Gap, déterminé malgré tout

 

L'arrivée d'un pouvoir politique plus impartial au sein du conseil général des Hautes-Alpes permettra à Gap d'être remis sur un pied d'égalité avec l'autre club du département Briançon. De quoi envisager l'avenir plus sereinement, d'autant que la mairie se penche également sur le dossier du remplacement de la patinoire, très vétuste et glaciale l'hiver.

Gap ne sera donc plus condamnée à être une ville de football par "décret" départemental, alors que cela ne correspond en rien à son histoire. La répartition décidée d'en haut par l'ancienne équipe en place, qui visait à dédier le hockey à Briançon et le football à Gap, n'a en rien entamé la détermination du club qui pouvait légitimement s'estimer lésé par cette vision des choses. Double champion de France, reconnu pour son travail formateur exemplaire, le hockey sur glace gapençais a une histoire et une culture qui ne pourront sans doute jamais être égalées au football quels que soient les moyens mis en œuvre. Les résultats moyens du club de foot local (cantonné à l'anonymat du CFA malgré un budget supérieur au hockey et avec un seul joueur issu des Hautes-Alpes) en témoignent d'ailleurs.

Mais si son plein droit à exister a été réaffirmé, le club de hockey de Gap souffre encore des déséquilibres passés. Et son président Georges Obninsky s'est emporté dans le Dauphiné Libéré après le passage de son dossier à la commission de contrôle de gestion : "On a été validés. Mais la Fédé nous demande, c'est plus qu'une suggestion d'ailleurs, de réduire notre masse salariale de près de 15 000 euros. Ce sera dur, puisque nous jouons avec neuf juniors et que nous nous déplaçons en minibus. Cette réduction nous est demandée afin de résorber la dette, de près de 68 000 euros, qu'on traîne depuis des années. Et quand je vois les différences entre les subventions données par le conseil général à Gap et à Briançon pendant des années, je suis scandalisé. Avec des aides identiques, nous n'aurions plus cette dette, nous n'aurions plus aucun souci avec la Fédé et nous serions, j'en suis sûr, parmi les quatre équipes qui jouent la coupe Magnus."

Départ soudain de l'entraîneur

Sur ce dernier point, le président est sans doute très optimiste, mais il est vrai que Gap aurait pu connaître des saisons plus confortables. Son parcours en deux saisons de Super 16 a été tout à fait convenable compte tenu de son budget, et le mérite en revient en partie pour ce qui est de l'année écoulée à l'entraîneur Laurent Perroton. Apportant un regard extérieur, il a aussi bousculé les habitudes pour imposer de nouvelles exigences de travail plus conformes aux nécessités du plus haut niveau français, et cela ne s'est pas fait sans mal. Le néo-retraité Franck Lallemand l'a admis d'ailleurs, toujours dans les colonnes du journal local : "Oui, c'est vrai, j'ai été quelque peu surpris. Mais vous savez, quand vous avez la chance d'effectuer une assez longue carrière, mieux vaut être surpris de temps à autre, cela évite la rengaine. Plus sérieusement, je crois qu'astreindre à une discipline proche de celle requise chez les professionnels un joueur qui travaille toute une journée et s'entraîne tard le soir n'est pas quelque chose de simple à assumer, ni dans un sens ni dans l'autre. À mon sens, quelques moment de détente, après les matches notamment, ne peuvent pas nuire au rendement d'un joueur." Certes, Lallemand a fini par chercher des compromis avec l'entraîneur et par retrouver du même coup sa confiance et sa condition physique dans la seconde phase du championnat. Mais il n'a pas été le seul à être parfois en porte-à-faux avec le nouvel entraîneur, et les difficultés ne se sont jamais complètement aplanies pour Laurent Perroton, le citadin qui venait imposer ses règles à une équipe qui vivait un peu en autarcie jusque là.

Et puis, fin juin, celui-ci a reçu une proposition du MoJu, le mouvement juniors des "4 clubs" (Lausanne HC, Star Lausanne, Prilly, Renens), qui lui offrait les rênes de l'équipe première du Star Lausanne en 1e ligue suisse. En quelques jours, Perroton a cédé aux sirènes helvétiques, comme il l'avait alors expliqué à Hockey Archives : "Je m'étais engagé moralement pour un contrat de trois ans, mais j'ai reçu une proposition qui ne se représentera peut-être pas. J'ai été séduit par les installations la rigueur et le professionnalisme du hockey suisse. Même si le niveau de la 1e ligue est celui de la division 1 française, le staff est sans commune mesure. Les joueurs sont amateurs mais il y a plusieurs kinés, un physiothérapeute, deux chefs matos et un caméraman. Il y a eu pas mal d'entretiens à l'embauche comme dans une entreprise, ils ne prennent pas ça à la légère. En plus, on s'engage à me faire passer les formations suisses d'entraîneur et je suis inscrit à des cours d'allemand et d'italien. J'ai l'impression d'arriver dans une grande structure, dans un vrai pays de hockey. Et puis le club a l'ambition de monter en LNB à court terme. Il n'est pas commun de recruter un entraîneur français en Suisse. Je ne pouvais pas arriver directement en ligue A ou en ligue B."

"Miné de l'intérieur"

Mais Perroton n'a pas caché non plus sa lassitude par rapport à la situation du hockey hexagonal en général, notamment au manque de reconnaissance des entraîneurs français, et de celle de Gap en particulier. Non seulement certains renâclaient à se soumettre à la rigueur qu'il jugeait indispensable, mais en plus son travail était miné et dénigré par des personnes décidées à le faire tomber, des "cancers" qui rongent le club de l'intérieur, selon ses propres mots.

Plutôt que de blâmer son entraîneur d'avoir préféré jeter l'éponge et choisir une nouvelle opportunité alors que sa femme ne parvenait pas à s'adapter à la vie villageoise, Georges Obninsky a choisi au contraire de se montrer solidaire de la décision de son technicien. Son leitmotiv, plus jamais ça. Gap ne pourra jamais remonter aux sommets du hockey français si ses entraîneurs voient systématiquement leur travail saboté. Avec la volonté que personne ne puisse se réjouir du départ de Perroton, le président a été virulent et incisif dans le Dauphiné Libéré : "Pour moi, ce départ est un départ de trop. Et les personnes responsables de ce nouveau coup dur vont être neutralisées, je vous l'assure. Une minorité de personnes qui gravitent à l'intérieur ou autour du club, cadres dirigeants ou joueurs, se sont plu à miner notre travail de l'intérieur pour leur seul intérêt personnel. Eh bien, qu'ils sachent qu'ils n'ont qu'à bien se tenir à partir de maintenant. Je suis parvenu après quatre ans de présidence à identifier en grande partie la source de nos maux, je ne tolérerai plus aucun écart nocif."

Il y a un an, Laurent Perroton avait pris en mains une équipe déjà constituée pour l'essentiel, avec tout ce que cela présuppose au niveau des mauvais plis qu'il est difficile de résorber une fois qu'ils se sont déjà installés. Cette fois, il a œuvré à assembler le nouvel effectif en fonction de ses exigences, mais il n'a pu mener cette tâche à son terme. Néanmoins, même après s'être engagé au Star Lausanne, il a poursuivi son travail à Gap pendant plus d'un mois afin d'honorer son contrat et de ne pas laisser le club qu'il quittait en jachère, car telle n'était pas son intention.

Le club n'en était pas moins dans une situation délicate car les jours étaient comptés pour trouver un remplaçant. Laurent Perroton nous avait d'ailleurs exprimé ses craintes dans ce contexte : "J'ai conscience qu'il est délicat de trouver un entraîneur au mois de juin, d'autant qu'il faudrait quelqu'un de mon profil. Si l'on fait venir un étranger, il y a le risque qu'il ne soit pas suffisamment patient avec les jeunes joueurs, qui commettront forcément des erreurs dans leur apprentissage du haut niveau."

S'il était d'emblée évident que le candidat serait lui aussi extérieur au département, pour ne pas subir les néfastes pressions locales évoquées ci-dessus, il n'était pas évident de trouver un successeur français. Le nouvel entraîneur sera donc étranger, mais il a en revanche l'avantage d'avoir un profil adapté. Henrik Alfredsson était en effet en charge des moins de seize ans et des moins de dix-huit ans dans un des meilleurs clubs suédois, Brynäs IF, l'équipe-phare de Gävle. Même s'il ne disposera pas des mêmes conditions de travail, il semble donc avoir au moins la fibre formatrice, et aura l'occasion de développer des joueurs pour leur faire accéder au haut niveau. Gap a en effet une excellente équipe espoirs, qui essaiera même de rivaliser avec les intouchables Rouen, Amiens, Viry et Grenoble dans sa catégorie.

Des (rares) jeunes motivés par le challenge

La jeunesse sera le bienvenue car les Rapaces devront se renouveler. Ils ont souvent compté par le passé sur leur première ligne Lallemand-Moussier-Turcotte. Or, Franck Lallemand, qui souffre de maux de dos, a décidé avant même la fin de la saison dernière de raccrocher les patins à trente-deux ans. Quant à Romain Moussier, après avoir débuté le dernier championnat en fanfare, il a vite calé. Quant au joker Benjamin Galmiche, il repart vers Avignon après avoir connu des problèmes d'intégration.

Il faut donc compter sur d'autres atouts offensifs, par exemple le second étranger en attaque (en plus du fidèle Turcotte). Viktor Stefanech a déjà passé deux saisons en France, en D2 avec Valence et en D3 avec Montpellier, avant de rentrer en Slovaquie l'été dernier. Des références qui n'ont en soi rien d'exceptionnel, mais sa saison à un point par match avec Prievidza au deuxième niveau slovaque laisse penser qu'il n'aura guère de mal à faire mieux que son prédécesseur. Et pour cause ! Même s'il a inscrit le but décisif contre Morzine en coupe, Miroslav Lukes n'a pas marqué le moindre but en Super 16, le comble pour un "renfort" étranger. Les autres cadres seront Nicolas Ravoire et les Perez. Mickaël, écarté par Briançon pendant le camp d'entraînement, rejoint en effet Antony. Il est à souhaiter qu'ils soient enfin épargnés par les blessures car il n'y a pour l'instant que deux lignes "expérimentées" - tout est relatif vu la moyenne d'âge gapençaise - en attaque.

La troisième devrait être constitué de juniors. Gap n'a pas caché sa volonté de proposer à des espoirs la possibilité d'avoir du temps de jeu en Super 16, et a démarché en ce sens, notamment lors du tournoi final espoirs élite. Mais, alors qu'une dizaine de jeunes contactés snobaient les propositions du petit club en préférant rester dans une structure prestigieuse où ils risquent pourtant d'être barrés et de se marcher sur les pieds, ils ne sont pas si nombreux à avoir tenté l'aventure. Il y a Romain Masson, l'espoir amiénois qui a fait de brèves apparitions avec l'équipe première, mais qui a surtout montré son talent en D2 avec la réserve. Il a un style de jeu plaisant et devrait vite être adopté à Gap. On peut sans doute en dire autant de Teddy Da Costa, qui illustre le mot d'ordre du président castelvirois Christian Vigier : "Si un joueur veut venir, il peut. S'il veut partir, il peut aussi". Arrivé d'Anglet pour rejoindre l'équipe de Viry-Châtillon tenante du titre en cadets, il est venu, il a vu, et il a vaincu, puisque les joueurs en jaune et vert ont été à nouveau champions de France. Mais ses grigris en cadets élite face à des défenseurs trop éloignés de son niveau ont peu de valeur intrinsèque, et il aura maintenant un nouveau challenge intéressant, à relever aux côtés de son frère Gaby : être le premier joueur né en 1986 à s'imposer comme titulaire en Ligue Magnus, et confirmer à l'épreuve des seniors qu'il est effectivement le plus doué de cette génération.

La défense repart sur les mêmes bases que la saison dernière. Jan Lukac en sera toujours le pilier, appuyé par Jean-François Cal qui fait presque figure d'ancien à vingt-trois ans ainsi que par Ludovic Garreau et Alexandre Cornaire qui sont deux joueurs en plein développement. Quant à Ondrej Mertl, il est quasiment un renfort puisqu'il n'a joué que la fin de saison dernière après avoir été blessé peu après son embauche. Enfin, le grand Marek Lorenc, qui ne faisait pas la différence pour un étranger, a été remplacé par Martin Zajicek, l'arrière de Montpellier qui a été pris à l'essai et dont la relance et la solidité ont suffisamment convaincu pour qu'il décroche un contrat.

La profondeur de banc sera néanmoins plus faible que l'an passé, où elle avait surtout servi à pallier les blessures. Ce seront l'attaquant Jody Obninsky, qui a pu prendre le rythme du Super 16 l'an dernier, et le défenseur Yann Meyssirel, qui reste dans l'équipe contrairement à Roy, qui tenteront de s'immiscer parmi les titulaires.

Reste le poste de gardien, où Radek Lukes avait été plus irrégulier la saison dernière, perturbé par des problèmes personnels. Il sera remplacé par Martin Forslund, un gardien suédois qui a la mitaine à droite et qui arrive dans un étonnant chassé-croisé transfrontalier tripartite (Lombard s'en va de Clermont vers Piteå, club d'Allsvenskan, alors que Forslund arrive de Piteå à Gap, équipe que Lukes quitte pour Clermont...). Gap n'y perd pas au change, d'autant que le jeune Suédois aura la concurrence qui faisait défaut à son prédécesseur en la personne de l'international junior Olivier Courally.

Marc Branchu

 

 

Départs : Perroton (entraîneur, Star Lausanne, SUI), Lallemand (arrêt), R. Lukes (Clermont-Ferrand), M. Lukes (TCH), Lorenc (TCH), Galmiche (Avignon), Carabalona (Lyon), Périllat (Morzine), Roy (Lyon), Jaussaud (arrêt), S. Ravoire (arrêt).

Arrivées : Alfredsson (entraîneur, Brynäs J18 et U16, SUE), Zajicek (Montpellier), T. Dacosta (Viry cadets), M. Forslund (Piteå, SUE), Stefanech (Prievidza, SVK), R. Masson (Amiens), O. Courally (Cergy), M. Perez (Briançon).

Effectif

Gardiens : Martin Forslund (SUE, 23 ans), Olivier Courally (19 ans).

Défenseurs : Jan Lukac (SVK, 32 ans), Jean-François Cal (23 ans), Martin Zajicek (SVK, 23 ans), Alexandre Cornaire (21 ans), Ludovic Garreau (21 ans), Ondrej Mertl (TCH, 24 ans), Yann Meyssirel (23 ans).

Attaquants : Romain Moussier (27 ans), Patrick Turcotte (CAN, 32 ans), Viktor Stefanech (SVK), Antony Perez (25 ans), Mickaël Perez (21 ans), Nicolas Ravoire (23 ans), Romain Masson (21 ans), Jody Obninsky (23 ans), Gabriel Da Costa (20 ans), Teddy Da Costa (18 ans).

Entraîneur : Henrik Alfredsson.

 

 

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