Bilan du Mondial 2002 de division I (groupe B)
Ce groupe de championnat du monde organisé en Hongrie aura été le théâtre de quelques-unes des surprises les plus sensationnelles de ces dernières années. Certains y voient un argument frappant en faveur de la réforme des compétitions mise en place par l'IIHF, mais je ne peux être d'accord. Les performances hongroises auraient été les mêmes dans l'ancienne formule (poules uniques de huit équipes) et auraient sans doute provoqué des conséquences intéressantes, obligeant chacun à batailler jusqu'à l'ultime journée. Au lieu de cela, elles n'ont pimenté qu'une poignée de matches, alors que l'autre poule a été des plus mornes, puisque tout s'est joué comme prévu sur seulement deux matches (Belarus-France pour la montée et Corée-Croatie pour la descente). Dans la poule de Dunaújváros et Székesfehérvár, quatre équipes ont certes joué la montée, mais deux sont restées à l'écart, la Roumanie et la Chine, impliquées dans une bataille "privée" pour le maintien. Si l'on dresse un bilan complet, on constatera que tous les groupes de division I et de division II ont débouché sur une hiérarchie bien définie, la première équipe gagnant ses cinq matches, la deuxième battant tout le monde sauf le premier, etc... Ce n'est pas ce qu'on l'appelle des tournois passionnants. Les scores-fleuves vus en division II et les tournois à deux vitesses vus en division I plaident pour un retour à l'ancienne formule qui a fait ses preuves, à savoir des groupes B, C et D à huit équipes.
Le Danemark a été le grand gagnant de cette semaine hongroise. Certains feront la fine bouche et remarqueront que cette équipe est sans doute moins forte que la France, qui la bat neuf fois sur dix. C'est sans doute vrai, mais pourtant la promotion des Scandinaves dans l'élite mondiale ne doit rien au hasard. Il est la conséquence d'un développement constaté dans les compétitions de jeunes dans les années 90 avec une génération exceptionnelle. Une génération au sein de laquelle les attaquants Lasse Degn (Hvidovre, 25 ans) et Kim Staal (MoDo, drafté par les Canadiens de Montréal, 24 ans) font déjà figure d'anciens. C'est simple, la moitié de l'équipe qui a amené le Danemark dans l'élite pour la première fois depuis plus de cinquante ans (à une époque où le découpage en divisions n'existait pas) a moins de vingt-trois ans. Le coup d'arrêt de l'an dernier, où ils sont passés à côté de leur Mondial, n'aura été qu'un coup d'arrêt provisoire. Beaucoup plus disciplinés, les Danois ont su tirer profit des circonstances. Ils ont surpris au premier match des Britanniques que certains voyaient déjà trop beaux, ils ont cueilli des Norvégiens que leur défaite face à la Hongrie avait plongé dans le doute, et enfin ils ont calmé la fougue de l'équipe organisatrice et l'ont empêché de croire en ses chances en marquant deux buts dans les six premières minutes de l'inattendue finale.
Ceux qui ne veulent pas ouvrir de grands yeux à la lecture des résultats des championnats du monde feraient bien de consulter plus attentivement ceux des compétitions de jeunes. Comme le Danemark, la Hongrie s'était fait remarquer dans les années 90 et son potentiel était donc décelable. La victoire contre la France l'an dernier n'était pas qu'un hasard. Contrairement au nul des Bleus contre les Pays-Bas, elle ne reflétait pas que les errements du favori, mais était la conséquence d'une vraie qualité de l'outsider. Les Hongrois l'ont prouvé cette année en battant d'entrée la Grande-Bretagne, puis en défaisant des Norvégiens que ne pouvait plus excuser l'effet de surprise. Les deux matches ont été assez différents : les Britanniques ont été dominés dans tous les domaines, alors que la victoire contre la Norvège doit surtout à la prestation exceptionnelle de Levente Szuper, vingt-deux ans, élu en toute logique meilleur gardien du tournoi. Il n'a pas pour autant pu faire des miracles au point d'emmener son équipe dans le groupe A, et a finalement été remplacé après le quatrième but lors du match perdu contre le Danemark. Ce tournoi sera à marquer d'une pierre blanche pour la Hongrie, mais il ne faut pas croire pour autant que cette progression fulgurante la conduira nécessairement dans l'élite, à laquelle elle n'est sans doute pas prête. Ses principaux leaders, comme le duo d'attaque d'Alba Volán composé de Krisztián Palkovics et Gábor Ocskay, sont âgés de vingt-six ans et n'ont pas la même marge de progression que les Danois. A court terme (sauf si elle profite d'un groupe facile l'an prochain, sa dernière chance sans doute), elle devrait connaître le même sort que le Kazakhstan et stagner en milieu de tableau, sans espoir de montée ni crainte de descente. Elle ne doit néanmoins pas se croire arrivée, car elle a trop peu de vécu pour assumer confortablement son nouveau statut face à des équipes plus faibles. Une éventuelle absence de Szuper (qui évolue en AHL et devrait continuer sa carrière outre-Atlantique) pourrait ainsi se révéler problématique pour sa confiance et la faire redescendre brutalement sur terre. A long terme, la prédiction est plus difficile. Il va d'abord y avoir un net creux générationnel, malgré de rares individualités comme János Vas, qui a dix-huit ans est le deuxième joueur de l'équipe à jouer à l'étranger, à Malmö. Ensuite, la reconstruction de la patinoire de l'Ujpest devrait permettre au club de Budapest, qui a fait de la formation sa priorité, de s'adjoindre à Dunaferr et Alba Volán, qui forment pour l'instant 90% de l'équipe nationale, et de diversifier la base du hockey hongrois. Attendons de voir si la relève arrivera assez tôt avant que ceux qui seront désormais les "héros de 2002" ne partent tous à la retraite.
La Norvège a sans doute eu tort de se réjouir secrètement des résultats de la première journée, et de la défaite de la Grande-Bretagne, présentée comme son principal adversaire, face à la Hongrie. Elle aussi est finalement restée piégée dans la toile tissée par le pays organisateur et son araignée Levente Szuper. Décidément, la Norvège ne réussit pas à s'adapter à la division 1. Repêchée artificiellement dans l'élite à l'occasion des championnats du monde qu'elle organisait, elle connaît les mêmes problèmes que lors de sa première descente dans le groupe B. Après le faux-pas hongrois, elle n'a pas réussi à se rattraper face à sa bête noire, le Danemark, dans l'espoir d'une égalité à trois. Cette équipe est-elle à sa place ? Autant sa descente à ce niveau était logique, autant une remontée ne serait pas illogique. La Norvège a déjà pas mal mangé son pain noir et ses stars éclatent dans toute l'Europe : Trond Magnussen et Tore Vikingstad ont été les révélations de la saison à Düsseldorf, et les jumeaux Trygg ont pris part à l'exceptionnelle saison de Färjestad en Suède. L'année prochaine promet d'être intéressante, puisqu'ils devraient retrouver la France, la Grande-Bretagne et un pauvre relégué de l'élite tombé dans ce groupe de la mort.
L'échec de la Grande-Bretagne a prouvé qu'elle doit accentuer la politique mise en place par Chris McSorley depuis son arrivée comme sélectionneur. S'appuyer sur des jeunes pour construire une équipe de joueurs formés au pays et non de trentenaires naturalisés est plus que jamais nécessaire. Mais c'est un travail de longue haleine, et cela ne se fait pas en un jour. Le fait que Tony Hand soit encore à près de trente-cinq ans un des meilleurs joueurs de l'équipe est symbolique à plus d'un titre. On n'aura pas d'un coup de baguette magique des joueurs du niveau de celui qui est sans doute le meilleur joueur britannique de l'histoire. Quel dommage que l'attaquant écossais ait dû boycotter l'équipe nationale durant ces meilleures années pour protester contre l'afflux de naturalisés. Le retour en sélection de l'entraîneur-joueur de Dundee est un signe d'espoir à destination des plus jeunes. Malheureusement, McSorley a fait appel au dernier moment à Rick Brebant (38 ans) et au tout récemment naturalisé Jeff Hoad, ce qui a freiné le rajeunissement programmé. La Grande-Bretagne a ainsi encore été l'équipe la plus âgée du tournoi, ce qui montre les efforts entrepris sont loin d'être suffisants. Certes, des progrès ont été accomplis pour ce qui est du nombre de jours de regroupement, mais il reste encore beaucoup à faire. Ce n'est pas en rencontrant Coventry, Belfast ou Cardiff que les Britanniques s'étalonneront au niveau international, c'est en sortant de leur île pour affronter des sélections étrangères. Le programme de tournois que va mettre en place l'IIHF leur en donnera l'occasion et les conséquences devraient se faire sentir. Pour que cela marche, deux conditions sont nécessaires. D'une part, que McSorley trouve un relais pour s'occuper de l'équipe de plus près, car il ne pourra pas suivre suffisamment son développement depuis Genève. D'autre part, que la Superleague joue le jeu. Il faut que les joueurs puissent être libérés sans problème, contrairement à ce qui s'est passé durant le match amical contre Belfast, et bien sûr qu'elle ouvre enfin ses portes aux Britanniques, pour que des joueurs de la qualité de Colin Shields ou David Longstaff (qui, après avoir reçu un coup de crosse en ouverture contre le Danemark, a disputé trois matches, dont un où il a été élu meilleur joueur, avant que lui soit diagnostiqué une thrombose) ne soient pas contraints de s'expatrier pour exprimer leur talent. McSorley a sévèrement critiqué la Superleague pour n'aligner dans ses rangs que six joueurs formés au pays (pour sept clubs...) et pour ne pas vouloir s'adapter aux règles internationales en éliminant les bagarres et le jeu d'intimidation.
La Roumanie a parfaitement réussi dans ce tournoi organisé par un pays "cousin" (la minorité hongroise constitue en effet toujours le socle du hockey roumain et de la sélection). Elle s'est améliorée au fil des matches : après deux grosses défaites, elle a accroché la Grande-Bretagne et la Hongrie, qui n'ont fait la différence qu'en fin de match, et a ainsi parfaitement préparé sa "finale" pour le maintien, le dernier jour face à la Chine. Son potentiel offensif laisse pourtant encore à désirer. Ce sont ainsi deux défenseurs de trente-trois ans, Csaba Gal et Ion Dimache, qui terminent meilleurs marqueurs de l'équipe avec trois points... Dans un pays où le sport a souvent eu beaucoup de difficultés (cf le rugby) à gérer la transition du régime dictatorial de Ceaucescu à une économie de marché qui en a gardé les pratiques de corruption, le hockey roumain ne s'en sort pas si mal. Il a au moins évité la décrépitude proche de la ruine de son voisin bulgare, même si son développement est encore incertain.
La Chine contribue à une année sombre pour le hockey asiatique en accompagnant la Corée du Sud dans le bal des relégués. L'avenir passe peut-être par le développement de ce sport hors de son bastion des villes industrielles du nord-est (Harbin, Qiqihar...), peut-être en trouvant le moyen de se servir de Hongkong où le hockey existe mais sous la forme d'une ligue de garage pour expatriés nord-américains. Néanmoins, on sait qu'il n'est pas facile de trouver du soutien en Chine pour un sport qui n'a aucune chance de rapporter des médailles (même les femmes qui pouvaient y prétendre se rendent compte qu'il leur sera difficile de jouer sérieusement le podium mondial dans les années qui viennent).
Marc Branchu