URSS - Tchécoslovaquie (14 février 1976)

 

Match comptant pour la cinquième et dernière journée des Jeux Olympiques 1976.

L'URSS a dominé le tournoi mais sait que le plus dur l'attend. Pour remporter une quatrième médaille d'or consécutive, ce qui serait une première dans l'histoire du hockey aux Jeux olympiques, elle doit d'abord passer le corps des Tchécoslovaques, qui se sont remis d'une épidémie de grippe et qui sont toujours en position de passer devant les Soviétiques en cas de victoire.

Entre ces éternels rivaux, les lignes se neutralisent d'entrée. Aleksandr Maltsev brise la glace en éliminant deux adversaires, dont une première fois Milan Chalupa qui revient lui faire obstruction dans le coin pour faciliter la récupération de palet de son collègue Dvorak. Déjà une supériorité numérique pour l'URSS, et peut-être un excès de confiance : Aleksandr Gusev essaie de dribbler en zone neutre et se fait prendre le palet par Milan Novy. Le centre tchèque file tout seul face à Vladislav Tretiak qu'il trompe côté mitaine (0-1, 03'05"). L'avantage numérique n'est cependant pas fini, et Vladimir Petrov reçoit à la bleue une passe entre les défenseurs, mais il trouve quant à lui le gant de Jiri Holecek. Sur la mise au jeu, Bubla se jette sur le palet pour le dégager.

C'est au retour à cinq que la Tchécoslovaquie est la plus menacée, car une mauvaise passe du revers en zone défensive de Vladimir Martinec, contrée par Aleksandr Yakushev, la maintient dans son camp. Viktor Shalimov déborde sur la droite et sa petite passe latérale pour la déviation instantanée de Yakushev, à un mètre du but, ne doit laisser aucune chance au gardien. Pourtant, Holecek plonge en arrière pour un arrêt venu d'un autre monde. Si cette grande créature au masque beige devant le but tchécoslovaque est un extraterrestre, alors la série olympique de l'URSS peut être menacée !

Tretiak, battu sur son seul tir dangereux (l'autre venait de la ligne rouge centrale), a de quoi être jaloux. Qu'il se rassure, il va avoir l'occasion de montrer son talent. Comme Novy fait trébucher Lutchenko sans que l'arbitre ne bronche, Pospisil peut envoyer le palet ainsi libéré vers Eduard Novak pour la troisième échappée du match en sept minutes, repoussé par le gardien russe. Petrov plonge derrière le but tchèque pour envoyer Pospisil en prison, mais il est puni de cette mauvaise intention peu après pour dureté. Martinec vient mettre la pression sur la cage et Novy enfile le rebond : les Tchèques montent à nouveau sur la glace pour se congratuler, mais l'arbitre a immédiatement invalidé le but parce que Martinec a gêné Tretiak dans la zone du gardien. À l'échéance de la pénalité russe, Ivan Hlinka lance sur le poteau. Les blancs pourraient ressasser ces occasions manquées de creuser l'écart, mais ils persévèrent. Leur troisième ligne bouscule les rouges par son énergie et sa volonté. Puis c'est Ivan Hlinka qui remonte la glace et reçoit à la bleue une parfaite passe de Bubla. Il se présente devant Tretiak et le fusille côté mitaine (0-2, 15'46"). Un parfum d'exploit flotte sur Innsbruck à la pause...

La deuxième période est une toute autre musique. Les Soviétiques ont la maîtrise du palet alors que les Tchécoslovaques adoptent désormais une tactique ouvertement défensive : ils ne laissent pas d'espaces, ils coincent les techniciens rouges contre les bandes, à deux s'il le faut face aux plus insaisissables. Mais à ne jamais se découvrir, les blancs perdent vite le palet au cours de leurs contre-attaques rapides à deux joueurs maximum. Et cela ne fait que renforcer le jeu de possession russe.

La première ligne tchèque rompt cette configuration de jeu en s'installant vraiment en zone offensive. Et elle y est immédiatement récompensée puisque deux Soviétiques sont pénalisés sur la même action : Babinov pour obstruction et Zhlutkov pour avoir fait trébucher Augusta ! Pendant que les lignes tchèques tournent à cinq contre trois, Vladimir Shadrin passe toute l'infériorité numérique sur la glace et gagne les trois mises au jeu proposées en zone défensive. Le travail capital du centre du Spartak permet à l'URSS de rester dans le match.

Avec cet intermède, on en avait presque oublié le tube de la patinoire tyrolienne "Holecek, Holecek", récurrent au début du deuxième tiers à chacun de ses nombreux arrêts. Mais il n'allait pas disparaître de la scène comme ça. Il revient avec un arrêt-photo de la mitaine sur un lancer en entrée de zone de Vladimir Petrov. Les relances russes sont cependant moins bien assurées qu'avant l'infériorité. Petrov s'autorise une passe transversale dans sa zone, interceptée par Bohuslav Ebermann qui surgit comme un diable de sa boîte devant Gusev... mais Petrov rattrape son erreur en revenant contrer le palet in extremis au moment où l'ailier tchèque se présente face à Tretiak (31'21").

C'est peut-être le tournant du match. Car sur l'action suivante, Holecek fait face à une succession de rebonds et finit couché sur la glace. Shadrin arrive pour envoyer le palet dans le haut du filet (1-2, 32'01"). Les Tchécoslovaques continuent de contrer beaucoup de palets, ne laissant pas l'URSS déployer son jeu. Et surtout, ils se mettent à défendre avec plus d'acharnement leur slot que durant le but, Augusta montrant l'exemple. Ses efforts ne suffisent pas. Une minute plus tard, la première ligne russe, un peu décevante jusqu'ici il faut bien le dire, arrache l'égalisation : Holecek repousse dans les airs un tir à bout portant de Kharlamov qui heurte la transversale, mais Petrov récupère le palet à côté de la cage et le glisse en angle fermé (2-2, 37'33"). C'est encore Boja Ebermann qui se crée une occasion énorme juste avant le retour aux vestiaires. Valeri Vassiliev fait une passe entre ses jambes sans voir qu'il donne ainsi le palet à l'ailier de Plzen, qui met dans le vent le dernier défenseur Gusev... mais voit Vassiliev rattraper lui aussi sa propre boulette par un plongeon désespéré (39'43").

En début de troisième période, Sergueï Kapustin est sanctionné pour avoir fait trébucher Machac qui s'est laissé tomber avec plaisir. Et la supériorité commence par une grosse occasion tchèque : Eduard Novak rate de peu le palet en essayant de reprendre une passe de Novy de la droite. Kapustin sort à peine de prison qu'il y retourne pour une nouvelle pénalité en zone offensive, une charge avec la crosse sur le solide Bubla. Mais ce second avantage numérique ne dure pas longtemps à cause d'une crosse haute de Holik sur Shadrin, toujours exceptionnel en infériorité. Un Shadrin qui reste sur la glace à quatre contre quatre et qui se crée une bonne occasion en dribblant Bubla.

Les équipes semblent se bloquer l'une l'autre. Un but à ce moment du match serait sans doute décisif. Et soudain, Pospisil passe le palet en zone neutre à Eduard Novak lancé qui perce dans l'axe et, seul en haut de l'enclave au milieu de l'armée rouge, fouette un tir du poignet qui surprend Tretiak (2-3, 51'03"). Les embrassades tchèques contrastent avec les émotions masquées des Russes qui au deuxième tiers semblaient considérer leurs buts comme l'expression du devoir accompli. Les Tchécoslovaques sont en veine d'exploits individuels, et l'un d'eux a déjà fait basculer le match. Dans sa zone défensive, Jiri Holik contourne le pressing de Maltsev grâce à sa conduite de palet, puis il passe en revue toute la défense russe. Il l'avait déjà fait en supériorité sans conclure son action. Cette fois il parvient à délivrer une bonne passe à Bohuslav Stastny, mais ce dernier n'arrive pas à déjouer Tretiak, qui plonge et dévie du gant.

Les Russes paraissent à cet instant assommés, peinant même pour sortir de leur zone face au pressing de Hlinka. Puis c'est le coup de théâtre : le buteur (presque) héros Eduard Novak prend une pénalité pour un coup de crosse sur Mikhaïlov qui le débordait. Yakushev sert du revers dans son dos Liapkin qui prend un lancer et vient insister au rebond : trois Russes sont debout autour de la cage, alors que tous les Tchèques se sont couchés devant des tirs. Devinez lesquels sont en meilleure position pour jouer le palet ? Yak-15 répond à la question (3-3, 55'37"). Et oui, dans ces circonstances, même les "machines" russes laissent éclater leur joie ! Le coup est rude pour la Tchécoslovaquie, mise KO une vingtaine de secondes plus tard. Vladimir Petrov gagne la mise au jeu en zone offensive face à Ivan Hlinka et attire le défenseur Jiri Bubla, qui a donc lâché son marquage sur Valeri Kharlamov. Le centre russe sert aussitôt son ailier isolé devant la cage pour un but imparable (4-3, 56'01"). Maintenant qu'elle a pris l'avantage, l'URSS déroule jusqu'au bout avec une grande maîtrise collective.

Ce quatrième titre olympique d'affilée, les Soviétiques sont allés le chercher au bout de leurs ressources. Car les Tchécoslovaques les ont contrés sans relâche et leur ont coupé les passes, ne leur laissant aucune facilité pour déployer leur jeu. Contrainte de courir après le score, ce qui lui arrive rarement, l'URSS a su rester dans le match, surtout grâce au travail en infériorité de Vladimir Shadrin. Même s'il avait souffert dans la construction offensive au premier tiers, c'est ce même Shadrin qui a donné le signal du retour en venant à bout d'un Jiri Holecek héroïque pendant une moitié de match. Malheureusement pour le gardien tchèque, ses coéquipiers, qui ont fait la loi le long des balustrades, n'ont par contre pas pu écarter les palets et les adversaires dans leur slot.

Un évènement est à signaler après le match : pour la seule fois dans l'histoire de l'Union Soviétique, de la vodka est autorisée dans le vestiaire. Et pour cause, c'est le directeur du Comité des Sports (Sergei Pavlov) qui l'a amenée pour en distribuer à tout le monde !

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

URSS - Tchécoslovaquie 4-3 (0-2, 2-0, 2-1)
Samedi 14 février 1976 à l'Olympiastadion d'Innsbruck (AUT).
Pénalités : URSS 10' (2', 4', 4'), Tchécoslovaquie 8' (4', 0', 4').
Tirs : URSS 37 (11, 17, 9), Tchécoslovaquie 23 (10, 8, 5).

Évolution du score :
0-1 à 03'05" : Nový (inf. num.)
0-2 à 15'46" : Hlinka assisté de Bubla et Kajkl
1-2 à 32'01" : Shadrin assisté de Shalimov et Tsygankov
2-2 à 37'33" : Petrov assisté de Kharlamov
2-3 à 51'03" : E. Novak assisté de Pospisil
3-3 à 55'37" : Yakushev assisté de Liapkin (sup. num.)
4-3 à 56'01" : Kharlamov assisté de Petrov

 

URSS

Attaquants :
Valeri Kharlamov - Vladimir Petrov - Boris Mikhaïlov (C)
Aleksandr Yakushev - Vladimir Shadrin (A) - Viktor Shalimov
Sergei Kapustin - Viktor Zhlutkov - Aleksandr Maltsev (A)

Défenseurs :
Aleksandr Gusev - Valeri Vassiliev
Yuri Liapkin - Gennadi Tsygankov
Vladimir Lutchenko - Sergueï Babinov

Gardien :
Vladislav Tretiak

Remplaçants : Aleksandr Sidelnikov (G), Boris Aleksandrov.

Tchécoslovaquie

Attaquants :
Josef Augusta - Milan Nový - Eduard Novák
Jirí Holík (A) - Ivan Hlinka - Bohuslav Ebermann
Bohuslav Stastný - Jirí Novák - Vladimír Martinec (A)
Jaroslav Pouzar

Défenseurs :
Frantisek Pospísil (C) - Oldrich Machac
Milan Kajkl - Jirí Bubla
Miroslav Dvorák - Milan Chalupa

Gardien :
Jirí Holecek

Remplaçant : Pavel Svitana (G).

 

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