URSS - Suède (20 mars 1970)

 

Championnats du monde 1970, cinquième journée.

Félicitations aux Suédois... et aux journalistes !

L'Union Soviétique a déjà deux points d'avance sur ses adversaires et peut creuser un écart sans doute quasi-définitif à mi-championnat. La star Firsov est de retour mais le jeune Mishakov remplace maintenant le vétéran Polupanov mis au repos. Le délégué soviétique avait préparé le terrain en conférence de presse avant-hier en dénonçant des articles écrits "dans l'esprit de la guerre froide" par les journaux suédois Aftonbladet et Expressen ainsi que des menaces proférées envers les joueurs dans la patinoire de Stockholm. On ne ressent pourtant pas d'hostilité ce soir dans les tribunes, mais bien un immense enthousiasme.

Portée par son public, la Suède est prête à un grand match en jouant avec autant de vitesse que ses adversaires. À 2'20", Boris Mikhaïlov dribble Arne Carlsson et fait passer un frisson dans les tribunes, mais Tord Lundström revient gêner le numéro 13 alors qu'il arrive seul devant la cage avec l'intention de servir Kharlamov seul au poteau opposé. Håkan Wickberg réplique dans la suite de l'action avec une magnifique feinte de corps en zone neutre qui envoie Lundström à 2 contre 1 ; l'ailier de Brynäs choisit le tir, paré de la botte gauche par Viktor Konovalenko. Deux minutes plus tard, le défenseur Nils Johansson est mis dans le vent par un courant d'air nommé Firsov, mais quand celui-ci se place dans le slot, il est châtié par Thommy Abrahamsson. La Suède tue cette première infériorité numérique avec une intervention pleine de sang-froid de Lennart Svedberg qui se jette dans les patins de Mikhaïlov pour bloquer le palet. La Tre Kronor ne veut rien céder en vivacité, à l'instar de Hans Lindberg qui vole le palet dans son dos à Kharlamov (au jeu risqué même devant sa cage) et oblige Konovalenko à un arrêt difficile.

Les Soviétiques déploient tantôt des actions individuelles ébouriffantes de vitesse, tantôt le jeu de passes qui a fait leur réputation. Ils marquent par une passe de derrière la cage de Valeri Nikitin qui ricoche sur le talon de la lame de Lindberg avant que Vyacheslav Starshinov ne s'en empare (1-0). Un second but est refusé sur l'action suivante à Mishakov, parce que Firsov est dans le demi-cercle du gardien. La machine rouge s'est mise en marche, mais Arne Carlsson relance la Suède par une fantastique montée offensive. Il fait successivement perdre leurs appuis aux deux défenseurs Lutchenko puis Paladiev, mais Karlsson n'arrive pas à reprendre son centre du revers. À une minute de la fin du tiers, Ulf Sterner remporte une mise au jeu dans le cercle droit face au défenseur Vitaly Davydov (qui prend régulièrement les engagements à la place du centre Starshinov) et sert Lars-Erik Sjöberg pour un lancer de la ligne bleue. Le palet ricoche sur la crosse de Palmqvist, passe sous le nez de Valeri Vassiliev qui rate son dégagement et file entre les jambes de Konovalenko (1-1). La Suède est même proche de mener avant la pause avec une attaque rapide qui enchaîne un tir de Karlsson et le rebond de Lundström.

Une prise de lutte entre Paladyev et Carlsson leur a valu deux minutes de pénalité à quatre secondes de la sirène. Mais quand ces deux joueurs sortent de prison, le Soviétique est gêné par un arbitre devant la porte, ce qui permet au Suédois de partir seul vers le but... Dans le même temps, Lennart Svedberg est parti de derrière sa ligne de fond, a accéléré soudainement pour larguer Starshinov, a évité la charge à la hanche de Vassiliev à la ligne bleue et a contourné Davydov pour servir Arne Carlsson arrivé au second poteau (1-2, 22'02"). Trois minutes plus tard, dans une contre-attaque fulgurante, la passe croisée en zone neutre d'Anders Hedberg trouve Lars-Göran Nilsson qui déborde Davydov. Le gardien Viktor Konovalenko se couche et arrête le palet dans ses bottes, mais Hans Lindberg a suivi et l'envoie en cage vide. Le but est refusé car Konovalenko est KO, heurté à la tête par le patin de Nilsson dans son élan. Le numéro 1 soviétique doit quitter la glace tandis que son remplaçant de 17 ans Tretiak s'échauffe en vitesse.

La Suède est maintenant dans une confiance insolente, à l'instar du défenseur Kjell-Rune Milton - généralement pas le plus technique - qui s'autorise un pivot dans le coin de sa propre zone pour mettre dans le vent Nikitin et lancer une contre-attaque pendant une infériorité numérique (Svedberg a chargé Petrov contre la bande). Et à la dernière minute, Anders Hedberg transmet près de la cage à Lars-Göran Nilsson, tout seul - parce que Lutchenko a plongé sans succès pour intercepter la passe - pour inscrire le 1-3.

Les entraîneurs soviétiques opèrent des changements en troisième période. Nikitin retourne à sa position normale de défenseur, ce qui augmente le temps de jeu des "véritables" ailiers. Et quand le décevant Petrov saute une présence, ses habituels partenaires - alignés avec Starshinov - marquent : Boris Mikhaïlov remonte le palet et effectue une passe transversale en entrée de zone offensive pour Valeri Kharlamov qui file sur l'aile droite, tire du revers et prend son propre rebond du coup droit dans le même angle (2-3). Mais six secondes plus tard, Lutchenko est puni pour une obstruction sur Karlsson. La Suède obtient son premier avantage numérique de la partie, et elle y profite rapidement d'une perte de palet coupable d'Igor Romishevsky en zone neutre. Décalé du revers par Stefan Karlsson, Tord Lundström bat - un peu trop facilement - le jeune Tretiak à ras glace (2-4). Une pénalité de Firsov, qui fait trébucher son vis-à-vis Sterner sur un engagement, complique encore la situation des Russes, qui ne voient pas le jour jusqu'à la sirène de changement de côté face à une équipe suédoise bien organisée.

Avec deux buts à remonter en dix minutes, l'URSS passe enfin - mais trop tard - la vitesse supérieure. Après un numéro de maestria technique dans le coin, Valeri Kharlamov ressort le palet vers Evgeny Paladiev pour un lancer de la bleue contré par le corps de Svedberg. Kharlamov réussit alors à volleyer la rondelle dans les airs et à la propulser dans les filets, ce qui est encore une grande démonstration d'habileté... mais qui n'est évidemment pas autorisé par le règlement à une telle hauteur. Le danger s'appelle maintenant Kharlamov. Sur sa présence suivante, il dribble Svedberg en un contre un mais échoue dans les bottes de Leif Holmqvist avant de le percuter de plein fouet. Le gardien suédois regagne son banc : va-t-on perdre les deux portiers dans ce match au sommet ? Dix mille spectateurs retiennent leur souffle dans un silence soudain, mais "Honken" reprend sa place. Il arrête encore deux tirs de l'enclave de Kharlamov et de Mikhaïlov. Entre-temps, son poteau repousse aussi une déviation de Starshinov sur un centre de Maltsev. Les spectateurs égrènent les dernières secondes à pleins poumons avant l'explosion de joie finale.

La Suède remporte ce qui est seulement sa deuxième victoire sur l'URSS lors d'un championnat du monde. Trois jours seulement après sa défaite historique contre la Finlande, toute la Tre Kronor a su élever son niveau pour le match le plus important. Lennart Svedberg a été étincelant et bien plus efficace, en glanant des palets mais aussi en les rendant vite à ses attaquants. La compétition est complètement relancée, et on ne pouvait pas espérer meilleur résultat pour en préserver l'intérêt. Suédois et Soviétiques sont maintenant à égalité de points à mi-parcours.

Joueur du match (jury de 3 journalistes) : Lennart Svedberg (Suède).

Commentaires d'après-match

Arne Strömberg (entraîneur de la Suède) : "Nous pensions avant le match que nous avions une chance, mais sans croire en la victoire. Le match précédent contre la Pologne nous a aidés tactiquement. Nous avons assigné des tâches spécifiques aux défenseurs en tant que constructeurs et participants des actions offensives. Contre un adversaire comme l'Union soviétique, chaque équipe nationale doit tout donner. Nous y sommes parvenus en deuxièmé période. Nous avons réussi à empêcher les Russes d'organiser leurs attaques en zone neutre. En troisième période, nous nous sommes fixé comme objectif de garder notre avance et nous l'avons accompli."

Arkadi Chernyshev (entraîneur de l'URSS) : "Les motifs de notre défaite résident principalement dans l'excellent match de nos adversaires. Néanmoins, nous ferons tout pour que la défaite d'aujourd'hui soit la dernière cette année. Avant tout, je veux féliciter l'équipe de Suède pour sa performance et exceptionnelle, et aussi féliciter les journalistes parce qu'avec une victoire de notre équipe ils n'auraient plus eu rien de très intéressant à écrire sur le tournoi. Un entraîneur qui perd ne peut pas être satisfait. Je pense que le trio de Petrov a joué en dessous de ses capacités. Kovalenko a une suspicion de fracture de l'os nasal, il doit passer aux rayons X à l'hôpital. Nous verrons si nous appelons un troisième gardien, cela dépend du diagnostic. Nous avons le temps."

 

URSS - Suède 2-4 (1-1, 0-2, 1-1)
Vendredi 20 mars 1970 à 19h30 au Johanneshovs Isstadion. 9906 spectateurs.
Arbitrage de Sakari Sillankorva (FIN) et Jan Wycisk (POL).
Pénalités : URSS 8' (2', 2', 4') ; Suède 8' (4', 4', 0').
Tirs : URSS 26 (10, 6, 10) ; Suède 31 (11, 13, 7).

Évolution du score :
1-0 à 12'26" : Starshinov assisté de Nikitin
1-1 à 19'02" : Palmqvist assisté de Sjöberg et Sterner
1-2 à 22'02" : A. Carlsson assisté de Svedberg
1-3 à 39'12" : L.-G. Nilsson assisté de Hedberg
2-3 à 41'30" : Kharlamov assisté de Mikhaïlov et Starshinov
2-4 à 42'36" : Lundström assisté de S. Karlsson (sup. num.)
en noir, la feuille de match officielle en rouge, les corrections de Hockey Archives
 

URSS

Attaquants :
11 Anatoli Firsov (2') - 12 Evgeni Mishakov - 18 Vladimir Vikulov
17 Valeri Kharlamov - 16 Vladimir Petrov (-1) - 13 Boris Mikhaïlov
4 Valeri Nikitin (-1) - 8 Vyacheslav Starshinov (C) - 10 Aleksandr Maltsev (-1, 2')

Défenseurs :
6 Igor Romishevsky - 5 Aleksandr Ragulin
3 Vladimir Lutchenko (2') - 7 Evgeny Paladyev (+1, 2')
2 Vitaly Davydov (-2) - 14 Valeri Vassiliev (-1)

Gardien :
1 Viktor Konovalenko puis 20 Vladislav Tretiak à 25'30"

En réserve : 9 Viktor Polupanov, 15 Aleksandr Yakushev, 19 Vladimir Shadrin (A).

Suède

Attaquants :
18 Björn Palmqvist (+1) - 14 Ulf Sterner (C, +1) - 12 Stig-Göran Johansson (+1)
11 Tord Lundström (-1) - 10 Håkan Wickberg (-1) - 9 Stefan Karlsson
15 Lars-Göran Nilsson (+1) - 20 Anders Hedberg - 23 Hans Lindberg (2')

Défenseurs :
8 Thommy Abrahamsson (+1, 2') - 7 Lars-Erik Sjöberg (+1)
4 Lennart Svedberg (+1, 2') - 3 Arne Carlsson (A, +1, 2')
6 Kjell-Rune Milton (-1) - 5 Nils-Rune Johansson

Gardien :
1 Leif Holmqvist

Remplaçant : 2 Gunnar Bäckman (G). En réserve : 19 Anders Hagström (D), 17 Roger Olsson, 21 Anders Nordin (A).

 

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