Buffalo Sabres - Krylia Sovietov Moscou (4 janvier 1976)

 

Match amical.

Après avoir vaincu Pittsburgh (4-7), les Krylia Sovietov se déplacent dans l’antre des Buffalo Sabres. La franchise située au bord du lac Erié fait partie des équipes majeures du moment et a participé à la dernière finale de Coupe Stanley. Les Krylia Sovietov sont dirigés par le sélectionneur national Boris Kulagin et l’effectif est renforcé par le prêt de plusieurs joueurs majeurs du Spartak Moscou. La première ligne d’attaque est intégralement composée de Spartakistes avec la star Aleksandr Yakushev associé à Shadrin et Shalimov. En défense, Yuri Lyapkin représente ce club moscovite. Le défi s’annonce très compliqué à relever car le directeur général des Sabres Punch Imlach a enflammé l'avant-match en déclarant : « S’il y a jamais eu un match que je voulais gagner, c’est celui-ci. »

Lors de l’entrée sur la glace des Soviétiques, c’est Yakushev qui fait office de star, au vu de l’ovation qu’il reçoit. Il est clair que les séries de 1972 et 1974 ont quand même permis une reconnaissance du public nord-américain envers les meilleurs joueurs de l’Est ! Les fans de Buffalo créent une atmosphère électrique car ils cherchent à soutenir non seulement leur équipe, mais aussi leur mode de vie face à ces représentants sportifs du modèle communiste. La situation est claire, les Américains sont en lutte pour faire plier les Soviétiques dans la défaite.

Dès le coup d’envoi les joueurs de Buffalo imposent une énergie incroyable. L’accueil est musclé avec de nombreuses charges dans la bande. Il faut que le gardien Sidelnikov se couche avec la crosse, étendue, pour éviter une première chaude alerte. Brian Spencer se présente devant le portier qui fait de nouveau un double arrêt. La situation est déjà alarmante pour les Soviétiques. Shadrin et Ramsay vont sur le banc, ce qui crée une situation de quatre contre quatre. L’espace libéré permet à Yakushev de se projeter rapidement vers l’avant et de placer un tir tendu. Cette escarmouche augmente le rythme du match. Dans un choc, Don Luce sort de la glace et quitte ses coéquipiers. Spencer se procure la plus grosse occasion avec un double shoot devant Sidelnikov, encore au sol. La puissance des Sabres s’exprime devant les cages avec un trafic intense et un palet dévié qui déflore le score par Jocelyn Guèvremont (6’10 : 1-0). Immédiatement Bodunov répond d’un shoot lointain que Desjardins capte de la mitaine. Mais Buffalo est décidé à s’imposer. Gilbert Perreault se décale et envoie un tir dans la lucarne opposé, une minute plus tard (7’10 : 2-0).

Maintenant les Américains envoient des tirs tous azimuts et les Krylia Sovietov sont déjà en difficulté. Terry Martin marque dans la cage ouverte car le portier moscovite est sorti loin de sa cage (11’32 : 3-0). Korab est là pour faire de la place et utilise son physique pour déménager dans la bande. Au plus mal, les Soviétiques réagissent et Repnyov réduit le score en reprenant un palet sorti de la bande par Shalimov (13’45 : 3-1). Les joueurs de Buffalo ne sont pas là pour rigoler et entendent garder leur avance. Rick Martin feinte la frappe, contourne les joueurs et envoie la rondelle dans une lucarne incroyable (14’23 : 4-1). C’est une course-poursuite qui est engagée et chaque équipe se rend coup pour coup. Kapustin conclut une offensive à deux contre un (19’16 : 4-2). Le tiers se termine dans cette euphorie où les attaques ont pris le dessus sur les défenses.

En deuxième période, Don Luce revient sur la glace pour la mise au jeu, mais sa présence reste symbolique car il retourne vite au banc. Les Soviétiques réajustent le dispositif avec une bien meilleure conservation de la rondelle. Mais avec son jeu direct, Spencer envoie le puck sur Sidelnikov qui dévie. La balance penche de nouveau du même côté car Rick Martin vole un puck en zone neutre et part à la cage. Accroché, il provoque la faute. La sanction est immédiate avec un palet relâché par le portier que Jim Lorentz parvient à pousser dans un trou de souris entre la botte et le poteau (24’32 : 5-2). Aleksandr Sidelnikov sort et est remplacé par Aleksandr Kulikov, mais le festival continue avec René Robert qui déborde côté droit et envoi un tir dans la lucarne opposée (25’32 : 6-2).

À partir de ce moment-là, c’est « open-bar » dans cette soirée portes ouvertes. Le public assiste à un feu d’artifice de buts incroyables ! Repnyov s’échappe à la limite du hors-jeu (6-3) ; Korab fait écran et dévie (7-3) ; Shalimov envoie un palet de derrière la ligne de fond et Guèvremont marque dans sa cage (7-4). Sidelnikov revient et est obligé d’aller chercher le palet dans ses buts après un tic-tac-toe fantastique conclu par Gare (31’44 : 8-4). Buffalo sait jouer collectif et en fait profiter le public avec McNab à la conclusion (9-4). Les Soviétiques sont acculés devant leurs buts, ne se sortent plus de cette tempête et Sidelnikov subit un feu nourri. Il n’y a qu’une seule équipe sur la glace dans cette fin de période. Korab en profite et « découpe » Lebedev. C’est sur ce power-play soviétique, inefficace, que se termine cette chaude période. Les Sabres ont démontré beaucoup de puissance, de volume de jeu et n’ont laissé que des miettes à leur adversaire.

En troisième période, on continue sur le même schéma et la supériorité soviétique est totalement interceptée avec des palets gagnés par Stanfield par exemple. Mais Kapustin parvient encore à battre Desjardins dans un contre entre deux défenseurs (43’28 : 9-5). Ce but relance les Moscovites qui sont décidés à revenir au score. Le déploiement du jeu et la vitesse engendrent des pénalités. Spencer et Guèvremont vont sur le banc mais encore une fois, Buffalo s’en sort avec un jeu très solide en infériorité numétique. Pour couronner le tout, Buffalo, en power-play, fait trembler les filets avec un terrible shoot de Stanfield qui traverse le trafic (49’41 : 10-5). Les Américains imposent leur loi dans cette partie, même si le tir lointain de Babinov, que Desjardins relâche devant sa cage, est poussé dans les buts par Lebedev (51’32 : 10-6). Buffalo ne lâche rien et écrase un peu plus son adversaire avec deux derniers buts. Gare en solo derrière le portier (11-6) et Spencer pour une reprise devant le gardien (12-6).

Les Américains ont remporté leur défi et ont démontré une supériorité dans de nombreux domaines. Même si cette soirée a été sous le signe de l’offensive, les Sabres ont su résister et contenir le jeu soviétique. Il est clair que les qualités de certains joueurs moscovites ont permis de marquer. Mais dans l’ensemble les joueurs de Moscou ont été étouffés et Yakushev serré de près par Korab. Il semble clairement que Kulagin n’ait pas trouvé la recette pour contrer le dispositif américain.

Étoiles du match : 1 Rick Martin (Buffalo), 2 Jerry Korab (Buffalo), 3 Danny Gare (Buffalo).

Damien Kuster

Commentaires d'après-match

Floyd Smith (entraîneur de Buffalo) : « Ils ont un style. Nous, nous définissons le style pour les autres équipes. Je pense que Chicago et les Islanders sauront quoi faire. »

Peter McNab (attaquant de Buffalo) : « Le visionnage de leur match contre Pittsburgh nous a beaucoup aidés. Les séances vidéo ont changé tout notre plan de match car nos défenseurs n’avaient pas le droit de dépasser notre ligne bleue. C’était vraiment amusant. »

Jerry Korab (défenseur de Buffalo) : « Nous sommes arrivés sur la glace, et il a fallu plusieurs minutes avant que le public ne se calme. Nous étions tellement excités que nous pouvions presque sentir la glace trembler. »

Richard Martin (attaquant de Buffalo) : « Quand nous étions sur la glace, ils avaient tous ce regard abasourdi sur leurs visages. Ils ne s’attendaient pas à ça. Quand nous avons vu que ça pouvait marcher, nous y sommes allés et cela a fonctionné. Je n’avais jamais été aussi excité pour un match. J’avais joué dans beaucoup de grands matchs, mais c’est vraiment une partie que je n’oublierai jamais. »

Boris Kulagin (entraîneur des Krylia Sovietov) : « Voir le match entre Buffalo et Los Angeles ne nous a pas aidés car Buffalo n’était pas à son meilleur et nos joueurs étaient trop confiants. Mais je tiens à ajouter que cette série de matchs n’est pas terminée. »

 

Buffalo Sabres - Krylia Sovietov Moscou 12-6 (4-2, 5-2, 3-2)
Dimanche 4 janvier 1976 au Memorial Auditorium de Buffalo. 16 433 spectateurs.
Arbitrage de Ron Wicks (CAN) assisté de Viktor Dombrowski (URS) et John D'Amico (CAN).
Pénalités : Buffalo 14' (6', 4', 4') ; Krylia Sovietov 14' (4', 4', 6').
Tirs : Buffalo 46 (17, 17, 12) ; Krylia Sovietov 25 (9, 7, 6).

Évolution du score :
1-0 à 06'10" : Guèvremont assisté de Spencer et Hajt
2-0 à 07'10" : Perreault assisté de Korab
3-0 à 11'32" : T. Martin assisté de Stanfield
3-1 à 13'45" : Repnyov assisté de Shalimov et Yakushev (sup. num.)
4-1 à 14'23" : R. Martin
4-2 à 19'16" : Kapustin assisté de Kotov
5-2 à 24'32" : Lorentz assisté de Gare et Guèvremont (sup. num.)
6-2 à 25'32" : Robert assisté de McNab
6-3 à 25'59" : Repnyov assisté de Kapustin et Kuznetsov
7-3 à 28'26" : Korab assisté de R. Martin et Perreault (sup. num.)
7-4 à 28'40" : Shalimov
8-4 à 31'44" : Gare assisté de Stanfield et Korab
9-4 à 33'17" : McNab assisté de R. Martin et Spencer
9-5 à 43'28" : Kapustin assisté de Kuznetsov
10-5 à 49'41" : Stanfield assisté de T. Martin et Perreault
10-6 à 51'32" : Lebedev assisté de Babinov et Krikunov
11-6 à 54'04" : Gare assisté de Stanfield et Ramsay
12-6 à 58'04" : Spencer assisté de McNab et Robert (sup. num.)
 

Buffalo Sabres

Attaquants :
Craig Ramsay (2') - Don Luce (A) - Danny Gare
Jacques Richard - Gilbert Perreault (A) - René Robert
Brian Spencer (2') - Peter McNab - René Martin
Terry Martin - Jim Lorentz (A) - Fred Stanfield

Défenseurs :
Bill Hajt - Jerry Korab (4')
Jocelyn Guèvremont (2') - Lee Fogolin (4')
Paul McIntosh

Gardien :
Gerry Desjardins

Remplaçants : Gary Bromley (G), Gary McAdam. Absent : Jim Schoenfeld (C, infection).

Krylia Sovietov Moscou

Attaquants :
Aleksandr Yakushev - Vladimir Shadrin (2') - Viktor Shalimov
Aleksandr Bodunov - Vyacheslav Anisin - Yuri Lebedev (C)
Sergei Kapustin (2') - Vladimir Repnyov (2') - Sergei Kotov
Gennadi Maslov

Défenseurs :
Yuri Tyurin (2') - Yuri Lyapkin (A)
Sergei Glukhov - Vladimir Krikunov
Viktor Kuznetsov (2') - Sergei Babinov
Yuri Teryokhin (2')

Gardien :
Aleksandr Sidelnikov (2'), remplacé de 24'32" à 28'26" par Aleksandr Kulikov

Remplaçant : Vladimir Rasko. En réserve : Igor Lapin, Konstantin Klimov.

 

Retour aux matches internationaux entre clubs