Russie - Finlande (16 mai 2008)

 

Demi-finale des championnats du monde 2008.

"Horizontalement, c'est toi que je préfère"

S'il y a un match qui reste en travers de la gorge de la Russie, c'est bien son élimination de l'an dernier face à la Finlande, après avoir eu deux joueurs blessés. Battue à domicile, elle veut se venger à l'extérieur, ou presque. Le Colisée de Québec est voué à sa cause et a eu l'occasion de l'adopter pendant tout le tournoi.

L'esprit de revanche doit animer notamment Aleksandr Ovechkin qui se souvient de son palet perdu à la bleue à Moscou. Le gardien Eremenko n'aura pas l'occasion de faire oublier l'autre erreur fatale de l'an passé, blessé en début de tournoi. L'autre absent de marque, c'est bien sûr Ilya Kovalchuk suspendu. Une bonne nouvelle pour les fans de Québec, puisque leur idole Radulov revient dans l'effectif. C'est aussi la première fois que le trio de Kazan (Zaripov-Zinoviev-Morozov) est réuni cette année, après avoir dominé l'an dernier. C'est une autre ligne de club qui mène l'équipe russe depuis deux semaines, le trio de Washington Ovechkin-Fedorov-Semin.

La Russie semble une nouvelle fois avoir tous les atouts en main. Eremenko est plus qu'aux oubliettes tant son successeur Evgeni Nabokov donne confiance dans les cages russes. Il montre pourquoi dès la première supériorité numérique avec une superbe relance vers Semin à la bleue, pas loin de piéger les Finlandais en plein changement de ligne. Mais aucun gardien n'est à l'abri d'une boulette, et Nabokov pas plus que les autres. Il place son gant à la réception d'un flip en zone neutre de Mika Pyörälä, mais le palet s'en réchappe. Riku Hahl est en embuscade... et tire au-dessus. Le portier de San José doit pousser un gros ouf de soulagement.

L'autre force russe répond présent sur un palet perdu par Saku Koivu en zone offensive. La contre-attaque est fabuleuse, digne des plus belles actions des plus légendaires lignes soviétiques. Le palet vole de crosse en crosse, à deux contre un, puis à trois contre deux grâce à une intelligente remise en retrait de Sergei Fedorov pour Aleksandr Ovechkin, qui échange avec Aleksandr Semin, lequel sert son centre seul au second poteau (1-0). Du grand art.

Le match prend mauvaise tournure pour la Finlande, d'autant qu'elle n'évolue pas à son niveau habituel en supériorité numérique cette année. Elle dispose de deux avantages numériques dans la première période, mais ne produit qu'une occasion, après un ricochet favorable. Nabokov détourne le revers à bout portant de Jussi Jokinen.

La première ligne russe ne veut pas être en reste. Elle aussi signe une action collective au parfum des plus grandes heures du hockey russe. Sergei Zinoviev entre en zone à droite et réalise une passe transversale au défenseur Andrei Markov, qui s'est parfaitement joint à l'attaque. Celui-ci renverse alors à nouveau le jeu pour Danis Zaripov arrivé au poteau opposé (2-0). Du pur jeu "horizontal", triomphant sur les étroites glaces canadiennes censées être vouées au hockey "vertical" !

Le petit souci pour les Russes, c'est l'obstruction sifflée en zone offensive contre Aleksandr Ovechkin. Mais ils se montrent excellents en infériorité numérique. Ils bloquent la ligne bleue, travaillent sur les palets envoyés au fond, pressent les porteurs et ne permettent pas à la Finlande de s'installer. Elle n'y parvient que très brièvement, pour une déviation hors cadre de Mikko Koivu sur passe de Tuomo Ruutu. Les deux hommes sont comme l'an passé les leaders de leur équipe. Quant à Ovechkin, il se rattrape de sa pénalité par une énorme dernière présence, un festival à la fois technique, en un contre un face au défenseur, et physique, en récupérant le palet au forechecking.

Autre maxime tarasovienne, "la meilleure défense c'est l'attaque". Les Russes appliquent à la lettre les principes traditionnels d'antan ce soir, puisqu'ils dominent la dernière période. Les unes après les autres, leurs lignes viennent mettre la pression. La Finlande est totalement désorientée et se retrouve même à six sur la glace. Comme si la leçon ne suffisait pas, Saku Koivu se retourne au lieu d'aller au banc alors que Kapanen en sort. Deuxième surnombre en cinq minutes ! Les blancs dilapident le temps si précieux dans ce dernier tiers-temps... Pire que ça, même, puisque cette deuxième supériorité numérique est transformée. Aleksei Morozov, placé dans le cercle droit, marque d'un petit coup de fouet du poignet, à mi-hauteur côté mitaine (3-0).

Doug Shedden demande son temps mort et sort son gardien à trois minutes de la fin. Il aligne six attaquants en mettant ses deux premières lignes offensives ensemble sur la glace. Les dégagements de Zaripov ou de Nikulin manquent la cage vide, mais la Russie gagne une nouvelle mise au jeu Maksim Sushinsky va tranquillement accompagner le palet jusque dans les filets déserts (4-0).

Quel match plein de la Russie, avec une démonstration sur toute la surface de la glace : deux buts collectifs géniaux et un effort défensif constant. La nostalgie ne nous fera pas sortir des greniers les faucilles et les marteaux, par contre on a quand même le droit à Jean Ferrat : "Verticalement, tu n'es pas une affaire, mais horizontalement, c'est toi que je préfère..." On se prend plus que jamais à rêver à une opposition de styles dans la "finale impossible", celle qui se refuse obstinément à tout championnat du monde, Russie-Canada.

Désignés joueurs du match : Aleksei Morozov pour la Russie et Niko Kapanen pour la Finlande.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Vyacheslav Bykov (entraîneur de la Russie) : "Je voudrais mentionner l'importance particulière de Sergei Fedorov pour l'équipe. Ses conseils aident les autres joueurs. C'est une jeune équipe, et de tels vétérans apportent de la stabilité psychologique dans le vestiaire. Nous sommes très heureux qu'il tienne ce rôle avec honneur. Nous savions que les Finlandais construiraient une défense très dense en zone neutre. Il fallait franchir cette barrière sans erreur, sans laisser de chances de contre-attaques. Nous n'en avons concédé qu'une seule dans tout le match. Nous avons bien défendu en zone neutre et limité l'accès à nos cages. Le chef du CSKA Sergei Kushchenko vient de m'envoyer un SMS : il reste dix mètres jusqu'à l'Everest. Ma réponse était : j'espère que nous aurons assez d'oxygène."

Sergei Fedorov (attaquant de la Russie) : "Non, je ne me sens pas comme un talisman, simplement comme un joueur fatigué. Le match était assez rapide et serré. Les Finlandais ont très bien transféré le palet de leur zone dans la nôtre, mais comme nos défenseurs ont bien lu ces passes, ils étaient plus rapides sur le palet. En plus, nos centres sont revenus exactement quand les défenseurs avaient besoin de leur faire une passe. Les gars ont pris plaisir a joué un peu plus défensif et à tenir leur homme. Cette tactique a détruit le plan de jeu finlandais. [...] J'ai vu Semin à ma droite et il attendait le palet, donc je l'ai envoyé en sa direction. Je ne m'étais pas rendu compte qu'Ovi était là. Je pensais qu'il allait tirer, mais il a fait la passe. J'ai pensé : 'oh-oh, je ne suis pas habitué à ça'. Mais soudain le palet m'est revenu dessus et je l'ai redirigé au fond. Cela n'a pas surpris que la Finlande, cela m'a surpris aussi."

Doug Shedden (entraîneur de la Finlande) : "Ce n'est pas honteux de perdre contre cette équipe. Nous avons joué assez intelligemment, pendant quarante minutes nous avons fait ce qu'il fallait. Nous aurions pu être à 0-0 après deux périodes, mais deux erreurs ont décidé de tout. Koivu a été piégé par un rebond, et quand vous donnez un 3 contre 1 à ces trois messieurs, ils vouls le font payer. Ensuite, il y a eu une mauvaise décision de repli défensif sur le deuxième but. Ils sont grands, ils sont rapides, ils sont talentueux. Et avec Nabokov, c'est la totale. J'étais déçu quand j'ai lu qu'il les rejoignait, car je savais qu'il pouvait faire la différence."

 

Russie - Finlande 4-0 (1-0, 1-0, 2-0)

Vendredi 16 mai 2008 à 13h00 au Colisée Pepsi de Québec. 11159 spectateurs.

Arbitrage de Danny Kurmann (SUI) et Brent Reiber (SUI/CAN) assistés d'Ivan Dedioulia (BLR) et Sylvain Losier (CAN).

Pénalités : Russie 10' (6', 2', 2'), Finlande 14' (4', 2', 8').

Tirs : Russie 27 (5, 9, 13), Finlande 24 (9, 5, 9).

Évolution du score :

1-0 à 13'41" : Fedorov assisté de Semin et Ovechkin

2-0 à 23'44" : Zaripov assisté de Markov et Zinoviev

3-0 à 52'15" : Morozov assisté de Nikulin et Zinoviev (sup. num.)

4-0 à 57'56" : Sushinsky assisté de Tereshchenko (cage vide)

 

Russie

Gardien : Evgeni Nabokov.

Défenseurs : Andrei Markov - Ilya Nikulin ; Denis Grebeshkov - Konstantin Korneev ; Fedor Tyutin - Vitali Proshkin ; Dimitri Kalinin - Daniil Markov.

Attaquants : Danis Zaripov - Sergei Zinoviev - Aleksei Morozov (C) ; Aleksandr Ovechkin - Sergei Fedorov (A) - Aleksandr Semin ; Sergei Mozyakin - Konstantin Gorovikov - Maksim Sushinsky (A) ; Aleksandr Radulov - Aleksei Tereshchenko - Maxim Afinogenov.

Remplaçant : Mikhaïl Biryukov (G). Absents : Aleksandr Eremenko (genou) Ilya Kovalchuk (suspendu), Dmitri Vorobiev (surnuméraire).

Finlande

Gardien : Niklas Bäckström [sorti de sa cage de 57'19" à 57'56"].

Défenseurs : Ville Koistinen - Mikko Jokela ; Anssi Salmela - Ossi Väänänen ; Mikko Luoma - Sami Lepistö ; Janne Niskala - Antti-Jussi Niemi.

Attaquants : Ville Peltonen (C) - Saku Koivu - Teemu Selänne ; Olli Jokinen (A) - Mikko Koivu (A) - Tuomo Ruutu ; Antti Pihlström - Niko Kapanen - Jussi Jokinen ; Mika Pyörälä - Riku Hahl - Esa Pirnes.

Remplaçant : Petri Vehanen (G). Absents : Karri Ramö (G), Hannes Hyvönen, Sean Bergenheim (surnuméraires).

 

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