Russie 2005/06 : présentation

 

L'intersaison a été particulièrement mouvementée en Russie. Elle a commencé par la création d'un syndicat des joueurs à l'initiative de l'ancien dirigeant de l'Avangard Omsk, Anatoli Bardin. Ce syndicat a obtenu une première victoire en défendant avec succès l'international biélorusse Mikhaïl Grabovsky, qui risquait une suspension de deux ans pour avoir signé deux contrats, dont un avec Kazan qui a été contrefait ou au moins post-daté alors qu'il ne l'avait pris que comme secours si ça ne marchait pas au Dynamo. C'est une des multiples affaires qui a gangrené l'été. Jamais on n'a vu autant de recours et d'arbitrages à n'en plus finir. Les clubs russes ont intérêt à mettre de l'ordre et de la clarté dans leurs règlements s'ils veulent négocier directement avec la NHL. Or, c'est leur objectif puisqu'ils n'ont pas signé l'accord-cadre de l'IIHF qui définit les transferts outre-Atlantique, jugeant les compensations trop faibles pour subvenir aux coûts de formation dans un pays où les parents n'ont pas les moyens de subventionner la pratique sportive de leurs enfants comme en occident.

Chacun ayant l'intention d'exploiter les moindres failles juridiques, la multiplication des querelles est difficile à calmer. À défaut de sanctionner les clubs, à défaut de pénaliser les joueurs, on a décidé de suspendre les licences des agents, ce qui mettra tout le monde d'accord. Mikhaïl Lukin, l'agent de Grabovsky, et Guennadi Ushakov, l'agent de Fedor Fedorov qui a trompé le Spartak (le contrat a été annulé car signé par le père, Viktor Fedorov, qui n'en rate pas une), ont vu leurs licences retirées pour six mois.

Les mesures impopulaires, par contre, ne sont toujours pas à l'ordre du jour de la PHL, la ligue professionnelle qui gère les deux premières divisions. Après l'instauration de la promotion sans relégation, les clubs ont pris une autre décision pour faire plaisir au plus grand nombre, l'élargissement des play-offs à seize équipes (sur dix-huit). Quelques règles ont quand même été instaurées pour limiter les excès. Un plafond salarial de quinze millions de dollars a été mis en place, avec autorisation d'engager deux joueurs hors plafond aux rétributions illimitées. De plus, une taxe de dix mille dollars devra être versée pour chaque joueur étranger sous contrat. L'argent ainsi récolté servira à l'organisation des finales des championnats de Russie des différentes catégories d'âge.

 

 

Après avoir été appointé à ce poste en catastrophe en avril dernier, Vladimir Krikunov a déjà appris à jouer de sa casquette de sélectionneur pour faire comprendre que le Dynamo Moscou était le tremplin idéal vers l'équipe nationale. Mais cela n'a pas empêché le champion de se fâcher avec son meilleur poulain Aleksandr Ovechkin, puis de devoir composer avec les volontés de départ du meilleur joueur russe de la saison écoulée Pavel Datsyuk, tiraillé entre Moscou et Omsk. Surtout, le Dynamo a été victime cet été d'une attaque en règle d'Ak Bars Kazan qui s'est servi dans son effectif en prenant sept joueurs. La province a contre-attaqué, et les bleu et blanc, après avoir ramené le titre dans la capitale, ont tout à reconstruire.

Ils n'ont gardé intacte qu'une ligne offensive, Mirnov-Shakhraïchuk-Kharitonov, qui ne sera d'ailleurs même pas conservée telle quelle, puisque Krikunov veut aligner Kharitonov avec Sushinsky et Datsyuk (?) sur une ligne à vocation internationale. Autour du renfort tchèque Pavel Rosa, qui reste sur une très bonne saison, et des recrues Skugarev et Spiridonov, le reste de l'attaque a été rajeuni. En défense, hormis Skopintsev, les "vieux" (Troshchinsky, Zhdan, Bulin) sont aussi partis, et Andreï Markov est retourné en NHL. Leurs remplaçants sont peut-être encore un peu tendres. Seul le secteur des gardiens n'a pas souffert, puisque l'excellent Vitali Eremeïev a été rejoint par un autre international, Zvyagin remplaçant Eremenko. Ce n'est plus l'effectif impressionnant de l'an dernier, mais il reste dans le cercle des favoris.

 

L'Avangard Omsk s'est étripé avec le Dynamo tout l'été, notamment sur Aleksandr Ovechkin qui a mis tout le monde d'accord en partant en NHL. Les Sibériens diront que ce sont les Moscovites qui ont commencé en contactant en février l'entière ligne-phare d'Omsk, Sushinsky-Prokopiev-Zatonskiy, régulièrement la meilleure du championnat depuis des années. Elle est désormais brisée puisque Maksim Sushinsky est parti au Dynamo, où il rêvait de jouer avec Pavel Datsyuk... qui a fait le chemin inverse en signant à Omsk le jour de la date limite des transferts, l'avant-veille du coup d'envoi de la saison ! Les meilleurs joueurs russes "s'arrachent", au sens propre du terme, et personne ne veut lâcher. Il y a une exception, le défenseur Oleg Tverdovsky (sans doute en raison de sa fragilité). Il s'est étonné de ne pas recevoir de propositions satisfaisantes en Russie et est finalement retourné en NHL à Carolina. Jaromir Jagr, après avoir annoncé que le cœur l'appelait à Omsk mais que la raison lui dictait de rentrer aux New York Rangers, a finalement conclu que la raison a ses raisons que le cœur ignore.

L'Avangard a donc perdu toutes ses stars et ses figures marquantes (Jagr, Sushinsky, Tverdovsky, Prokopiev parti au Khimik, le gardien Sokolov...). À part Datsyuk, dont le feuilleton n'est pas terminé, qu'a-t-il à proposer en retour ? Tout de même Alekseï Troshchinsky, le capitaine du Dynamo, Artem Chubarov, qui a vécu un retour difficile en Russie l'an dernier en se blessant avant les play-offs, Aleksandr Svitov, de retour dans son club formateur, et Milan Kraft, le jeune attaquant tchèque qui restait sur une saison à quarante points avec Pittsburgh avant le lock-out. Pas si mal, en dépit des rumeurs sur un éventuel désengagement du sponsor pétrolier Sibneft, qui vient d'être racheté à 70% par le géant du gaz Gazprom. Bien que le club soit en retard sur ses rivaux en ce qui concerne la construction d'une patinoire de nouvelle génération, la compagnie pétrolière de Roman Abramovich a déjà financé pour sept millions d'euros un projet de bâtiment moderne et parfaitement équipé pour le hockey mineur. L'occasion de montrer que l'Avangard n'est pas un club flambeur et que les autorités locales ont des projets d'avenir, non seulement pour Omsk, la métropole de plus d'un million d'habitants, mais aussi pour le reste de la région, composée par ailleurs de petites villes. Des patinoires couvertes seront ainsi construites au nord, à Tara, et au sud, à Isilkul, à la frontière du Kazakhstan.

 

Le Metallurg Magnitogorsk a déjà signé le contrat avec une compagnie finlandaise pour sa future patinoire, mais il a surtout fait l'évènement en devenant le premier club russe à engager un entraîneur canadien. L'expérience du Bélarus aux derniers championnats du monde n'aura pas mis longtemps à donner des idées. Barry Smith ayant été retenu en NHL, le candidat choisi a finalement été Dave King, que sa longue expérience des compétitions internationales aidera sûrement à s'adapter au monde très différent du hockey russe. Il aura une certaine pression car Magnitka a été très tôt désigné comme le possible favori du championnat. Un jugement à nuancer car il n'a recruté qu'un seul joueur étranger, Travis Scott (son collègue dans les cages, l'Ukranien Konstantin Simchuk, a un passeport russe). Dave King va devoir gérer des joueurs de champ tous russes, et le choc culturel sera donc complet.

Il a toutefois l'intention de suivre la tradition offensive qui a fait la gloire de Magnitka, mais en mettant l'accent sur des points qu'il estime faibles, comme les mises au jeu. À ce poste de centre, il couvera en particulier Evgueni Malkin. Le seul joueur sous contrat en Russie dont la NHL autorisait le recrutement (elle adopte sinon une position prudente de retrait face à la volonté des Russes de ne pas accepter l'accord IIHF/NHL) a choisi de rester encore une saison dans son club formateur avant de rejoindre Crosby et Lemieux à Pittsburgh. L'attaque ouralienne sera encore pleine d'entrain, avec le renfort du jeune Stanislav Chistov. La défense, plus solide et moins frivole, a été renforcée de deux jeunes élevés à la baguette à Togliatti, Malenkikh et Seluyanov, mais aussi du vétéran Dmitri Yushkevich, qui a été le meilleur compteur des arrières dans le dernier championnat.

 

Fini les stars logées à l'hôtel cinq étoiles, les dizaines de millions dépensés en vain, AK Bars Kazan revient à la raison. La saison dernière a prouvé par l'absurde que ce ne sont pas les noms les plus cotés qui apportent forcément le plus. Ceux qu'on attendait le moins et qui ont amené le plus - Morozov et Brathwaite - ont été conservés. Les nouveaux Canadiens n'ont pas la renommée de leurs prédécesseurs. Le défenseur Raymond Giroux et le centre Jeff Hamilton ne sont des stars qu'à l'université de Yale, dont ils sont parmi les meilleurs joueurs de l'histoire. Mais s'ils n'ont fait qu'un bref passage en NHL, ils ont l'avantage de connaître le jeu européen en ayant déjà une expérience en Finlande. Quant aux autres recrues, elles ont fait leur preuve quant à leur cohésion et leur capacité à gagner, puisqu'elles ont toutes été piquées au Dynamo... L'homogénéité, ça s'achète aussi ?

Ne reste-t-il plus rien des fastes du millième anniversaire ? Si ! Un héritage subsiste, une nouvelle patinoire de 10 500 places qui a été opportunément baptisée Kazan-1000. Elle a été copiée sur la Preussag Arena de Hanovre, jusqu'à recruter le célèbre groupe de cette ville, les Scorpions, pour le concert d'ouverture. Mais le plus incroyable dans cette salle est son délai de livraison. Il a fallu moins de treize mois à 860 ouvriers se relayant en trois huit pour la construire. Ak Bars, qui évoluait jusqu'ici dans une patinoire vieille de quarante ans, est cette fois bien entré dans le nouveau millénaire.

 

Le Lokomotiv Yaroslavl est plus que jamais le modèle de discrétion au sein du peloton des favoris. Il n'a pas d'actualité immobilière (et pour cause puisqu'il dispose déjà depuis plusieurs années de la plus belle patinoire du pays) et il est très sage sur un marché des transferts extrêmement agité. Il s'appuie toujours sur une base de joueurs formés au club, qu'il sait garder à la différence d'autres écoles réputées comme le Dynamo et le CSKA. Il n'a engagé que six nouvelles recrues pour son équipe première, dont une seule en attaque. Il s'agit du centre Andreï Taratukhin (ex-Ufa), qui vient de faire des débuts internationaux réussis en remplaçant au pied levé Datsyuk sur la première ligne russe.

Le gardien Stephen Valiquette succède à son compatriote Marc Lamothe, mais c'est la défense qui a subi le plus de modifications. Après le départ des deux internationaux Karpovtsev et Ryazantsev, le Lokomotiv a recruté Oleg Davydov et Nikolaï Ignatov, qui s'étaient connus à Magnitogorsk, Alekseï Semenov, qui était parti très tôt en Amérique du nord avant de revenir l'an dernier à Saint-Pétersbourg, et surtout l'arrière tchèque Karel Rachunek. Le changement le plus spectaculaire a lieu sur le banc. Vladimir Yurzinov, l'entraîneur russe qui a eu le plus de succès à l'étranger, revient au pays à soixante-cinq ans après de longues années à Kloten. Son assistant Evgueni Popikhin revient aussi d'une carrière en Suisse.

 

Au Lada Togliatti, le poste important est celui de gardien. Si Piotr Vorobiev en change chaque année, c'est peut-être qu'il veut en trouver un qui soit capable d'enchaîner dix blanchissages de suite. Après tout, c'est un minimum quand on connait les barbelés qui sont fournis en défense à ces portiers. La piste Félix Potvin a été un temps prioritaire, mais l'heureux élu est finalement le gardien tchèque Adam Svoboda, mécontent de n'être que doublure de Lasak à Pardubice.

Les joueurs qui sont partis (Kozlov, Semin, Skugarev, Zubrus, A. Titov, Y. Butsaïev) représentent plus de la moitié des buts inscrits l'an dernier. Les nouveaux arrivants, y compris la vedette Andreï Nikolishin et l'ex-Milanais Daniel Tkaczuk, ne sont pas vraiment des purs buteurs. Autant dire que les éclairs d'inspiration ne seront plus tolérés, et que la jeune et obéissante équipe de Vorobiev remettra l'accent sur son travail collectif et ses éternels schémas défensifs.

 

Déjà l'an dernier, on ne devait plus dire plus le Khimik Voskresensk mais le Khimik du Moskovskaïa oblast, la région de Moscou. Certains commencent même à parler du Khimik de Mytishchi puisque c'est dans cette ville que jouera désormais l'équipe senior. Mais en fait, le plus simple est encore de dire le Khimik de Gromov. Car c'est le gouverneur de la région de Moscou, Boris Gromov, qui décide du destin du club. Il s'est retrouvé avec sur les bras un complexe de 7500 places situé à Mytyshchi, ville de proche banlieue à douze kilomètres de Moscou. Il s'agissait au départ d'un grand projet du Spartak, mais il l'a abandonné en cours de route. Alors, pour avoir un club résident, il n'a pas hésité à déposséder Voskresensk, ville qui a formé six champions olympiques de hockey mais située trop loin de la capitale au goût du gouverneur, de sa fierté. Pour que les mécontents s'identifient toujours au Khimik délocalisé, on a fait revenir des joueurs formés à Voskresensk, Cherbaïev et Zelepukin, mais ça ne prend pas. Et le plus grand hockeyeur issu de Voskresensk, Igor Larionov, a déclaré : "Bien sûr, je suis contre. C'est une page de la riche histoire de notre hockey qui se ferme. Pour beaucoup à Voskresensk, le hockey est une part de leur vie. Maintenant, les gens vont être privés de spectacle. Si l'équipe déménage à Mytishchi, elle perdra une grande partie de ses supporters."

Alors, pour amadouer les habitants de Voskresensk, le gouverneur leur a offert une autre équipe, mais au niveau inférieur. Un nouveau "Khimik Voskresensk" qui a en fait été récupéré à Elektrostal, une autre ville sous sa juridiction, à l'est de Moscou. On ne sait à quoi les partisans du Kristall Elektrostal auront droit en échange. Il est comme ça, Gromov, il aime bien faire mumuse à déplacer ce qui ne lui appartient pas. D'ailleurs, il fait pareil avec les joueurs. Depuis plusieurs années qu'il est aux commandes, l'équipe est presque entièrement modifiée chaque saison, voire en cours d'année. Cela n'a pas manqué cette année. La défense, maintenant emmenée par le champion du monde Jan Hejda, a été intégralement renouvelée. L'attaque a récupéré de nombreuses têtes connues de la Superliga, avec la présence "bonus" d'Ilya Kovalchuk, pas pressé de retourner à Atlanta surtout que son ami Heatley en est parti. Sous la direction de l'entraîneur tchèque Milos Riha, le Khimik a un effectif qui en fait l'outsider n°1 du championnat, capable de rivaliser avec les six leaders habituels.

 

Après une saison où les cadres vieillissants n'ont pas tenu la distance, le Severstal Cherepovets devait rajeunir son équipe. Il était donc logique de recruter comme entraîneur un chantre notoire de la jeunesse, Vladimir Plyushchev. Celui-ci a rappelé à lui des joueurs à qui il avait fait confiance quand il était sélectionneur, comme Roman Malov, le seul joueur à avoir atterri en équipe nationale alors qu'il jouait en deuxième division à Nijni Novgorod. Il lui donne à nouveau sa chance en le faisant revenir dans l'élite. Seconde chance également pour Igor Grigorenko, qui serait sans doute resté international même sans Plyushchev s'il n'avait pas eu son accident de la route. C'est maintenant l'année ou jamais pour qu'il retrouve son niveau, et l'entraîneur compte beaucoup sur son duo Grigorenko-Trubachev, deux joueurs de vingt-deux ans chacun.

La carte jeune de Plyushchev fonctionnera-t-elle ? C'est derrière que l'inexpérience pourrait être la plus problématique, avec seulement quatre joueurs de plus de vingt-quatre ans. Le trio étranger permet d'amener du métier. Le Severstal a recruté deux Slovaques champions du monde en 2002, l'arrière Ladislav Cierny et l'attaquant Radovan Somik. Le troisième poste sera pour un gardien canadien, ce qui n'a plus rien d'original dans le championnat russe. Marc Lamothe a déjà l'expérience de la Superliga puisqu'il arrive de Yaroslavl.

 

Pour le recrutement, le SKA Saint-Pétersbourg ne s'est pas foulé. Les équipes à monter en kit, c'est vraiment trop compliqué. Alors, il a pris l'option "tout compris". Tu achètes l'entraîneur, et treize joueurs sont fournis avec ! Nikolaï Soloviev avait glissé dans leurs contrats une clause les autorisant à quitter leur club, le Metallurg Novokuznetsk, s'il venait à partir. Imaginez le temps que cela aurait pris de remonter soi-même un collectif pareil, dont la qualité n'était plus à démontrer... Là, tout est prêt, livré à domicile en plus. Novokuznetsk, c'était la référence en matière de beau jeu. Exactement ce qu'il fallait pour ranimer les courageux amateurs de hockey de Saint-Pétersbourg anesthésiés pendant des années par le hockey bourrin et défensif prêché par Boris Mikhaïlov.

Et puis, l'ancienne capitale des tsars, ça en jette tellement plus qu'une ville minière des Kuzbass... Cela faisait trois ans que Soloviev tannait Maksim Ovchinnikov pour qu'il rejoigne son équipe. Niet, niet, et niet... Il a suffi d'un déménagement dans un cadre plus agréable pour que le jeune attaquant de Nijni Novgorod réponde "da". Mais l'arrivée la plus attendue par les supporters du SKA ne concerne aucun des disciples de Soloviev. Celui qu'ils veulent voir, c'est le gardien de la sélection russe Maksim Sokolov, qui a été opéré du genou début août et fait son grand retour dans sa ville natale.

 

Le hockey sur glace a fait la gloire du CSKA Moscou, il est aujourd'hui le cadet des soucis de ses deux actionnaires, qui sont les sponsors principaux des clubs de foot et de basket. Est-il condamné à contempler son lointain passé, lui qui a fait hisser son vingt-cinquième maillot (celui de son entraîneur mythique Viktor Tikhonov !) sous son toit constellé de joueurs de légende ? Faute de dirigeants intéressés, le CSKA a attendu la fin juin pour renouveler le contrat de son entraîneur Vyacheslav Bykov, alors que ses meilleurs joueurs étaient déjà partis et qu'il n'y avait encore aucune recrue. Même l'emblématique capitaine, le hargneux Nikolaï Pronin, a fini par claquer la porte pour aller au Khimik.

L'exode important a quand même trouvé quelques compensations. Certes le CSKA a vu quelques joueurs partir à Cherepovets (le défenseur Trakhanov et les jeunes attaquants Soïn et Polushin), mais il a récupéré en retour des vétérans victimes de la cure de rajeunissement de Plyushchev, à savoir Egor Bashkatov et Sergueï Krivokrasov. Ce dernier avait déjà joué au CSKA de 14 à 18 ans avant de partir en NHL comme tous les jeunes du club militaire à l'époque. Certes le CSKA a aussi subi le départ au Dynamo du prometteur Denis Kulyash, un défenseur international au lourd slap. Mais il a porté l'affaire devant la ligue, et après une procédure de négociation qui a duré tout l'été - la RHL enjoignant surtout les clubs de trouver un accord entre eux - il a obtenu deux arrières en compensation, dont Aleksandr Zhdan, qui a un lancer pas moins puissant que Kulyash mais qui a quelques années de plus. Résultat des courses, voilà que le CSKA se retrouve avec des "oncles" pour encadrer ses jeunes ! Des "oncles" qui n'ont pas une grande différence d'âge avec l'entraîneur Slava Bykov et qui devront accepter son autorité... Si c'est le cas, les Moscovites ont toujours une équipe capable avec un bon duo de gardiens, Skudra/Fomichev.

 

Le Salavat Yulaev Ufa a lui aussi été convoqué à la chambre d'arbitrage du sport pour le cas d'Andreï Zubarev, moins médiatique que d'autres. Ak Bars Kazan a réussi à trouver des irrégularités dans le contrat que ce junior avait signé avec son club formateur, ce qui a permis aux Tatars de dépouiller sans remords leur voisin bashkire. Malgré ce départ, et malgré ceux des espoirs russes Grigorenko et Tatarukhin, l'équipe dirigée par l'ancien entraîneur national des juniors Rafael Ishmatov reste une des équipes les plus jeunes de la Superliga. Les deux plus vieux de l'effectif sont en effet les deux gardiens Sergueï Nikolaïev (33 ans) et Andreï Mezin (31 ans).

Car Ufa s'est tourné vers le Bélarus pour se renforcer. Ce pays est revenu à sa vraie place dans la hiérarchie internationale, pour ceux qui l'avaient oublié, les joueurs y sont bon marché, et ils peuvent facilement y être assimilés russes (Mezin a son passeport depuis longtemps puisqu'il est russe et s'était retrouvé à Minsk à la chute de l'URSS par la coïncidence d'une affectation militaire). La recrue la plus importante est certainement Andreï Mezin, mais le Salavat a aussi mis à l'essai la meilleure ligne du championnat biélorusse, composée de Yaroslav Chuprys, Dmitri Mialeshka et Alekseï Krutsikov. Seuls les deux derniers ont été finalement conservés.

 

Après un retour peu brillant dans l'élite, le Spartak Moscou espère retrouver du lustre et de l'ambition. Il promet que bientôt une nouvelle génération de jeunes arrivera et se fera un nom en marchant sur les pas de ses aînés. Mais par exemple, les jeunes gardiens Medvedev et Barulin, récents internationaux juniors, auront-ils beaucoup de temps de jeu derrière Tyler Moss ? Car, en réalité, le Spartak compte surtout sur les quatre joueurs qu'il a recrutés en AHL.

Quatre qui ne sont déjà plus que trois avant même que la saison n'ait commencé. Le défenseur Richard Mrozik est tombé la tête la première sur la glace après une collision lors du tournoi de pré-saison de Perm, et de l'air s'est infiltré entre son cerveau et sa boîte crânienne. Il a été placé un temps en coma artificiel avant d'être rapatrié sur Moscou en train. L'avion lui est en effet interdit jusqu'à disparition des symptômes, et il reste donc sous surveillance médicale dans la capitale russe. Le Spartak se dit prêt à l'engager pour la saison suivante, mais rien ne dit que l'Américain, qui avait songé à arrêter le hockey pro avant de recevoir une offre intéressante de Russie, rejouera. En attendant, le club moscovite se repose sur ses deux recrues en attaque, Dave Ling, un Canadien qui a joué 93 matches de NHL pour Montréal et Colombus et a tourné à plus d'un point par match l'an dernier en AHL, et Mikhaïl Yakubov, un ex-international junior qui rentre en Russie à 23 ans après avoir joué trente parties de NHL avant le lock-out.

 

Imaginez en France un "Sarko Hockey Club" qui porterait fièrement les couleurs du ministère de l'intérieur. C'est le cas en Russie, où les autorités veulent que "le bleu revienne à la mode" pour paraphraser le conseiller politique de notre présidentiable annoncé. Le HK MVD Tver est une vitrine bâtie depuis un an à partir d'un club pas vraiment fameux, surtout connu pour être celui de la ville natale d'un certain Ilya Kovalchuk. Il doit porter fièrement les initiales du ministère, MVD, qui n'éveillent pas nécessairement une grande affection chez le citoyen moyen. Imaginez là encore en France un club qui s'appellerait CRS... Au moins les slogans seraient-ils tout trouvés pour les supporters adverses !

Les joueurs se doivent être des modèles qui représentent l'ordre et la sécurité. Pas la sécurité de l'emploi, par contre, car les simples flics ne doivent pas compter avoir de l'avancement. Les participants de "l'opération montée" ont été obligés de rendre leur insigne, y compris le commissaire, pardon, l'entraîneur Guennadi Tsygurov. On a remodelé toute l'équipe pour l'élite en ne tenant aucun compte du groupe qui avait été formé. Une grande campagne de recrutement a permis d'amener des vétérans du championnat comme le très technique Andreï Razin, qui ne voulait pas s'éloigner trop de Moscou, et les frères Butsaïev. Et cette année, promis, pas de bavures. On ne verra plus d'excès de zèle de fonctionnaires-supporters des agents de la force publique sur les équipes visiteuses, comme lors des play-offs contre Khabarovsk l'an dernier en Vysshaïa Liga.

 

Le Metallurg Novokuznetsk ne veut pas se relâcher sous prétexte que l'accès aux play-offs est désormais quasiment acquis. Le maire de la ville a fixé les objectifs, qui est comme avant de terminer dans les huit premiers. Mais cette tâche sera très rude pour Andreï Piatonov, l'ancien entraîneur des Krylia Sovietov. Car en partant à Saint-Pétersbourg, son prédécesseur Nikolaï Soloviev a réussi à emmener treize de ses joueurs avec lui ! Une politique de la terre brûlée qui est évidemment en travers de la gorge à Novokuznetsk.

N'empêche que tout un collectif est à reconstruire. Le club avait flairé le bon coup en engageant Vitali Kolesnik, le gardien du Kazakhstan révélé à un niveau insoupçonné lors de la dernière saison internationale. Mais il n'était pas seul sur le coup, et Kolesnik a été invité au camp NHL de Colorado. Il ne reste donc pour l'instant que Vadim Tarasov dans les cages. Pour compenser les départs, le Metallurg n'a pu recruter (à l'exception de Berdnikov, le vétéran du Severstal Cherepovets) que des joueurs de Vysshaïa Liga. Trois internationaux viennent s'ajouter à cet effectif recomposé sans trop de moyens : le défenseur biélorusse Andreï Bashko et les deux attaquants slovaques Martin Bartek et Richard Kapus, qui ont tous deux beaucoup de talent mais n'offrent pas les meilleures garanties quant à leur adaptation dans un championnat étranger.

 

Le Neftekhimik Nijnekamsk n'a toujours droit qu'aux miettes dans son écuelle, une fois que Kazan s'est servi. Mais pendant que son grand frère tatar a emménagé dans une salle ultra-moderne, Nijnekamsk a quand même enfin pu voir finir sa patinoire dont la construction avait été gelée il y a dix ans. Avec cinq mille cents places, elle lui permettra d'offrir des conditions dignes de celles qui seront bientôt obligatoires en Superliga.

Il pourra donc continuer de bâtir une équipe méritante sans autres renforts étrangers que les peu connus Tomas Starosta (Slovaquie), Roman Kozlov (Kazakhstan) et Kamil Piros (République Tchèque). Même pas de gardien canadien pour faire comme tout le monde ! C'est Andreï Tsarev, laissé de côté par les folies des grandeurs de Kazan (l'ex-international n'a joué que cinq matches derrière Brathwaite et Khabibulin), qui remplace Sergueï Zvyagin, qui a intégré l'équipe nationale à trente-quatre ans. Il n'y a pas d'âge pour se révéler à Nijnekamsk... Ce sont quand même surtout les jeunes attaquants que l'on observe, et si on s'est arraché Grabovsky cet été, la petite perle Alekseï Simakov est toujours là après son prêt de quelques mois à Kazan.

 

Le Sibir Novossibirsk a visé un peu haut en contactant le champion du monde Josef Vasicek, finalement retourné en NHL. En fait de renforts étrangers, il devra se contenter des défenseurs tchèques Miroslav Guren et Martin Cech ainsi que du gardien canadien Dieter Kochan, qui a fait bonne impression pendant la pré-saison. C'est un peu plus raisonnable d'avoir renforcé les lignes arrières car le Sibir reste une équipe de bas de tableau, à qui la nouvelle formule donne toutefois une chance d'accrocher les play-offs.

Contrairement à ce qu'on attend parfois des clubs de fond de classement, elle n'a pas spécialement une équipe jeune. Elle s'appuie plutôt sur des cadres expérimentés comme Oleg Belov, qui succède au retraité Ravil Yakubov comme capitaine, et ses assistants Denis Metlyuk et Vyacheslav Zavalnyuk, un défenseur international ukrainien. Cela peut suffire pour une seizième place, mais Novosibirsk ne verra que de très loin les représentants d'Omsk, la ville qui cherche à la concurrencer comme capitale sibérienne.

 

Le Molot-Prikamie Perm a déjà atteint un premier objectif, il a obtenu sa licence à l'intersaison malgré ses problèmes financiers qui ont plombé son retour en élite avec une mini-grève et une succession de défaites. Cette saison très difficile aura au moins permis de faire jouer quelques (très) jeunes, comme un défenseur d'à peine quinze ans nommé Yakov Seleznev. Peine perdue, le prodige a déjà été happé par Kazan qui l'a fait jouer en pré-saison pour le mettre au chaud ensuite dans un club tatar de niveau inférieur, le Neftyanik Almetievsk.

Il reste donc peu de motifs d'optimisme à Perm, où l'entraîneur Oleg Savchuk reste comme assistant de Vladimir Kryuchkov, qui s'occupait jusqu'ici de la réserve du Spartak. À quelque position que ce soit, le Molot n'a pas les moyens de recruter du personnel aux références élevées. Il se débrouille avec des juniors qui ont encore tout à prouver et avec des vétérans déjà oubliés, comme l'ex-international Yuri Kuznetsov qui s'était retrouvé en Vysshaïa Liga à Nijni Novgorod.

 

Le Vityaz Podolsk Chekhov, qui a trouvé le moyen de récupérer un piètre renfort étranger de Perm (Lukas Zib), pourrait n'apparaître guère mieux loti. En fait, ce club (qui a finalement déménagé pour toute la saison à Chekhov) dispose de moyens financiers bien plus conséquents. Après avoir utilisé le lock-out pour se faire aider dans sa promotion par des renforts NHL, il a réussi à conserver l'un d'entre eux, Aleksandr Korolyuk, en surenchérissant sur le contrat proposé par San José (1,5 million de dollars). Mais dépenser tant d'argent sur un seul élément n'est pas forcément une bonne solution.

Qui plus est, le Vityaz (chevalier) a recruté un pur "enforcer" de NHL, Reid Simpson, un joueur de 36 ans qui risque de détoner dans le championnat russe. L'argument selon lequel ce genre de joueur est là pour protéger les stars aura du mal à passer, puisqu'il n'y a qu'un seul joueur qui puisse un peu prétendre à ce statut. Simpson paraît surtout là pour masquer les limites du reste de l'effectif en prenant pour cible les joueurs adverses. Ce n'est pas du tout le genre de joueur qui va enrichir le hockey russe, et la polémique risque d'enfler...

 

 

Et en Vysshaïa Liga...

Qui seront les deux clubs supplémentaires qui rejoindront la Superliga l'an prochain ? Il y a deux équipes historiques qui n'ont plus le droit de se rater.

L'une est le Torpedo Nijni Novgorod, qui a bénéficié d'un transfert important. Il ne s'agit pas d'un joueur, mais d'un haut fonctionnaire : Valeri Shantsev était vice-maire de Moscou et président de la fédération de hockey locale. Il a été nommé gouverneur de la région de Nijni Novgorod et pourrait être encore un important soutien du hockey dans sa nouvelle fonction. Dans une réception où on lui a remis un maillot à son nom, il a promis que dans quelques années il verrait ses deux clubs favoris - le Dynamo Moscou et maintenant le Torpedo - en finale du championnat. On en est encore très loin. Pour l'instant, il faut déjà accéder à l'élite, condition indispensable pour lancer le projet de nouvelle patinoire. Et ce n'est pas encore fait, malgré les arrivées de l'ex-international Maksim Mikhaïlovsky - pour remplacer Mika Pietilä dans les cages - et de l'attaquant letton Aleksandrs Nizivijs. On note aussi le sympathique retour au jeu du jeune défenseur Alekseï Stonkus, qui avait été grièvement blessé à la colonne vertébrale il y a presque deux ans avec Yaroslavl contre Magnitka.

L'autre est le Traktor Chelyabinsk, qui a vu revenir dans son club d'origine Guennadi Tsygurov. Il devait initialement être embauché comme directeur sportif, mais comme l'entraîneur ukrainien Anatoli Bogdanov a filé au Vityaz, il fera lui-même office de coach. Et il a l'expérience des promotions puisqu'il a déjà fait monter Nijni Novgorod et Tver. Le Traktor s'est renforcé dans les cages avec Mike Fountain, l'ancien gardien du Lada... et du Mechel.

Car le Mechel Chelyabinsk, après avoir vu sa licence menacée par la ligue, a toujours l'intention de contrecarrer les plans de son rival. Il lui a soufflé sous le nez une recrue prestigieuse, Valeri Karpov, l'ancien capitaine de Magnitogorsk qui n'a pas pu retrouver de club de Superliga. À l'est, le troisième candidat à la montée sera l'Amur Khabarovsk, maintenant entraîné par l'ex-sélectionneur de la Pologne Andreï Sidorenko. Les autres concurrents sont moins dangereux puisque les clubs du Kazakhstan (Ust-Kamenogorsk et Karaganda) n'ont pas le droit de monter. Il y a failli avoir un troisième club invité de ce pays, le Gorniak Rudnyi, mais il a annoncé son engagement en Vysshaïa Liga sans avoir consulté la PHL, qui a réfuté l'information et l'a aussitôt renvoyé dehors d'un coup de pied dans le derrière.

À l'ouest, la promotion du MVD et du Vityaz a un peu dégagé la route aux autres prétendants. C'est peut-être l'année du retour en force des Krylia Sovietov Moscou, requinquées par l'arrivées de nouveaux investisseurs. Elles enregistrent en particulier l'arrivée de deux joueurs de Voskresensk, le vieux Dmitri Kvartalnov (39 ans) et l'ex-Lausannois Dmitri Shamolin. Malgré le départ de l'excellent junior formé au club Roman Voloshenko vers la NHL, la jeune équipe moscovite a ainsi récupéré plusieurs cadres de métier.

Marc Branchu

 

 

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