Suisse - Lettonie (30 avril 2009)

 

Championnats du monde, premier tour, groupe B.

Le cauchemar de Krueger

La Suisse ne peut pas se plaindre de son Mondial pour l'instant. Elle a obtenu dans la douleur les victoires attendues contre l'Allemagne et la France, et elle s'est fait plaisir en menant contre la Russie avant de céder avec les honneurs. En plus, la qualification des Français est à son avantage : elle aborde ce second tour avec trois points, au lieu de deux si les Allemands étaient passés.

Les Lettons ont quant à eux deux points, obtenus contre la Suède. Le vainqueur de ce soir aura donc fait un grand pas vers les quarts de finale, alors que le vaincu sera en mauvaise posture.

La Nati part fort : après une minute seulement, Romano Lemm crée le premier danger et Sandy Jeannin manque le palet alors qu'il a la cage ouverte au rebond. Les Baltes se mettent en difficulté en prenant des pénalités assez loin de leur but : Mikelis Redlihs donne coup de crosse, puis Armands Berzins fait trébucher Ziegler. Depuis le début de la compétition, le jeu de puissance est la principale arme offensive helvétique, celle qui a marqué trois buts sur cinq. En plus, il a reçu le renfort de Yannick Weber, un jeune défenseur offensif qui a été appelé par les Canadiens de Montréal juste avant les play-offs et qui y a marqué son premier but de NHL. Le powerplay, c'est sa spécialité, et il se place donc à la pointe. Même s'il n'y a pas encore de but, cela ne saurait tarder. Roman Wick a une énorme occasion quand il est décalé seul face au but sur un gros oubli de la défense lettonne, mais son tir manque de précision. L'autre joker autorisé en seconde phase, Thibaut Monnet, frustré d'avoir passé le premier tour en tribune, se crée l'occasion suivante.

Le premier à aboutir est Severin Blindenbacher, mais le but est refusé parce que Romano Lemm s'est vautré dans la zone du gardien. Après un quart d'heure de jeu, le compteur des tirs indique 15 à 1 pour la Suisse. C'est alors que le nouveau venu Weber confond son rôle : il alimente le jeu de puissance... adverse, en prenant la première pénalité helvétique pour une charge avec la crosse. Herberts Vasiljevs entre en zone sur la gauche et sert Martin Cipulis d'une passe transversale idéale (0-1). C'était le deuxième tir letton... Douche froide à Berne. Les hommes de Krueger accusent le coup. Yannick Weber essaie de se rattraper pour son premier match international, mais son tir touche le poteau.

La deuxième période se passe exactement de la même façon. La Lettonie accumule les pénalités, et se retrouve même à trois contre cinq pendant une minute. Les paires Streit-Weber et Bezina-Blindenbacher forment théoriquement une belle force de frappe à la ligne bleue, mais elles ne trouvent toujours pas la faille. Le gardien Edgars Masalskis est chaud à force d'être mitraillé. Plus les minutes passent et moins il est inquiété, si ce n'est pas quelques lancers d'angle sans imagination.

Le scénario du premier tiers est bien près de se reproduire encore plus exactement. Weber prend en effet sa seconde pénalité en faisant trébucher Cipulis. Et comme Vasiljevs n'est pas loin d'exécuter de nouveau la sentence : il délivre une superbe passe, pour Nizivijs au poteau opposé. Martin Gerber a suivi et détourne dans l'angle opposé où Cipulis tire au-dessus de la cage ouverte... Le gardien suisse doit enchaîner avec de nouveaux arrêts devant la ligne d'Ankipan : la Lettonie a été aussi dangereuse durant ces deux minutes que la Suisse au cumul de ses supériorités numériques. Trente secondes avant la pause, Ankipans prend un lancer d'angle, Gerber détourne dans les airs, Sprukts rabat le palet avec son gant et enchaîne du revers... mais dans les cinq dernières secondes, la dernière énorme occasion est suisse, pour Roman Wick dans le slot. Le palet frôle la cage...

Le bal des pénalités baltes ouvre le troisième tiers-temps, comme les autres. Cipruss fait trébucher Sprunger en tour de cage, puis Pujacs donne un cross-check dans son enclave. La Lettonie joue donc à 3 pendant une minute... mais Plüss commet une obstruction sur l'engagement, puis Blindenbacher est sanctionné pour avoir voulu faire place nette dans le slot en chargeant Krisjanis Redlihs dans le dos. La Suisse joue donc aussi à 3 ! Nouvelle occasion gâchée.

Rüthemann déborde et parvient à repiquer jusqu'à la cage, repoussé lui aussi. Mais dans l'ensemble, la Suisse a beaucoup plus de mal qu'en début de match à accéder à la zone de vérité, face à des défenseurs lettons qui ont acquis le sens du sacrifice. L'obstruction sifflée contre Cipulis à cinq minutes de la fin est donc une aubaine pour une Nati qui ne trouvait plus de solutions. Les Suisses ne s'approchent de la cage qu'à la fin de la supériorité numérique, mais cela suffit à en obtenir une autre, pour une obstruction de Sotnieks. Plus que trois minutes désormais, et cette fois Ralph Krueger utilise son temps mort.

Gerber sort un peu plus tard pour créer le surnombre à six contre quatre. Roman Wick, très présent mais peu efficace dans le dernier geste, est soudain saisi d'une inspiration : en passant derrière la cage avec un défenseur à ses trousses, il réalise une passe dans son dos, au premier poteau. Un geste non stéréotypé, une dose de créativité, bref tout ce qu'on désespérait de voir chez les hommes de Krueger bloqués dans leur jeu simple... Andres Ambühl est là pour reprendre à bout portant, fructifier, et délivrer tout un peuple (1-1).

Puisque Wick est déjà le héros, pourquoi ne pas remettre ça ? En prolongation, il file en contre, se présente face au gardien, le couche sur le ventre, part à gauche et tire... juste à côté du cadre. Les cinq minutes de temps supplémentaires sont entièrement suisses... sauf les vingt dernières secondes. Cipulis prend un double tir en angle puis sert de derrière la cage le défenseur Rodrigo Lavins qui s'était volontairement mis en retrait (plutôt que de jouer le 2 contre 1 en début d'action) mais rate le palet...

Devinez qui est envoyé en premier tireur ? Wick bien sûr ! C'est oublier que le passeur décisif n'a jamais été aussi inspiré devant la cage ce soir. Aleksandrs Nizivijs, en revanche, fait partir de ces excellents spécialistes des penaltys que produit l'école de l'est. Il avait déjà été décisif dans cet exercice contre la Suède et fait une nouvelle démonstration : feinte à droite pour déplacer le gardien, tir imparable dans le haut du filet.

Romano Lemm échoue dans la jambière gauche d'Edgars Masalskis, fermement collée à son poteau. La feinte de Martins Karsums ne prend pas du tout et il se heurte à un mur nommé Gerber, mais ce n'est pas grave : Julien Sprunger tire à droite de la cage. Masalskis était en état de grâce ce soir et n'a rien laissé passer. Le gardien balte lèvera les yeux et la crosse au ciel : ce soir il a fait son match de légende. Le mythe Irbe n'est plus seul !

La Lettonie et la Suisse ont maintenant toutes deux 4 points, comme la Suède et comme les États-Unis ! La Nati a un désavantage sur tous ces adversaires : elle a déjà rencontré la France, contre qui les autres équipes espèrent toutes marquer trois points. La situation des Suisses devient donc très compliquée : contre les Suédois et les Américains, il faudra au moins une victoire ! Puisque l'équipe de Ralph Krueger n'a pas pu battre un adversaire regroupé en défense, parce qu'elle manque cruellement d'imagination offensive (à une exception près), elle devra donc concrétiser ses progrès face aux grosses nations en faisant tomber l'une d'entre elles. Mais cette fois, le "quitte ou double" aura lieu avant les quarts de finale, et le succès devra être obtenu dans le temps réglementaire... Pour Krueger, c'est maintenant ou jamais.

Désignés meilleurs joueurs du match : Sandy Jeannin (Suisse) et Edgars Masalskis (Lettonie).

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Ralph Krueger (entraîneur de la Suisse) : "Le point que nous avons malgré tout gagné nous permet de rester dans la course. Si nous jouons avec courage contre la Suède, en prenant des risques, nous pouvons le faire. Certains joueurs doivent chercher le but de raccroc avec plus de décision. On les a pris pour ça, ils le peuvent, il faut aussi qu'ils le veulent. Nous avons presque toujours eu le contrôle du palet. Presque trop. Nous sommes morts en beauté, comme on dit si joliment. Contre la Suède, il faudra moins de beau jeu et plus de buts. La motivation n'es sûrement pas un problème, on patine suffisamment."

 

Suisse - Lettonie 1-1 (0-1, 0-0, 1-0, 0-0) / 0-1 aux tirs au but

Jeudi 30 avril à 20h15 à la Postfinance Arena de Berne. 9771 spectateurs

Arbitrage de Vladimir Baluska (SVK) et Derek Zalaski (CAN) assistés de Peter Feola (USA) et Yuri Oskirko (RUS)

Pénalités : Suisse 12' (2', 6', 4', 0'), Lettonie 22' (6', 8', 8', 0').

Tirs cadrés : Suisse 39 (15, 12, 11, 1), Lettonie 21 (5, 9, 4, 3).

Évolution du score :

0-1 à 15'30" : Cipulis assisté de Vasiljevs et Nizivijs (sup. num.)

1-1 à 58'29" : Ambühl assisté de Wick et Streit (sup. num.)

Tirs au but :

Suisse : Wick (arrêté), Lemm (arrêté), Sprunger (à côté).

Lettonie : Nizivijs (réussi), Karsums (arrêté).

 

Suisse

Gardien : Martin Gerber [sorti de sa cage de 57'49" à 58'29"].

Défenseurs : Severin Blindenbacher - Mark Streit (C) ; Félicien Du Bois - Goran Bezina ; Roman Josi - Mathias Seger ; Yannick Weber.

Attaquants : Martin Plüss - Ivo Rüthemann (A) - Ryan Gardner ; Romano Lemm - Sandy Jeannin (A) - Roman Wick ; Andres Ambühl - Thomas Ziegler - Thierry Paterlini ; Thibaut Monnet - Raffaelle Sannitz - Julien Sprunger ; Kévin Romy.

Remplaçant : Ronnie Rüeger (G). En réserve : Daniel Manzato (G), Thomas Déruns, Philippe Furrer.

Lettonie

Gardien : Edgars Masalskis.

Défenseurs : Karlis Skrastins (C) - Krisjanis Redlihs ; Rodrigo Lavins (A) - Kristaps Sotnieks ; Georgijs Pujacs - Guntis Galvins ; Oskars Bartulis - Aleksandrs Jerofejevs.

Attaquants : Martins Karsums - Janis Sprukts - Girts Ankipans ; Mikelis Redlihs - Armands Berzins - Lauris Darzins ; Aleksandrs Nizivijs - Herberts Vasiljevs (A) - Martins Cipulis ; Aleksejs Sirokovs - Aigars Cipruss - Guntis Dzerins.

Remplaçant : Sergejs Naumovs (G). En réserve : Olegs Sorokins, Roberts Jekimovs.

 

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