Zurich SC Lions - Metallurg Magnitogorsk (28 janvier 2009)

 

Ligue des Champions, finale retour.

Pour un exploit collectif du sport suisse

Les Lions de Zurich, incapables de réserver leur Hallenstadion pour des échéances aussi imprévues qu'une finale de Ligue des Champions, jouent comme en demi-finale à Rapperswil, mais cela n'empêche pas le public d'être fervent, chantant et remuant. Qui ne saute pas n'est pas Lion-né ! C'est un grand jour pour le hockey suisse, tout près de l'exploit pour sa première finale européenne. Il ne s'agit plus de regretter l'occasion perdue du match aller, mais de jouer le coup à fond.

Le match nul de la semaine dernière a un grand mérite, celui de gommer les imperfections de la formule aller-retour de la CHL, une formule abandonnée à raison aux championnats du monde il y a dix ans. Au moins, ce soir, le vainqueur remportera la Coupe, un point c'est tout.

Le Metallurg Magnitogorsk est revenu de loin, en demi-finale comme la semaine dernière, et il ne peut plus sous-estimer son adversaire. Il vient d'engranger de la confiance en battant Kazan, surtout Ilya Proskuryakov qui est devenu le premier gardien à marquer un but en KHL, dans la cage vide à la fin du match. Il ne s'agit plus de se plaindre du décalage horaire ce soir...

Chaque équipe affûte ses armes. Le rythme pour Zurich, avec les accélérations de Sejna. La technique pour Magnitogorsk, avec une passe aveugle entre les jambes de Jaroslav Kudrna pour libérer Jan Marek en zone neutre.

Philippe Schelling n'attrape que la jambe de Rolinek au passage de la bleue et prend ainsi la première pénalité du match. Un léger contact de Kudrna avec Sulander fait hurler le public pendant l'avantage numérique, mais Zurich se sort de cette situation sans trop de problèmes. Les juges de ligne doivent en revanche débarrasser la glace de quelques déchets sur la glace. Annonce au micro pour appeler le public à plus de civisme... C'est vrai que ce n'est pas bien de salir par terre quand on n'est pas chez soi !

Le talent individuel des Russes nécessite que les arrières suisses se montrent à la hauteur. C'est le cas de Daniel Schnyder qui met son corps en opposition devant Kudrna et lui enlève le palet de la crosse. L'attaquant tchèque n'aura pas plus de réussite en deuxième période face à Radoslav Suchy, lui aussi auteur d'une superbe intervention en un contre un.

Magnitogorsk, pour sa part, se met tout seul en difficulté, en tenant de sortir de la zone par l'axe alors qu'il y avait tout le temps de dégager. Le palet est intercepté, et le meilleur marqueur de la CHL Adrian Wichser tire sur le poteau à mi-hauteur. La défense russe est en place quand elle contrôle la situation, mais il se confirme qu'elle devient fébrile dès qu'elle commet une erreur.

L'avertissement n'est pas écouté : deux minutes plus tard, le gardien Ilya Proskuryakov concède un rebond sur un tir de la bleue de Domenico Pittis, alors que le capitaine Vitali Atyushov a laissé passer Blaine Down qui est allé à la cage et se retrouve seul près du but pour conclure (1-0, 17'17"). Le niveau de décibels dans la patinoire de Rapperswil est phénoménal à cet instant.

Le Metallurg finit le premier tiers en infériorité, mais sur une contre-attaque, Kudrna rate la cage totalement ouverte sur un rebond. Une action qui a le mérite de rappeler que Magnitka reste très dangereux.

Ce danger repose cependant beaucoup sur la ligne tchèque, que les Suisses surveillent avec beaucoup d'attention. Le trio garde généralement longtemps le palet, mais à la fin d'une longue présence, Jan Marek fait trébucher Pittis en zone neutre au cours de son repli. Les rouges mettent beaucoup de trafic devant la cage, et un tir d'Adrian Wichser à travers la foule rentre avec l'aide du genou de Peter Sejna (2-0). Sur l'engagement, les Tchèques cherchent la revanche, avec un superbe 2 contre 1 de Rolinek et Marek, qui s'achève par un arrêt de Sulander et une échauffourée entre les joueurs présents sur la glace.

Les Lions ont la même avance qu'à l'aller, et gardent encore mieux leur discipline. C'est en accomplissant son travail défensif que Severin Blindenbacher fait trébucher Khlystov dans le coin. Mais Mathias Seger est sanctionné à son tour et Magnitogorsk peut jouer la dernière minute à 5 contre 3. Les Suisses font front.

Il reste une poignée de secondes à trois puis à quatre en dernière période, mais le ZSC passe le cap. Et quand c'est au tour de Stanislav Chistov d'aller en prison, le jeu de puissance suisse s'installe. Il tarde énormément à prendre un lancer, mais il en suffit d'un... Qui d'autre que l'exemplaire capitaine Mathias Seger, dans l'axe à la ligne bleue, pour envoyer ce missile, juste au-dessus de Zavarukhin qui s'est couché ? Le palet entre à mi-hauteur dans les filets de Proskuryakov qui n'a rien pu faire (3-0, 48'57").

Magnitogorsk est assommé, littéralement pour ce qui est d'un de ses vétérans des lignes arrières. Evgeni Varlamov est en effet totalement KO après un choc... avec l'épaule de son propre coéquipier Jan Marek. Pendant qu'il est soutenu pour rejoindre les vestiaires, ne pouvant marcher seul, la mise au jeu est gagnée par Alston pour Monnet qui tire en angle très fermé. Proskuryakov laisse le rebond sur un tir en angle très fermé, et Geering remet le palet en retrait pour Alston devant le but ouvert (4-0, 49'51").

Le jeu est à sens unique pour des Suisses euphoriques, et Proskuryakov est maintenant seul pour bloquer les tirs. Sur une action, il perd son bouclier (!) et arrête courageusement un tir dirigé sous son aisselle en pliant contre son torse ce bras droit dont la main est nue !

Magnitka n'y croit plus du tout et n'a aucun moyen de revenir face à une équipe suisse qui ferme la zone neutre et qui continue de mettre la pression. Atyushov perd le palet face à son but devant Jean-Guy Trudel qui manque le cadre. L'effort suisse se poursuit dans le coin où Down gagne le palet, et Pittis décale Trudel pour un revers dans le slot (5-0, 57'29"). Les Russes ne sont pas seulement descendus de leur piédestal, ils sont carrément humiliés.

Le meilleur joueur de la Ligue des Champions est alors annoncé : il s'agit d'un joueur que l'on n'a pas du tout vu depuis un bon quart d'heure... le gardien local Ari Sulander. Le métier du Finlandais de 40 ans, qui vit sa douzième saison à Zurich où il est comme chez lui, a évidemment été déterminant dans cette finale où le jeune Proskuryakov, tout buteur qu'il soit, a lâché quelques rebonds bien vilains...

Si la Suisse a connu des succès sportifs dans des disciplines individuelles ces dernières années, avec évidemment le tennisman Roger Federer en fer de lance, elle a vécu ce soir son premier grand succès dans un sport collectif. Les Lions de Zurich remportent une compétition où personne ne les attendait voir passer le premier tour.

On sait combien le championnat suisse a soif de reconnaissance internationale, et elle ne pouvait rêver meilleure consécration. La performance de Zurich a rappelé combien les meilleures équipes de LNA propose un jeu rythmé, spectaculaire et rapide dans les transitions, loin de l'attentisme technico-tactique qui prévaut dans certaines ligues huppées. Si les Lions s'étaient repliés pour défendre - vainement - leur avantage à l'aller, ils ne l'ont pas fait ce soir en étranglant jusqu'à la fin une équipe de Magnitogorsk méconnaissable.

À la fin des années 90, où le hockey russe était encore dans le creux de la vague, le Metallurg Magnitogorsk avait soulevé deux fois la Silver Stone lors de la défunte EHL. Aujourd'hui, alors que la KHL ne pense qu'à imiter la NHL et à traiter d'égale à égale avec elle, méprisant le commun des mortels européens, les joueurs ouraliens regardent de "petits Suisses" soulever le trophée. C'est le paradoxe russe. La Superliga, enterrée sans une pensée, avait livré les quatre derniers champions d'Europe (avec l'avantage de jouer à Saint-Pétersbourg...). La KHL, qui trouvait la concurrence continentale sans grand intérêt, a perdu la couronne.

Et oui, ailleurs aussi, on a progressé, notamment dans cette LNA suisse où l'élargissement modéré du nombre d'étrangers et le jeu des naturalisations ont donné naissance à cette équipe de Zurich à forte influence canadienne (Alston, Trudel, Gardner, Pittis, Down), une formation équilibrée avec de nombreux joueurs qui ont l'expérience du haut niveau international, et surtout un moral à toute épreuve. Il y a un domaine où il n'y a même pas eu de match : le mental. Les Suisses avaient une énorme confiance en eux, alors que Magnitka semble trop souvent subir le sort.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Blaine Down (attaquant de Zurich) : "Je suis venu ici pour jouer en LNB et on m'a proposé d'aider les ZSC Lions pour la CHL. Maintenant, je marque le but vainqueur dans le dernier match ! Mes amis et ma famille ont vu le match sur internet. Il sera ensuite retransmis en différé à la télévision au Canada. Mon père comprend mieux le hockey que la moyenne des Canadiens, il a été enthousiaste sur le niveau de la CHL et il a été emballé par la vitesse et la technique des équipes. C'est incroyable que nous ayons gagné ce truc !"

Sean Simpson (entraîneur de Zurich) : "Je suis vraiment fier d'être le coach de cette équipe. Nous avons très bien joué durant tout le tournoi. Si vous avez une équipe qui croit en elle, même les miracles peuvent devenir réalité. Personne ne croyait qu'un club suisse serait capable de gagner un trophée européen. Je pense que le fait d'avoir été rejoints au score à l'aller nous a même aidés. Cela aurait été difficile de garder l'équipe sur terre après une victoire."

Valeri Belousov (entraîneur de Magnitogorsk) : "Félicitations aux ZSC Lions pour cette victoire qu'ils méritent. Nous avons plutôt bien joué au premier tiers, mais nous avons ensuite commis des erreurs. Deux d'entre elles ont produit des fautes dont Zurich a profité. On ne peut pas se permettre de telles erreurs dans un match si important."

 

ZSC Lions (SUI) - Metallurg Magnitogorsk (RUS) 5-0 (1-0, 1-0, 3-0)

Mercredi 28 janvier 2009 à 19h30 à la Diners Club Arena de Rapperswil. 6200 spectateurs.

Arbitrage de Tom Laaksonen et Jari Levonen (FIN) assistés de Mikko Kekäläinen et Jussi Terho (FIN).

Pénalités : Zurich 6' (2', 4', 0'), Magnitogorsk 10' (2', 4', 4').

Tirs : Zurich 39 (12, 10, 17), Magnitogorsk 25 (8, 10, 7).

Évolution du score :

1-0 à 17'17" : Down assisté de Pittis et Trudel

2-0 à 34'48" : Sejna assisté de Wichser et Suchy (sup. num.)

3-0 à 48'57" : Seger assisté de Pittis et Monnet (sup. num.)

4-0 à 49'51" : Alston assisté de Geering et Monnet

5-0 à 57'29" : Trudel assisté de Pittis et Down

 

ZSC Lions

Gardien : Ari Sulander.

Défenseurs : Radoslav Suchy - Severin Blindenbacher ; Mathias Seger (C) - Daniel Schnyder ;  Patrick Geering - Philippe Schelling.

Attaquants : Jean-Guy Trudel - Domenico Pittis - Blaine Down ; Ryan Gardner (A) - Peter Sejna - Adrian Wichser (A) ; Thibaut Monnet - Jan Alston - Mark Bastl ; Lukas Grauwiler - Oliver Kamber - Alexei Krutov.

Remplaçants : Lukas Flueler (G), Cyrill Bühler, Kevin Gloor. Absents : Beat Forster (parti à Davos), Andri Stoffel (épaule, saison terminée).

Metallurg Magnitogorsk

Gardien : Ilya Proskuryakov.

Défenseurs : Evgeni Varlamov - Vitali Atyushov (C) ; Evgeni Biryukov - Vladimir Malenkikh ; Vladislav Bulin (A) - Rinat Ibrahimov.

Attaquants : Jan Marek - Tomas Rolinek - Jaroslav Kudrna ; Denis Platonov - Aleksei Kaigorodov (A) - Igor Mirnov ; Stanislav Chistov - Nikolai Zavarukhin - Denis Khlystov ; Konstantin Pushkarev - Evgeni Fedorov - Vadim Ermolaeïev.

Remplaçants : Andrei Mezin (G). Absents : Vadim Shakhraïchuk (non qualifié en CHL), Karel Pilar (écarté, parti au Sparta Prague), Aleksei Simakov (écarté, parti au CSKA), Aleksandr Seluyanov (coup dans le dos dimanche à Kazan).

 

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