Championnats du monde 1947

 

Les premiers championnats du monde de l'après-guerre se déroulent de nouvelles règles plus modernes. Les parties se jouent désormais en trois périodes de vingt minutes, la ligne de but et la ligne rouge centrale sont introduites, et la dimension des cages est désormais de 1m83 sur 1m22. Par ailleurs, les pénalités d'une durée de une ou de trois minutes n'existent plus, par souci de simplification. On en vient à la règle actuelle de 2', 5' et 10'. Le tir de pénalité fait son apparition dans le règlement.

L'autre problème consiste à tenir compte du nouvel ordre mondial. Une fédération dissidente, l'IIHA, s'est créée pendant la guerre sous l'impulsion des Anglo-Saxons. Et maintenant qu'il revient dans le giron de la LIHG, le Canada veut le pouvoir. Au congrès de Bruxelles en avril 1946, un compromis est trouvé qui prévoit le partage de la présidence entre l'Europe et l'Amérique. Au congrès de Zurich du 1er septembre 1946, l'anglais devient la seconde langue officielle de la Ligue Internationale de Hockey sur Glace, même si le français garde la priorité. C'est là que le sous-titre IIHF apparaît en plus du sigle officiel LIHG.

Il a aussi fallu décider du sort des pays de l'Axe. Le Congrès de Bruxelles a décidé que l'Allemagne et le Japon étaient "indignes de faire partie d'une société civilisée et exclus sans réserve", car ils "s'étaient mis délibérément au ban de l'humanité". Pour leurs complices en revanche, "ce n'est pas la race qui avait commis la faute, mais les partis politiques". C'est ainsi que l'Autriche, représentée par l'ingénieur Fleischer résistant de la première heure, est réadmise. Idem pour l'Italie avec une nouvelle fédération, la FIHG, car la précédente - FISI - était de création fasciste.

 

Parallèlement à ce Mondial de Prague se déroule un nouveau Congrès très houleux. Le Canada veut imposer sa définition de l'amateurisme (tout joueur qui n'a pas joué dans une ligue "pro"), et c'est pourquoi il ne participe à la compétition. Mais la grande affaire est l'irruption de deux fédérations américaines différentes, l'AAU (Athletic Amateur Union, représentée par Hutchinson), historiquement affiliée à la LIHG et reconnue par le CIO, et l'AHAUS (Amateur Hockey Association of the United States), qui a fait dissidence en 1937, et qui est dirigée par Walter Brown, propriétaire de deux patinoires à Boston et manager de la première équipe américaine championne du monde en 1933 (pour l'AAU). Les deux délégations ont provisoirement accepté de combiner leurs deux équipes en une sélection composite pour cette compétition, mais elles jouent encore des coudes pour devenir l'unique représentant américain. L'AHA, grâce au lobby du Canada qui menace de démissionner si son allié n'est pas choisi, réussit à évincer l'AAU, avec l'aide du président de la ligue suisse Gafner. Seule la Belgique s'oppose farouchement à ce coup de force. André Poplimont, secrétaire de la fédération internationale depuis 22 ans, quitte la LIHG dégoûté par ces manigances.

 

15 février
Autriche - Pologne 10-2 (3-1,2-1,5-0)
Tchécoslovaquie - Roumanie 23-1 (4-0,7-1,12-0)
Suède - Suisse 4-4 (2-2,1-0,1-2)

16 février
Suède - Belgique 24-1 (8-0,7-1,9-0)
Pologne - Roumanie 6-0 (2-0,1-0,3-0)
États-Unis - Suisse 4-3 (0-0,3-2,1-1)

17 février
Autriche - Belgique 14-5 (2-0,6-0,6-5)
Suisse - Roumanie 13-3 (7-0,0-2,6-1)
Suède - États-Unis 4-1 (1-0,2-0,1-1)

18 février
Tchécoslovaquie - Autriche 13-5 (2-3,6-0,5-2)
États-Unis - Belgique 13-2 (5-1,5-0,3-1)
Suède - Pologne 5-3 (0-1,4-1,1-1)

19 février
Autriche - États-Unis 6-5 (2-1,2-3,2-1)
Suède - Roumanie 15-3 (6-2,6-0,3-1)
Tchécoslovaquie - Pologne 12-0 (3-0,2-0,7-0)
Suisse - Belgique 12-2 (3-1,7-0,2-1)

20 février
États-Unis - Roumanie 15-3 (6-0,3-1,6-2)
Pologne - Belgique 11-1 (1-0,6-0,4-1)
Tchécoslovaquie - Suisse 6-1 (2-1,2-0,2-0)

21 février
Autriche - Roumanie 12-1 (2-0,5-0,5-1)
États-Unis - Pologne 3-2 (1-0,1-2,1-0)
Tchécoslovaquie - Belgique 24-0 (9-0,5-0,10-0)

22 février
Roumanie - Belgique 6-4 (2-1,3-0,1-3)
Suisse - Autriche 5-0 (3-0,0-0,2-0)
Tchécoslovaquie - Suède 1-2 (0-1,0-1,1-0)

23 février
Suisse - Pologne 9-3 (3-1,1-0,5-2)
Autriche - Suède 2-1 (1-0,0-0,1-1)
Tchécoslovaquie - États-Unis 6-1 (2-0,1-1,3-0)

Classement (6 matches)

                   Pts   V  N  D   BP-BC  Diff
1 Tchécoslovaquie   12   6  0  1   85-10  +75
2 Suède             11   5  1  1   55-15  +40
3 Autriche          10   5  0  2   49-32  +17
4 Suisse             9   4  1  2   47-22  +25
5 États-Unis         8   4  0  3   42-26  +16
6 Pologne            4   2  0  5   27-40  -13
7 Roumanie           2   1  0  6   17-88  -71
8 Belgique           0   0  0  7   15-104 -89

Cette semaine de compétition se déroule dans une ambiance festive, et l'on y célèbre la paix retrouvée en même temps que l'on salue tous les champions. Le public tchécoslovaque attend tout de même avant tout de voir gagner sa sélection. Le match au sommet pour la victoire semble devoir se jouer le samedi contre l'autre équipe invaincue, la Suède. Le doublé d'Ericsson et la défaite 1-2 semblent alors sonner le glas des espoirs des treize mille spectateurs. Les patineurs Zábrodský et Drobný ont été inexistants à cause du jeu défensif des Scandinaves qui se repliaient tôt. Avant même la dernière journée, le titre mondial semble prendre pour la première fois la direction du nord, et le roi de Suède, Gustav V, envoie même un télégramme de félicitations à ses joueurs...

Mais ceux-ci, techniquement et physiquement affûtés, se croient trop vite arrivés et fléchissent mentalement. Il ne fallait pas sous-estimer ces Autrichiens, "tous des stars, capables de belles choses, mais à condition d'être admirés, d'être poussés par la foule". Et justement, tout le public est derrière eux. Le matin du match, un télégramme de la fédération des mineurs tchèques a promis deux jours de travail au fond de la mine pour offrir du charbon à l'Autriche si elle gagne ! Résultat, les Suédois sont surpris d'entrée et ne parviennent pas à refaire leur retard. Le titre de champion du monde revient aux Tchèques et les spectateurs offrent aux joueurs autrichiens de la nourriture, rare et inestimable en cette période de privations. Au même moment, on joue Le Barbier de Séville au Théâtre National de Prague. Lors du dernier acte, Bartolo change quelque peu les paroles du livret en déclamant à son valet : "Cours voir Don Basile et dis lui que les Autrichiens ont battu les Suédois 2-1 !" Là aussi, le public explose de joie...

Face aux Américains dont les seuls arguments sont physiques, la Tchécoslovaquie n'a aucun mal à conforter son premier titre mondial. Elle a été parfaitement préparée par son entraîneur Mike ("Matej") Buckna, un Canadien d'origine slovaque qui a tout appris du hockey dans sa ville natale de Trail (Colombie-Britannique) et qui a fait profiter de son savoir son pays d'origine depuis plus de dix ans. Les plaies de la guerre sont effacées dans cette incroyable réconciliation avec l'Autriche, qui en jouant le jeu a permis ce succès inespéré. On promet de convoyer des vivres et du charbon pour le chauffage dans la Vienne d'après-guerre qui manque de tout.

L'exploit de l'Autriche a une autre conséquence, c'est qu'elle chipe la médaille de bronze aux Suisses, qui l'avaient pourtant battue 5-0. L'équipe helvétique, pour la première fois sans sa "ni-Sturm", a pourtant réussi à se renouveler avec Reto Delnon, son meilleur buteur avec dix réalisations, et avec une nouvelle ligne venue d'Arosa, composée de Trepp et des frères Poltera.

Deux équipes sont loin du compte dans ce tournoi. D'une part, la Roumanie, qui n'a plus de piste à Bucarest. D'autre part, la Belgique, qui se retrouve sans gardien à son arrivée, parce que Bob van der Hayden est auprès de sa femme qui vient d'accoucher et que Henri Heiman est retardé à Strasbourg. Aucun des joueurs de champ n'est très enthousiaste à l'idée d'occuper ce poste très particulier, qui consiste à se faire canarder (sans masque de protection à l'époque). Certains ont donc l'idée d'envoyer au feu l'unique supporter qui a accompagné l'équipe, Milo Jahn, qui a un peu joué au hockey mais n'a qu'une très vague idée de ce que sont le travail du gardien de but ou le niveau international. Pour mettre en confiance leur recrue, les joueurs belges lui envoient des tirs peu puissants dans les jambières à l'entraînement. Mais le lendemain, le bombardement suédois n'a plus rien à voir et le pauvre gardien de fortune encaisse vingt-quatre missiles (dont treize de Lars Ljungman qui établit un record national qui ne sera jamais battu). Ceci dit, même l'arrivée de leurs vrais gardiens n'empêche pas les Belges de connaître d'autres déconfitures.

 

 

Meilleurs buteurs

                             B
1 Vladimír Zábrodský   TCH  29
2 Lars Ljungman        SUE  19
3 Jaroslav Drobný      TCH  15
4 Oskar Nowak          AUT  14
  Stanislav Konopásek  TCH  14

Trophée du fair-play : Autriche.

 

 

Les précédents championnats du monde (1939)

Les Jeux Olympiques 1948 (qui comptent également comme championnats du monde)

Les championnats du monde "seuls" suivants (1949)

 

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