États-Unis - URSS (9 février 1980)

 

Match international.

Le dernier match de préparation avant les Jeux olympiques de Lake Placid est organisé dans le cadre prestigieux du Madison Square Garden de New York. L'équipe américaine se confronte au plus haut niveau possible, l'Union Soviétique, qu'elle espère retrouver en poule finale du tournoi olympique si elle arrive à passer l'obstacle des Suédois ou des Tchécoslovaques. L'invasion de l'Afghanistan par l'URSS a ranimé la guerre froide, mais le contexte politique ne semble pas influer sur le match. Les tribunes ne sont pas pleines et l'hymne soviétique est certes hué, mais sans que l'on sente une hostilité extrême. Cela reste avant tout un match d'entraînement avant le début des choses sérieuses.

Les Soviétiques tendent tout de suite le bâton pour se faire battre avec une faute vraiment superflue en zone offensive de Helmut Balderis, qui y accroche le défenseur reconverti Bill Christian. La pénalité est tuée sans le moindre tir américain, en particulier par l'activité des frères Golikov. Quand elle se termine, Yuri Lebedev impose un fort pressing à la défense américaine et récupère ainsi le palet, que Balderis - tout juste sorti en prison - transmet en retrait à Aleksandr Maltsev, seul face à la cage (0-1). En provoquant leurs adversaires, les États-Unis n'obtiennent que des phases de 4 contre 4 pendant lesquelles l'URSS garde le palet sans forcer avec facilité. Puis, au retour au complet, Lebedev presse encore les défenseurs avec Krutov, qui s'amène le palet du patin pour marquer entre les bottes du gardien (0-2).

Les Américains mettent enfin de l'allant offensif avec des attaques rapides. Tretiak a un gros arrêt à faire, un réflexe du bras gauche devant John Harrington, sur une passe en déséquilibre de Mark Pavelich. Puis les rouges inscrivent un but magnifique : passe levée géniale de Zinetula Bilyaletdinov depuis son camp pour le junior Vladimir Krutov, qui laisse sur place le défenseur Bill Baker d'une accélération puis met complètement dans le vent Jim Craig par une feinte droite-gauche (0-3). Le malheureux gardien a peut-être encore cette action en tête : en tout cas il encaisse un mauvais but une minute plus tard sur un tir en angle de Valeri Kharlamov (0-4). Après ces seize minutes difficiles, Craig vit une phase plus calme jusqu'au changement de gardien programmé à la mi-match. Les Soviétiques jouent à leur main.

Le second gardien Steve Janaszak se confronte à son tour à l'excellence. Le pauvre ne peut strictement rien faire sur le premier but, une exceptionnelle séquence de passes entre Mikhaïlov, Kharlamov (pourtant à plat ventre car il a été mis en échec par Suter), Lutchenko et re-Mikhaïlov qui sert du revers Petrov absolument seul devant la cage. La défense américaine a tourné en bourrique sur ce bijou de jeu collectif (0-5). Le capitaine Mike Eruzione, servi entre les cercles par un centre de Christoff, sauve l'honneur américain en ajustant Tretiak au-dessus de la jambière droite (1-5). Mais une pénalité contre O'Callahan (auteur d'un violent coup de crosse sur Maltsev) permet à Boris Mikhailov de rétablir l'écart avant la pause en reprenant une passe parfaite de Petrov au second poteau (1-6).

Phil Verchota ouvre le troisième tiers d'une meilleure manière pour les Américains en venant prendre son propre rebond sur une situation de 4 contre 4 (2-6). Le défenseur Vladimir Lutchenko, qui a laissé l'ailier américain lui passer dans le dos, joue là son dernier match avec la Sbornaïa car il sera retranché dans l'ultime sélection impitoyable de la composition soviétique... Son dernier point en match international reste donc sa belle participation à ce merveilleux cinquième but.

Mais un but fabuleux en remplace très vite un autre... Celui qui sera dans toutes les bouches après le match, c'est le but en infériorité numérique d'Aleksandr Maltsev, qui fixe le défenseur Bill Christian en faisant un 360° devant lui et en marquant du revers à ras glace dans le même mouvement de grande classe (2-7). Après avoir vu ça, les spectateurs new-yorkais en ont eu pour leur argent. On peut passer rapidement sur la suite, pourtant jolie. Sergei Makarov feinte Janaszak et marque du revers après avoir remonté le palet dans un une-deux avec Vladimir Golikov (2-8). Krutov enchaîne en cage grande ouverte sur un jeu en triangle parfait de la quatrième ligne (2-9). Une faute en zone offensive de Krutov permet à Steve Christoff de marquer de près en avantage numérique sur un centre de Mark Johnson (3-9). Helmut Balderis clot le score en reprenant au poteau droit une passe croisée de Valeri Vassiliev (3-10).

Les Nord-Américains ont l'habitude de dire que l'équipe soviétique s'entraîne toute l'année ensemble, alors que ce descriptif est plutôt vrai que pour la formation américaine entraînée par Herb Brooks qui se prépare sans interruption depuis plus de cinq mois maintenant à cette échéance olympique. Une formation dont les carences défensives ont été mises en lumière ce soir, en particulier celles de Jack O'Callahan (qui en plus s'est blessé au genou) et de Bob Suter, dépassés dès que les visiteurs accéléraient le jeu.

Si l'on a effectivement vu les gammes du CSKA à l'oeuvre sur le cinquième but, le trio dominant ce soir a été le seul à ne regrouper que des joueurs de clubs différents, en l'occurrence le quatrième bloc. Yuri Lebedev, le centre des Krylia Sovietov, a fait preuve de hargne et de détermination dans tous les duels et a pesé sur le match comme personne. Aleksandr Maltsev, le vétéran du Dynamo, a montré toute sa classe, y compris dans les situations d'infériorité numérique. Vladimir Krutov, l'ailier du CSKA, a montré des qualités de finisseur déjà impressionnantes pour un joueur de 19 ans.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Herb Brooks (entraîneur des États-Unis) : "J'ai su que nous serions en difficulté quand ils ont introduit les joueurs russes et que mes gars ont applaudi. Puis Maltsev a marqué ce but [le 2-7 en infériorité] et j'ai applaudi. J'ai dit aux gars sur le banc 'vous avez vu ça ?'. Parfois, un vrai coup de pied dans le derrière est bon pour une équipe de qualité ou un athlète de qualité. Après la première période, j'ai mes joueurs avaient la bouche qui pendait grande ouverte. Je leur ai dit de ne pas s'inquiéter, de ne pas paniquer. Nous avons joué 60 rencontres pendant notre période de préparation, et aucune n'a de signification. Mardi [début du tournoi olympique], ça voudra dire quelque chose. Dans tous les cas, je ne m'inquiète pas des Russes. Je m'inquiète des Tchèques et Suédois, les équipes que nous avons une chance de battre. Je ne veux pas paraître défaitiste, mais il faut combiner l'idéalisme et le pragmatisme, et en pratique, nous n'avons aucune chance de battre les Russes. Nous avons 10 gars qui devraient encore jouer à l'université en ce moment, et ils ont une équipe qui a battu les meilleurs joueurs de NHL l'an dernier, une équipe où joue encore la moitié des joueurs de [la série du siècle de] 1972."

Viktor Tikhonov (entraîneur de l'URSS) : "Nous avons montré ce que nous pouvons faire, pas eux, ils sont restés sur la réserve. Pour connaître les vraies forces d'une équipe, il faut jouer contre une forte opposition."

 

États-Unis - URSS 3-10 (0-4, 1-2, 2-4)
Samedi 9 février 1980 au Madison Square Garden de New York. 11 243 spectateurs.
Pénalités : États-Unis 22' (4', 4', 4'+10'), URSS 18' (8', 0', 10').
Tirs cadrés : États-Unis 20 (7, 6, 7), URSS 35 (11, 12, 12).

Évolution du score :
0-1 à 04'23" : Maltsev assisté de Balderis et Lebedev
0-2 à 09'35" : Krutov assisté de Lebedev
0-3 à 14'32" : Krutov assisté de Bilyaletdinov et Maltsev
0-4 à 15'39" : Kharlamov assisté de Kasatonov
0-5 à 35'44" : Petrov assisté de Mikhailov et Lutchenko
1-5 à 37'09" : Eruzione assisté de Christoff
1-6 à 39'41" : Mikhailov assisté de Petrov et Pervukhin (sup. num.)
2-6 à 43'25" : Verchota assisté de Baker et Morrow
2-7 à 49'52" : Maltsev (inf. num.)
2-8 à 53'06" : Makarov assisté de V. Golikov
2-9 à 53'26" : Krutov assisté de Lebedev et Maltsev
3-9 à 56'09" : Christoff assisté de Johnson et Silk (sup. num.)
3-10 à 56'34" : Balderis assisté de Vasiliev
 

États-Unis

Attaquants :
24 Rob McClanahan (-2) - 10 Mark Johnson (-2) - 19 Eric Strobel (-3)
21 Mike Eruzione (C, -2, 2') - 9 Neal Broten (-2, 10') - 11 Steve Christoff (-2)
25 Buzz Schneider (-2, 2') - 16 Mark Pavelich (-3) - 28 John Harrington (-3)
27 Phil Verchota - 15 Mark Wells - 8 David Silk (-1)

Défenseurs :
5 Mike Ramsey (-2) - 3 Ken Morrow
6 Bill Baker (A, 2') - 17 Jack O'Callahan (-3, 2')
20 Bob Suter (-5, 2') - 23 Dave Christian (-4, 2')

Gardien :
30 Jim Craig (13/17) puis à 30'45" 1 Steve Janaszak (12/18)

URSS

Attaquants :
17 Valeri Kharlamov (+2) - 16 Vladimir Petrov (+2, 2') - 13 Boris Mikhaïlov (C, +2)
19 Helmut Balderis (2') - 22 Viktor Zhlutkov - 26 Aleksandr Skvortsov
23 Aleksandr Golikov (+1, 2') - 25 Vladimir Golikov - 24 Sergei Makarov (2')
9 Vladimir Krutov (+3, 2') - 11 Yuri Lebedev (+5) - 10 Aleksandr Maltsev (+3)

Défenseurs :
3 Vladimir Lutchenko (+2) - 7 Aleksei Kasatonov (+2, 2')
12 Sergei Starikov (+3) - 6 Valeri Vassiliev (A, +3)
5 Vassili Pervukhin (+1) - 14 Zinetula Bilyaletdinov (+1, 4')

Gardien :
Remplaçant : 1 Vladimir Myshkin (G). En tribune : Vyacheslav Fetisov (D).

 

 

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