et Chris Joseph, le vétéran de 36 ans venu de Mannheim, pour asseoir la défense en prévision de la longue absence de Peca blessé. Ce serait oublier que, devant le toujours présent Magnus Eriksson dans les cages, il y a tout simplement les deux meilleurs défenseurs italiens, Armin Helfer et Michele Strazzabosco (ex-capitaine du rival Asiago), plus un des plus sûrs espoirs du pays, Christian Borgatello, un joueur formé à Merano qui a tenté une expérience écossaise d'un an à Dundee.

L'attaque repose toujours sur la ligne d'oriundi idolâtrés Busillo-Chitarroni-Felicetti, et l'arrivée du rude Ryan Christie, champion de France avec Mulhouse sur la ligne du surprenant Day et du formidable Reinprecht, ne devrait rien changer à une formation au caractère bien trempé. Heureusement, une semaine après le début du championnat, Daniel Tkaczuk, qui n'a pas réussi à se faire une place en DEL à Krefeld, a annoncé son retour. L'attaquant canadien amènera une intelligence de jeu et un enthousiasme qui auraient risqué de faire défaut par rapport à l'année dernière.

 

Varèse avait construit une belle équipe qu'il aurait été dommage de laisser gâcher. Asiago a donc récupéré les restes en engageant l'entraîneur Tony Martino avec trois joueurs en prime : le minuscule centre qui se faufile partout John Pittis, le défenseur Carter Trevisani, maintenant titulaire en équipe d'Italie, et l'ailier Pat Iannone, qui ne peut pas en dire autant. Il y a donc désormais encore plus d'oriundi à Asiago qu'à Milan, car les joueurs du Veneto ont eux aussi leur ligne 100% italo-canadienne avec les vétérans John Parco et Jason Cirone accompagnés de Giulio Scandella, un de ces nouveaux visages de la sélection italienne qui a de nouveau massivement recours à de la main-d'œuvre d'outre-Atlantique en prévision des JO. Et la source ne risque pas de se tarir de sitôt, car Asiago a même réussi à trouver un défenseur de trente ans qu'aucune équipe italienne n'avait curieusement eu l'idée de prendre jusqu'ici, Scott Ricci.

Bien plus originale est la présence d'un gardien hongrois, Levente Szuper, dont on ne sait s'il est plus célèbre parce qu'il est le brillant représentant d'une nation émergente ou parce qu'il porte un nom vraiment "super" qui fournit aux journalistes des jeux de mots à peu de frais. Il est d'ailleurs conseillé de ne pas en abuser, car Szuper est plutôt susceptible à propos de son patronyme qui descend d'une très vieille famille noble. Une famille convertie au hockey depuis deux générations, car son grand-père s'était exilé à Toronto après l'arrivée des chars de l'armée rouge en Hongrie en 1956. On comprend qu'avec de tels antécédents, Levente Szuper n'ait pas apprécié l'ambiance du Bélarus lorsqu'il a fait un essai à Minsk cet été... Mais son talent est réel et ne doit pas être sous-estimé en Italie où l'on n'a souvent d'yeux que pour les Canadiens dont le nom se termine par une voyelle.

Après une saison en demi-teinte marquée par les pépins physiques de plusieurs cadres (Cirone et l'international italien Luca Rigoni), Asiago a le potentiel pour détrôner Milan. La rivalité sera encore exacerbée par la présence d'éléments venus de Varèse, équipe que les tifosi milanais adoraient détester. Maintenant qu'ils sevrés du moindre derby vu leur isolement géographique, ils devront bien se rabattre sur un nouvel ennemi.

 

Le lock-out est terminé, l'international américain Matt Cullen est donc rentré en NHL, et les ailiers Ström et Pettersson ont retrouvé du travail en Elitserien, ce qui n'est pas le cas de leur compatriote Lennartsson, rugueux défenseur qui était venu d'ECHL et qui vient de faire un essai infructueux à Znojmo, club tchèque qui a utilisé le premier prétexte - cinq minutes de retard à l'entraînement - pour s'en débarrasser... Sans ses vedettes, Cortina doit donc revenir à la normale, et la page sera d'autant plus difficile à tourner que deux joueurs formés au club, Alex Ghedina et Alberto Scapinello, viennent en plus de prendre leur retraite.

Cortina ne peut plus présenter autant de talent en attaque, alors il a intensifié son répertoire physique avec deux Italo-Canadiens, Tony Tuzzolino, qui n'a pas convaincu à Bolzano, et Dino Grossi, qui reste par contre sur une excellente saison à Brunico à son retour de France. Le Canadien Rhett Gordon, ancien meilleur marqueur du championnat danois qui a dépassé les trente points en DEL l'an dernier, est attendu pour dynamiser l'offensive. L'entraîneur Rolf Nilsson aura par ailleurs le soutien de joueurs très travailleurs, qu'il agisse de ses compatriotes Peter Ekelund et Jan Hammar, ou même du centre italien Massimo Stevanoni, aussi discipliné tactiquement que s'il était suédois.

Bien que les nouveaux défenseurs Peter Casparsson et André Signoretti aient plus de dons offensifs que leurs prédécesseurs, le système de Cortina devrait avant tout jouer le contre en s'appuyant sur son gardien François Gravel. L'homogénéité de l'équipe en fait pourtant un troisième candidat sérieux au titre... surtout si le capitaine Giorgio De Bettin est capable de rééditer son exceptionnelle saison passée, sans Cullen à ses côtés cette fois.

 

Les succès de Cortina ont donné des envies, puisque Val Pusteria s'est doté à son tour d'un entraîneur suédois, Lars-Erik Lundström. L'équipe a évidemment été renforcée dans la même veine, avec Johan Boman (justement venu de Cortina et remis d'une blessure au genou), l'ex-international Niklas Eriksson, qui quitte Leksand après dix-huit années de fidélité - sauf une parenthèse d'un an en Finlande - et le sentiment du devoir accompli après le retour en élite, et deux ex-internationaux juniors qui n'ont pas tenu leurs promesses, le centre faiseur de jeu Daniel Olsson et l'ailier technique Henrik Andersson.

Mais l'influence suédoise pourrait être plus profonde que quelques renforts étrangers de passage. Åke Lillebjörn, l'ancien gardien de Reims, arrive en effet aussi comme entraîneur du hockey mineur. Et dans ce club formateur, les jeunes sont suivis et intégrés à l'équipe première, à l'instar du prometteur gardien René Baur qui a les moyens de concurrencer le titulaire Philippe De Rouville. Les conseils de Lillebjörn devraient lui être utiles pour progresser techniquement car il compte encore beaucoup sur son instinct. Val Pusteria veut construire sur le long terme, et le vote du conseil municipal de Brunico pour rénover sa patinoire assez vétuste le conforte dans ses intentions. Les jeunes Italiens ont encore de l'expérience à acquérir, avec pour leader le discret Patrick Bona, qui ne figure même pas dans une pré-selection olympique de cinquante noms, mais qui a une production de points régulière, plus qu'à Brest du moins.

 

C'est à Renon que se trouve l'autre nouveau talent du hockey italien avec Baur, le défenseur Andreas Lutz. Il bénéficiera désormais des conseils techniques de l'entraîneur Ron Ivany, qui arrive de Fassa avec son chouchou, le défenseur canadien George Halkidis, et avec la révélation de la dernière saison, l'attaquant Steve Rymsha, sur lequel reposera l'essentiel de la production offensive. Renon - en allemand Ritten - possède pas mal de joueurs italiens de bon niveau comme Luca Ansoldi et mise sur une poignée d'étrangers pour les tirer vers le haut.

Le potentiel offensif se concentre ainsi sur quelques joueurs, mais la défense paraît densifiée. L'essentiel, de toute façon, se situe dans les cages, le poste le plus important. Il est difficile de succéder à Jeff Maund, le meilleur gardien de la saison qui a rejoint le championnat autrichien plus riche, et cette tâche incombera à Phil Groeneveld, désormais international néerlandais après avoir passé les années requises aux Pays-Bas. "Philou" sera la clé de voûte du dispositif du "Ritten Sport".

 

Abandonné par son sponsor Forst qui payait le droit de s'accoler au nom du club, Bolzano ne vit plus sur les roses. Il a traversé cet été une des plus graves crises de son histoire. Faute de retrouver un sponsor principal, le président Dieter Knoll s'est retrouvé presque seul dans son comité à espérer encore poursuivre en série A. L'ancien club-phare du hockey italien risquait de s'engager en série B pour la première fois de son histoire, un pas en arrière qui a pu être accepté dans des petits villages, mais qui serait impensable dans une capitale provinciale dont les voisins de Brunico et Renon se maintiennent dans l'élite avec des moyens plus faibles. Cette tendance à toujours vouloir jouer le titre pour être digne de son statut, c'est d'ailleurs ce qui a contribué aux difficultés de Bolzano qui termine chaque saison en déficit.

Bolzano s'est inscrit au dernier moment, mais a conservé son duo de gardiens Muzzatti/Hell et la plupart de ses cadres italiens avec les frères Ramoser, Zisser ou le capitaine Timpone. Pour compléter son effectif, il a fait comme les autres et engagé un entraîneur suédois. Quand une mode est lancée... Bien sûr, Johan Strömwall, dont c'est la première expérience comme entraîneur après deux ans comme directeur sportif de Luleå, accueille lui aussi des compatriotes. Il s'agit de deux défenseurs, l'ancien champion du monde Oskar Åckerström (38 ans) et Torbjörn Johansson, qui visite un quatrième pays en quatre ans après l'Allemagne, la Russie et l'Autriche. En attaque, par contre, le vétéran appelé à la rescousse est canadien, il s'agit de l'ex-international Rob Zamuner. Leur expérience ne sera pas de trop, espérons qu'ils auront aussi la motivation pour aider Bolzano à sortir de la crise.

 

Je vous épargne tout de suite le suspense : oui, Alleghe a recruté un entraîneur suédois. Il s'appelle Mats Lusth. Quant aux Scandinaves de service, ce sont un gardien, Jonas Forsberg, ex-international junior à la carrière perturbée par un genou récalcitrant, et deux attaquants. On se demande si Johan Bülow, joueur très travailleur d'Elitserien, pourra prendre des responsabilités offensives, et si Jimmy Lindström est vraiment le buteur annoncé par son nouveau club, car sa production en Allsvenskan a été inconstante. La régularité, c'est aussi le problème de Mike Harder, qui revient en Italie deux ans après avoir quitté Merano pour la DEL. Il y a été exceptionnel un mois en conduisant Francfort au titre, et décevant le reste du temps. Alleghe manque d'un buteur étranger sûr et devra s'en remettre à ses cadres italiens, comme le régulier - lui - Daniele Veggiato, ou encore le capitaine Lino de Toni qui reste sur une saison difficile.

En jeu de puissance, l'aide pourrait venir de l'arrière, avec le défenseur offensif américain Mat Snesrud et le peu technique vétéran de NHL Steve McKenna. Ils contribuent à donner une dimension physique supérieure aux Civette, qui présentent une équipe solide mais trop limitée offensivement. Notons que le président Nilo Riva, pris en grippe par les partisans milanais en particulier pour ses arguments répétés en faveur d'une limitation des étrangers, a souhaité passer la main pour favoriser une nouvelle dynamique. Son successeur, le dentiste Marco Boni, a des idées proches et souhaite continuer avec une "politique des petits pas" pour construire une équipe appelée à durer.

 

Le nouvel entraîneur de Fassa s'appelle Lars Molin. Je ne vous ferai pas l'injure de vous préciser sa nationalité. Fameux pour sa brillante carrière de joueur mais aussi pour sa pédagogie comme entraîneur, il se dit adepte d'un fore-checking agressif, mais il n'est pas sûr qu'il ait les moyens de l'imposer avec Fassa. À part l'adroit Italo-Canadien Luca Felicetti, les maillons importants de l'effectif sont tous partis : Rymsha, McNevin, Rochefort, Signoretti... et même le capitaine Stefano Margoni, que le club a consenti à prêter à Bolzano.

Les recrues pourront-elles être toutes du même niveau ? À première vue, non. Moins de talent, moins de physique... L'attaque n'a pas les moyens techniques de ses rivales et ne peut compter que sur son envie. La défense a beaucoup de mal à imposer sa loi dans sa zone et laisse trop d'espaces à l'adversaire. Et dans les cages, le duo formé par Fredrik Jensen - un Suédois qui avait signé un contrat à Tours en juin dernier avant que la crise y éclate - et le local Andrea Carpano ne donne pas tous les gages de sérénité. Fassa avait enchaîné quelques bonnes saisons en recrutant surtout des Canadiens, mais ceux-ci sont partis après avoir utilisé cette équipe comme tremplin. Son effectif de base est trop faible par rapport aux clubs du Haut-Adige, et comme les bons coups étaient plus difficiles à trouver sur le marché, il est devenu le petit poucet du championnat.

Marc Branchu

 

 

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