Le PSG s'investit dans le hockey

 

A l'aube de la saison 2000-2001, pour détourner l'attention des journalistes après les déboires récurrents du PSG-football, Canal + annonçait à grand fracas la création d'un club PSG-hockey sur glace, doté d'un budget de 300 millions de francs, et nommait à sa tête (de force) Jérôme Bonaldi. Celui-ci annonçait à la stupéfaction générale l'arrivée des trois plus grands joueurs du monde (sans donner de nom). Contacté à ce sujet, Hasek affirma n'être au courant de rien, ce qui suscita la méfiance des journalistes. Celle-ci se confirma lorsque le président Bonaldi annonça en conférence de presse que deux d'entre eux étaient de nationalité pakistanaise. Vérifications faites, il s'agissait effectivement de deux des meilleurs joueurs de hockey sur gazon du monde. Pour rattraper le coup, Bonaldi demanda à Canal + de monter en toute hâte une équipe de hockey sur gazon., mais la chaîne refusa, et il dut se séparer des deux stars. Il allait abattre sa dernière carte avec le débarquement à Roissy, devant une centaine de journalistes, de l'avion qui devait amener sa troisième star du Canada. Mais ils furent tous pliés de rire en voyant débarquer un sexagénaire ; il s'agissait en fait de Gordie Howe, qui expliqua qu'il devait y avoir un malentendu, et qu'il pensait qu'on lui offrait 25 millions de dollars simplement pour donner le coup d'envoi symbolique de la première rencontre de la saison (offre qu'il ne pouvait naturellement pas refuser !), ce que la lecture de son contrat confirma bien vite. Bonaldi congédia sur-le-champ l'adjoint responsable de la rédaction du contrat, lequel était par ailleurs propriétaire d'une entreprise basée aux îles Moustique, qui reçut peu après une commission de deux millions de dollars en provenance du Canada.

Mais les mauvaises langues durent bien vite se taire, car le PSG-hockey conservait malgré tout un budget supérieur à 100 millions, et comptait dans son effectif d'excellents Suédois et Finlandais, et annonçait même l'arrivée de Fedorov, Yashin et Kasparaitis, achetés "pour pas cher". Des homonymes, probablement, pensaient les observateurs, mais ce furent les vrais qui débarquèrent pour le premier match contre Amiens, disputé sur la grande piste de Bercy devant 4200 spectateurs (4000 employés de Vivendi Universal et Canal + avaient reçu des invitations accompagnées de menaces diffuses au sujet de ceux qui n'iraient pas voir le match). La partie commença avec un quart d'heure de retard car les joueurs du PSG ne s'étaient pas présentés à l'heure prévue ; le président s'en excusa au micro en expliquant qu'il y avait eu un léger problème de communication entre le directeur général de l'affûtage des patins, un Tchèque ("le meilleur sur le marché", précisa-t-il), et ses quatre directeurs adjoints (deux Canadiens, un Russe et un Japonais). Mais lorsque le PSG entra sur la glace, ce fut un festival, et le PSG écrasa Amiens 10 à 2. Le lendemain, les gros titres des journaux affirmaient : "Une grande équipe est née !". Seuls certains rabat-joie s'inquiétaient de ce que la présence du PSG risquait d'ôter tout suspense au championnat.

Mais, pour le deuxième match à Chamonix, le PSG ne se présenta pas à l'heure prévue. Cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'un simple problème d'affûtage des patins, et l'arbitre estima que le PSG était forfait. Le car du PSG fut retrouvé tard dans la nuit en train d'errer sur les routes de Lozère. Le président Bonaldi défendit son chauffeur : "C'est un Américain, un des meilleurs à son poste... Il paraît qu'il est capable de faire rouler un car sur deux roues pendant plus de cent mètres ! Bon, simplement, il ne sait pas lire une carte... On ne va pas en faire un drame !"

Pour le troisième match de la saison, le PSG reçut deux douches froides : tout d'abord, les responsables de Bercy préféraient donner la priorité aux championnats d'Europe de sumo poids-légers et reléguaient le PSG dans la petite patinoire Sonja-Henje, leur confirmant qu'il en serait probablement ainsi pour toute la saison. En plus, Yashin, Fedorov et Kasparaitis avaient fait leurs valises. "Il apparaît qu'ils n'ont signé que pour un match", annonça le président Bonaldi. Ce qui expliquait leur bas prix... Du coup, le PSG s'incline face à Reims (2-4). Irrité par cette défaite, l'état-major de Canal + décide de changer le staff : il confirme Jérôme Bonaldi dans ces fonctions, mais nomme Philippe Gildas directeur général adjoint, Alexandre Devoise et Philippe Vecchi directeurs du marketing et Cécile Simeone au poste d'entraîneur. Les joueurs se réjouissaient de cette nomination, ravis qu'elle les accompagne dans les vestiaires...

Cela n'allait pas empêcher les résultats de se dégrader, puisque le PSG-hockey perdait 7-1 à Rouen, 12-3 à domicile contre Lyon et 4-0 à Viry. Canal + décida alors de virer Cécile Simeone, mais les joueurs se mirent en grève pour la défendre et ne disputèrent pas les matches suivants à Angers et face à Anglet. Avec trois forfaits, le PSG-hockey aurait dû être disqualifié, mais la Ligue se contenta de lui compter -1 pt par forfait, car elle venait de signer un contrat juteux avec Canal +. En effet, la chaîne n'avait plus beaucoup d'animateurs valides, puisque tous étaient soit dirigeants du PSG-hockey, soit en train de se soigner d'une dépression consécutive à leur passage au PSG. Elle se voyait donc contrainte de remplacer ses programmes en clair par des matches de hockey.

Pour arrêter la grève, Bonaldi accepta d'engager une masseuse personnalisée par joueur, toutes recrutées parmi les recalées du concours Miss Météo de Canal +. Il put ainsi remplacer Cécile Simeone par Herb Brooks, pour son expérience des miracles. Avant le match contre Grenoble, le néo-promu, le PSG-hockey engagea un nouveau renfort, un gardien norvégien, qui avait épaté tout le monde lors de la visite médicale par ses résultats dans les tests physiques et les tests de réflexes. Après la première période contre Grenoble qui s'acheva sur le score de 0-21, Bonaldi réclama une seconde expertise, et il s'avéra que le gardien était aveugle. Ce fut pourquoi il le licencia. Après la défaite finale 1-23 contre Grenoble, le PSG perdit seulement 4-5 à Caen. Malgré ces progrès, Canal + licencia Bonaldi et obligea Bruno Gaccio, qui avait particulièrement chargé le PSG-hockey aux Guignols, à prendre sa place.

Il ne restait à ce dernier que 18 millions de francs pour boucler la saison, compte tenu des indemnités de licenciement faramineuses que le club avait dû verser, notamment à son ex-gardien pour "licenciement discriminatoire" : on n'a en effet pas le droit de licencier quelqu'un parce qu'il est aveugle.

On demanda à la Ligue si elle ne ferait pas mieux d'exclure le PSG-hockey, dernier du championnat avec -1 pt, car il faussait celui-ci (Amiens n'avait pas rencontré le PSG tout à fait dans les mêmes conditions que Grenoble), mais elle s'y refusa : " Vous ne vous rendez pas compte de la pub qu'il nous fait ! On n'a jamais autant parlé de nous !"

 

 

"Afin de couper court à toutes les rumeurs, j'ai tenu à organiser cette conférence de presse. Je tiens d'abord à préciser que c'est de mon plein gré (toussotements) que je me suis porté candidat à la présidence du PSG-hockey. Je suis ravi (mouvements désordonnés et néanmoins équivoques des yeux et des sourcils) que l'on ait pu accéder à ma demande et c'est avec le plus grand plaisir (clin d'œil) que je (raclements de gorge) vais m'atteler à cette tâche (Il releva sa manche. Son avant-bras était couvert de cicatrices récentes qui formaient en surimpression rouge le mot HELP). J'ai la ferme intention (tic à la lèvre gauche) de redresser ce club et de l'amener vers les sommets..." Pendant tout son discours, il ne cessait de tapoter frénétiquement sur la table en suivant toujours le même rythme : coup long, coup long, coup long... coup court, coup court, coup court... coup long, coup long, coup long.

"Le plus important, c'est de savoir bien s'entourer (le trésorier du club, un Varois domicilié aux Îles Caïmans, acquiesça). Je veux donc m'attacher les services de gens compétents, et non pas de personnes dont la renommée servirait à attirer le chaland. (Au secours, mima-t-il avec ses lèvres). C'est ainsi que nous avons recruté de solides joueurs suédois dont on n'a pas vocation à faire des stars, pour la bonne raison qu'ils s'appellent tous les trois Jonsson et qu'ils ne sont pas très expansifs. Afin de ne rien négliger, nous avons également engagé un préparateur psychologique, qui nous a été personnellement recommandé par Yannick Noah, une référence en la matière, et qui aura pour mission de nous sortir de la spirale de l'échec..."

Sur ces belles paroles, le club s'en alla disputer son premier match retour à Amiens. Dans les tribunes, le président Gaccio, qui portrait un bracelet émetteur pour éviter qu'il ne décide d'avancer la date de ses vacances sans en avertir ses dirigeants, avait au moins un motif de satisfaction : "Vous voyez, ils ont déjà l'air moins stressés. Cela porte ses fruits..." Après la défaite 6-1, les journalistes ne purent s'empêcher de remarquer : Ils ont l'air un peu nonchalants, aussi. Sauf les Jonsson, sérieux, irréprochables."

Gaccio, qui n'était pas inquiet car il savait que c'était un match difficile, s'en alla prendre des nouvelles auprès du nouveau préparateur : "Oh, il n'y a pas de problème. Ils sont tous très réceptifs. A part les Suédois, que je sens un peu réticents...". "Forcez-leur la main, répliqua-t-il, il nous faut un groupe uni et solidaire."

Lors de la rencontre face à Chamonix, les spectateurs furent intrigués par le comportement des Jonsson, très bavards, qui plaisantaient même avec le public (bien que leurs plaisanteries ne fissent rire qu'eux). Malgré un talent brut supérieur, le PSG devait se contenter du match nul 2-2, les joueurs paraissant tous un peu mous. Cela suffisait néanmoins au bonheur du président, puisque le club n'avait plus un total de points négatif.

C'est souriant qu'il débarqua, au dernier moment, à la patinoire de Reims pour la rencontre suivante. "Ce n'est pas trop tôt !", s'exclamèrent les quatorze directeurs adjoints. Il s'inquiéta de leurs mines d'enterrement. "Quoi ? Vous n'êtes pas au courant ?" On lui expliqua que tous les joueurs, hormis les Jonsson, avaient été contrôlés positifs après le match à Amiens, même si le produit incriminé n'avait pas encore été révélé. Du coup, les joueurs de Reims menaçaient de boycotter le match. Le jour même, un clash s'était produit à la Ligue entre les partisans de l'exclusion du PSG et les autres. Ce sont ces derniers, menés par Silvestre Ozeil, ancienne relation d'affaires de Bernard Tapie, qui l'avaient emporté, après qu'Ozeil eut déclaré qu'il allait proposer un plan de relance du hockey français.

Gaccio se précipita dans le vestiaire, qui était empli de fumée : "Où est l'entraîneur ?". "L'Américain ? Cela fait deux semaines qu'on ne l'a pas revu. Il avait dit qu'il partait s'acheter une chemise..." Le sol était jonché de mégots coniques. Soudain, Ozeil pénétra dans le vestiaire avec Pierre Lescure : "C'est bon, ils ont accepté de jouer !" A observer la mine d'Ozeil, Gaccio se demanda s'il avait eu recours à des menaces ou à un gros chèque. Les deux, probablement. Le vestiaire se vida (les joueurs partaient entamer leur match tandis que le président Gaccio entraînait le préparateur psychologique pour une conversation privée.), laissant Ozeil et Lescure seuls dans la pièce.

Quelques minutes plus tard :

Lescure, fouillant en vain la sacoche du préparateur : " Zut ! On a épuisé toutes ses réserves !"

Ozeil : " Il reste une trousse du kiné, là !"

Lescure : "Mais c'est de la pommade que vous avalez, là !"

Ozeil : "Et alors ? C'est régénérant, y'a écrit ! Oh ! Et puis y'a une fiole d'alcool à 90° !"

Un quart d'heure plus tard :

Ozeil : "Je vais vous dire ce qu'il faut, moi ! On va mettre des clubs dans toutes les grandes villes : Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Nantes à la rigueur, et pis pourquoi pas Bruxelles ?"

Lescure : "Cela ne fait pas beaucoup. Heureusement qu'il reste Amiens, Rouen, R..."

Ozeil : "Non ! Rien à foutre des ploucs ! Pas économiquement intéressant ! Ce qu'il faut, c'est que ce business, comment vous dites, là, ah oui, ce sport, devienne une industrie. On crée des clubs de toutes pièces, on les jette si on s'en sert plus... On s'en fout, les gens sont assez cons pour nous suivre ! On tire les joueurs au sort, comme ça toutes les équipes ont le même niveau, sinon on met des bâtons dans les roues à celle qui gagne. Comme ça, y'aura du spectacle... et du fric. C'est ça qu'il faut, du spectacle : des pom-pom-girls avant le match, des shows entre les tiers-temps..."

Lescure : "Et le resurfaçage ?"

Ozeil : "Pas grave si la glace est abîmée... De toute façon, ça ne se verra pas, on met les logos des sponsors dessus grâce à la magie de la télé, comme vous dites..."

Lescure : "Mais je voulais dire : et la sécurité des joueurs ? Ils jouent dessus..."

Ozeil : "C'est vrai qu'il y aura toujours des emmerdeurs pour empêcher le progrès. Les joueurs... Bof, je crois que je peux les caser dans mes plans. Si on leur met des casques à pointe, qu'on rembourre leur maillots de métal et qu'on met des lames au bout des crosses, çà peut donner quelque chose d'intéressant... Alors, qu'est ce que vous en dites, de mes grrrrands projets ?"

Lescure : "Bah... Je m'en fous !"

Ozeil : "Comment ?"

Lescure : "Ouais, on arrête le PSG-hockey la saison prochaine. Vous comprenez, nos parts de marché sont de 6,2 chez les CSP+ mais seulement de 5,3 chez les MVF- de moins de 50 ans et de 3,1 chez les LRD3 lorrains cordonniers unijambistes. Pour recentrer notre image, on va créer le PSG-twirling bâton. Ce coup-ci, çà va marcher, je le sens..."

 

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