Mémoires de Richard Sévigny

 

Gardien des Canadiens de Montréal (1979-1984) et des Nordiques de Québec (1984-1988) ; entraîneur de Chamonix (1989/90), Briançon (1990/91) et Angers (1994-nov.95), et aujourd'hui en LNAH.

Les championnats du monde juniors (officieux) 1976

En 1976, les Castors de Sherbrooke avaient représenté Équipe Canada au championnat du monde. Même avec une défaite de 17 à 1 contre Suède avec un match indiscipliné au maximum, nous avions gagné la médaille d'argent, en battant la Finlande 4 à 1, les Tchécoslovaques qui alignaient Peter Stastny 5 à 4, et nous avions perdu contre les Russes 5 à 3. C'est par la suite de ce tournoi que le Canada a commencé à former une équipe avec tous les joueurs juniors du Canada. Une très belle expérience.

Le nom gravé sur la Coupe Stanley sans avoir joué (gardien remplaçant dans un match de la finale 1979)

Ma carrière de professionnel est derrière moi, les trophées que ce soit Stanley, Vézina, pour moi ça n'a aucune importance. Même ma bague de la Coupe Stanley est dans le fond d'un tiroir. Le plus important, j'ai joué 11 saisons professionnelles, j'ai vécu toutes les expériences possibles en étant hockeyeur et j'ai eu la possibilité, de voyager, de rencontrer des tas de gens, d'être entraîneur, d'apprendre l'anglais, de travailler avec les jeunes ; et encore aujourd'hui, alors les honneurs pour moi c'est très secondaire.

La victoire sur le CSKA Moscou

D'avoir battu l'Armée Rouge à l'époque (match amical le 31 décembre 1979), j'en étais très fier, surtout que Ken Dryden n'a jamais réussi l'exploit.

J'ai vécu la plus grande rivalité entre le Canadien et les Nordiques dans les années 80, j'en suis fier et ce fut un autre privilège que j'ai vécu.

L'innovation : de la couleur dans les équimements

La couleur sur l'équipement de gardiens a été mon idée avec la Compagnie Canadien, j'avais proposé de faire les jambières et les gants. Aujourd'hui, c'est de toute beauté pour les gardiens de but. À l'époque, la première paire de jambières avait déchiré au premier lancer.

LA phrase (play-offs Edmonton-Montréal 1981)

Les déclarations du dossier Lafleur-Gretzky, c'est une hypocrisie d'un journaliste du journal La Presse. Notre entrevue était terminée, j'étais bon copain avec ce journaliste. Avant son départ, juste pour le plaisir, il m'a demandé comment était Guy ce matin suite à son retour de son accident de voiture, je lui avais dit qu'il avait été le meilleur sur la glace à l'entraînement, et à la blague, j'avais ajouté "il va mettre Wayne dans sa petite poche". Il est parti avec ça et il en a fait le titre de première page du journal La Presse, alors pour moi depuis ce jour mon avis sur certains journalistes est très négatif. Mais aujourd'hui, ça me fait rigoler, lorsqu'on parle des 10 plus grandes déclarations dans l'histoire, je suis de ceux-là et Gérard Depardieu en fait partie aussi, alors je suis avec lui dans la même équipe. [NDLR : Edmonton s'est qualifié en trois manches avec un triplé de Gretzky pour finir]

L'arrivée en France à Chamonix (1989/90)

À la suite de ma de carrière comme gardien de but avec les Nordiques de Québec, j'ai décidé d'aller travailler dans le secteur privé en région de Montréal. Après quelques mois, mon agent Pierre Lacroix, maintenant Président des Avalanches du Colorado, m'a demandé si j'étais intéressé d'aller vivre l'expérience à titre d'entraîneur-chef à Chamonix, dont M. Jean Charlet était le Président à l'époque, alors toute la petite famille a suivi et après cette première saison en Nationale 1B, nous avons été Champions de France.

Retrouvailles en N1B face à Bob Gainey

Bob Gainey était mon capitaine avec le Canadien de Montréal. J'étais très heureux de voir Bob et sa grande famille vivre cette expérience, et sur le plan hockey, il a apporté de très belles choses à Épinal. Malheureusement pour lui, Chamonix avait plus de talent sur la glace. Notre atout était la jeunesse, le noyau de l'équipe était des juniors, les Margerit, Opacko, Charlet... Il y en avait environ huit, et les vétérans étaient de bons guerriers. Mon joueur étranger Christian Tanguay n'était pas le plus talentueux mais était un leader surtout sur la route. Je crois que le fait d'avoir traité les joueurs sur la même longueur a été le reflet de notre saison, le principal étant d'apprendre à gagner et s'amuser.

Briançon (1990/91)

Briançon, toute une ville de hockey. Les gens s'amusaient à aller voir les Diables Rouges. C'était une nouvelle équipe, avec beaucoup de joueurs qui participaient aux entraînements de l'équipe de France. On veut toujours gagner, mais il faut créer une chimie et cela parfois demande deux ou trois saisons. La fin de saison commençait à être ardue sur le plan financier et les salaires des joueurs commençaient à être versés avec des retards, cela n'a pas aidé en cours de route. En plus, la Fédération a suspendu Peter Almasy, un de nos leaders, et je me demande encore le pourquoi de cette suspension contre Grenoble en demi-finale.

Les gardiens français

Le top est Cristobal Huet qui gardait les buts pour Grenoble quand j'étais entraîneur du club d'Angers, même à mon retour au Canada j'avais essayé de contacter son entraîneur pour savoir s'il ne voulait pas tenter sa chance au Canada. Finalement, avec l'équipe de France, les dépisteurs l'ont enfin remarqué. Antoine Mindjimba d'Amiens et Fabrice Lhenry de Chamonix ont été de bons gardiens aussi. Les Vallière, Gravel et Ylönen ont été d'excellents gardiens de but même si quelques-uns ont été naturalisés pour poursuivre leur carrière en France.

Cristobal avait à peine 19 ans, je crois, gros gabarit et très technique. Le seul reproche que je pourrais faire à Cristobal aujourd'hui, c'est qu'il joue trop en papillon. Souvent, il est porté à toujours glisser dans ses déplacements dans le filet au lieu d'être debout pour faire ses déplacements latéraux, mais à chacun sa manière de jouer. Je tiens à le féliciter pour sa carrière et pour avoir relevé le défi à Montréal, surtout au niveau médiatique.

L'arrivée à Angers (1994/95)

Angers n'avait pas le budget, de Rouen, Amiens, Reims... sauf Viry. En plus, Martin Lacroix est arrivé blessé à Angers et il n'a jamais été que l'ombre de lui-même au cours de la saison. Trop de joueurs québécois dans la même équipe (jalousie pour les salaires) alors que certains voulaient être la tête d'affiche, pas prêts à se sacrifier pour l'équipe. Ils voulaient simplement se placer pour marquer et que d'autres travaillent en fonction d'eux. Un défenseur comme Brassard a été la plus grande déception comme défenseur étranger, je m'attendais à beaucoup plus de lui. Dino Grossi a été un point positif et le meilleur de tous a été le gardien François Gravel. Nous avions battu Rouen à Angers 4 à 3 et trois jours plus tard nous avons avions perdu à Viry 4 à 3, cela nous avait remis dans le doute.

Une seconde saison vite terminée (1995/96)

Nous avions 7 étrangers au lieu de 6, alors toujours un malheureux. Les joueurs qui ont écopé le plus ont été Alain Savage et Marius Konstandinidis qui étaient deux excellents étrangers mais qui se devaient de partager le poste de 6e étranger. Le recrutement de joueurs français a été fait en fonction de l'enveloppe (qui avait été coupée pour plaire à certains étrangers dans l'équipe). Nous avions deux Suédois [NDLR : Stefan Claesson et Henrik Johansson], des joueurs corrects mais sans plus. Vous savez que les commanditaires sont très importants pour les clubs français, et surtout à Angers. Le commanditaire principal était Scania, l'entente avec le club était de fournir deux joueurs suédois et de les faire jouer. En plus, j'avais signé Éric Messier, un défenseur canadien qui m'avait demandé la permission d'aller au camp de l'Avalanche du Colorado pour faire un essai, et finalement il a réussi à signer un contrat avec l'Avalanche [NDLR : et a fini par y jouer l'année suivante et par gagner la Coupe Stanley].

Mais les Angevins sont si gentils et généreux, je garderai toujours un excellent souvenir de mon séjour à Angers.

Propos recueillis par Marc Branchu, 2007