L'autre pays du hockey

 

Mon histoire d'amour avec le hockey tchèque débuta une nuit de février 1998. Après avoir lutté contre la mauvaise influence de Morphée, j'avais pu assister en direct à la finale du tournoi des Jeux Olympiques de Nagano. Pour moi, c'était vraiment le match à ne pas rater : la finale du premier tournoi olympique avec toutes les étoiles de la NHL. Avec ses six équipes candidates à la victoire finale, celui-ci reléguait le tournoi de basket-ball "made in NBA" à une aimable exhibition.

J'avais pris fait et cause pour cette équipe tchèque et son formidable gardien de but : "Dominator" Hasek. Faut-il y voir un signe de solidarité bassement corporatiste ? Dans tous les sports collectifs que j'ai pu pratiquer, j'ai toujours aimé être l'ultime rempart avec plus ou moins de succès. Mais, il faut dire que le Grand Dominik a littéralement porté son équipe lors de la phase finale du tournoi en dégoûtant successivement les lignes offensives américaine (1 but), canadienne (1 but / 0 tir au but) et russe (0 but).

Au-delà de cette nuit magique, je garderai en mémoire l'image de cette foule compacte réunie sur la grand place de Prague, venue accueillir et remercier son équipe nationale désormais entrée au Panthéon Olympique. Il faut être un sport majeur dans son pays pour déclencher une telle liesse. C'est là que j'ai compris que les Tchèques devaient être des fous de hockey. Et peut-être plus que les Canadiens, qui sait ?

Et puis, le hasard voulut qu'un de mes meilleurs amis aille s'installer du côté de la République Tchèque pour y travailler. Quoi de meilleur plan pour découvrir un pays que de le parcourir dans son quotidien aux côtés de gens qui y vivent ? Pour ma part, je trouve ça plus intéressant que de se limiter aux différentes usines à touristes. Alors forcément, je ne pouvais pas aller à Prague sans me régaler au milieu de la foule devant un petit match de "hokej".

Pourtant, en partant, je ne m'imaginais pouvoir me mêler aux spectateurs de la magnifique Sazka Arena (Slavia Prague) ou de la T-Mobile Arena (Sparta Prague). La Coupe du Monde battait son plein de l'autre côté de l'Atlantique. La République Tchèque venait de se faire éliminer après prolongations en demi-finales par le Canada, pays hôte de la compétition. Bien évidemment, ce match faisait la une en pleine page du quotidien sportif Sport. Mais les journaux généralistes mentionnaient également le résultat de la partie à la une dans un petit encadré. Une preuve de plus concernant l'importance du hockey en Tchéquie.

Pourtant, il ne semble pas que le hockey soit le sport n°1 là-bas, médiatiquement parlant. Le quotidien Sport lui réserve certes un nombre important de pages par numéro, y compris pendant la morte saison. Mais les premières pages sont dédiées au football. Il faut dire que leur équipe nationale est l'une des meilleures en Europe, et ce malgré le récent retrait de Pavel Nedved, meilleur joueur européen en 2003. En fait, la popularité du hockey en Bohème et en Moravie peut se comparer à celle du rugby à XV en France.

Ma première quête du Graal consista à trouver un maillot de l'équipe nationale. Mon souvenir idéal de Prague aurait été un maillot officiel floqué du nom du Dominator. Malheureusement, celui-ci est introuvable y compris dans les boutiques spécialisées. J'aurais pu rapporter chez moi un "replica" officiel de toutes les équipes participant à la Coupe du Monde 2004, sauf celui de la Tchéquie. C'est à n'y rien comprendre.

L'une des activités préférées des Praguois semble être les paris sportifs. En tout cas, les "betting shops" fleurissent à tous les coins de rue ou presque. Trois sociétés se partagent le marché : Sazka, Chance et TipSport. Ce dernier est d'ailleurs le sponsor officiel du championnat tchèque qui porte le nom de "TipSport Extraliga". Dans ces boutiques, vous pouvez prendre un pari sur les différents championnats européens de football, sur le tennis, la formule 1, le basket-ball et bien évidemment sur le hockey sur glace. C'est d'ailleurs dans une de ses boutiques que j'ai découvert que l'Extraliga démarrait avant que je reparte en France. Le pied !

Le match entre le Sparta Prague et le HC Zlin (champion en titre) allait donc constituer le sommet de mon pèlerinage. Un petit tour sur le site Internet d'une centrale de réservation me permet de découvrir l'adresse de l'antre du club Praguois : la T-mobile Arena. La Tchéquie a en effet elle aussi cédé à la tentation du "naming". Cette technique que je réprouve consiste à apporter le nom d'une marque à une salle de sport et de spectacles. À quand le "Père Dodu Stadium" à Brest ?

De l'extérieur, cette salle ne paie pas de mine. Elle n'a a priori rien à voir avec l'écrin qu'est la Sazka Arena. Malgré la couche de peinture récente, on sent que cette arène est d'un âge déjà assez avancé. Pourtant, cela ne l'empêche pas d'être équipée de matériel moderne. Par exemple, l'entrée de la patinoire est soumise à l'ouverture d'un portique qui ne se déclenche qu'après avoir passé le billet devant un laser, comme au Stade de France.

À l'intérieur, les stands de restauration sont légion, et fort variés. Le supporter lambda aura toujours la possibilité de trouver son snack préféré. D'ailleurs, ici, il semble que ce soit la "klobasa", une espèce de saucisse servie sur un bout de carton et accompagnée d'une tartine et de moutarde peu forte. On imagine facilement qu'en plein milieu de l'hiver, ce genre de coupe-faim doit être très apprécié. On notera également que l'accès au niveau supérieur se fait entièrement par des rampes plates, ce qui permet l'accueil des personnes en fauteuil roulant y compris dans les rangées les plus hautes.

La T-mobile Arena est avant tout une salle de spectacles. Tout est donc fait pour que l'amateur de hockey en prenne plein la vue. Un écran géant diffuse les images du match en temps réel avec les ralentis, un gros paquet de publicités et quelques documents sur l'histoire du club. La sono tourne évidemment à plein régime, et son rythme endiablé est suivi par tout un groupe de pom-pom-girls sur un podium aux couleurs d'une grande marque de café. Le parrainage est d'ailleurs l'une des ressources économiques majeures du Sparta Prague : la glace est complètement recouverte de publicités. À se demander d'ailleurs si trop de pub ne tue pas la pub.

Pour l'ouverture de la saison, la salle était loin d'être remplie. Mais il faut dire que sa capacité est très élevée, de l'ordre de quinze mille places à vue de nez. Le compteur électronique indiquait 4600 spectateurs à la fin du premier tiers-temps, un chiffre qui fait rêver tous les clubs de Ligue Magnus. J'ai trouvé le public plus connaisseur que supporteur. Mais de mon point de vue, c'est un compliment...

Sur le plan du jeu, j'ai assisté à une rencontre de très bon niveau entre deux équipes qui savent très bien manier le palet. Le Sparta m'a semblé néanmoins supérieur à son adversaire du jour sur le plan physique. Peut-être que Zlin n'en avait pas encore fini avec sa préparation d'avant-saison. À plusieurs reprises, des actions individuelles des joueurs noirs partis depuis la zone neutre ont débouché sur de grosses occasions de but. La gardien praguois Petr Briza regrettera juste d'avoir laissé passer un blanchissage à deux minutes de la fin. Prague a mérité sa victoire (3-1)... et gagné un nouveau supporteur.

Je n'aurai qu'un léger regret : celui d'avoir dû quitter Prague le dimanche matin suivant. En fin d'après-midi avait lieu le derby Slavia-Sparta dans l'ultra-moderne Sazka Arena. J'aurais bien aimé assister à une rencontre dans cette salle digne de la NHL. Mais ne faisons pas la fine bouche. Quand je regarde la classement actuel de l'Extraliga, je me rend simplement compte que j'ai vu s'affronter les deux premiers du classement. J'aurais vraiment pu tomber plus mal, et finalement je me suis régalé !

Vive le hockey tchèque ! Et un grand merci à Rémi pour m'avoir permis de vivre cette expérience. On remet ça ?

Nicolas Deguine

 

 

Retour à la rubrique articles