Autriche 2003/04 : présentation
Le président de la fédération Dieter Kalt n'a pas hésité à parler de "boom du hockey sur glace" en Autriche. Les équipes sont de plus en plus suivies par leur presse régionale, à l'image du champion Linz en Haute-Autriche. Les médias nationaux ne sont pas en reste, et l'hebdomadaire Sport Woche a consacré vingt pages à la présentation de la saison. La chaîne payante Premiere retransmet une rencontre de championnat chaque semaine, et même la télévision nationale ORF se met à diffuser un petit magazine de dix minutes sur le hockey sur glace le dimanche après-midi. La moyenne de spectateurs a en outre grimpé de plus de 30% l'an dernier, et la Bundesliga a retrouvé un sponsor avec la banque Erste Bank.
Dans ce contexte général très prometteur, à deux ans des championnats du monde 2005 en Autriche, il y a toutefois un point où on ne peut pas partager l'optimisme du président de la fédération. Comme anticipé depuis un an déjà, Lustenau s'est retiré de l'élite dont il ne pouvait suivre l'escalade financière, et aucun des deux finalistes du niveau inférieur (Zell am See et Salzbourg) n'a souhaité franchir le pas. On se retrouve donc avec sept clubs, et une élite toujours très fragile.
Le travail effectué depuis la remise à plat du championnat, avec le passage à dix clubs alors qu'il n'en restait que deux de la précédente élite, a porté ses fruits dans de nombreux domaines. La limitation à quatre étrangers a permis de donner la place aux jeunes joueurs, et cela s'est vu dans les excellents résultats des équipes nationales juniors. L'arrivée de nouvelles équipes a permis de développer le hockey dans de nouvelles régions... pour celles qui sont arrivées à suivre. Car celles qui se sont retrouvées en bas de tableau ont jeté l'éponge une à une, et il est à craindre que ce processus se poursuive même si le championnat s'annonce très serré cette saison. Si on ne contrôle pas mieux les budgets et si on ne crée pas les conditions pour qu'une passerelle sportive soit érigée entre les deux premières divisions, la pérennité de cette élite est toujours menacée.
Les clubs de Bundesliga
Chez le champion Linz, tous les voyants sont au beau fixe. Le titre est venu récompenser l'ascension remarquable du club, qui a été le grand bénéficiaire de la restructuration du championnat. Il est un des rares clubs à présenter des comptes positifs. Il a en outre trouvé un nouveau sponsor Superfund, qui s'est attiré des ennemis dans le football en reprenant le club de Pasching et en lui faisant perdre son identité en changeant son nom et ses couleurs, à la grande colère des supporters. Les Black Wings s'estiment à l'abri d'une telle fronde car la dénomination "Superfund BW Linz" conserve l'ancrage et l'identité du club. Même les nouvelles couleurs vertes et noires étaient celles du hockey à l'origine. Ayant signé un contrat d'un an renouvelable jusqu'à quatre années avec ce sponsor, Linz affiche maintenant des ambitions à l'échelle autrichienne mais aussi européenne.
On ne se satisfait donc pas des résultats obtenus jusqu'ici, et malgré son très bon bilan, l'entraîneur tchèque Stanislav Barda a toujours été contesté. Il a donc été remplacé par Veli-Pekka Ketola, la légende vivante d'Ässät Pori, le club de sa ville natale qu'il avait amené à ses deux seuls titres de champion en 1971 et 1978. L'entraîneur finlandais a relevé le niveau d'exigence physique dans cette équipe aussi forte que l'an passé, mais confrontée à une concurrence plus dense. La star Rick Nasheim a été remplacée par le vétéran du championnat autrichien Kent Salfi, et le départ de Ray Podloski a été compensé par le retour de l'international Raimund Divis après un an à Feldkirch. S'appuyant toujours sur le gardien tchèque Pavel Nestak, le meilleur du championnat, Linz dispose donc encore d'une attaque très riche en atouts et capable de jouer à quatre lignes. Le seul point faible de ce "jeune" club à la progression rapide est que la formation y est encore embryonnaire. Il a donc exploité la nouvelle règle autorisant à réserver deux places supplémentaires à des étrangers de moins de 21 ans, en l'occurrence le défenseur finlandais Juha Ihantola et l'attaquant David Rodman. Ce Slovène de 19 ans, qui a joué en junior majeur au Québec mais a renoncé à la draft NHL pour revenir en Europe, est décrit comme meilleur que son frère - l'international Marcel Rodman - au même âge.
Alors que Villach a été le principal adversaire de Linz ces deux dernières années, il pourrait cette fois céder ce privilège à l'autre équipe de Carinthie, Klagenfurt. Les dirigeants, qui ont encore à se faire pardonner l'éviction du gardien Michael Suttnig, qui avait été remplacé par Andrew Verner (Hanovre) juste avant les play-offs, ont construit une équipe compétitive, presque inchangée. Le jeune défenseur formé au club Alexander Mellitzer est parti pour Innsbruck, mais il a été remplacé par le bon relanceur finlandais Jaako Niskavaara. Les lignes arrières conduites par les vétérans Ivanov et Viveiros (nouveau capitaine) devraient intégrer un nouveau grand espoir, Johannes Kirisitz.
En attaque, le Suédois Strömwall est simplement remplacé par le Finlandais Kaipainen. Par ailleurs, l'Italo-Canadien Anthony Iob a été repositionné. Il jouait l'an dernier sur la ligne conduite par Mario Schaden et chargée de lutter et travailler dans les coins ; il sera cette année chargé de marquer des buts aux côtés des jeunes Koch et Welser, mais ce dernier s'est malheureusement fracturé la main lors du camp d'entraînement à Brno. Jorma Siitarainen dispose ainsi de quatre lignes qui ont peu de choses à envier à celles de Linz. Cet entraîneur finlandais venu de Lustenau semble capable de travailler auprès des jeunes, ce qui est essentiel au KAC, qui a fourni sept joueurs à l'équipe d'Autriche des moins de vingt ans, promue pour la première fois depuis plus de vingt ans dans l'élite mondiale. Mais il lui faudra aussi supporter la pression d'avoir désormais la charge d'un candidat permanent au titre.
Tom Coolen n'a pas un challenge facile à Feldkirch. Dans ce club, les entraîneurs sont parfois peu de choses face à l'ingérence du président Walter Gau ou au pouvoir des vétérans de l'équipe qui n'aiment pas être contrariés. On en a vu les conséquences l'an passé, où le club du Voralberg avait fait un retour tonitruant dans l'élite avant de compromettre sa saison dans une valse des entraîneurs. Difficile de se défaire de l'héritage du VEU Feldkirch, l'ancien surprenant champion d'Europe, dont une vieille gloire, Rick Nasheim, revient au club.
Mais c'est surtout chez le voisin Lustenau, volontairement rétrogradé, que Feldkirch a puisé ses renforts. Il en a gardé les meilleurs éléments, les jeunes attaquants Thomas Auer et Martin Grabher-Meier, le prometteur gardien Jürgen Penker comme doublure de McArthur, et surtout l'excellent arrière Robin Doyle. La défense est solide et apporte une nette force de frappe pour le jeu de puissance, et l'injection de jeunes (dont "l'étranger de moins de 21 ans" slovaque Tomas Jasko) complète une équipe expérimentée voire vieillissante. Reste à savoir si tout le monde travaillera ensemble pour atteindre une régularité indispensable à la performance.
Comme Klagenfurt, Villach s'appuie essentiellement sur son exceptionnel réservoir. Chez les clubs de Carinthie, il n'est pas question de faire appel à des étrangers de moins de 21 ans, les jeunes du cru suffisent largement. Même si le VSV et le KAC ont cédé une partie de leur suprématie depuis la restructuration du championnat (il ne pouvait en être autrement puisqu'à l'époque ils étaient les seuls survivants, tous leurs concurrents ayant succombé à la folie des grandeurs), la région fournit encore plus de la moitié des internationaux juniors.
Un tel savoir-faire dans la formation des jeunes est irremplaçable. Il permet au VSV d'être toujours plein de ressources, même s'il a connu six départs à l'intersaison, dont son meilleur marqueur Kent Salfi, pour seulement trois arrivées, dont le meilleur compteur de LNB suisse Chris Lindberg. Son effectif ne paraît pas renforcé, mais ses atouts sont ailleurs, dans la qualité de son collectif. Villach semble avoir trop de faiblesses, en premier lieu son gardien Gert Prohaska qui a montré de sérieuses lacunes aux derniers championnats du monde, pour faire la course en tête tout du long, mais sa grande combativité le rend toujours redoutable en play-offs.
Après les espoirs (en bonne partie déçus) de la saison dernière, Innsbruck s'attend à une année difficile, avec la concurrence retrouvée du football remonté dans l'élite, et avec les travaux en vue de la construction d'une patinoire pour le Mondial 2005. Les Tyroliens ont ainsi dû se préparer en faisant leurs entraînements sur glace à Vipiteno en Italie, et s'ils pourront jouer leurs matches à domicile dans leur vieille patinoire olympique (qui a accueilli les JO de 1964 et 1976), la moitié des tribunes sera fermée au public.
Le retour de manivelle se fait également sentir au niveau de l'effectif, avec la perte des deux ailiers de la première ligne vers Düsseldorf en DEL. Martin Hohenberger n'aura donc refait profiter le championnat autrichien de son talent qu'une seule saison, et il ne sera pas facile à remplacer, pas plus que son collègue suédois, le complet Johan Molin. Si l'arrivée de deux défenseurs de Carinthie, Mellitzer (KAC) et Mana (VSV), assure les arrières, l'attaque risque donc d'être moins forte. L'entraîneur suédois Lars-Erik Lundström s'appuiera sur ses compatriotes pour les quatre postes d'étrangers, et comme la paire d'arrières a convaincu, on peut penser que les attaquants Hult et Norbäck s'intègreront bien à leur tour. Innsbruck n'est pas inférieur à ses adversaires techniquement, mais qu'en est-il sur le plan de l'envie ?
Les Vienna Capitals se signalent par leur marketing et leurs actions de relations publiques, mais pas vraiment par leurs résultats. Les dirigeants continuent cependant d'afficher des objectifs élevés, en l'occurrence la qualification pour les demi-finales, ce qui ressemble à une gageure. La pression est donc forte sur l'entraîneur Kurt Harand, qui, malgré sa contribution au hockey viennois, a commencé à être contesté en début de saison dernière. Il faudra en effet que son équipe retrouve de la discipline collective pour pouvoir prétendre aux play-offs.
L'effectif ne paraît en effet pas si fourni que ça. Dans les cages, on semble avoir trouvé le bon filon avec le gardien finlandais Marko Leinonen, dont l'arrivée en fin de saison dernière explique la belle résistance contre Villach en play-offs après un championnat sans relief. La défense est renforcée par un Canadien expérimenté, Darcy Werenka (Cologne), et peut compter sur les frères Lakos, André et Philippe. Mais il faudra que ces deux jeunes Autrichiens passés par l'AHL et l'ECHL évitent les fautes inutiles, un problème récurrent des Viennois. Par contre, l'attaque a perdu pas mal de buteurs avec Berens, Tropper et Tsurenkov (ces deux derniers vers Innsbruck), et le Canadien Mike Craig (Langnau) ne pourra pas s'y substituer à lui seul. Attention en revanche à Jari Suorsa, qui n'était que semi-pro au Danemark il y a un an et qui a révélé ses qualités devant le but en une demi-saison à Regensburg. Ce sera au "roi des mises au jeu" Ray Podloski (Linz) de régenter tout cela avec son expérience, mais les Capitals, qui se sont empressés d'attribuer les deux places d'étrangers de moins de 21 ans à deux Tchèques (Martin Juza et Jan Cachotsky) ont bien peu de réserves.
C'est sur Graz que repose maintenant le championnat autrichien. Après le retrait de Lustenau, tout le monde redoute en effet que l'équipe styrienne soit la suivante. Si elle a du succès, le public devrait suivre. Mais si elle enchaîne les défaites, il est à craindre qu'elle entre dans une spirale infernale qui aboutisse à l'adieu à l'élite. Pour éviter le deuxième scénario, encore une fois, on utilise des mesures spéciales pour niveler les disparités. Jusqu'ici, il y avait des règlements spéciaux "contre" Villach et Klagenfurt pour qu'ils aient un étranger de moins que les autres, cette année, c'est Graz qui bénéficie d'une exception avec cinq étrangers au lieu de quatre (plus ceux de moins de 21 ans).
Cela peut être suffisant pour donner le coup de fouet nécessaire à une équipe qui a du potentiel mais qui l'a trop souvent gâché dans des tensions inutiles et des polémiques internes, dont l'entraîneur-psychologue Mike Zettel tentera de se prémunir. Même si tous les pronostiqueurs la voient au mieux avant-dernière, elle est capable de créer des surprises à force de motivation. Graz dispose en outre du grand espoir autrichien au poste de gardien, Patrick Machreich. Ses excellentes performances en pré-saison ont fait pâlir en comparaison le n°1 prévu Marek Novotny et lui ont coûté son poste. Un remplaçant a tout de même été recruté, le Slovaque Rastislav Rovnianek (Martin). La concurrence devrait aider Machreich à progresser et bénéficier à une formation qui a surtout connu des problèmes défensifs. L'attaque a certes perdu son meilleur marqueur Marcel Rodman (Krefeld, DEL), mais elle retrouve un autre Slovène, Ivo Jan, qui l'avait précédé à Graz et qui avait déjà beaucoup apporté en 2001/02.
Un petit mot de la Nationalliga
La Nationalliga, deuxième division autrichienne, devrait encore donner lieu à un grand duel entre les deux formations du Bundesland de Salzbourg. Tenant du titre, Zell am See, qui fête son soixante-quinzième anniversaire, tient à conserver sa suprématie locale avec à sa disposition l'effectif le plus complet. La capitale régionale Salzbourg la lui conteste, et est prête à sauter le pas pour rejoindre l'élite la saison prochaine, d'où le recrutement du gardien international Michael Suttnig. Mais la Nationalliga ne se résumera pas à ces deux équipes, car elle est devenue de plus en plus serrée.
Après avoir arrêté les frais en Bundesliga, Lustenau a perdu ses derbys avec Feldkirch, mais a conclu un accord de partenariat avec son ex-rival, à qui il a cédé ses jeunes joueurs en espérant qu'ils puissent être prêtés en retour à l'occasion. Il comptera par ailleurs sur un duo d'internationaux slovènes, puisque Nik Zupancic est rejoint par Dejan Kontrec. Et pour ce qui est des derbys, il y a de quoi faire de toute façon. Le Voralberg, cette région située à l'extrémité ouest de l'Autriche à la frontière suisse, compte en effet deux autres clubs en Nationalliga. Si Bregenzerwald, le dernier survivant dans cette division parmi les équipes jouant sur une patinoire en plein air, a des ambitions forcément limitées, ce n'est pas le cas de Dornbirn, qui se voit bien monter dans l'élite dans deux ou trois ans. Et il a montré les premiers signes de cette volonté en engageant Jouko Myrrä, un des meilleurs buteurs de Bundesliga avec Lustenau, et Ryan Foster, la star de Zell-am-See. Bien sûr, la défense est très loin d'être à l'hauteur de ses grands noms en attaque, mais dans un championnat où les 8-7 sont plus courants que les 2-1, ce n'est pas très surprenant...
Les deux clubs de Styrie ont fait le choix inverse et ont couvert leurs arrières. Après une saison décevante avec un effectif présumé offensif, Kapfenberg a recruté deux étrangers en défense, l'entraîneur-joueur Ivan Osko (ex-Graz) rejoignant Polkovnikov. Mais Zeltweg a l'intention de prendre une revanche sur son rival local qui l'avait sorti en quart de finale à la surprise générale l'an passé, et dispose pour cela de deux défenseurs autrichiens très bons pour ce niveau, Ogrinigg et Höller, ainsi que du Tchèque Michal Kubicek.
Enfin, la huitième équipe de cette Nationalliga sera le WEV. La légendaire équipe viennoise, une des pionnières du hockey sur glace en Europe, refait surface trois ans après sa faillite. Pendant que les Vienna Capitals ont été créés de toutes pièces pour ramener du hockey d'élite dans la capitale autrichienne, le WEV a continué son travail de formation. Champion national chez les moins de quatorze ans et les moins de seize ans, les Viennois disposent d'un formidable réservoir - 250 garçons et filles inscrits dans les équipes de jeunes - et ils ont bien l'intention de l'utiliser. Mais avec une équipe composée aux trois quarts de joueurs de moins de quatorze ans, et seulement deux étrangers là où on a le droit d'en aligner trois, les premiers pas en Nationalliga risquent d'être bien difficiles. Ces jeunes sont avant tout là pour apprendre.
Marc Branchu