Autriche 2005/06 : présentation

 

La relégation de l'Autriche lors de son championnat du monde à domicile va-t-elle porter un coup de fatal à son hockey ? Pas forcément. À court terme, le championnat ne s'en ressent pas trop. Pendant que la version allemande de la chaîne payante Premiere ne retransmet plus qu'un match de DEL par semaine en attendant l'hiver, son homologue autrichienne fait exactement l'inverse, en diffusant désormais un match de chaque journée de championnat (ce qui fait un match sur trois compte tenu du nombre de clubs !). L'intérêt du public continue globalement de croître saison après saison.

À plus long terme, l'optimisme est plus mesuré. Si l'Autriche devrait très prochainement revenir dans l'élite, on constate aujourd'hui que les clubs - aux finances toujours aussi opaques - sont moins enclins à investir dans le hockey mineur ou à faire jouer les jeunes. Alors que les équipes avaient souvent joué à quatre lignes ces dernières saisons, on assiste à un retour en arrière sous la pression d'un championnat à sept extrêmement disputé. La nouvelle génération autrichienne avait profité d'un temps de jeu conséquent en élite, aujourd'hui le niveau du championnat a monté mais les portes se referment lentement sur les plus jeunes.

 

Grâce à la puissance financière de Red Bull, Salzbourg s'annonce comme le nouvel épouvantail du hockey autrichien. Ce club qui s'est même permis de battre une équipe d'Elitserien (Södertälje) en pré-saison a recruté des noms qui comptent bien au-delà des frontières autrichiennes. Le premier choc a eu lieu dès le printemps avec le recrutement d'une célébrité internationale comme entraîneur, Hardy Nilsson, l'homme qui n'a jamais rien gagné avec l'équipe de Suède. Après Mats Waltin l'an dernier à Klagenfurt, ce sont donc les deux inventeurs du torpedo qui auront débarqué en Autriche. Sauf que l'euphorie des premières semaines de mandat de Waltin a fini par s'estomper. Pour faire mieux que son ancien collègue, Nilsson devra amener sa formation au titre. Le retour au hockey de clubs, où il a un long palmarès qui contraste avec ses échecs avec la Tre Kronor, lui permettra-t-il de renouer avec la victoire ?

Sur le papier, l'effectif est très séduisant. Comme si ses moyens financiers impressionnants ne suffisaient pas, Salzbourg a un "bonus" par rapport à ses adversaires. Pour sa deuxième saison en élite, il a encore le droit d'engager un étranger de plus que ses adversaires. Cette exception faite pour aider les clubs qui montent s'applique désormais à une équipe qui n'en a vraiment plus besoin. Quand les étrangers en sa possession sont d'anciens internationaux du calibre de l'Américain Darby Hendrickson ou du Finlandais Juha Lind, un sixième import paraît superflu. On a d'ailleurs hésité avant d'en engager un, et puis finalement, on s'est dit qu'un bon joueur de SM-liiga en plus (Frank Banham), ça ne peut pas faire de mal. Si Salzbourg n'a guère besoin d'aide sur son quota d'étrangers, c'est qu'il a de quoi s'offrir quelques-uns des meilleurs joueurs autrichiens, rentrés au pays grâce aux salaires offerts. En attaque, il s'agit du capitaine de l'équipe nationale Dieter Kalt et du physique et technique Mathias Trattnig. En défense, André Lakos amène son gabarit pour faire le ménage et Martin Ulrich son métier dans les relances. Les supporters très gâtés n'ont qu'un seul regret, ne plus voir leur chouchou Rafael Rotter, junior de 18 ans parti tenter sa chance au Canada en junior majeur.

 

À l'opposé de ce club venu de nulle part, il y a le modèle de stabilité Villach. Comme toujours, il se qualifiera pour les play-offs où il faudra compter avec lui. Dans un championnat où chaque club qui se retrouve en bas de classement vire très rapidement son entraîneur, le VSV est le seul qui paraisse capable de digérer sereinement une crise passagère. Il s'est assez mordu les doigts d'avoir viré Greg Holst à une époque qu'il devrait quoi qu'il arrive le conserver toute la saison maintenant qu'il a fait un retour triomphal. Ici, on reste pour longtemps, à l'instar des "postiers" Wolfgang Kromp et Günther Lanzinger, présents dans l'équipe depuis deux décennies. Les vétérans ont obtenu un congé de leur employeur, la poste nationale autrichienne, et pourront se consacrer entièrement au hockey. Cela n'a pas toujours été le cas et leur a fait parfois décliner des sélections internationales faute de pouvoir se libérer.

En talent pur, le VSV ne peut pas approcher Salzbourg. Mais c'est normal. La culture du club repose sur des équipes travailleuses et dures au mal. Quand un joueur s'écarte de cette norme, il est parfois regardé de travers, comme le technicien Roland Kaspitz qui revient à Villach où il devra convaincre les puristes du jeu physique parmi les supporters. La force des Carinthiens, c'est leur défense de fer, complétée par les deux Canadiens Darrell Scoville, rude joueur d'AHL, et Mickey Elick, défenseur offensif venu de Linz. L'attaque a par contre perdu le meilleur marqueur de la saison dernière, Jason Krog, dernièrement engagé comme joker par Genève-Servette. Pour le remplacer, il faudra que Dany Bousquet retrouve son niveau d'il y a deux ans à Fribourg-en-Brisgau après une seconde saison décevante en DEL.

 

Placé depuis des années parmi les favoris, Innsbruck, n'arrive pas à concrétiser malgré des recrutements toujours séduisants sur le papier. Cette année, c'est le contraire. Les Tyroliens ont une équipe clairement moins dense que leurs adversaires, mais peut-être plus travailleuse. Une chance ? Innsbruck n'a pas fait d'efforts sur son contingent autrichien, même au poste de gardien où Claus Dalpiaz est de plus en plus inconstant. Le HCI comptera sur la révélation de quelques jeunes ou sur les beaux restes de vétérans comme Andreas Pusnik, qui compense sa lenteur et son âge avancé par son intelligence de jeu.

Clairement, Innsbruck a tout misé sur des Canadiens. Non pas sur des vedettes mais sur des joueurs plus anonymes comme il en existe des centaines au pays du hockey : des types rudes au bon gabarit et prêts à tout pour réussir... même à passer à la télé. Daniel Jacob, un défenseur sans expérience pro, est ainsi célèbre pour avoir joué dans le programme de télé-réalité canadien "Making the Cut", dont le vainqueur se voyait offrir une place au camp d'entraînement des Canadiens de Montréal. Le pauvre Jacob n'avait que sa persévérance pour lui, et il a été le premier joueur viré du championnat autrichien, après seulement quatre journées. On l'a remplacé par Dominic Périard... qui avait lui aussi participé à la même émission de télévision ! Ces gars-qui-n'en-veulent devraient être plus faciles à gérer pour le nouveau coach Alan Haworth que les stars du SC Berne, auxquelles il avait eu du mal à imposer son autorité pour sa première expérience comme entraîneur-chef. Il n'aura qu'un seul caractère difficile à tenir, mais quel caractère ! Todd Elik, seul nom fameux de l'effectif, est bien connu en Suisse pour son style sans compromis.

 

Tout s'est déroulé comme dans un rêve pour les Vienna Capitals : après un temps de rodage, ils ont dominé la saison 2004/05 et ont ramené le titre dans la capitale pour la première fois depuis 43 ans. Maintenant, le plus dur commence. Nommé sélectionneur national, Jim Boni ne sera plus uniquement investi dans le club, et de plus il n'a pas l'équipe qu'il aurait souhaitée. Les investissements de l'été dernier ont payé, mais désormais les Viennois sont dépassés par plus riches qu'eux. Parmi les cadres de l'équipe championne, ils ont conservé le défenseur Darcy Werenka, promu capitaine, et le duo offensif composé de Bob Wren et de Mike Craig, mais ils ont perdu quatre joueurs majeurs : Chabot, Kalt, Chyzowski et Lukas.

Vienne n'est pas démuni pour autant. Jeff Maund, meilleur gardien du championnat italien, succède à Frédéric Chabot. Et même le capitaine Dieter Kalt, difficilement remplaçable par un Autrichien au poste de centre, a pu l'être. Car, et c'est un signe d'un championnat redevenu attirant pour les expatriés, l'espoir encore jeune Oliver Setzinger est revenu au pays après plusieurs années en Finlande. Il a un mauvais Mondial à se faire pardonner, de même d'ailleurs que Gerald Ressmann. Ce joueur qui n'utilise pas son physique commençait à agacer les supporters de Klagenfurt au bout de huit saisons. La profondeur de banc a aussi diminué, notamment en défense avec six arrières dont un inexpérimenté (Mario Altmann).

 

Alors que la crise financière plus aiguë que jamais semblait annoncer la fin, un groupe d'investisseurs réuni autour du juriste et ex-hockeyeur Willi Wetzl a finalement permis que le hockey de haut niveau continue à Linz. On efface tout, on prend un "nouveau" nom ("Sportunion EHC Liwest Black Wings Linz" au lieu de EHC Black Wings Linz "tout court") et on repart... L'équipe-réserve a été supprimée, ses membres retournant pour la plupart en juniors, mais l'équipe première a été conservée dans sa grande majorité. C'est une base solide à laquelle il n'a finalement manqué qu'un détail l'an passé, mais un détail extrêmement important : l'efficacité offensive. Les coéquipiers de Kent Salfi, le meilleur patineur du championnat, et du capitaine courage Christian Perthaler, revenu d'une sévère bronchite et d'une blessure au genou, ont besoin d'un déclic offensif. C'est pourquoi arrivent deux joueurs du champion Vienne, le buteur Dave Chyzowski et le défenseur (trop ?) offensif Robert Lukas.

Au vu de la concurrence, le retour au sommet sera difficile. Le club vise cependant les play-offs, et il le faut pour satisfaire ses supporters loyaux. Ceux-ci mettent généralement une ambiance du tonnerre, ambiance habituellement entretenue par l'enthousiaste Gerold Rachlinger, un speaker très apprécié... sauf par la commission d'arbitrage. Celle-ci a fait savoir à l'intersaison qu'elle souhait que les règles soient appliquées à la lettre et que seules les annonces officielles soient prononcées au micro. Au premier match à domicile, "Geroldov" a commencé chacune de ces interventions par : "Et voici une annonce de votre speaker tout à fait neutre..." Ambiance, ambiance...

 

Le vice-champion Klagenfurt n'a plus une équipe capable de poursuivre les ambitions offensives introduites par Mats Waltin l'an dernier. Son attaque a beaucoup perdu en vision du jeu et en maîtrise du palet, et sa défense manque de vitesse. Les meilleurs joueurs autrichiens ne jouent plus en Carinthie, c'est un fait, ils ont été tous attirés par les salaires de la plaine... sauf un, parti bien plus loin. Daniel Welser, un des joueurs les plus talentueux de l'équipe d'Autriche, a refusé le pont d'or de Salzbourg et a préféré tenter sa chance en Suède, où il a trouvé une place dans un très fort club de deuxième division, Skellefteå. À l'heure où plusieurs internationaux rentrent à la maison, privilégiant le confort à la poursuite d'une carrière à très haut niveau, Welser choisit un chemin plus difficile, alors qu'il est bien moins connu à l'étranger qu'un Setzinger ou qu'un Trattnig. Un choix courageux, mais qui tombe mal pour Klagenfurt.

Le comble pour un club formateur, les meilleurs Autrichiens du KAC sont désormais des naturalisés. Il donne en effet une seconde chance à Ryan Foster, ancien meilleur marqueur de la Bundesliga qui y avait perdu sa place car sa condition physique dénotait un manque de professionnalisme. Après un purgatoire en division inférieure - la Nationalliga - il revient à la faveur d'un passeport autrichien tout frais mais nul ne sait s'il retrouvera son niveau antérieur. Or, on a besoin de lui. Il est le second homme-clé, après le gardien Andrew Verner, longtemps blessé la saison passé. Cet élément essentiel évoluera derrière une défense qui n'est plus de première jeunesse, avec Viveiros, Ivanov et la nouvelle recrue Ricard Persson.

 

Deux fois champion d'Autriche, l'ATSE Graz était le club mythique de la ville, jusqu'à ce que le mécène Hannes Kartnig le fasse fusionner avec l'UEC Graz au début des années 90. L'équipe ainsi créée, l'EC Graz, était alors la plus riche du pays mais n'a jamais obtenu le titre. Finalement, Kartnig s'est lassé et a lâché le hockey pour devenir président du club de football de Sturm Graz. Un nouveau club est alors né en 1999 (d'où son nom), qui a voulu marquer sa différence avec le passé. Mais pour les supporters, le hockey à Graz est intimement lié avec les initiales "ATSE", et ce sont encore elles qu'ils scandent dans les tribunes. Cela a le don d'exaspérer les dirigeants actuels, qui veulent les bannir. Ils veulent recouvrir ces "chants interdits" par des sons lancés automatiquement par ordinateur ! Même Anschutz n'avait pas osé ça à Berlin, où les supporters chantent toujours "Dynamo", appellation de l'ex-RDA à la rigueur plus gênante politiquement que cet ATSE historique qui n'a fait de mal à personne. Il y a danger que cette volonté d'imposer sa volonté de force aux supporters finisse par exaspérer le public, surtout dans une saison qui risque d'être difficile sportivement.

Après deux championnats étonnamment bons, Graz ne pourra pas toujours faire des miracles. Les cadres d'origine des 99ers, Florian Iberer et Gerd Gruber, ont quitté la défense, qui ne repose plus que sur les naturalisés Jiri Hala et Jeremy Rebek. En attaque, tout tourne autour des étrangers. Warren Norris, l'homme aux quarante buts lors du dernier championnat, devra confirmer. Le centre canadien J.C. Ruid n'ayant pas convaincu, on l'a remplacé par Marcel Rodman, qui avait laissé de bons souvenirs à Graz il y a trois ans. Depuis sa blessure à l'œil en Allemagne, le Slovène a eu du mal à retrouver son niveau et n'a pas été engagé par Malmö et Salzbourg qui l'avaient pris à l'essai. Le gardien Scott Fankhouser cherche aussi à relancer sa carrière qui l'a conduit à jouer une vingtaine de parties en NHL mais l'a vu atterrir ces deux dernières saisons en 2. Bundesliga allemande puis en ECHL. Vu le niveau actuel de la concurrence, Graz s'apprête à souffrir.

Marc Branchu

 

 

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