Italie 2001/02 : présentation

 

Le hockey italien paraît toujours vivre sur le fil du rasoir, tiraillé entre les clubs des vallées du Haut-Adige et les équipes des autres régions. En mai, une nouvelle crise a failli éclater lorsque le site internet de Merano avait annoncé que quatre des cinq clubs d'élite du Haut-Adige (Renon n'ayant pas suivi le mouvement) allaient se retirer de la série A pour jouer en série B en raison de difficultés à suivre le rythme financièrement. Ils avaient déjà fait le coup il y a deux ans, provoquant la mort de la série A, un championnat de dix-huit clubs, et le départ de Milan qui s'était tourné vers la France. Finalement, ces menaces n'ont pas été mises à exécution, mais elles rappellent la fragilité de l'édifice. Seul Brunico, aux difficultés financières insolubles, s'est relégué en série B, et le championnat italien repart donc avec huit clubs. Ils se rencontreront en triple aller-retour, les points acquis lors des deux premières phases étant divisés par deux. Il n'y aura plus de division en deux groupes, mais il y aura bien évidemment des play-offs. Les deux premiers de la saison régulière seront directement qualifiés pour les demi-finales, les deux places restantes se disputeront entre les équipes classées de la troisième à la sixième position au classement.

On en reste au même compromis fixant à cinq le nombre d'étrangers pouvant être alignés sur la glace (mais il peut y en avoir plus sous contrat), les joueurs italo-canadiens naturalisés (les "oriundi") étant compris dans ce chiffre, ce qui a déclenché début juin une pétition lancée par Bruno Zarrillo et dans laquelle les oriundi, évoluant en grande majorité à l'étranger (Allemagne, Grande-Bretagne ou Suisse), laissaient entendre qu'ils pourraient boycotter la sélection. Finalement, l'accord n'est pas tombé, même si le président de Fassa y est lui aussi allé de sa menace, déclarant qu'il ne respecterait pas le "gentleman agreement" sur la limitation des joueurs étrangers, compte tenu des exigences financières trop importantes des joueurs italiens. Les autres équipes ont fait front commun et Fassa s'est rétracté.

Et le hockey italien continue d'avancer tant bien que mal tel un funambule subissant des menaces de toutes parts et qui peut tomber (ou être poussé) dans le vide à chaque instant. Même s'il présente quelques signes extérieurs de richesse, le hockey italien est en fait d'autant plus instable que tout le monde ne pousse pas dans le même sens.

La saison passée a vu la fin d'un règne, celui de Bolzano, même pas qualifié pour la finale, qui s'est disputée entre un club lombard (Milan) et un autre du Veneto (Asiago). Le hockey italien est toutefois toujours dépendant des clubs germanophones du Südtirol car les clubs des autres régions sont dans des situations bien délicates. La fédération a fait de Turin, ville hôte des Jeux Olympiques de 2006, sa priorité, organisant un match Milan-Asiago dans la capitale du Piémont pour y promouvoir ce sport. Mais aucun dirigeant fédéral ne s'est déplacé pour l'occasion et rien n'a été fait pour accueillir dignement de nouveaux intéressés : ni liste des joueurs, ni présentation du match, un commentateur dans les choux en matière de hockey, etc. Turin attend toujours une équipe senior alors que Torre Pellice et Pinerolo restent seuls mais sans grand moyens à défendre le hockey piémontais. Varèse, vainqueur de la Coupe de la Fédération (ancêtre de la Coupe Continentale) il y a six ans, n'a aujourd'hui plus de hockey de haut niveau depuis que la présidente Colombo a arrêté les frais, en conflit avec la Fédération. La ville lombarde attend qu'un club redémarre, mais ce ne sera pas encore cette année. Quant à Côme, une autre capitale provinciale lombarde, elle était tombée en série C l'an dernier. La situation n'est guère plus reluisante au Val d'Aoste, qui il n'y a pas si longtemps jouait en série A (avec Christophe Ville) : les autres clubs de série B ont refusé son admission en championnat parce que sa demande aurait été envoyée trop tard. Grâce à cette sympathique solidarité, Courmayeur va devoir vivre sans hockey. On le voit, le développement du hockey italien est encore un travail de longue haleine.

Les clubs de série A

La série A pourrait encore se résumer à un duel Asiago-Milan, même si plusieurs autres équipes sont ambitieuses et visent ouvertement la finale. Chez le champion en titre Asiago, Benoît Laporte a accueilli quelques recrues de poids dans son effectif, notamment Eric Houde, un meneur doté d'une bonne vision du jeu, et un duo venu de Francfort, Martin Gendron et Jason Cirone. Le premier, qui compte 28 matches de NHL avec Washington et quatre saisons entre 74 et 100 points en AHL et IHL, est un buteur de 27 ans très explosif qui a comptabilisé 23 buts et 20 assists en 60 matches de DEL l'an passé. Son coéquipier Cirone a déjà joué à Asiago il y a huit ans et il devrait être centre sur la ligne de Gendron même s'ils n'évoluaient pas sur le même bloc l'an dernier. Ce n'est pas le seul ancien qui fait son retour : John Parco (Cardiff) revient lui aussi au club, mais en qualité d'entraîneur du hockey mineur, même s'il pourrait au besoin chausser les patins pour pallier d'éventuelles blessures. Si Galtcheniouk est parti en Suisse, Eric Lecompte est resté au sein d'une attaque très canadienne. La défense 100% italienne sera construite autour de Luigi Da Corte, 28 ans, qui a déjà été champion avec Merano et Bolzano. Pour le reste, la formation subit peu de changements, François Gravel en est toujours le gardien, Benoît Laporte l'entraîneur, et le vétéran Lucio Topatigh le joueur-symbole. En coulisses, l'avocat Piercarlo Mantovani a pris le relais d'Alessandro Gatti à la présidence et part avec l'intention de maintenir Asiago au sommet du hockey italien après ce premier titre.

Adolf Insam avait réussi à la surprise générale à amener une jeune équipe de Milan en finale. Le président Alvise di Canossa a désormais l'intention de décrocher le titre, mais également de briller sur la scène européenne, et l'équipe s'en est retrouvée chamboulée et renforcée. Seul Uvaev a été conservé parmi les étrangers. Van den Thillart est rentré aux Pays-Bas à Geleen, Jimmy Provencher est parti en Autriche à Kapfenberg, et le gardien français Fabrice Lhenry ne pouvait décemment pas rester s'il voulait participer aux Jeux Olympiques (pour laquelle le championnat ne s'arrête pas puisque l'Italie n'est pas qualifiée). Son remplaçant est donc Jason Muzzatti, ancien premier choix de draft de Calgary dont la carrière n'a pas vraiment tenu ses promesses, et qui sort d'une saison décevante à Augsbourg. L'Italo-Canadien Scott Beattie est revenu à Milan, le puissant ailier gauche Jim Hiller arrive des Berlin Capitals, et une vieille connaissance des patinoires françaises, Dino Grossi (Brunico), complète le tableau. Avec ces renforts de poids, au propre comme au figuré, Milan a les moyens physiques de résister à Asiago, d'autant que la défense est renforcée par l'international junior Armin Helfer (Brunico), par Federico Zancanella (Côme), par Andrea Galeazzi (Fassa) et surtout par le vétéran Georg Comploi, que convoitait justement Asiago avant de se rabattre par défaut sur Da Corte. Milan part donc avec un petit avantage psychologique sur ses rivaux. Le choc entre l'attaque d'Asiago et la défense rugueuse de Milan, conçues pour se neutraliser l'une l'autre, vaudra le coup d'œil.

Bolzano aura du mal à se mêler à ce débat cette année, même s'ils ont finalement assemblé une équipe compétitive sur le tard. Le trou financier les a obligés à se séparer de leurs étrangers. On a privilégié la solution interne pour confier les rênes à Roberto Varotto après quatre années passées comme assistant-coach. C'est une rupture avec la tradition locale que de choisir un Italien comme entraîneur. L'intersaison a été difficile : le meilleur marqueur de l'équipe, Tony Iob, avait signé un contrat avec Bolzano avant de se dédire et de signer avec Vipiteno qui lui proposait un salaire légèrement supérieur. Bolzano est du coup longtemps rentré bredouille de son marché puisque Maurizio Mansi s'est engagé avec Londres. Le fait de conserver des joueurs importants comme Christian Timpone et le très convoité Armando Chelodi a été un signal fort de la volonté de constituer une équipe solide. Finalement, les choses se sont accélérées fin août et on a trouvé des nouveaux, qui sont principalement des joueurs qui ont besoin de se relancer : Shayne McCosh des Berlin Capitals, le gros ailier de Hanovre Dan Currie et le vieillissant défenseur d'Augsbourg Jimmy Camazzola (37 ans). Mais le principal "coup" est Greg Bullock, meilleur marqueur de la Superleague avec Manchester et excellent joueur de supériorité numérique. On pensait que l'international italien Günther Hell serait le gardien titulaire, mais, coup de théâtre de dernière minute, le président Dieter Knoll est allé chercher le Finlandais Ari-Pekka Siekkinen (36 ans) à Hanovre.

Beaucoup de clubs rêvent de devancer Bolzano et de monter sur le podium, en particulier Vipiteno, qui a recruté très tôt à tour de bras, et pas seulement l'international Tony Iob, suspendu pour les prochains Mondiaux après son coup de poing sur Aeschlimann (une de ses spécialités puisque ce triste sire se vante d'avoir envoyé Eric Lindros à l'hôpital en juniors). A commencer par un nouvel entraîneur : le Canadien Gary Prior était trop cher, place au Finlandais Jari Helle, qui a emmené Caldaro au titre de série B. Arrivent également le Slovaque Roman Mucha, meilleur marqueur du championnat polonais avec Oswiecim, et un duo de défense très physique avec le Finlandais Tuomo Kyhä (ex-Ässät) et l'international britannique Rob Wilson (ex-Newcastle). La rétrogradation volontaire de Brunico a libéré le défenseur international juniors Christian Mair et le jeune et rugueux ailier Oskar Degilia, qui a par conséquent décidé de laisser son travail et de se consacrer exclusivement au hockey. Mais Vipiteno a aussi su conserver le gardien Marko Leinonen, ses têtes de ponts italiennes Alex Gschliesser et Mugge Sparber, ainsi que les éléments locaux qui font figure d'exemple, Patrick Brugnoli, Christian Piccolruaz, Mirko Moroder et le deuxième gardien Elmar Parth. Même si les arrivées d'Alex Thaler et Luca Fusoni ont compensé la retraite de Martin Crepaz, la défense apparaît cependant un peu légère quantitativement.

Mais d'autres ambitions se sont dévoilées petit à petit au cours de l'été, notamment à Merano, que l'on annonçait vacillant, mais qui apparaît revigoré grâce à un nouveau sponsor, la caisse d'épargne Caritro. Les transferts se sont faits très tardivement, mais il se sont faits. L'attaque est renforcée de l'Italo-Canadien Stefan Figliuzzi, un buteur de 33 ans qui formait un célèbre duo avec Mansi en série A au début des années 90 et qui a passé ces trois dernières années à Sapporo dans la ligue japonaise, de l'inventif vétéran tchèque d'Havírov, TomᚠSrsen, mais aussi de l'utile attaquant Roberto Bortot. Le Finlandais Åke Lillebjörn dans les buts et le Russe Vladimir Eremin ont été conservés. Le dernier étranger est le défenseur Darcy Martini. Merano n'a rien pu faire contre le départ de Da Corte, mais l'international italien Ingemar Gruber, qui devait dans un premier temps partir à Fribourg en Bundesliga 2, est finalement resté. Il retrouvera en défense Mathias Eisenstecken, qui arrive d'Appiano. L'équipe entraînée par Brian De Bruyn aura toujours pour fers de lance les frères Massimo et Luca Ansoldi assistés de leur compagnon Christian Pixner. Néanmoins, c'est un euphémisme de dire que les étrangers ne sont plus tout jeunes.

Pour Alleghe, la première signature importante a été celle du défenseur slovaque Peter Janik, qui a décidé de rester au club pour une troisième saison. Mais le nouveau coach Fabio Polloni, ancien international et entraîneur des sélections nationales juniors et de plusieurs clubs de série B, et réputé pour soigner la préparation physique, a bien sûr également recherché des renforts extérieurs. Deux d'entre eux sont particulièrement attendus : à défaut de Denis Chassé un temps espéré, c'est un autre ancien de Bracknell, Stéphane Roy, centre canadien de 25 ans, qui a d'abord été recruté. A suivi trois jours plus tard l'attaquant slovaque Pavol Fedor, qui ne jouait qu'en Regionalliga sud allemande l'an passé après avoir évolué dans l'Extraliga slovaque et dans l'élite polonaise. Pour améliorer encore les qualités techniques de l'équipe, on lui a adjoint son compatriote Miroslav Mosnar, trois Mondiaux et un tournoi olympique au compteur, qui jouait à Newcastle, preuve que la Grande-Bretagne devient décidément un terrain de chasse privilégié des recruteurs italiens. Le dernier étranger est le gardien finlandais Panu Heinistö, qui a disputé quelques matches avec Brunico en fin de saison dernière. L'équipe entraînée par Fabio Polloni, ancien entraîneur des sélections nationales de jeunes et qui remplace Roberto da Plan, tentera de créer la surprise en play-offs, comme elle a su le faire en match de pré-saison face au champion Asiago. Un accord a par ailleurs été passé avec une autre équipe de la région, la formation de série B de Zoldo, qui permettra peut-être de donner leur chance à quelques jeunes joueurs. Alleghe, qui compte parmi les meilleurs ensembles de joueurs italiens, espère cette fois avoir fait le bon choix avec ses étrangers.

Avec des moyens plus limités, Fassa recherche des joueurs motivés pour venir jouer dans cette vallée. Ils les ont trouvés avec deux attaquants de Björklöven, le centre physique Matthias Bosson et le créatif et rapide ailier Fredrik Nasvall, auxquels s'ajoute le défenseur Tommy Kovanen, qui a remporté le Mestis (nouveau nom de la deuxième division finlandaise) avec le Jukurit Mikkeli. Ces trois joueurs âgés de 25 à 27 ans ne sont sûrement pas venus en préretraite. Mais le président Liberatore concède qu'il est bien difficile d'attirer des joueurs italiens, d'autant qu'Asiago et Milan ont encore élevé la barre, et ajoute : "Bolzano a perdu Iob pour six millions de lires (3000 €) ? J'ai perdu une fois un joueur pour 500 000 lires. Je ne veux pas me mêler du cas Iob, que je ne connais pas, mais souvent on trouve des joueurs qui sont de vrais mercenaires, prêts à se vendre pour peu. Et ce sont des choses qui te donnent envie de démissionner." Fassa n'a pas réussi à retenir Bortot, ni à ramener à la maison Marchetti (prêté à Asiago et qui a décidé d'y rester), et le rôle du gardien Andrea Carpano, fort de ses expériences en Allemagne et en Finlande, sera une nouvelle fois crucial. C'est dans ces conditions et après une saison difficile que l'entraîneur allemand Bernd Haake, champion d'Italie il y a deux ans avec Bolzano, aura pour mission de mener une équipe qui tienne le choc.

Fassa luttera en bas de tableau avec l'équipe de Renon, qui a dû également s'avouer vaincue après s'être intéressée à Luigi Da Corte. Le jeune attaquant polyvalent Christian Walcher est le principal nouveau visage italien. Dès lors, les renforts les plus importants sont les joueurs dont les contrats ont été prolongés, comme John Kachur et le gardien Piero Greco, qui aura encore beaucoup de responsabilités. Les deux Finlandais, le centre expérimenté Jarno Peltonen et le rugueux mais malin Veli-Pekka Kautonen seront toutefois des recrues très appréciables pour l'entraîneur slovaque Miroslav Frycer (ex-Merano), qui peut toujours s'appuyer en outre sur le vétéran Roland Ramoser. Malgré le départ d'Ilya Dubkov pour le Danemark, l'équipe n'a donc rien perdu, au contraire, par rapport à la saison passée.

Un petit mot enfin de la série B où Brunico partira favori. Les équipes ont le droit au maximum à un seul étranger dans leurs rangs, et ce sera pour les rétrogradés volontaires le Français Stéphane Arcangeloni, qui avait été élu en son temps meilleur espoir de l'élite française avec Benjamin Agnel. Le tenant Caldaro devrait lui contester le titre tandis qu'Appiano mènera le peloton des outsiders.

Marc Branchu

 

 

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