Boston Bruins - CSKA Moscou (8 janvier 1976)

 

Match amical.

Le CSKA Moscou - maintenant privé de son centre numéro 1 Vladimir Petrov - poursuit sa tournée des grandes cités nord-américaines dans cette supersérie. Après un match de légende contre le Canadien de Montréal (3-3), il arrive au Fleet Center, la glace des « Big Bad Bruins ». La franchise du Massachusetts est une sérieuse référence dans la NHL avec une finale en 1974 et deux victoires en 1970 et 1972. Le groupe est composé de nombreuses stars, qui pour certaines ont déjà connu le défi de 1972 comme Jean Ratelle, Brad Park, Wayne Cashman et André Savard. Le manager général est déjà averti puisqu’il s’agit de Harry Sinden, l’ex-coach du Canada 1972.

Comme à chaque partie, les NHLers débutent avec force et vitesse. Les Soviétiques sont déjà sous pression avec un trafic de Park, Ratelle et Schmautz. L’agressivité permet de capter le puck et à Bucyk de tirer sur Tretiak. La valeur des attaquants du CSKA leur donne, tout de même, l’occasion de s’échapper à grande vitesse pour tester Gilbert dans les cages bostoniennes. Mikhailov et Kharlamov tentent chacun leur chance. Mais ce sont bien les Bruins qui sont maîtres de la partie avec un redoutable échec-avant qui maintient une bonne partie du temps les Soviétiques dans leur zone. Lors des quelques remontées de palet des rouges, le rideau défensif américain nettoie la zone et permet de nouvelles offensives. Pour le moment, Boston tient son adversaire à sa main. La vitesse de jeu est impressionnante et les deux équipes s’interceptent ne laissant que peu de travail à Gilbert et Tretiak.

Wayne Cashman obtient même un palet de but. Il passe dans le dos du défenseur adverse et se présente devant Tretiak, qui ferme la porte. Dans la foulée, une passe laser alimente Kharlamov qui part seul. Gilles Gilbert, impeccable, dévie sereinement le tir. Boston mise plus sur son impact physique pour s’imposer dans le slot et c’est encore un trafic dense qui pèse sur la cage de Tretiak avec Ratelle et Edestrand, à la limite de rentrer dans la cage avec le puck. Il faut le coup de sifflet de l’arbitre pour faire cesser cette mêlée. Il y a encore le feu sur les cages moscovites quand Marcotte place un revers malin. La suite du jeu voit le palet passer trois fois devant les buts sans succès. Bien évidemment les provocations dans la bande sont monnaie courante. Alexandrov et Barry Smith se retrouvent sur le banc des pénalités pour avoir réglé leurs comptes en fin de tiers. Les Soviétiques ont bien tenu défensivement malgré l’orage qui s’est déchaîné pendant toute la période.

En seconde période, il ne faut pas longtemps pour que Dave Forbes délivre le public. Son lancer depuis la bleue traverse le gardien (22’54 : 1-0). Mais la pénalité de Schmautz coûte cher, car Valeri Kharlamov hérite d’un palet gagné à la mise en jeu en zone offensive et marque du revers. Il a été anormalement et totalement oublié (24’41 : 1-1). Comme à son habitude le CSKA laisse passer le « mauvais temps » des débuts de match et reprend le contrôle du puck et de son jeu. Maintenant le rideau défensif capte les palets à la bleue et organise des sorties de zone de qualité. Le jeu s’aère et Boston doit s’adapter dans son repli défensif. Dans les balustrades, Kuznetsov impose une rude pression sur l’adversaire et ne lâche rien, jusqu’à ce que le palet soit sorti de sa zone défensive. Cashman est encore une fois dangereux avec un tir tendu qui rebondit des bottes de Tretiak, part dans les airs et retombe juste devant la cage. C’est la foire d’empoigne pour pousser le palet dans les buts, mais il ne rentre pas. Les rouges prennent donc les devants avec une belle série de passes que Kharlamov concrétise. Seul, il s’est encore une fois échappé du marquage des Bruins (31’00 : 1-2).

Wayne Cashman est encore à l’œuvre mais sur une agression caractérisée. Il envoie un violent slashing dans les côtes de Mikhailov qui s’effondre. Il est vrai que le Soviétique avait retenu la crosse du Canadien, mais la sanction est inexcusable. La pénalité est tuée, mais deux minutes plus tard, Maltsev corse l’addition (33’19 : 1-3). Les Soviétiques s’envolent et déploient toutes leurs qualités de patinage et de passes millimétrées. Alexandrov, en pleine course, feinte le gardien et l’oblige à faire le premier geste. Ensuite il n’a plus qu’à contourner le portier et placer le palet en cage vide. Mais le tir est mal ajusté, car dans un angle fermé, le palet longe la ligne de but. Au plus mal, les Américains ne s’en sortent pas. Boston obtient quand même une opportunité sur la pénalité de Zhlutkov. Sur la mise en jeu gagnée par Ratelle en zone offensive, le Canadien se déplace jusque devant Tretiak et profite du rebond pour placer le palet dans les cages (37’31 : 2-3). Boston revient dans la partie et conclut cette période sur une note positive.

Au troisième tiers, Tsygankov fait parler la poudre et frappe un palet transmis par Alexandrov de derrière la cage (40’43 : 2-4). Tout est à refaire pour les Bruins. Le CSKA « lubrifie » les passes, mais un raté de Mikhailov offre le puck en zone défensive. Cela permet un lancer puissant de Hodge que Tretiak récupère en deux temps. Dans une phase de 4 contre 4, Boston met la pression sur les cages mais sans succès. Les remontées de puck sont souvent stoppées à la bleue et ne permettant pas de trouver une solution, ni un coéquipier disponible. À l’inverse les Soviétiques ont toujours deux joueurs en mouvement pouvant se transmettre la rondelle. Bref, les Bruins sont en manque de solution et la situation ne s’arrange pas, car Alexandrov contourne le gardien pour marquer (48’58 : 2-5).

Bobby Schmautz en profite pour envoyer une charge avec la crosse en plein visage de Volchenkov. La situation n’est pas reluisante pour les Nord-Américains. Gilbert sauve une nouvelle action chaude sur un lancer de botte. Les Soviétiques subissent des pressions individuelles infernales. Les porteurs du palet sont accrochés, frappés, chargés… Tout y passe pour faire cesser ce festival offensif russe. À l’arrière les rouges ont tiré le « rideau de fer », plus rien ne passe. Les Bruins s’éteignent au fil des minutes et le CSKA maintient son invincibilité dans cette série.

Le CSKA Moscou a encore démontré des qualités qui peuvent répondre aux arguments physiques des Bruins. Il devient clair que la technique individuelle et la qualité des passes permettent d’apporter une nouvelle approche du hockey, loin des standards nord-américains.

Damien Kuster

Commentaires d'après-match (dans le Ottawa Journal)

Brad Park (défenseur de Boston) : « Je me sens mal. Nous ne pouvons jouer ces gars qu'une fois... C'est comme lancer des dés. J'aimerais les avoir dans notre ligue et les jouer régulièrement. Je pense qu'en NHL, la saison de 80 matches, les voyages, les contacts physiques les useraient. Je ne sais pas vraiment. J'aimerais bien les voir ici. Dites-leur de venir à notre entraînement. »

Don Cherry (entraîneur de Boston) : « Je ne pense pas à la série, je me sens vraiment mal que nous ayons perdu. Je pensais vraiment que l'on allait gagner après la première période. Cette passe dans l'axe sur le troisième but, elle nous a tués. Je n'avais jamais vu ça avant. C'était une belle passe, une jolie passe [de Vassiliev]. Dominer au nombre de tirs ne veut pas dire grand chose. Ce sont de bons opportunistes et ils ne tirent pas avant de pouvoir la mettre au fond. »

Harry Sinden (directeur général de Boston) : « Je ne pense pas que les tirs cadrés soient un bon critère de qui joue bien ou pas. Ce soir, quelque chose m'est apparu dont je n'étais pas rendu compte avant. Ils sont probablement les meilleurs buteurs que nous ayons vus, parce que chaque fois qu'ils s'approchent du but, ou qu'ils se présentent en un contre un face au gardien, on réengage au centre. On a toujours parlé de leurs qualités collectives, de leur jeu de position, ce qu'on n'a pas vu, ce sont leurs qualités individuelles supérieures. Maltsev a un super tir et il savait exactement ce qu'il faisait. Son lancer balayé est de la qualité de celui de Rick Martin des Sabres. Je ne sais pas si nous avons autant de Richard Martin près de la cage qu'ils en ont. C'est à ce moment que ça m'a ouvert les yeux. »

Konstantin Loktev (entraîneur du CSKA Moscou) : « Nous remercions les dirigeants de la NHL de nous avoir fait jouer contre les équipes les plus fortes de leur ligue. Les Russes pensent qu'il est agréable de gagner contre les plus forts, et quand on perd, il faut perdre contre plus fort que soi. »

 

Boston Bruins - CSKA Moscou 2-5 (0-0, 2-3, 0-2)
Jeudi 8 janvier 1976 au Fleet Center de Boston. 15 003 spectateurs.
Pénalités : Boston 10' (2', 4', 4') ; CSKA 6' (2', 2', 2').
Tirs : Boston 40 (19, 8, 13) ; CSKA 19 (8, 5, 6).

Évolution du score :
1-0 à 22'54" : Forbes
1-1 à 24'41" : Kharlamov assisté de Maltsev (sup. num.)
1-2 à 31'00" : Kharlamov assisté de Maltsev
1-3 à 33'19" : Maltsev assisté de Vasiliev
2-3 à 36'21" : Ratelle assisté de Hodge (sup. num.)
2-4 à 40'43" : Tsygankov assisté de Alexandrov
2-5 à 48'58" : Alexandrov assisté de Zhlutkov
3-3 à 44'04" : Alexandrov assisté de Zhluktov et Tsygankov
 

Boston Bruins

Attaquants :
Don Marcotte - Jean Ratelle - Bobby Schmautz (4')
Wayne Cashman (2') - Gregg Sheppard - Johnny Bucyk (C)
Dave Forbes - André Savard - Terry O’Reilly
Hank Nowak - Doug Gibson - Ken Hodge (2')

Défenseurs :
Dallas Smith (2') - Brad Park
Darryl Edestrand - Gary Doak
Al Sims

Gardien :
Gilles Gilbert

Remplaçants : Dave Reece (G), Joe Zanussi (D). Absent : Bobby Orr (blessé au genou, absent de longs mois).

CSKA Moscou

Attaquants :
Valeri Kharlamov - Aleksandr Maltsev - Boris Mikhaïlov (C)
Boris Alexandrov (2') - Viktor Zhluktov (2') - Vladimir Vikulov
Aleksandr Lobanov - Viktor Kutergin - Vladimir Popov
Vyacheslav Solodukhin, Aleksandr Volchkov

Défenseurs :
Aleksandr Gusev - Valeri Vassiliev
Gennadi Tsygankov (2') - Vladimir Lutchenko
Aleksei Volchenkov - Viktor Kuzkin

Gardien :
Vladislav Tretiak

Remplaçants : Nikolai Adonin (G), Sergei Glazov (A). En réserve : Yuri Blokhin, Vladimir Lokotko (D), Vladimir Petrov (A).

 

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