Grenoble en quête de titre

 

Dire que la fin de saison 2005-06 aura laissé un goût amer en Isère est un doux euphémisme. La frustration était immense au soir de la cinquième manche de cette demi-finale à rebondissement face aux Diables Noirs de Tours. De l'entraîneur aux supporters en passant par les joueurs et les dirigeants, tous avaient l'impression d'un beau gâchis. Car même si une finale face à Mulhouse aurait été loin d'être une sinécure, les Brûleurs de Loups aurait pu au moins tenter une nouvelle fois leur chance pour décrocher la Coupe Magnus. Au lieu de cela, ils ont pris une belle leçon d'humilité face à un adversaire qui leur était certes inférieur sur le papier et même individuellement sur la glace mais dont le collectif et la motivation étaient sans faille. Les déclarations tapageuses par presse interposée de Bonnard et Millette lors de la demi-finale ont finalement distrait l'équipe iséroise, l'écartant de son objectif initial pour mourir à quelques minutes de la finale lors du quatrième match avant de s'effondrer lors de la manche décisive.

La victoire lors de la petite finale (qui allait pourtant avoir son importance par la suite) ne redonnait pas le sourire à une équipe grenobloise qui a subi un sérieux coup d'arrêt dans sa quête des sommets. Du coup, au lieu de "faire mieux qu'en 2004", l'année des deux finales perdues, les Brûleurs de Loups ont régressé. Et cela fait maintenant sept saisons pendant lesquelles Grenoble a certes collectionné les places d'honneur mais attend désespérément un cinquième titre. Même si le constat d'échec allait par la suite être nuancé par les dirigeants une fois le choc de l'élimination passé, la faillite du cru 2004-05 semblait sonner la fin d'une époque et l'annonce de grands changements.

Des départs moins importants que prévu

Les premiers échos de l'intersaison faisaient craindre le pire. C'est tout d'abord le cas de l'entraîneur Gérald Guennelon qui était en suspens. Ce dernier conservait la confiance de ses dirigeants mais semblait très affecté par ce deuxième échec dans la course au titre au point de remettre en question son avenir au sein du club. Passée une période réflexion plutôt longue, Guennelon décidait finalement de ne pas rester sur un échec et poursuivait son aventure aux commandes des Brûleurs de Loups. Mais pour diriger quels joueurs ? Car de nombreux cadres de l'équipe semblaient sur le départ : Amar et Meunier, enfin diplômés, sondaient les clubs étrangers dans l'espoir de trouver une offre intéressante, la génération 84 (Papa, Tartari, Millerioux) était sollicitée par des clubs prêts à leur offrir plus de temps de glace, et enfin on prêtait à Patrick Rolland et Benoît Bachelet l'envie de raccrocher les patins.

Heureusement pour l'équilibre de l'équipe, l'hémorragie qu'on pouvait un instant craindre avec un renouvellement de l'effectif aux trois-quarts n'a pas eu lieu. Après une longue période de réflexion pour digérer la défaite, Amar préférait finalement rester. Meunier n'avait rien trouvé d'intéressant dans le temps qui lui avait laissé le club et les jeunes du club résistaient aux sirènes extérieures pour rempiler un an supplémentaire avec la garantie que la concurrence allait jouer à fond cette saison. Finalement les seuls départs français à déplorer furent ceux de Nicolas Antonoff, parti tenter l'aventure au Canada, Laurent Deschaume qui aspirait à un rythme plus semi professionnel en pensant déjà à l'après-hockey et Patrick Rolland qui, contrairement à son capitaine, décidait de ranger définitivement les patins après une carrière bien remplie.

La base de l'équipe conservée, il restait à trancher la question épineuse des renforts étrangers. Dans l'ensemble jugés décevants, les trois Finlandais Lehtonen, Järvinen et Hämäläinen n'étaient pas conservés. Si la prestation de Järvinen fut proprement catastrophique du début à la fin de la saison, ses deux compatriotes ont réalisé des prestations honnêtes mais ont sans doute payé le manque de "gnac" qui a tant fait défaut dans les moments décisifs lors des play-offs comme l'a regretté par la suite Gérald Guennelon en faisant le bilan de la saison. En revanche Roger Jönsson, malgré un démarrage très poussif, tirait son épingle du jeu et prolongeait son bail avec les Brûleurs de Loups. Le Suédois a remporté (et de loin) la palme de la meilleure recrue grenobloise et devrait être encore plus prolifique pour sa deuxième saison, cette fois au centre son poste naturel. Enfin le Tchèque Josef Podlaha, encore sous contrat, et auteur d'une renaissance inattendue en play-offs, s'apprête à disputer sa huitième saison avec le club grenoblois, pas loin d'un record de fidélité pour un joueur étranger...

Changement de cap dans le recrutement

Pour remplacer les Finlandais, le profil des recrues était clairement défini : Guennelon voulait des joueurs de caractère, capables de se transcender en play-offs. Et quand on veut ajouter un peu plus de mordant dans une équipe, rien de tel qu'un ou deux Canadiens. Les Brûleurs de Loups rompaient ainsi (enfin, diront certains...) avec la filière finlandaise aux résultats très variables pour se tourner vers l'Amérique du Nord... Si le joker Dominic Forget n'était finalement pas conservé, Grenoble trouvait deux renforts de "poids" : tout d'abord le Canadien Craig Mills qui a roulé sa bosse dans les meilleures ligues nord-américaines (31 matches en NHL, 468 en AHL/IHL) mais dont les deux dernières saisons en pointillé laissaient toutefois planer quelques doutes sur son niveau actuel (levés lors de la préparation). Ensuite Bobby Russell, ancien coéquipier de Yorick Treille à Norfolk en AHL, qui était de loin le meilleur compteur de son équipe d'ECHL l'an dernier. Deux jolis coups sur le marché des transferts accompagnés d'un troisième puisque Mills apporte dans ses bagages son coéquipier au deuxième niveau suédois, le défenseur Viktor Wallin, un beau bébé d'1m92 pour 97kg qui faisait encore partie il n'y a pas si longtemps des prospects des Mighty Ducks d'Anaheim (drafté au cinquième tour en 1998). En quelque sorte, tout le portrait inverse de Järvinen...

Mais le plus joli coup du recrutement aura peut-être été réalisé en France, en arrachant le technicien tchèque Ludek Broz aux griffes des Dragons de Rouen. Rien de moins que le cinquième meilleur compteur de la Ligue Magnus... Faiseur de jeu hors pair, Broz a séduit partout où il est passé, à commencer par Brest et Rouen. Son arrivée conjuguée à celle de Russell et Mills donnent également un ton très offensif à Grenoble pour la saison 2005-06 histoire de remédier enfin à ce manque de réalisme qui avait été le fil rouge de la saison 2004-05. À force de dominer les matches sans concrétiser leurs nombreuses occasions de but, les Brûleurs de Loups sont allés au-devant de sérieuses désillusions, notamment en play-offs où l'éternel Podlaha était le seul à trouver régulièrement le chemin des filets adverses. Avec trois recrues offensives de ce calibre, les Grenoblois devraient éviter ce genre de mésaventure.

Le pari des gardiens

L'équipe grenobloise version 2005-06 semble donc plus forte que sa devancière. L'attaque devrait avoir nettement plus de punch, quant à la défense elle a conservé son quatuor international (Bonnard, Amar, S. Bachelet et Favarin) tout en se séparant de la paire finlandaise Järvinen-Hämälainen, souvent considérée comme le maillon faible de l'équipe. Wallin apportera du poids en défense et Grenoble a fait venir l'international junior Johan Morant qui évoluait jusque là en LNB tout en promettant plus de temps de glace à Martin Millerioux. Reste le cas du gardien de but.

Avec Patrick Rolland, c'est une figure du hockey grenoblois qui s'en va. Arrivé à Grenoble en 1991 au lendemain du troisième titre, il aura passé dix saisons sur les bords de l'Isère, ponctuées par l'éclosion de Cristobal Huet et un parcours tardif en équipe de France qui lui valut notamment de participer aux J.O. de Salt Lake City. Rolland avait encore tenu la baraque l'an passé réalisant au passage une jolie performance lors de la demi-finale face à Tours (cent cinquante minutes sans prendre de but). Un gardien de cette envergure ne se remplace pas facilement et le staff grenoblois aurait pu choisir la facilité en allant chercher un gardien expérimenté à l'étranger comme il l'avait fait en 1998 lorsque l'excellent Mika Rautio avait succédé à Cristobal Huet. Mais au lieu de cela, Guennelon a préféré tenter un sacré pari : confier les cages grenobloises à un duo de jeunes gardiens français.

Un pari certes très risqué mais malgré tout réfléchi et qui s'inscrit dans la plus pure tradition grenobloise. De Maric à Rolland en passant par Djian et Huet, les Brûleurs de Loups ont quasiment toujours eu des derniers remparts tricolores, qui ont bien souvent également fait le bonheur de l'équipe de France. Conserver Cédric Dietrich était un choix logique. Contrairement à Fabrice Agnel la saison précédente, le jeune Mosellan a parfaitement répondu aux attentes, réalisant des matches très solides en coupe de France notamment et en parvenant à glaner deux blanchissages face à Villard puis Rouen lors de la petite finale. Peut-être un peu tendre pour endosser seul la charge de n°1, il restait à lui adjoindre un gardien un peu plus expérimenté. Le panel des gardiens de buts français à potentiel n'étant pas particulièrement large, le choix de Christophe Burnet, en délicatesse avec son club de Chamonix, apparaissait comme une évidence. L'actuel troisième gardien de l'équipe de France traversait donc les Alpes pour former avec Dietrich un duo inattendu mais prometteur. Guennelon leur a promis une saine concurrence et il est fort à parier que celui qui parviendra à s'assurer la place de n°1 aura un très bel avenir devant lui. Mais c'est seulement au mois d'avril qu'on saura si le pari sera réussi ou non...

La cerise sur le gâteau

Grâce à un inattendu concours de circonstances dû aux débâcles tourangelles et mulhousiennes, Grenoble a reçu sur un plateau une place en Coupe Continentale la saison prochaine, avec en prime l'organisation du deuxième tour... Et s'il paraît présomptueux d'espérer une victoire finale dans cette compétition, passer un voire deux tours semble dans les cordes des Brûleurs de Loups. Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'une belle récompense pour le public le plus nombreux de France... Certes il faudra se battre sur trois fronts mais l'effectif grenoblois a suffisamment de profondeur pour se le permettre. Guennelon a en tout cas tiré les leçons du passé et a décidé de jouer la carte de la pleine concurrence dans le groupe : seuls les meilleurs joueront et personne ne bénéficiera de traitement de faveur. Des paroles fortes qui n'ont pas pu être suivies d'actes pour l'instant, vu la cascade de blessures qui s'abat sur l'équipe grenobloise depuis le début de la reprise (Meunier et Sadoun n'ont pas pu participer à la pré-saison, Simon Bachelet s'est blessé avec l'équipe de France et le début de saison de Broz est fortement compromis).

La réussite des gardiens jouera un rôle clé dans le succès grenoblois cette saison d'autant que la défense n'a pas donné beaucoup de garanties pendant la préparation. Le style de jeu plus offensif et porté sur l'intensité physique devrait ravir Pôle Sud et permettre de vite oublier certaines tristes soirées de la saison dernière comme face à Dijon ou Morzine. Malgré une forte concurrence des vieux rivaux rouennais et amiénois ou encore de Morzine, l'outsider aux dents longues, les Brûleurs de Loups se sont donné les moyens d'atteindre leurs objectifs et de satisfaire enfin leur public, sevré de titre depuis sept ans. Reste à espérer que cette fois la fin de l'histoire sera plus heureuse...

Christophe Laparra

 

Départs : Lehtonen (Jukurit Mikkeli, FIN), Järvinen (Sparta Sarpsborg, NOR), Hämäläinen, Antonoff (Université de Trois-Rivières, USIC), Deschaume (Villard-de-Lans), Rolland (arrêt), Forget (Oskarshamn, SUE), Bayon (Finlande), Mary (Valence).

Arrivées : Wallin (Nybro, SUE), Broz (Rouen), Mills (Nybro, SUE), Russell (Idaho Steelheads, ECHL), C. Burnet (Chamonix), Morant (Ajoie, SUI).

 

Effectif :

Gardiens : Christophe Burnet (24 ans), Cédric Dietrich (21 ans).

Défenseurs : Viktor Wallin (SUE, 25 ans), Jean-François Bonnard (34 ans), Simon Bachelet (28 ans), Baptiste Amar (26 ans), Nicolas Favarin (25 ans), Martin Millerioux (21 ans), Johan Morant (19 ans), Teddy Trabichet (18 ans).

Attaquants : Ludek Broz (TCH, 30 ans), Roger Jönsson (SUE, 32 ans), Craig Mills (CAN, 29 ans), Yven Sadoun (26 ans), Benoît Bachelet (31 ans), Laurent Meunier (26 ans), Josef Podlaha (TCH, 34 ans), Bobby Russell (CAN, 27 ans), Christophe Tartari (21 ans), Kévin Hecquefeuille (21 ans), Cyril Papa (21 ans), Romain Bachelet (22 ans), Sacha Treille (18 ans).

Entraîneur : Gérald Guennelon (38 ans).

 

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