Le Mont-Blanc à la mesure

 

Ces dernières années, le Mont-Blanc, association de Saint-Gervais et de Megève, a eu comme principaux adversaires en division 1 ses collègues de Haute-Savoie. Les habitudes ont la vie dure, et le jeu des comparaisons reprendra forcément vis-à-vis des deux voisins dont on tente de se démarquer, Morzine et Chamonix.

Mont-Blanc vs Morzine

La réussite fulgurante de Morzine-Avoriaz fait forcément un peu envie chez les autres clubs de la région. Les initiatives et les trouvailles du HCMA leur donnent le sentiment de se faire donner la leçon et de paraître un peu dépassé, voire ringardisé, à côté. Cependant, il n'y a pas non plus de secret : les autres ne disposent pas d'une armée de bénévoles aussi investis que les Morzinois. Cela ne doit pas empêcher de mettre à bien des projets plus modestes pour développer la communication autour de l'équipe senior. Pour cela, le Mont-Blanc a utilisé ses forces vives à disposition, les joueurs juniors (à défaut de les utiliser sur la glace où leurs apparitions ont été assez limitées la saison dernière). Ceux-ci ont été invités à présenter des projets, parrainés par leurs aînés, et destinés à aider le développement du club. À la clé, une bourse de huit cents euros - offerte par une fondation créée par les chalets Grosset-Janin - pour les aider à concilier études et hockey. Quatre des sept candidats ont vu leur action validée et récompensée. Il s'agit de Gaël Jeanbourquin pour les interviews des joueurs seniors publiées dans le programme du club, de Ludovic Favret pour le recrutement et la gestion d'un animateur pour les matches, du duo Scanff/Pavarani pour la commercialisation d'espaces publicitaires sur les minibus du club, et de Sébastien Borini pour le développement d'un espace joueurs à accès réservé sur le site internet du HC Mont-Blanc. Des actions qui sont certes moins spectaculaires que la présentation didactique des règles du jeu sur écran géant ou que l'invitation du meilleur club européen à un tournoi retransmis sur internet avec les commentaires en direct (pour ne citer que quelques exemples de la révolution morzinoise), mais qui permettent d'impliquer les joueurs dans la structuration de leur club.

Mais si on se compare à Morzine du côté du Mont-Blanc, c'est surtout pour faire remarquer que l'on a beaucoup moins d'étrangers et beaucoup plus de joueurs formés au club. Ou plutôt, pour être plus exact, formés aux clubs. La proportion entre Saint-Gervais et Megève a d'ailleurs été rééquilibrée par le retour du défenseur mégevan Lilian Prunet. Ceci dit, ces joueurs en question sont soit des anciens ayant connu la grande époque du hockey alpin, soit des générations intermédiaires issues du temps où Saint-Gervais et Megève avaient tous deux une équipe première en N1B, avec de la place pour intégrer des juniors. Les Morzinois rattraperont-ils un jour leur retard dans le hockey mineur ? Pas de sitôt quand même. Bien que la patinoire de Megève soit toujours fermée depuis les fuites de fréon de l'automne, ce qui oblige à regrouper toutes les activités à Saint-Gervais, les deux partenaires du Mont-Blanc ont encore une longueur d'avance.

En revanche, lorsqu'il s'agit de recruter des renforts étrangers pour compléter l'équipe, on ne peut pas dire que l'imagination soit au pouvoir. Là où Morzine a trouvé une bonne filière après avoir aussi beaucoup tâtonné par le passé, le Mont-Blanc est encore totalement inculte en la matière. Il s'est donc retrouvé dans une situation exactement similaire à celle de Chamonix.

Mont-Blanc vs Chamonix

À y regarder de plus près, d'étranges coïncidences se sont en effet produites cet été entre les deux rivaux. Dans les deux cas, les dirigeants avaient l'intention de conserver leur entraîneur, à chaque fois une personnalité célèbre du hockey français (respectivement Pierre Pousse et Stéphane Barin). Et dans les deux cas, l'ancien international en question a en fin de compte préféré partir. Il ne s'agit pas d'un claquement de porte, mais d'un avenir qui s'est dessiné ailleurs. Stéphane Barin nous l'explique : "C'était génial, ces deux saisons à Mont-Blanc, en plus on finit sur un titre. Mais j'ai ma vie de famille à Grenoble, et avec la naissance de mon troisième enfant cet été, il est normal de vouloir rester auprès de ses proches. Ce n'était nullement calculé, ça s'est fait rapidement. Alors que je pensais rester à Mont-Blanc, Villard-de-Lans s'est présenté, et le choix a été naturel. Pour moi, ce n'est pas une position de retrait, car il y a des ambitions aussi à Villard."

Voilà pourquoi le Mont-Blanc, comme Chamonix, a dû faire appel à un entraîneur d'origine étrangère, mais bien connu en France pour y avoir passé une partie de sa carrière de joueur. Et c'est lui qui a été chargé d'amener les recrues dans ses valises, car le hockey international reste terra incognita pour les jeunes promus alpins.

Halte là avec cette comparaison exagérée ! Ari Salo ne vient pas du championnat espagnol avec ses ouailles, lui. Certes. Il n'empêche que la source de ce recrutement est aussi claire que les source alpines les plus pures. L'entente Mont-Blanc version 2005/06 sera l'association des écoles de Saint-Gervais, de Megève... et du JYP Jyväskylä, le club d'origine de Salo. Les cursus des deux recrues finlandaises n'ont cependant rien à voir. L'une, Pirkka Lahtinen, est un parfait inconnu. Il débarque directement des rangs juniors sans la moindre expérience - autre qu'à l'entraînement - avec les seniors dans son pays. Pas vraiment des références convenables pour enrichir la Ligue Magnus. En franchissant simplement la frontière, on peut voir comment Turin s'est mordu les doigts d'avoir bâti une équipe avec des juniors finlandais engagés "sur bon conseil"... Lahtinen pourrait être l'archétype du recrutement "carte blanche" qui peut se retourner contre l'entraîneur en cas d'échec, mais il ne s'agit après tout que d'un joueur, qui n'a pas un rôle fondamental à endosser. Paradoxalement, le risque est presque plus grand avec Pasi Kangas, dont le CV est autrement plus étoffé. Cet attaquant a évolué un temps en SM-liiga avec son club formateur - le JYP Jyväskylä bien sûr - et a passé les trois dernières saisons dans l'élite norvégienne : deux années à plus d'un point par match et une... avec seulement deux buts marqués. Car, et c'est là tout le problème, Kangas sort d'une année gâchée par une blessure à l'épaule, qui est encore fragile. Avec son potentiel, le Finlandais peut être le leader de l'équipe... si son épaule tient.

N'oublions pas que, l'an dernier, le leader sur la glace s'appelait Stéphane Barin, qui répondait présent quand il le fallait pour diriger le jeu de son équipe. Ce n'est donc pas seulement un entraîneur qui a été perdu. Mais pour reprendre ce rôle de grand ancien, le Mont-Blanc est allé débaucher à... Chamonix. C'est un autre attaquant de talent reconverti à l'arrière sur ses vieux jours, Christian Pouget, qui arrive.

Un transfert qui ne fait qu'accentuer la vraie grande différence entre Chamonix et Mont-Blanc. D'un côté, on a une équipe de juniors pas très encadrée, alors que de l'autre, on a des vieux de la vieille, endurcis et expérimentés, avec Stéphane Gachet, Patrice Fleutot et Christian Pouget. Ces trois-là ont tant de métier que le promu ne souffrira pas vraiment de sa méconnaissance du haut niveau. Avec autant d'hommes d'influence, qui ne sont pas nés de la dernière neige, il faudrait même plutôt surveiller l'application de certaines règles élémentaires, par exemple le fait que seul le capitaine est habilité à parler - et non parlementer - avec l'arbitre.

Mont-Blanc vs... le reste

C'est bien beau, ces étalonnages locaux, cependant il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour prédire que le Mont-Blanc finira probablement derrière Morzine, trop dense, et sans doute devant Chamonix, trop tendre, qu'il a pris l'habitude de battre systématiquement dans les derbys. Mais une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand-chose...

Car ce ne sont pas ces deux étalons-là qui détermineront le sort de la saison des Avalanches. Ce ne seront sans doute pas les adversaires directs pour l'accession aux play-offs, un objectif difficile qu'il est néanmoins légitime de se fixer. Demi-finaliste et quart de finaliste des deux dernières Coupes de France, les champions de division 1 avaient déjà un effectif compétitif face à des adversaires de Ligue Magnus, et ils n'ont perdu que le seul Barin, dont le départ a forcément été compensé par les différentes arrivées. La recrue "bonus", l'arrière Lilian Prunet rentré au pays après l'implosion de Mulhouse, apporte même un vrai plus dans une défense qui manque quand même de gros gabarits. C'est la capacité à gérer l'engagement physique plus intense requis en Ligue Magnus qui devrait être le facteur-clé de la réussite ou non du Mont-Blanc.

Il y a dans cette équipe, outre les patriarches déjà cités, des joueurs également expérimentés car ils ont déjà pas mal bourlingué bien qu'ils soient encore en milieu de carrière, comme Romain Carry et Lilian Prunet, plus Étienne Croz qui sera à suivre. Il y a toujours un défenseur slovaque aussi discret qu'utile, Peter Hrehorcak, qui est maintenant chez lui en Haute-Savoie. Et puis il y a deux jeunes Grenoblois qui se sont fait les dents en division 1 et pour qui la Ligue Magnus est un palier logique qui arrive exactement au bon moment, le gardien Arnaud Goetz et l'attaquant Bastien Sangiorgio. Et enfin, il y a tous ces joueurs du cru qui n'ont jamais connu l'élite (ceux de Saint-Gervais, les Berruex et les Nicoud) ou qui ne l'ont connu que trop brièvement et trop tôt pour en profiter (ceux de Megève, Socquet et Subit). En comptant sur leur envie et leur curiosité, le Mont-Blanc ne sera pas une vieille équipe blasée, mais un authentique promu ambitieux.

Marc Branchu

 

 

Départs : Barin (entraîneur-joueur, Villard-de-Lans).

Arrivées : Salo (entraîneur), Pouget (Chamonix), Prunet (Mulhouse), Simonneau (Angers), Kangas (Stjernen, NOR), Lahtinen (JYP Jyväskylä junior, FIN).

Effectif

Gardiens : Arnaud Goetz (25 ans), Johan Scanff (20 ans).

Défenseurs : Lilian Prunet (27 ans), Peter Hrehorcak (SVK, 30 ans), Christian Pouget (39 ans), Stéphane Gachet (31 ans), Florent Socquet (28 ans), Guillaume Duclos (27 ans), Thomas Berruex (28 ans), Pierre-Antoine Simonneau (19 ans), Sébastien Borini (19 ans).

Attaquants : Pasi Kangas (FIN, 32 ans), Romain Carry (28 ans), Patrice Fleutot (36 ans), Étienne Croz (26 ans), Bastien Sangiorgio (23 ans), Pirkka Lahtinen (FIN, 21 ans), Sébastien Subit (27 ans), Clément Berruex (26 ans), Thierry Nicoud (28 ans), Sylvain Nicoud (28 ans), Renaud Tracol (25 ans), Fabrice Leglaive (19 ans), Julien Marquet (20 ans).

Entraîneur : Ari Salo (FIN, 41 ans).

 

 

Retour à la rubrique articles