Pays-Bas - Canada (12 février 1980)

 

Jeux Olympiques 1980, première phase, groupe rouge.

Les Pays-Bas ne regardent d'habitude que le patinage de vitesse lors des Jeux olympiques d'hiver. Ils ont cette année une autre compétition à laquelle s'intéresser car leur équipe de hockey sur glace s'est qualifiée pour la première fois de son histoire. Une équipe majoritairement anglophone qui ne déclenche pas forcément pas une grande identification générale. Elle a en effet remporté le Mondial B grâce à ses joueurs importés du Canada (des descendants de l'émigration de l'après-guerre avec la double nationalité). C'est la première fois que les Néerlandais se frottent aux meilleures nations, ils arrivent sans prétention mais avec le secret espoir de surprendre, devant une cinquantaine de leurs supporters. Et leurs Canadiens - qui sont 12 dans l'effectif - sont particulièrement motivées à l'idée de rencontrer en ouverture leurs compatriotes.

Le Canada fait en effet son grand retour aux JO après avoir boycotté les deux derniers tournois olympiques. Il a enterré la hache de guerre avec l'IIHF en revenant aux championnats du monde où les professionnels sont maintenant autorisés. Mais le CIO les interdit toujours : ce Canada peut-il prétendre aux médailles dans ces conditions ? Ses résultats de la saison n'incitent pas forcément à l'optimisme. En décembre, le Canada s'est comme les autres pays divisé en deux sélections (avec l'adjonction pros prêtés par la NHL pour le tournoi des Izvestia) mais il a fini dernier des deux tournois pré-olympiques joués en parallèle, celui à Moscou et celui organisé sur le site olympique à Lake Placid face à des équipes européennes B. Néanmoins, ce "groupe rouge" semble à la portée des Canadiens : ils peuvent finir deuxièmes derrière l'URSS, pour ensuite tout donner dans le tour final à quatre pour les médailles.

Le match commence pourtant par un coup de tonnerre. Déjà en infériorité numérique à la deuxième minute après une charge avec la crosse de Henk Hille, les Néerlando-Canadiens gagnent avec leurs muscles une mise au jeu en zone défensive et sortent le palet vers Dirk Decloe qui part sur l'aile gauche et prend un lancer. Le défenseur canadien Warren Anderson n'arrive pas à contrôler le rebond qui revient vers lui, et Decloe fait alors une passe aveugle en direction de l'enclave où Corky de Graauw arrive sans opposition pour battre Bob Dupuis côté plaque (1-0).

Le Canada réplique sur le lieu même du péché originel, un engagement à gauche de la zone offensive. Dave Hindmarch le gagne en envoyant un palet en cloche que John Devaney reprend du gant avant de le donner en retrait dans le slot. La passe à une main est touchée mais pas bloquée par les défenseurs, et Kevin Primeau est seul face au gardien pour égaliser (1-1). Les Canadiens prennent l'avantage attendu quand un lancer de la bleue de Terry O'Malley est contré par Van Wieren et arrive sur Ken Berry qui contrôle le palet du patin et le propulse dans la cage d'un tir du poignet fulgurant à mi-distance (1-2).

Le compteur de tirs équilibré en première période (10 partout) est déjà un évènement en soi. Les Pays-Bas rivalisent, mais ils ont défaut déjà constaté lors de leur dernier tournoi de préparation, ils ne profitent pas de leurs jeux de puissance. Même une minute à 5 contre 3 n'est pas exploitée, elle est au contraire interrompue par une faute de Janssen. Le Canada finit donc par accélérer et par se détacher en deuxième période. La crosse posée du gardien Ted Lenssen n'est pas assez ferme pour empêcher le slap rasant de Dan D'Alvise de passer entre ses jambes (1-3). Les Canadiens, eux, profitent d'un cinglage de Decloe pour marquer en avantage numérique : Dave Hindmarch reprend dans le haut du filet une bonne passe de John Devaney (1-4).

Le troisième tiers-temps se transforme vite en calvaire pour les Pays-Bas. Glenn Anderson tire en pivot sur un palet ressorti de derrière la cage par Jim Nill (1-5). Zupancich attire Peternousek sur le côté, Pirie (défenseur aligné en attaque) occupe physiquement l'autre arrière Peternousek dans le slot et le centre Dan d'Alvise a le temps de tirer trois fois parce que son vis-à-vis Van Wieren est trop passif (1-6). Ken Berry fait trébucher De Heer en zone offensive et le gardien Bob Dupuis doit s'interposer face à un revers de Van Wieren, mais même en infériorité, Glenn Anderson réjouit le public en dribblant deux joueurs, dont un petit pont sur Hille.

Le buteur-vedette du championnat allemand Dick Decloe conteste vertement une pénalité (nette) pour accrochage et double donc sa pénalité mineure : son indiscipline coûtera deux buts. Les Canadiens s'imposent avec intensité devant la cage, où Devaney puis Berry concluent (1-8). Ken Berry, placé entre les cercles, s'offre même un hat-trick peu après en tirant entre les jambières du gardien (1-9). Terry O'Malley inscrit le dernier but - bizarrement accordé à Hindmarch qui n'était même pas sur la glace - sur un tir du revers qui n'était même pas cadré : le défenseur Rick van Gog envoie dans son propre but en essayant de contrôler le palet !

Les Néerlandais sont très déçus par l'ampleur de la défaite. Le Canada savait qu'il devait soigner sa différence de buts pour la qualification et ne leur a pas fait de cadeau. Mais il faut dire aussi que la défense n'est pas leur fort. Ce sont souvent des joueurs offensifs qui paraissent peu intéressés par le travail en zone défensive : ils se contentent d'accrochages perpétuels et de coups de crosse, sans être assez incisifs sur le palet ou dans leur patinage. Leur coach suédois Hans Westberg semble s'en accomoder car, quand ils n'ont pas le palet, l'ailier opposé se place souvent pour attendre la contre-attaque au lieu de participer au jeu défensif. C'est difficile de rivaliser contre des équipes bien plus fortes de cette façon.

Étoiles du match Hockey Archives : *** Ken Berry (Canada), ** Terry O'Malley (Canada), * Dan d'Alvise (Canada).

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Ron Berteling (attaquant des Pays-Bas) : "Nous ne nous attendions pas à ça. Le Canada n'est sûrement pas une des équipes les plus fortes. Après la deuxième période, à 1-4, nous pensions que nous pouvions certainemement limiter les dégâts. Mais cela s'est passé différemment. Vous pouvez maintenant être sûrs que le match contre la Russie va aussi donner lieu à un gros score. Comment l'équipe arrivera à gérer ces défaites, cela reste à voir."

Clare Drake (co-entraîneur du Canada) : "Nous avons été comme une famille depuis six mois à Calgary. Nous avons eu des hauts et des bas mais il faut être patient. Nous n'avions pas vraiment compté sur Terry [O'Malley] pour ses capacités offensives. Mais c'est bien de voir tous ces buts. C'est la première fois que nous en mettons dix ! Un de nos défauts était notre difficulté à marquer, surtout sur grande glace. Maintenant nous avons prouvé que nous pouvions le faire. Kenny [Berry] a tout le talent qu'il faut et un bon tir rapide, mais c'était un des gars qui ne trouvait pas les filets. Je suis content qu'il soit sorti de cette disette. Nous avons une équipe jeune et rapide, être régulier sera la clé."

Dan D'Alvise (attaquant du Canada) : "J'avais eu du mal à marquer récemment, mais peut-être que je suis comme un bon cheval de course, j'ai mon pic de forme pour la grande compétition. Nous avons eu une réunion hier et ils nous ont expliqué l'importance de marquer autant de buts que possible. À la fin, les équipes sont départagées à la différence de buts. C'est pourquoi nous n'avons montré aucune pitié. En aucun cas nous ne montrerons d'excès de confiance pour le prochain match contre la Pologne."

Pays-Bas - Canada 1-10 (1-2, 0-2, 0-6)
Mardi 12 février 1980 à 13h30 à la Olympic Fieldhouse de Lake Placid. 2000 spectateurs.
Arbitrage d'Ulf Lindgren (SUE) assisté de Pete Morrissey et Marty Reeners (USA).
Pénalités : Pays-Bas 16' (4', 6', 6'), Canada 18' (6', 6', 6').
Tirs : Pays-Bas 20 (10, 5, 5), Canada 40 (10, 13, 17).

Évolution du score :
1-0 à 01'56" : De Grauuw assisté de Decloe (inf. num.)
1-1 à 04'04" : Primeau assisté de Devaney
1-2 à 11'40" : Berry assisté de Maxwell et O'Malley O'Malley et Maxwell
1-3 à 24'52" : D'Alvise assisté de O'Malley
1-4 à 35'02" : Hindmarch assisté de Devaney (sup. num.)
1-5 à 43'31" : Anderson assisté de Nill et Davidson
1-6 à 44'14" : D'Alvise assisté de Zupancich et Pirie
1-7 à 50'35" : Devaney assisté de Primeau et Hindmarch (sup. num.)
1-8 à 51'11" : Berry assisté de Watters et Maxwell MacLean (sup. num.)
1-9 à 52'22" : Berry assisté de Maxwell et MacLean
1-10 à 58'11" : Hindmarch O'Malley assisté de MacLean et Davidson
en noir, le rapport officiel ; en rouge, les corrections de Hockey Archives
 

Pays-Bas

Attaquants :
5 Dirk Decloe (6') - 20 Corky de Graauw - 18 Brian de Bruyn
8 Jack de Heer (-3, 2') - 3 Larrie van Wieren (C, -4) - 10 Jan Janssen (-4, 4')
19 Chuck Huizinga (-2) - 15 Klaas van de Broek (A, -2) - 4 Ron Berteling (-2)

Défenseurs :
11 Al Pluymers (-1, 2') - 12 Rick van Gog (-1)
14 Henk Hille (-3, 2') - 9 Georg Peternousek (-3)
17 Frank van Soldt (-3) - 6 Patrick Kolijn (-2)

Gardien :
1 Ted Lenssen

Remplaçants : 30 John de Bruyn (G), 16 Leo Koopmans, 25 William Klooster, 2 Harry Van Heumen.

Canada

Attaquants :
20 David Hindmarch (+1) - 15 John Devaney (+1, 2') - 21 Kevin Primeau (+1, 2')
12 James Nill (+1, 2') - 6 Ronald Davidson (+1) - 9 Glenn Anderson
19 Ken Berry (+2, 4') - 11 Kevin Maxwell (+2) - 17 Paul MacLean (+3, 2')
3 Bradley Pirie (+2) - 18 Daniel D'Alvise (+2, 2') - 22 Stelio Zupancich (+2)

Défenseurs :
2 Warren Anderson (A, 4') - 4 Randall Gregg (C)
24 Terrence O'Malley (+6) - 7 Joseph Grant (+5)
8 Donald Spring - 5 Timothy Watters (+1)

Gardien :
1 Robert Dupuis

Remplaçant : 29 Paul Pageau (G).

 

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