États-Unis - Suisse (4 mai 2009)

 

Championnats du monde, deuxième tour, groupe E.

Ce soir ou jamais

Voilà le match que tout le monde attend à Berne : l'équipe de Suisse, dans une patinoire en feu, joue sa dernière chance d'accéder aux quarts de finale. Elle doit gagner dans le temps réglementaire, comme elle l'a fait en match de préparation avant le tournoi face à cet adversaire. Mais personne ne croit que ce résultat prédestine en quoi que ce soit celui de soir. Les Américains ne viennent plus de débarquer, ils sont prêts, la question concerne seulement leur motivation puisqu'ils sont déjà qualifiés. Ils risqueraient simplement de rencontrer le premier de l'autre poule en cas de défaite. C'est la Lettonie qui serait éliminée en cas de victoire helvétique, et c'est elle qui suit ce match avec autant de fébrilité que les locaux.

Le gardien américain Robert Esche a reconquis la confiance de son coach Ron Wilson après son bon match contre les Russes, et Scott Clemmensen n'est donc que sur le banc. Il devra attendre une erreur du titulaire pour rentrer.

Dans le camp suisse, Julien Sprunger récupère sa place sur la glace... pour son plus grand malheur. Alors qu'il se relève après avoir glissé devant la cage adverse, le Fribourgeois reçoit dans la tête David Backes qui l'envoie brutalement cogner de dos contre la bande. Il hurle immédiatement sa douleur et est évacué sur civière. Backes, déjà exclu l'an passé pour une bagarre face à la Finlande, est expulsé aux vestiaires. Le jeu a tout juste repris que le capitaine américain Dustin Brown vient agresser Streit par derrière en zone offensive. La Suisse joue donc à 5 contre 3 et ne peut pas se permettre de laisser passer l'occasion. Yannick Weber manque son contrôle à la bleue mais elle ré-installe son jeu de puissance un peu plus tard. Robert Esche repousse un lancer de la bleue de Severin Blindenbacher et Ryan Suter dégage le rebond sur le côté... vers Andres Ambühl qui glisse le palet sous le gardien (1-0).

La Suisse continue de mettre la pression, avec notamment un revers de Streit dans le haut du plastron d'Esche avec Paterlini qui suit au rebond. Les Américains n'ont pas vu le jour dans ce premier tiers, sinon par leur propension à chercher des noises hors du jeu. Mais à moins de deux minutes de la pause, la Nati est proche de tout perdre : Goran Bezina est sanctionné pour obstruction, puis Félicien Du Bois accroche Blake qui va à la cage. Cette fois, ce sont les États-Unis qui sont en double supériorité. La clameur est énorme dans la patinoire quand Streit dégage son camp, puis quand Patrick O'Sullivan est pénalisé pour une charge avec la crosse sur Seger devant la cage de Gerber. Les Américains sont toujours aussi nerveux et peu concentrés sur le jeu, et la Suisse garde son avantage.

Les États-Unis abordent la deuxième période d'une toute autre manière. Christopher Higgins élimine Goran Bezina en un contre un et vient prendre un tir à bout portant, détourné par l'épaule droite de Gerber. C'est le même Higgins qui vient masquer le gardien sans que Bezina s'interpose pendant que Paterlini est en prison. Joe Pavelski feinte alors le lancer pour faire se coucher le défenseur et décale Ron Hainsey pour le slap égalisateur (1-1). Un dégagement hors limite de Weber redonne aussitôt une autre supériorité numérique, et Chris Higgins se montre encore décisif en rabattant un lancer de la bleue dans les filets. Mais les Suisses protestent contre une crosse haute... et le juge vidéo leur donne raison.

Le match n'a cependant plus rien à voir avec les premières minutes. Les Américains perdaient tous les duels, ils sont maintenant plus agressifs et en gagne la plupart. Mais c'est dans ces moments difficiles que les joueurs à croix blanche reprennent l'avantage contre le cours du jeu. Roman Wick consomme les défenseurs américains dans le coin, Sandy Jeannin récupère le palet, passe derrière la cage et donne en retrait dans le slot à Romano Lemm qui reprend dans le haut du filet (1-2). Avant-dernière à l'efficacité des tirs dans ce tournoi, la Suisse a réussi le tour de force de marquer un but en seulement deux lancers dans ce tiers-temps. Les États-Unis dominent encore les minutes restantes, notamment à quatre contre quatre après une explication entre deux habituels coéquipiers aux New York Islanders (Streit et Okposo).

Tout bascule sur une action : un lancer en entrée de zone de Thomas Ziegler heurte le poteau d'Esche, et sur la contre-attaque, c'est Martin Gerber qui concède un mauvais but sur un lancer d'angle de Chris Higgins qui passe sous sa mitaine et par-dessus sa jambière (2-2). Gerber, le seul joueur suisse qui n'avait pas grand-chose à se reprocher dans ce tournoi, craque donc au pire moment.

C'est ensuite l'indiscipline qui enfonce l'équipe suisse. Ambühl donne un cinglage, puis Jeannin fait trébucher Pavelski qui a pris de l'élan sur l'aile droite. À 5 contre 3, Ron Hainsey envoie un nouveau missile, encore plus puissant, au fond des filets. Cette fois c'est Okposo qui était devant la cage pour faire écran (3-2).

La Suisse doit maintenant marquer deux buts pour se qualifier, mais les Américains ne vont pas l'attendre dans leur zone. Ils mettent eux aussi la pression, et ce sont deux équipes agressives qui se retrouvent face-à-face. En entrée de zone sur la gauche, Thomas Déruns est fait trébucher par Bogosian, mais l'avantage numérique n'est pas concrétisé. C'est sur une transition rapide que la Suisse va égaliser. Félicien du Bois, qui n'était que remplaçant hier, entre en zone côté gauche et attire deux joueurs américains (Niskanen et O'Sullivan). Il passe alors à Martin Plüss démarqué qui reprend à mi-hauteur côté plaque (3-3). Le petit Plüss qui fait la différence ?

Les "Hopp Schwiiz" redoublent d'intensité, mais les minutes passent. Les Américains défendent avec plus d'acharnement. Avant-dernière minute. Martin Gerber insiste pour sortir et force la main de Krueger pendant que Wick et Lemm, remarquables d'intensité, mettent la pression en zone offensive. Mais cette fois Plüss n'arrive pas à prendre le rebond devant la cage. Après un temps mort, c'est Plüss qui retourne à l'engagement à six contre cinq. Il le gagne, mais les Américains finissent par récupérer le palet et Jason Blake tire... sur le poteau de la cage vide ! Le scénario se reproduit, la Suisse attaque de nouveau, les Américains ressortent de nouveau le palet et Blake, cette fois, ne rate pas les filets déserts... mais le but est annulé pour un hors-jeu de Brown ! La Suisse peut donc se lancer dans une dernière offensive, mais elle cafouille à la ligne bleue et Ambühl qui n'a pas compris va presser en fond de zone et se fait prendre en hors-jeu volontaire... Retour en zone défensive et fin du rêve.

A-t-on déjà prolongation plus inutile que celle-ci ? Le public a déjà commencé à déserter la patinoire, les joueurs suisses font des têtes de six pieds de long. Le seul mérite de cette prolongation sera d'être très courte : en treize secondes, Roman Wick entre en zone, feinte Jack Johnson et marque un joli but dans la lucarne opposée (3-4). Cruelle ironie du sort... Un but arrivé si vite et si facilement alors que tout est fini. La Suisse a fait un grand match, enfin, mais en termine là de son championnat du monde, dans lequel elle avait fondé tant d'espoirs.

Désignés joueurs du match : Ron Hainsey pour les États-Unis et Martin Plüss pour la Suisse.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Ralph Krueger (entraîneur de la Suisse) : "J'ai demandé à [mes adjoints] Peter [John Lee] et Köbi [Kölliker] pourquoi on a joué l'hymne suisse à la fin, la douleur était si grosse. Nous étions en état de choc. Les trois minutes entre la fin du match et la prolongation ont été les plus longues de ma vie d'entraîneur. Mais dans le même temps, cette équipe me rend heureux. Nous avons deux fois plus d'occasions que nos adversaires sur l'ensemble du tournoi mais notre différence de buts est de 12-15. Notre gageure dans le futur n'est pas de marquer plus de buts, mais de rendre toute une nation meilleure techniquement, dans les tirs, dans le patinage, dans le jeu physique. Les buts manqués nous restent dans la tête, mais les difficultés que nous avons sont plus profondes. Nous avons joué notre meilleur match contre un gros adversaire, mais nous ne sommes pas encore une nation de top-6."

 

États-Unis - Suisse 3-4 après prolongation (0-1, 3-1, 0-1, 0-1)

Lundi 4 mai 2009 à 20h15 à Berne. 10317 spectateurs.

Arbitrage de Peter Orszag (SVK) et Daniel Piechaczek (ALL) assistés d'Éric Bouguin (FRA) et Andriy Kicha (UKR).

Pénalités : États-Unis 33' (4'+5'+20', 2', 2', 0'), Suisse 14' (4', 10', 0', 0').

Tirs : États-Unis 24 (6, 14, 4, 0), Suisse 25 (10, 3, 11, 1).

Évolution du score :

0-1 à 09'42" : Ambühl assisté de Blindenbacher et Streit (double sup. num.)

1-1 à 25'57" : Hainsey assisté de Pavelski (sup. num.)

1-2 à 31'03" : Lemm assisté de Jeannin et Wick

2-2 à 35'08" : Higgins assisté de Ballard

3-2 à 39'48" : Hainsey assisté de O'Sullivan (double sup. num.)

3-3 à 49'42" : Plüss assisté de Du Bois et Rüthemann

3-4 à 60'13" : Wick assisté de Seger et Du Bois

 

États-Unis

Gardien : Robert Esche.

Défenseurs : Ryan Suter - Ron Hainsey (A) ; John Michael Liles - Jack Johnson ; Keith Ballard - Matt Niskanen ; Zach Bogosian.

Attaquants : Jason Blake (A) - David Backes [puis O'Sullivan à 07'15"] - Dustin Brown (C) ; Kyle Okposo - Patrick O'Sullivan [puis Pavelski à 07'15"] - T.J. Oshie ; Christopher Higgins - Ryan Shannon - Joe Pavelski [puis Stafford à 07'15"] ; Nick Foligno - Colin Wilson - Drew Stafford puis Lee Stempniak à 07'15".

Remplaçant : Scott Clemmensen (G). En réserve : Peter Harrold, Colin Stuart, Al Montoya (G).

Suisse

Gardien : Martin Gerber [sorti de 58'34" à 59'31" et de 59'36" à 59'53"].

Défenseurs : Severin Blindenbacher [blessé aux adducteurs, remplacé par Weber à 20'] - Mark Streit (C) ; Yannick Weber [puis Josi à 20'] - Goran Bezina ; Félicien Du Bois - Mathias Seger ; Roman Josi.

Attaquants : Romano Lemm - Sandy Jeannin (A) - Roman Wick ; Thibaut Monnet - Raffaelle Sannitz - Julien Sprunger puis Kévin Romy à 07'15" ; Martin Plüss - Ivo Rüthemann (A) - Andres Ambühl ; Thomas Déruns - Thomas Ziegler - Thierry Paterlini.

Remplaçant : Ronnie Rüeger (G). En réserve : Daniel Manzato (G), Ryan Gardner (main cassée), Philippe Furrer.

 

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