Rejouer, enfin !

 

La saison dernière, à cette époque, nous écrivions qu'une page se tournait au RHE clôturant un chapitre de son histoire... Finalement, c'est le livre qui s'est fermé, et la bibliothèque nous est tombée sur la gueule... "Nous nous sommes tant aimés" pourrait être le titre de la dernière saison, le dernier chapitre. C'est la fin d'une histoire d'amour avec une certaine équipe de Rouen.

Dîner de cons

La raison du sabordage de la saison 2004, c'est à la fois l'intransigeance archaïque des dirigeants, le zèle des joueurs à jouer comme on les entraînait - mal - et l'incompétence au moins humaine du staff qui a endurci et pérennisé un bras de fer irréfléchi, irresponsable, et sans vainqueur (mis à part Amiens). Mais avec un vaincu, un cocu aux très longues cornes. Le public de l'île Lacroix !

Contrairement à ce que la rumeur de l'île voulait faire croire, la cause ne fut jamais l'insuffisance technique et morale de certains joueurs officieusement ou officiellement montré du doigt. Surtout après l'arrivée d'un joker, l'attaquant finlandais Kimmo Salminen. Les renvois déguisés en départs volontaires - "ils seraient partis même avec l'eau de la glace s'il avait fallu" - de Steven Low et Martin Lacroix ainsi que l'opportunisme de Maurice Rozenthal ont surtout bien arrangé les finances du club. Les mises au banc de Nicolas Pousset et Niko Kantelinen, jetés en pâture aux palabres du net et aux brèves de comptoirs, ont servi de paravent rejetant la faute aux yeux de tous les naïfs (publics, supporters, sponsors et pouvoirs publics) sur le dos des joueurs pour sauver un coach adoubé dans les cœurs et à qui on doit un respect éternel mais pas une indulgence infinie. Il faut lui reprocher de n'avoir pas su se remettre en cause, de n'avoir rien tenter et de ne pas avoir démissionner une fois le cuisant échec constaté. Le pire revers sportif rouennais. Un véritable fiasco !

"Si on nous avait dit que Rouen serait privé par Tours de participer à la poule Magnus... je n'aurai pas signé." C'est sans doute ce que pouvait penser chacun des joueurs rouennais le soir du 6 décembre 2003 après une défaite à Anglet pendant que Tours battait Amiens.

Le lendemain, dans le bocage, j'ai vu un coq chanter comme un forcené en plein après-midi, pensant qu'il était l'heure de réveiller tout le monde... J'étais comme lui continuant de croire qu'Arnaud Briand ou Daniel Carlsson allait égaliser... que c'était la mort subite et que tout comme d'habitude allait bien tourner avec Maurice Rozenthal se révélant un héros dénié réparant sa bourde du match aller, son lancer de pénalité gâché...

Neuf mois

Finalement, le rendez-vous de la saison 2004 a tellement été manqué qu'il a aujourd'hui, neuf mois plus tard, toute la puissance d'un mauvais songe. Neuf mois, le temps d'une (re)naissance...

Alors, l'aventure continue cette saison avec quelques personnages majeurs. Éric Raymond devant la cage, Daniel Carlsson, Arnaud Briand, Sami Karjalainen et les talentueux juniors qui les ont rejoints par la force des choses. Tristan Lemoine, Alexandre Lefebvre et Benoît Quessandier ont le mérite d'avoir pris leur chance et de s'être imposés en démontrant toutes leurs qualités. Ou ceux qui ont définitivement acquis un nouveau statut d'homme de base. Nicolas Besch et Pierre-Édouard Bellemare. Tout le reste, à part le joker Kimmo Salminen et la sangsue Pourtanel, a été réformé. Et pourtant. Exit l'international français Nicolas Pousset. Exit aussi l'ex-joueur de SM-Liiga Mikka Rousu. Exit l'altruiste Simon Lacroix aux quatre saisons exemplaires et productives passées au service des stars du RHE.

Pour jouer les doublures d'Éric Raymond à la place de Landry Macrez, un gothique remplace un gothique. Rouen, qui n'est pas parvenu à signer Dietrich, renvoyé du CHAR un an plus tôt et préférant Grenoble, utilise une nouvelle fois sa filière amiénoise pour convaincre Stéphane Burnet de déménager sur les bords de Seine.

Derrière, Rouen prend du sérieux. Les deux recrues, le Canadien Stéphane Robitaille et le Suédois Jonas Elofsson ont un sacré CV pour notre ligue Magnus. En plus d'être intraitable d'homme à homme, les deux renforts envoient du gros à la ligne bleue. Grâce à des bases techniques et physiques solides, ils s'exposent peu aux fautes. Déjà, Stéphane Robitaille prend beaucoup de responsabilités, s'affirmant sur la glace comme un leader de l'équipe. Le susceptible Jonas Elofsson, grâce à son physique, est à l'aise dans la bande même en infériorité. Il maîtrise parfaitement sa zone et sait animer son couloir offensif. Accompagnés de Nicolas Besch, solide, toujours en progression, parfois précis dans la relance et spectaculaire, et de Benoît Quessandier, en apprentissage mais toujours difficile à passer, ils forment deux paires d'arrières sont efficaces et sûres. Le dernier duo devrait être composé pour une part d'Arnaud Briand ! Surprenante reconversion. A priori ce n'est pas le choix de l'ex-capitaine des Dragons. Celui-ci a en effet refusé d'être de nouveau capitaine, expliquant que son changement de poste était une marque d'insatisfaction de la part du staff, et que dans ces conditions, sans la confiance du coach, il ne voyait pas comment il pourrait être le capitaine de l'équipe. Arnaud Briand dispose certes de métier, d'un physique à la hauteur de notre championnat et d'une technique de passes courtes pouvant peut-être s'adapter à celles plus longue des relances. Mais la promptitude, le rétro-patinage ou le demi-tour ne sont plus son point fort. De plus, même s'il était un centre de soutien, il était un défensif de zone. Peu ou pas de marquage, ni de duel. Or, le poste d'arrière, même dans un schéma en zone, implique souvent pour les défenseurs un marquage d'homme à homme et de nombreux duels. Arnaud Briand avec humour le reconnaît volontiers : heureusement, il devrait jouer avec Daniel Carlsson. Excellent défenseur, celui-ci sort toujours vainqueur de ses duels. Très technique, altruiste, il a un régal de lecture de jeu, il est facile dans ce qu'il fait et ne se fait jamais bouger... Ce couple inédit sera une des curiosités normandes.

Pour soutenir ces six hommes, Rouen pourra disposer de deux remplaçants. On en est certain pour Benoît Pourtanel, perdant son poste de titulaire après une nouvelle saison calamiteuse sur le plan individuel et collectif. L'ex-Angevin s'est accroché à son contrat tel, hélas, Eric Clapton à sa Fender Stratocaster, et n'a pas voulu partir malgré de vifs encouragements. Pour Simon Doreille, nous en sommes moins sûr, car le jeune défenseur s'est gravement blessé à l'œil au cours du match amical disputé à Angers, et nous en sommes sans nouvelle une semaine après le drame.

En attaque, Rouen s'est attaché les services du maître à jouer brestois de la saison dernière, le Tchèque Ludek Broz. On connaît peu ce joueur de centre académique, un peu lent mais adroit, aux mains exceptionnelles et aux lourds compteurs. Les premiers matches amicaux démontrent qu'il peut être entreprenant mais pas seul. Or, il l'est un peu dans ses principes de jeu, même si avec Kimmo Salminen, ils se sont trouvés quelque fois sur la même longueur d'onde. Il y a encore beaucoup de travail pour savoir qui de lui ou de ses coéquipiers s'adapteront à l'autre. Il lui reste donc encore énormément à apprendre sur le jeu de ses partenaires (seront-ils à sa hauteur ?) - et inversement - pour être le ciment de la première ligne, le garant de la victoire.

Le dernier renfort est Jean-Philippe Paré, un Canadien venu de Mestis (deuxième niveau national finlandais). Lui s'est déjà imposé par sa vitesse avec le palet. Il doit pouvoir donner de bons palets car le sens du but n'est pas son fort, a-t-il dit. Par contre, nous avons cru observer qu'il donne de petits mais mauvais coups de crosses. À vérifier. Ces deux recrues feront équipe avec les deux Finlandais restés au club, Kimmo Salminen et Sami Karjalainen. Le premier est bon manieur de palet. Rapide et technique, il semble aussi plus s'impliquer dans le jeu défensif que la saison passée. Moins présent dans les espaces qu'il affectionne, il crée plus le danger qu'il ne conclut. Le second est un éternel travailleur et ratisseur. Généreux dans l'effort, il est débordant d'activité intensive et fait reculer l'adversaire. Il est partout dans les duels et parfois dans les passes.

Pour les accompagner, le RHE continuera d'intégrer des jeunes à l'équipe senior. Ainsi trois jeunes auront, semble-t-il, des places de titulaire. Ce ne seront pas Thibault Geffroy, Damien Raux et Gautier Lafrancesca, partis sous d'autres cieux, mais Lemoine, Lefebvre et Bellemare. Tristan Lemoine, très charismatique sur la glace, peut faire la différence à n'importe quel moment (rappelez-vous à Grenoble, à Gomel, etc). Il en met plein la rétine. Comme Karjalainen, il se bat comme un mort de faim avec le culot en plus. Alexandre Lefebvre ne fait jamais de cadeau. Vif et technique. Peut-être une graine de champion ? Pierre-Édouard Bellemare, à dix-neuf ans seulement, vient de connaître ses trois premières sélections officielles en équipe de France pendant les championnats du monde à Prague. Le plus sûr espoir rouennais voudra s'affirmer en ligue Magnus comme il l'avait si bien fait en Nationale au cours de la deuxième partie de saison dernière. Une seconde saison de titulaire de tous les dangers pour ce garçon qui dispose néanmoins de toutes les qualités physiques, tactiques et techniques pour réussir. Malgré le sens du but de Pierre-Édouard Bellemare, il manquait des buteurs aux Dragons. Ce seront Éric Doucet et Guillaume Besse. Leur retour en Normandie est à la fois rassurant à court terme - on connaît leur valeur - et inquiétant à moyen terme car leurs réapparitions sous le maillot noir et jaune est bien la preuve du manque d'idées du staff technique pour relancer le club. Pourtant, notre faiblesse est d'y croire. Le retour de flamme des Dragons pour 2005 est d'autant plus plausible que la troupe des suiveurs et des opportunistes s'est clairsemée. En outre, nous retrouvons avec les retours d'Éric Doucet et de Guillaume Besse un peu d'intimité bienvenue.

Tandem

Guy Fournier mène les entraînements et Franck Pajonkowski coache les matches. C'est l'organisation qui semble être adoptée au RHE cette saison. Refroidis par une morte saison, les amateurs sont sceptiques d'une telle solution. Quid de la compétence individuelle ou conjointe de l'un et/ou de l'autre ? Sous la direction du second, l'équipe n'a pas terminé dans les quatre premiers de sa poule de qualification en 2003, et sous la direction de l'autre, le club n'a pas remporté le titre de Nationale en 2004 ! Si certains problèmes de personnes ont semblent-ils été réglés par le départ de joueurs (Pousset et Low), comment être certain qu'avec les mêmes directeurs les querelles ne se renouvelleront pas alors qu'on connaît déjà les mécontentements d'Éric Raymond et Arnaud Briand sur le traitement de leur cas personnel ? Comment empêcher les sceptiques de croire qu'un entraîneur qui n'a pas su tirer le meilleur parti d'un groupe pour se qualifier en poule Magnus, alors qu'en autogestion le groupe se qualifie pour la finale de Coupe Continentale, ne réitère les mêmes erreurs ? Comment empêcher les sceptiques de croire qu'un manager qui n'a pas su faire gagner le titre de Nationale largement à sa portée, alors qu'en autarcie le groupe gagne la Coupe de France chez les Brûleurs de Loups de Grenoble, ne réitère les mêmes erreurs ?

Prouvez-le-nous

Allez-y, les gars, surprenez vos supporters. Dites-leur que Rouen n'est pas en piteux état. Sortez de l'errance de ce mauvais pas. Allez-y, les gars, gagnez des matches. Pas facile quand on exerce le métier de ses rêves d'en apporter à la foule qui vous regarde. Allez-y, les gars, montrez-nous ça. Comment vous y allez quand personne n'y va. Comment vous les jetez, les encouragements des tribunes ? Comment, ça vous passe au-dessus, la frustration des tribunes ? Dites-leur qu'ils se trompent, qu'ils ne sont pas dans le débat, qu'ils devraient avoir honte. Prouvez-le-nous !

Thierry Frechon

 

Départs : Kantelinen (KooKoo Kouvola, FIN), Rousu (Reims), Hård (Asiago, ITA), Vogin (arrêt, reste entraîneur du mineur), Pousset (Briançon), S. Lacroix (Angers), Raux (Chamonix), Lafrancesca (Chamonix), Macrez (Dunkerque), Geffroy (HPK Hämeenlinna, FIN).

Arrivées : Elofsson (Leksand, SUE), Besse (Pont-Rouge, LHSMQ), Doucet (Verdun, LHSMQ), Broz (Brest), S. Burnet (Amiens), Robitaille (Kassel, ALL), Paré (Hokki Kajaani, FIN)

Effectif :

Gardiens : Éric Raymond (CAN, 32 ans), Stéphane Burnet (20 ans).

Défenseurs : Daniel Carlsson (SUE, 27 ans), Jonas Elofsson (SUE, 25 ans), Stéphane Robitaille (CAN, 34 ans), Arnaud Briand (34 ans), Nicolas Besch (19 ans), Benoît Quessandier (18 ans), Benoît Pourtanel (30 ans), Simon Doreille (20 ans).

Attaquants : Éric Doucet (CAN, 28 ans), Ludek Broz (TCH, 29 ans), Guillaume Besse (28 ans), Kimmo Salminen (FIN, 30 ans), Pierre-Édouard Bellemare (19 ans), Jean-Philippe Paré (CAN, 24 ans), Sami Karjalainen (FIN, 30 ans), Tristan Lemoine (19 ans), Alexandre Lefebvre (18 ans), Adrien Dufournet (19 ans).

 

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