Présentation de Rouen 2001/2002

 

Etre sacré champion de France, Rouen connaît. Mais si la gestion financière du succès est sereine, la gestion sportive semble avoir quelques hoquets qui font craindre que le RHE 76 n'évitera pas "la gueule de bois" du champion en titre.

 

Tractations dans la douleur

Devant se soumettre aux deux principales nouvelles règles de la FFSG (Baisse du montant de la masse salariale autorisée et limitation tacite des joueurs étrangers sur la feuille de match). Le président, Thierry Chaix, et son coach, Guy Fournier, ne possédaient plus les moyens de contenter leur contingent. Ils ont d'abord dû impérativement se séparer de deux immigrés pour satisfaire à la nouvelle règle des six étrangers. Le premier fut Dominic Rhéaume. Controversé, par un positionnement en troisième ligne, il était une cible facile et idéale. Etonnamment, le second joueur ayant fait les frais des mesures fédérales, c'est tout simplement celui que Guy Fournier qualifiait comme "le meilleur joueur ayant évolué à Rouen" au début de saison dernière : Juha Jokiharju. Se séparer du meilleur compteur des deux derniers championnats peut paraître pour le moins déconcertant sinon aberrant quant on sait l'influence que le Finlandais a eu sur les excellents résultats de la saison régulière 2000/2001. Ensuite, le tandem à la tête de la section pro a eu d'énormes difficultés à obtenir la re-signature de la "révélation" Patrick Genest. Une clause du contrat promise à l'ailier canadien lui étant retirée sans aucune forme au bénéfice d'une recrue. Enfin, ils ont manqué le seul transfert intéressant de l'Elite. Celui de Bob Ouellet parti finalement à l'Hormadi.

 

L'indolence des dirigeants quant à l'avenir

L'avenir n'a jamais intéressé les irréductibles dirigeants rouennais. Eux qui se targuaient, l'an passé, d'avoir enrôlé le "meilleur gardien junior" (Burnet), le "meilleur arrière à son poste dans sa catégorie d'âge" (Amar) et se félicitaient de conserver "un jeune gars qui se complète chaque année" (Dugas). Tout ça pour quoi ? Pour se donner bonne conscience et laisser penser qu'ils s'engageaient sur la voie d'une certaine forme d'effort de guerre dans l'air du temps. L'incorporation de novices (Charret, Bellier, Kevorkian, on nous promet aussi la titularisation de Geoffroy Bessard du Parc au poste de sixième arrière. Mais les promesses n'engagent que ceux qui y croient alors attendons) ne se fera qu'en lieu et place d'autres. Quel est l'intérêt alors ? Le RHE 76 ne forme pas les jeunes, le club les déménage !

 

Les "boys"

Les premiers contrats rapidement signés ont permis de dégager les joueurs de base de Guy Fournier. Phil Groeneveld devrait confirmer son excellente saison devant la cage.photo Aurélien Léger

A l'arrière : Heikki Riihijärvi, en dépit de ses risques de blessures, l'encadrement parie sur une nouvelle bonne saison du seul Finlandais de l'équipe. Rouen conserve l'autre "révélation", le monstre défensif Daniel Carlsson, grâce à l'amour que le Suédois aurait rencontré en Normandie. Allan Carriou qui, sur sa lancée du mondial "B" avec l'équipe de France, pourrait bien prendre du volume de jeu.

A l'avant : Eric Doucet, le capitaine canadien, feu follet des glaces, sera toujours présent. Simon Lacroix, le discret franco-canadien, lui, aura toujours à cœur de prouver qu'il n'est pas que là que pour sa double nationalité. Guillaume Besse, avec son compère Patrick Genest, sera sans doute le fer de lance ainsi que le leader charismatique de l'équipe. Enfin, Thomas Bussat essaiera, on l'espère, d'apporter un plus offensif à son jeu d'impact car sa technique lui autorise. Reste le cas Franck Pajonkowski. Comme tous les ans, le tube de l'été "Restera, restera pas ?" s'est terminé sur le même couplet. L'emblématique Dragon jouera sa nouvelle-dernière (sic) année. Ce sera encore un plaisir pour certains même s'il aurait été sans doute clairvoyant que le fameux 20 stoppe sa carrière sur un dernier titre.

 

Des renforts faibles

C'est ce que l'on peut penser en se penchant sur le cas personnel de chacune des recrues. Jean-François Jodoin a connu une saison difficile en Allemagne dans une faible division. Si sa vision du jeu et sa vitesse est supérieure à celle de Mikka Ruokonen, son slap est sans doute moins précis et moins puissant, de même que sa puissance physique. Puissance physique que d'aucuns disaient faire défaut aux Dragons l'an passé. Bellier, pour sa part, n'aura ni la même vista que Baptiste Amar, ni la même science du placement défensif. Il va falloir que l'ex-Villardien trouve le rythme de l'Elite.

Après quelques années d'"amateurs" en N1, cela peut s'avérer difficile surtout en cas d'alignement sur la deuxième ligne. Sébastien Roger comme Alain Vogin ont vécu deux saisons difficiles dans leurs clubs respectifs. Leurs rendements ont été en dessous de leurs possibilités.

L'ex-Castelvirois, souvent dilettante à Viry et irrégulier en équipe de France, devra se montrer assidu et professionnel s'il veut faire oublier Dominic Rhéaume, le prototype du joueur dont on s'aperçoit qu'il est bon quand il n'est plus là. Quant à l'autre Franco-Canadien, néo-international, l'opportuniste Alain Vogin, qui s'est découvert une âme olympique depuis peu, si son entente avec Eric Doucet sur la petite glace du Haras avait fait des merveilles à Angers en 1998/99, il va falloir la retrouver sur la banquise de l'île Lacroix afin qu'il soit aussi efficace que pouvait l'être Juha Jokiharju, lui, avec quiconque de ses partenaires. Par ailleurs, on peut penser qu'il serait trop simple que le succès de la saison 2002 provienne de l'association Vogin-Doucet. Il faudra sans doute plus ou plutôt autre chose que ce théorique duo salvateur pour surprendre à tous coups leurs adversaires.

 

Pas de joueur de centre, ni de patron naturel

Plus alarmant. Au delà des qualités intrinsèques des joueurs, en attaque, l'équipe ne semble pas homogène. Il manque un et même deux véritables joueurs de centre capable de changer les options du jeu lors de rencontre difficile à déverrouiller, à sceller et pendant les jeux spéciaux. Si Eric Doucet, Alain Vogin, et à un degré moindre Guillaume Besse et Sébastien Roger on tenu ce rôle avec plus ou moins d'efficacité, on regrettera l'absence de joueurs de centre de métier comme l'étaient Juha Jokiharju et Dominic Rhéaume qui savaient exploiter les qualités de leurs coéquipiers, combler leurs défauts et remporter de nombreuses mises en jeu.

Les Dragons devront éviter de mettre la pression sur eux pour reconquérir la Magnus. La réussite de ce nouveau challenge pourrait être garantie par la continuité du jeu pratiqué. Hélas, même si l'équipe reste forte surtout par l'intermédiaire d'une solide assise et d'un effectif relativement stable, les régulateurs de jeu tel Juha Jokiharju ou Dominic Rhéaume, comme déjà évoqué ci-dessus, ne semblent pas avoir été remplacés. Il y a des francs-tireurs (Genest, Besse, Roger), des meneurs (Doucet, Vogin, Jodoin), quelques éléphants parfois nonchalants (Groeneveld, Riihijärvi, Pajonkowski), des joueurs d'équipe (Lacroix, Bussat, Carriou, Carlsson) mais à première vue, aucun patron métronome. Si Guy Fournier, Alain Vogin (coach adjoint théorique) et le capitaine Eric Doucet (?) parviennent à re-motiver une troupe qui aura peut-être moins soif de victoires, il leur restera à trouver le dépositaire du jeu. Le résultat ne viendra que si le jeu et la volonté est là car en hockey la victoire n'est que la conséquence du jeu pratiqué et de l'envie de gagner.

 

Eric Doucet et Guillaume Besse

Pour que les Dragons conservent la Magnus sur le comptoir de Charles, en l'absence de patron naturel à la technique irréprochable, le rendement de l'un ou l'autre de ces deux joueurs sera très important. Pas tant en terme de statistiques qu'en terme de volume de jeu et d'emprise sur l'équipe. Rapides et combatifs, les deux joueurs possèdent la fougue et le talent pour s'affirmer dans ce rôle d'intelligence. Déjà, chacun à leur façon, ils se sont révélés comme des leaders dans l'esprit. Dotés de caractère et de dynamisme, s'ils arrivent à allier la confiance de leur (supposé) nouveau rôle et la lucidité qu'une troisième saison au club devrait entraîner, à leurs capacités actuelles, ils parviendront à une certaine maturité afin de tirer toute l'équipe vers le même objectif.

 

La rupture Dirigeants-Supporters

L'augmentation de 20% du prix des abonnements (900F) justifié pour le club par l'organisation promise d'un tour de coupe d'Europe avait crée un début de malaise en fin de saison dernière. Mais le gag de l'été, qui a donné la mise sur pied de ce tour à Anglet, n'est pas du goût des centaines des plus fidèles partisans déjà abonnés. Ceux-ci, à juste titre, ont le sentiment d'avoir été floués. La direction du club, comme d'habitude, n'a pas communiqué sur le problème. Ce qui ajoute un sentiment, déjà palpable, d'indifférence des dirigeants rouennais pour ses supporters. En outre, les dirigeants ont l'ambition de tirer profit des deux clubs de supporters. Au printemps, ils leur imposaient la constitution de deux boutiques de produits dérivés fournis par le RHE 76. Elles devaient être entièrement contrôlés par la direction qui rétrocéderait une ridicule petite partie des bénéfices aux deux clubs de supporters. Ainsi exploités, privés de leur principale source financière, les deux clubs sont condamnés à disparaître ou à se voir réduits à un simple bénévolat au profit des dirigeants.

 

Finalement, l'intersaison n'a pas eu de bon

Le succès rouennais a été obtenu avec certains sacrifices de la part des joueurs et une excellente ambiance dans (joueurs, dirigeants) et autour du club (sponsors, pouvoir public, supporters). Certains de ces joueurs, en attente de reconnaissances légitimes - pas toujours pécuniaires - de la part de leurs dirigeants, semblent amers des tractations menées pendant l'été. L'ambiance risque d'en pâtir. Comme celle entretenue par des supporters trop négligés par le club. Le changement de municipalité a déjà été néfaste au hockey rouennais. Non officiellement, le club impute aux élus la non-organisation du tour de coupe d'Europe. Au cours de la saison les rapports RHE-Mairie risquent d'être difficiles. Intrinsèquement, l'effectif des Dragons paraît plus faible. De ces constats, nous ne pouvons qu'en conclure que Rouen, comme Grenoble en 1998, Amiens en 1999 et Reims en 2000, semble sortir affaibli de l'intersaison 2001.

Thierry Frechon

 

 

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