Rouen - Épinal (11 octobre 2008)

 

Ligue Magnus, sixième journée.

Les regrets de Rouen

Laminés à Neuilly, le promu, dans un match qu'ils ont sans doute lâché, les Spinaliens, au début de saison chaotique, ont intérêt à se bouger rapidement pour ne pas gamberger. Pas sûr que le déplacement chez les Rouennais, vainqueurs en coupe de la ligue mardi chez le leader du championnat Angers, un succès obtenu grâce à une forte solidarité défensive et un réalisme à toute épreuve, soit l'idéal pour les Spinaliens. Surtout avec deux titulaires (Salmivirta et Petrak) sur le flanc et un défenseur (Quessandier) convalescent, l'affaire s'annonce compliqué pour les hommes de Shawn Allard.

Les Dragons n'étaient pas en danger sur l'île Lacroix face à ces Dauphins-là, tout le monde le savait, surtout à la mi-match où les joueurs d'Alain Vogin menaient 3-1. Ils venaient même de camper littéralement pendant un peu plus de douze minutes dans le camp des Spinaliens, mais sans pour autant tuer le match. Et puis, les Normands ont perdu la main à cause d'un trop plein de confiance inconscient (?), d'un relâchement physique et psychologique, et de Vosgiens travailleurs jamais découragés, qui disposaient, en plus, hier soir, d'une ligne spectaculaire et talentueuse emmené par un Jan Plch royal (tour du chapeau). Après Villard, le RHE continue donc à transformer l'île Lacroix en havre de paix pour les visiteurs.

Mis à part la première moitié du tiers médian, la formation des bords de Seine, manquant de tranchant et de puissance, n'est jamais arrivée à véritablement déstabiliser l'organisation des joueurs des rives de la Moselle. Dès l'entame du match, comme contre le Mont-Blanc, les hommes du président Chaix monopolisaient le palet sans se créer de véritable occasion. La première petite opportunité sera à l'actif de Petri Virolainen, par ailleurs le seul Dragon qui pourrait être crédité d'une bonne prestation, avec un tir finalement non cadré, dans la huitième minute, une vingtaine de secondes avant l'ouverture du score acquise en power-play, suite à un petit cadeau de Stanislav Petrik. En effet, le gardien, ne pensant pas avoir complété son arrêt de la jambière après un lancer de Sébastien Strozynski, a remué sa botte et a délivré la rondelle qui se trouvait en dessous. Éric Doucet a poussé le puck ainsi libéré dans une cage ouverte (1-0 à 07'44). Jusque là, le portier spinalien n'avait pas eu de travaux trop difficiles, au contraire de son vis-à-vis.

Ramon Sopko a dû s'employer de la plaque devant une contre-attaque de Tarik Chipaux (0'30). Il a eu une grosse frayeur après un centre-tir de Stéphane Gervais envoyé au cœur du trafic dans l'enclave sans qu'aucun obstacle ne puisse dévier le caoutchouc dans sa direction (2'21). Le cerbère local a aussi fait le boulot lors de la prison de Tarantino, surtout devant Simko (3'51), et, lors de la supériorité numérique seino-marine qui permettra l'ouverture du score, devant un Plch échappé et encore en rodage à ce moment du match (7'30).

Ensuite, le dernier rempart des champions de France aura encore de l'activité face à Plch (9'17 & 9'39) et tout au long de la première geôle de la saison de Daniel Carlsson (11'49). C'est finalement avec son équipe en situation d'un homme en plus que le Slovaque craquera pour la première fois de soirée, sur un revers de son compatriote Jan Simko, adressé en contre, mis sur orbite par Peter Slovak (1-1 à 15'27). Toujours indisciplinés, les Dauphins vont devoir tuer un double désavantage de 41 secondes. La triplette Slovak-Chassard-Gervais sera exceptionnelle pendant ce temps, mais dans la continuité de celui-ci, Sébastien Strozynski, bien placé, pourra aisément reprendre le retour de tir de Mikko Peltola et tromper Petrik durant l'attaque à cinq classique (2-1 à 17'48). Le buteur était ensuite verbalisé pour un retard de jeu discutable (18'19). Mais sur ce nouveau jeu spécial en défaveur de ses partenaires, c'est son coéquipier, Julien Desrosiers, qui fut à quelques centimètres de trouver le filet juste avant de rentrer au vestiaire (19'35).

Après la première pause, les Rouennais vont monter en régime à l'image de Lionel Tarantino (est-ce le non retour de Quessandier sur la glace qui l'a facilité ?) et passer leur temps dans la défensive adverse. Bien servi par Niskavaara (22'36) et Strozynski (26'13), l'ailier comme ses compagnons vont continuellement buter sur un impeccable Petrik. Cependant les Spinaliens et Jan Plch restent à l'affût, en contre. Il faut tout le brio de Ramon Sopko pour contrecarrer les plans du capitaine d'en face (27'39).

Néanmoins, les Vosgiens sont éprouvés. Ils n'iront pas au bout d'une supériorité et, à quatre contre quatre, ils laissent une cassure se créer. Le retour du lancer de Petri Virolainen sur le bouclier de Petrik est repris victorieusement par Mikka Peltola (3-1 à 32'07). On ne peut pas dire que le score à l'avantage des Dragons soit immérité au vu de leur possession de la rondelle et de ces douze dernières minutes de jeu. Mais, au point culminant de leur domination, les Normands vont donner du mou dans leur défensive à leurs adversaires, et c'est à partir de ce moment que tout va basculer.

Nous allons assister à une seconde partie de match aussi dramatique que sensationnelle dans le spectacle et le scénario proposés. Curieusement, ce n'est pas loin du fond du trou que l'ICE va sortir. D'abord, sur un bon jeu, le tandem Caicco-Simko trouve Stéphane Gervais dans le haut du slot. L'arrière canadien ne peut pas bien ajuster son tir et surprendre un Sopko attentif et plein de sang-froid (33'40). Mais persévérant, le jeu en triangle des Dauphins vient à bout du gardien rouennais. Stéphane Gervais adresse une maître passe à Plch. Isolé au second poteau, le capitaine des Spinaliens lève le palet au-dessus de Sopko livré à lui-même (3-2 à 33'54). Un but remarquable autant dans sa préparation que dans sa conclusion ! Jan Plch a failli récidiver moins de deux minutes plus tard. Mais, cette fois, la mitaine de Sopko est plus prompte et sauve son camp (35'36).

Le RHE réagit sur des coups de boutoir (Mallette à 35'52 & Romand à 36'07) beaucoup trop cafouillés pour surprendre Petrik, toujours bien placé comme face à Thinel (36'10). Sur un nouveau contre des visiteurs, Ramon Sopko n'assure pas un arrêt total de sa jambière, et comme sa défense est devenue laxiste depuis la mi-match, Jan Plch n'a aucun mal à égaliser en reprenant la rondelle vacante (3-3 à 36'49). Rassurés, les patineurs mosellans vont de nouveau en faire voir aux "Noirs et Jaunes" lors d'une pénalité différée (tir de Paulson à 38'04).

Dans le prolongement de l'action, vexés, les champions de France vont muscler la rencontre. Julien Desrosiers charge Jan Plch dont le casque heurte le plexi sans autre gravité qu'un peu de temps pour remettre le vétéran d'aplomb (38'39). Pendant que Ryan Caicco s'engage trop du patin sur le gardien de céans qui couvait le puck. Ce qui vaut au joueur de centre son expulsion pour le match (5'+20'), et celle temporaire (2') de Jean-François David qui a rendu sa sentence après le mauvais coup de l'Américain (38'42). Les hommes d'Alain Vogin vont être bousculés à trois contre quatre. Il faudra toute la filouterie de Ramon Sopko, alliée à sa classe, pour ne pas qu'il encaisse un envoi de Tarik Chipaux quelques secondes avant la seconde pause (39'44).

Cela n'aura pas pu échapper à Alain Vogin : quarante-deux secondes après la reprise, les Rouennais joueront en power-play pendant trois minutes. À une seconde près, ses unités spéciales ont une fiche de 75% de réussite ce soir. La décision se fera forcément là. Hélas, ce n'est pas son équipe qui enfile lors du jeu spécifique, mais celle d'Épinal. Installé, Jean-François David, placé à la pointe, manque le caoutchouc, permettant à Plch et Simko de se présenter à "deux-contre-un". Le second Dauphin envoie le palet rebondir sur le dessus du bras droit de Sopko... et il retombe sous la barre du but rouennais (3-4 à 42'01). C'est le second but en infériorité encaissé par les Normands ce soir !

Cela a compliqué nettement leur tâche. Encore heureux que le public ait égalisé ! En effet, revanchard, Jean-François David a débordé sur son côté droit, donnant sa rondelle dans l'enclave à Carl Mallette qui l'a repris instantanément ! Le puck a fait gamelle, en haut, à l'intérieur du filet, ou ailleurs ? L'arbitre M. Mendlowictz l'a d'abord refusé et a laissé jouer quelques secondes sous la bronca de la foule, avant d'accorder le but pendant l'arrêt de jeu suivant... sous la pression populaire ? En tout cas, au grand dam des visiteurs (4-4 à 44'17). La furia rouennaise se met en route, mais sans maîtrise. Partis à l'abordage dans le désordre, les Dragons ont désuni un peu plus leur défensive qui avait déjà montré, ce soir, de belles gerçures. Daniel Carlsson et Petri Virolainen jouent respectivement les pompiers et les intimidateurs au delà des limites autorisées par M. Mendlowictz. Les deux arrières au cachot, le RHE prend l'eau. Heureusement trois Dragons (Niskavaara-Doucet-Glad puis David-Thinel-Glad) écopent sévèrement pendant une minute et 27 secondes sans chavirer tout de suite...

Face à cinq Dauphins, plus à l'aise dans l'eau (trouble), le navire amiral de l'île Lacroix aux hautes ambitions de jeu sombre quelques instants plus tard, poussé par l'envie de bien faire, de séduire son difficile public, petit à petit de plus en plus surévalué ou intransigeant à force d'être privilégié. Trop enclin à une offensive rendue confuse, le RHE va de nouveau accorder une situation de surnombre à l'ICE, au terme de laquelle Tarik Chipaux inscrira le but gagnant aidé par son binôme d'échappée Guillaume Chassard (4-5 à 55'33).

Vingt-trois secondes après, Plch tue le match et coule l'armada. Derrière un mauvais choix de Jarkko Glad coincé par Jan Simko, Lionel Simon s'arrache sur son côté gauche et centre vers son capitaine, qui, du revers, prend le meilleur au-dessus de Sopko (4-6 à 55'56). Très sport, Alain Vogin sort son gardien au profit d'un attaquant supplémentaire, mais lorsque Jan Simko s'empare du palet pour l'enfiler dans la cage désertée, c'est pour rendre le camouflet sévère et l'ampleur du score un peu exagéré.

Dire que les Dragons auraient pris les Dauphins à la légère serait un raccourci trop commode. Il serait faux aussi de dire qu'ils sont tombés sur une équipe et un gardien en état de grâce. Les Rouennais se sont toujours battus. Conquérants et guerriers tout au long du match, ils ont manqué de maîtrise, de rigueur défensive et n'ont jamais su (pu) élever leur niveau de jeu, à cause peut-être d'une condition physique amoindrie ou à la fatigue d'une partie intense à Angers mardi dernier ? Malgré leur expérience, à partir de la mi-match, ils n'ont pas su gérer le déroulement de la rencontre, jauger leurs efforts offensifs pour se recentrer en défense et attaquer en restant prudents. Ils auront les regrets d'avoir compliqué leur match en encaissant deux buts en infériorité et en laissant beaucoup de situations de surnombres aux Spinaliens qui leur coûtent deux autres buts. Difficile dans ses conditions (avec 4 buts de handicap) de gagner ses matches lorsque l'équipe n'est pas au top.

Les Dauphins ont su profiter de Dragons sans imagination et sans tranchant. Les hommes de Shawn Allard, réduits à 14 petites unités au départ du dernier tiers, ont su aller chercher au fond d'eux-mêmes les ressources et l'abnégation nécessaire lorsque Petrik fait le métier, derrière une défensive solidaire et regroupée, rendant les contres de Plch et Simko profitables. C'est très bon signe pour la suite et il leur faudra s'en servir. Mais il n'y a pas si longtemps, les Spinaliens étaient bons à jeter à la poubelle, et aujourd'hui, en marchant sur le champion en titre, ils sont tout en haut. Il y a un juste milieu. Sans doute ce match servira à gagner en sérénité et en confiance. Mais il ne leur sera pas aisé de réaliser ces mêmes prouesses face à des adversaires avertis et donc deux fois plus vigilants.

Compte-rendu signé Thierry Frechon

 

Rouen - Épinal 4-7 (2-1, 1-2, 1-4)

Samedi 11 octobre 2008 à 20h00 au centre sportif Guy Boissière. 2200 spectateurs.

Arbitrage de Marc Mendlowictz assisté de Thibaud Juret et Aurélien Smeeckaert.

Pénalités : Rouen 28' (6', 6', 6'+10') ; Épinal 35' (6', 2'+5'+20', 2').

Évolution du score :

1-0 à 07'44" : Doucet assisté de Strozynski (sup. num.)

1-1 à 15'27" : Simko assisté de Slovak (inf. num.)

2-1 à 17'48" : Strozynski assisté de Peltola et Glad (sup. num.)

3-1 à 32'07" : Peltola

3-2 à 33'54" : Plch assisté de Gervais et Caicco

3-3 à 36'49" : Plch assisté de Simko

3-4 à 42'01" : Simko assisté de Plch (inf. num.)

4-4 à 44'17" : Mallette assisté de David

4-5 à 55'33" : Chipaux assisté de Chassard

4-6 à 55'56" : Plch assisté de Simon et Simko

4-7 à 59'09" : Simko assisté de Plch (cage vide)

 

Rouen

Gardien : Ramon Sopko [sorti de 58'41" à 59'09"].

Défenseurs : Petri Virolainen - Jean-François David ; Daniel Carlsson (A) - Jarkko Glad ; Cédric Custosse [de 00'00" à 20'00" et de 59'09" à 60'00"] - Jaako Niskavaara.

Attaquants : Julien Desrosiers - Carl Mallette - Jérémie Romand ; Loïc Lampérier - Éric Doucet (C) - Marc-André Thinel (A) ; Lionel Tarantino - Mikko Peltola - Sébastien Strozynski.

Remplaçants : Ronan Quemener (G), Édouard Dufournet.

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik.

Défenseurs : Fabien Leroy - Benoît Quessandier ; Stéphane Gervais (A) - Peter Slovak ; John Paulson - Borislav Ilic.

Attaquants : Guillaume Papelier - Tarik Chipaux - Guillaume Chassard (A) ; Jan Simko - Ryan Caicco - Jan Plch (C) ; Lionel Simon - Erwan Agostini - Anthony Pernot.

Remplaçant : Eero Väre (G). Absents : Michal Petrak (genou), Ilpo Salmivirta (cuisse), Shawn Allard (coach), Alexander Sundqvist (non encore qualifié).

 

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