Grande-Bretagne 2001/02 : présentation

 

Le hockey britannique a connu une intersaison pour le moins mouvementée qui se conclut d'une manière étrange : Cardiff s'est retiré de la Superleague (ISL) et jouera en British National League (BNL) contre l'avis de ses supporters, tandis que Sheffield jouera lui en Superleague alors que ses supporters appuyaient massivement une solution concurrente qui devaient les amener à évoluer en BNL. Petit rappel des faits.

"Summer of Discontent"

La Superleague aime à mettre en avant des comparatifs avec le rugby et le basket pour prouver qu'elle est un sport majeur, le n°1 en indoor. Malheureusement, il est un autre domaine où elle n'a rien à envier à ses cousins de la ligue anglaise de rugby, c'est la situation financière de ses clubs, qui sont tous ou presque en déficit. Les coûts sont beaucoup trop importants, et c'est ce qui conduit chaque année à baisser le salary cap. Beaucoup grognent parce que cela se traduit pas des équipes très justes quantitativement où la moindre blessure entraîne un sous-effectif et parce qu'ils voient débarquer de plus en plus de Nord-Américains de troisième zone qui dévaluent la ligue (ce qui est moins vrai cette année du fait de la disparition de l'IHL et du remue-ménage dans les ligues américaines qui a drainé beaucoup de joueurs moins chers sur le marché), car les Britanniques n'ont pas leur chance pour autant, mais l'état des comptes ne semble pas laisser d'autre choix. C'est d'une certaine manière étonnant quand on connaît le prix des billets d'entrée et la taille des patinoires, des arenas multi-fonctions qui peuvent se construire grâce à l'argent de la National Lottery britannique (la loterie national est au Royaume-Uni création bien plus récente que dans d'autres pays et l'argent ainsi gagné est reversé pour la création de bâtiments publics et d'ouvrages ultra-modernes, enceintes sportives comprises). Dans cette course aux dépenses, Cardiff était ainsi handicapé par son enceinte de 2500 places et son propriétaire Bob Phillips, lassé des pertes continuelles, s'est retiré de la Superleague et a été accueilli au niveau inférieur par la BNL "concurrente", ce qui n'a pas fait que des heureux. Certains joueurs qui avaient fait des projets se sont retrouvés fort dépourvus quand ils ont compris qu'il pouvaient dire adieu à leur contrat. Une partie des supporters a manifesté en compagnie de fans d'autres clubs de Superleague pour réclamer le maintien de leur club dans cette ligue. On ne sait pas avec quel soutien les Cardiff Devils repartiront en BNL. Monter une équipe complètement nouvelle n'a déjà pas été de tout repos, et la saison s'annonce longue et difficile pour les Gallois...

Déjà réduite à huit, la Superleague a bien failli être amputée d'un membre supplémentaire, et ce par sa gestion catastrophique du cas Sheffield. Les Steelers ont remporté le Grand Chelem (les quatre trophées mis en jeu pendant l'année), mais en dépassant le plafond salarial autorisé, ce pour quoi ils ont fianlement été condamnés à 50 000 £ (80 000 €) d'amende. C'est la première fois qu'une sanction est prise, alors qu'il est avéré que ce n'est pas la première saison que cela se produit, et qu'au moins un autre club, dont l'identité n'a pas été révélée (Londres ?) a également enfreint la règle l'an passé.

Le propriétaire des Steelers, Darren Brown (qui détenait également des clubs de foot et de basket), n'avait pas les moyens de ce sur-paiement et a laissé le club au bord de la faillite. Les joueurs, pas payés pendant plusieurs mois, sont partis en claquant la porte, retournant pour certains en Amérique du Nord en promettant de faire de la publicité négative pour la Superleague. Un trio d'hommes d'affaires locaux, Andy Cooke, Martin Jenkinson et Mark Smith ("CJS" d'après leurs initiales), ont injecté 180 000 £ (300 000 €) dans le club pour lui permettre de finir la saison. Ils auraient donc été les candidats logiques à la reprise du club, soutenus qu'ils étaient par les supporters. Mais la Superleague en a de façon surprenante décidé autrement : "Toutes les propositions soumises ont leurs mérites mais la très solide plate-forme d'affaires présentée par Norton Lea et son groupe est de loin la plus solide. Norton apporte à l'ISL son management expert d'équipes sportives professionnelles et profitables." Sa compétence évoquée peut être mise en doute : son passage à la tête du club de football de Chesterfield (où il avait justement précédé Darren Brown) n'avait pas laissé de très grands souvenirs. La Superleague n'a pas retenu comme critère les efforts déjà entrepris par le trio CJS comme critère de choix. De plus, certains affirment que Norton Lea s'est associé pour reprendre Sheffield avec le Groupe Eye, qui a mis Newcastle au bord de la ruine avec des ardoises impayées aux joueurs de 150 000 £.

A Sheffield, la résistance s'organise, avec le ferme soutien des supporters, autour du trio CJS et du manager Dave Simms. Un projet concurrent est monté pour porter candidature à la British National League. L'ISL réagit et persiste à affirmer qu'une franchise sera maintenue à Sheffield, sous un autre nom que les Steelers, et ce même sans fans et sans soutien. Les deux parties tentent alors de rallier à leur cause la direction de la patinoire de Sheffield. Mais la BNL tarde de son côté à réagir. Début août, diverses annonces sont faites comme quoi Sheffield repartirait en British National League. Aucune d'entre elles n'est officielle. La BNL refuse finalement d'incorporer Sheffield. Cela aurait été une place de moins en play-offs pour les autres clubs qui craignent la concurrence. Une décision dont l'étroitesse de vue ne peut qu'ébahir. Sheffield est un vrai pôle du hockey britannique, un club formateur également, champion d'Angleterre des moins de 16 ans, des moins de 14 ans et des moins de 10 ans la saison passée. Ce club et ses supporters se jetaient à bras ouverts dans la BNL, qui s'est contentée de fermer la porte à double tour, laissant passer une occasion unique de présenter une vraie alternative pour le hockey britannique, avec un championnat crédible incorporant des joueurs locaux, face à une ISL périclitant financièrement et réduite à sept clubs... Au lieu de cela, elle s'est discréditée en privilégiant des intérêts personnels. Elle l'a déjà fait en refusant de participer à la traditionnelle Coupe d'Automne (dont le sponsor Benson & Hedges s'était retiré) pour ne pas indisposer son sponsor Findus par de trop sévères défaites face aux équipes de Superleague. Et de plus en plus de voix se font entendre pour répéter à nouveau que les dirigeants des deux ligues ne son absolument pas intéressés par l'avenir du hockey en Grande-Bretagne, mais seulement par leurs petites affaires. Triste, mais vrai.

Sheffield aura bon gré mal gré une équipe de hockey. La Superleague, trop contente de récupérer un huitième club, a ramassé les morceaux et porté à terme le projet de Norton Lea. Devant l'absence d'alternative pour l'avenir du hockey à Sheffield, l'entraîneur Mike Blaisdell a finalement accepté d'être de la partie une semaine avant le début de la saison. Le plus farouche opposant au millionnaire de Chesterfield, le manager Dave Simms, s'est lui aussi rallié à lui quelques jours plus tard, faisant contre mauvaise fortune bon cœur puisque c'est désormais ça ou rien pour les Steelers. Ce sont deux signatures capitales pour reconquérir les supporters. Ceux-ci reviendront peut-être dans leur sillage, mais ils ne mèneront probablement pas la partie facile à Norton Lea.

Les clubs de Superleague

Anschutz ayant déplacé Chris McSorley (frère de Marty, tristement célèbre pour son coup de crosse par derrière sur Brashear dont les images ont été relayées dans le monde entier) au Servette de Genève, les Knights de Londres se retrouveraient presque plongés trois ans en arrière, dans la peau du débutant qui a tout à réapprendre. Quoi qu'on pense de Chris McSorley et du style de jeu (très physique même pour les standards britanniques) qu'il a imposé, il faut reconnaître que c'est lui qui a fait cette équipe. Ce n'est pas un hasard s'il avait été désigné comme entraîneur national (ce qu'il est toujours). Néanmoins, le nouvel entraîneur Bob Leslie (viré de Cologne l'an dernier) peut bâtir sur du solide. Il dispose d'une équipe très rugueuse à l'image des Italo-Canadiens Vezio Sacratini et Maurizio Mansi, mais ce ne sont pas eux qui ont les casiers les plus chargés. Parmi les cinq joueurs recrutés grâce au retrait de Cardiff (les autres étant Steve Thornton, Ian McIntyre, Kim Ahlroos et Sacratini), on retrouve en effet Mike Ware qui, s'il n'est pas aussi célèbre que Marty McSorley, ne s'en est pas moins rendu coupable d'un geste encore plus inqualifiable (si on peut encore appliquer une échelle de valeurs à un tel niveau de connerie) : une agression du même type sur Jan Alston, mais qui était préméditée (vengeance d'une crosse haute qui lui avait coûté trois dents) et a eu lieu à l'échauffement. Il n'a évidemment pas fait long feu en Allemagne (il évoluait alors à Hanovre), mais avait trouvé refuge dans la complaisante Superleague. L'autre joueur au lourd passé, le rapide défenseur Rob Donovan, suspendu pour dopage alors qu'il portait les couleurs de Vipiteno en Italie. Beaucoup moins autoritaire que McSorley, Bob Leslie a pour l'instant maintenu une bonne ambiance dans cette joyeuse troupe qui est une sérieuse prétendante au titre. Elle dispose pour cela de celui qui a été le meilleur gardien de la ligue l'an dernier, Trevor Robins (ci-dessous en photo par Francis Larrede).

Manchester a bien l'intention de réussir son retour au premier plan, mission confiée ce coup-ci à Daryl Lipsey promu entraîneur. Il a pour cela nommé capitaine le puissant attaquant d'origine slovaque, Ivan Matulik, lui aussi un ancien de Cardiff, comme le défenseur Dwight Parrish. Mais le retrait des Devils a surtout permis le recrutement du prodige gallois Stevie Lyle, qui fera équipe dans les cages avec Mike Torchia. Parmi les recrues on retrouve également l'Italo-Canadien Joe Busillo et l'international néerlandais Mark Bultje (ex-Bracknell). L'équipe aura un visage radicalement différent puisque seuls cinq joueurs ont été conservés. Parmi eux, un autre double national portant les couleurs d'une sélection européenne, en l'occurrence le Franco-Canadien Pierre Allard, homme du match lors de la rencontre de préparation à Ayr, où son doublé a mis son équipe sur la voie de l'égalisation alors qu'elle été menée 0-3 à l'issue du premier tiers.

Un troisième nom est évoqué lorsqu'il s'agit de citer les favoris : Belfast. Les Giants sont vite devenus un phénomène populaire dans une ville sinistrée et sevrée de sport de haut niveau, qui a pu se rassembler dans un sport "non connoté idéologiquement" comme catholique ou protestant. Ils avaient dû longtemps évoluer à l'extérieur l'an passé en attendant l'inauguration de leur patinoire. Ils auront maintenant cet handicap en moins et comptent continuer sur la lancée de leur fin de saison pour viser le titre. Dave Whistle s'appuiera pour cela sur un effectif relativement stable (dix joueurs conservés) et, chose importante pour prétendre aux honneurs, sur un bon duo de gardiens : Mark Cavallin est rejoint par Mike Bales, un des meilleurs derniers remparts laissés sur le marché par la disparition de l'IHL.

Ayr a perdu son meilleur marqueur et sa figure symbolique avec Tony Hand. Celui qui est peut-être le meilleur joueur britannique de l'histoire et qui a longtemps boycotté l'équipe nationale pour protester contre l'afflux de naturalisés deviendra entraîneur à Dundee. Si Mark Montanari et Teeder Wynne figurent également sur le registre des départs d'une équipe qui a toutefois gardé l'essentiel de ses forces, dont Ed Courtenay, légèrement décevant pour sa première année de contrat et dont on attend plus cette année. Il sera un joueur-clé de même que le gardien Joaquin Gage, un Canadien de 27 ans qui a disputé 5 matches de NHL avec Edmonton la saison dernière, au sein d'une équipe orientée un peu plus défensivement. Signe de sérieux, Ayr a effectué quatre matches amicaux (alors qu'ils en avaient disputé seulement trois en cinq ans !). La saison britannique commençant début septembre, la préparation est généralement très réduite, mais la disparition de la Coupe change quelque peu la donne, et une équipe visant le haut de classement en Superleague ne peut se permettre de rater son début de championnat.

Bracknell navigue dans des eaux beaucoup plus calmes que l'an passé à la même époque, quand le départ de l'entraîneur Dave Whistle pour Belfast (avec de nombreux joueurs dans ses valises) avait de quoi inquiéter. L'équipe la moins pénalisée de Superleague l'an dernier offrira encore un visage semblable. Comme lors de son passage à Lugano, Enio Sacilotto met l'accent avant tout sur la défense et peut compter sur une équipe rapide, mobile et réactive qui sera dangereuse en contre-attaque. L'effectif, stable, est renforcé notamment du bon tireur Doug Stienstra et du complet Mark Cadotte. Fait rare en Superleague, un jeune Britannique aura sa chance : le défenseur de Peterborough, James Morgan, 19 ans, espère suivre le même parcours que le gardien international Joe Watkins, lui aussi débarqué de BNL l'an passé.

Malgré son nouveau logo et sa nouvelle patinoire, Nottingham avait connu un flop l'an dernier et se languit de connaître à nouveau le succès. L'international Paul Adey, vu sur les patinoires françaises avec Milan, est le nouvel entraîneur et sait que chaque équipe est capable d'accrocher un trophée à son palmarès. Le gardien Danny Lorenz, le défenseur Jimmy Drolet ou l'attaquant suédois Patrik Wallenberg sont de bonnes recrues, tout comme les anciens de Cardiff que l'on retrouve là aussi : le vétéran international Steve Moria et le duo défensif composé de Frank Evans et du rugueux Clayton Norris. On y retrouvera aussi l'ancien Rouennais et Rémois, Claude Savoie.

Les deux dernières équipes sont de véritables inconnues, dont les premiers matches de la saison ont d'ailleurs été reportés. Sheffield, dont la situation a été longuement évoquée plus haut, a été autorisé par l'ISL à commencer la saison en sous-effectif et à présenter seulement douze joueurs sur la glace le temps de compléter son recrutement en urgence, puisqu'il faut reconstruire une équipe de zéro.

La situation n'est guère plus reluisante à Newcastle, qui, pour une fois, n'a pas changé de nom cette année. Ceux qui s'appellent toujours les Jesters, a été autorisé très tard à recruter. C'est que le club et le groupe Eye doit pas moins de 150 000 £ (250 000 €) de salaires impayés. Newcastle aurait théoriquement pu être exclu de la ligue au vu de sa gestion, mais la Superleague a fait tellement d'efforts pour se maintenir coûte que coûte à huit clubs qu'elle ne pouvait pas se le permettre. Le nouveau coach Glen Mulvenna aura donc eu deux semaines pour former une équipe. Le match de jeudi 6 contre Manchester a à son tour été reporté, mais cela ne retarde que de deux jours l'échéance des deux premiers matchs qui auront lieu ce week-end. À Ayr et à Londres, une équipe montera sur la glace. Quant à savoir qui la composera, c'est une autre affaire. Et la galère pourra continuer...

British National League

Les tenants du titre de BNL, les Guildford Flames et leur gardien Mark McArthur, auront les mêmes principaux adversaires, Coventry, Basingstoke et Fife, auquel il faut ajouter le nouveau venu Dundee de Tony Hand, Slough étant le principal outsider. Peterborough, Hull et la jeune équipe de Milton Keynes devront cette fois beaucoup plus lutter pour atteindre les play-offs, car Cardiff représente une inconnue supplémentaire et les équipes écossaises de bas de tableau affichent une ambition retrouvée. Édimbourg a ainsi engagé le centre canadien de 34 ans Jason Lafreniere (150 matches en NHL) tandis qu'à Paisley, l'entraîneur-joueur Bill Morrison, qui faisait courageusement face à plus de 80 tirs par match, est retourné au Danemark à Rødovre et a cédé sa place (celle sur le banc, pas celle dans les buts) à Jim Lynch, l'entraîneur qui avait conduit Ayr au Grand Chelem en Superleague et qui avait dû s'arrêter à cause de problèmes de dos. L'arrivée d'une telle personnalité fait retrouver le sourire aux joueurs et aux supporters de ce club aux petits moyens.

Marc Branchu

 

 

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