Canada - États-Unis (6 mai 2008)

 

Championnat du monde 2008, premier tour, groupe B.

Les loups de mer du port de Halifax

Canadiens et Américains sont très attendus ce soir pour le gros choc du premier tour à Halifax. Ils se sont facilement débarrassés de la Lettonie et de la Slovénie, mais passent aussi leur premier vrai test.

Que vaut vraiment par exemple le jeu de puissance des États-Unis, qui a la stat incroyable de 54% de réussite et sur lequel ils ont bâti leurs deux victoires ? Pour le découvrir, Brent Burns met un coup de coude inutile après l'action de jeu. Les Américains ne sont pas absolument pas dangereux. L'expérience est-elle suffismment représentative ? Pour en être vraiment sûr, Ryan Getzlaf prend une autre prison stupide juste après, en accrochant Gilbert en zone offensive. Les Canadiens accordent des lancers extérieurs, mais on ne peut pas dire qu'ils tremblent de peur. Voilà pour le point fort américain.

Le public connaît sa principale frayeur sur une mésentente entre Cam Ward et sa défense. David Booth s'infiltre au milieu d'eux et tente un revers entre les jambières, mais Ward referme le trou. Les bleus dominent ce début de match, mais le Canada convertit sa première occasion. Un palet revient à la bleue vers Brent Burns qui tire dans le trafic. Jason Spezza fait un bon écran devant la cage et Tim Thomas ne peut strictement rien faire (1-0). Cam Ward réussit un arrêt à bout portant devant Patrick Kane dans le slot pour préserver cet avantage.

On ne peut quand même dire que le Canada soit serein. Sur une action qui a vu deux pertes de palet, une à l'entrée de la neutre et l'autre en zone défensive, la quatrième ligne parvient à se rattraper en amenant le palet en fond de zone, mais Jason Chimera se fait pénaliser pour avoir levé sa crosse près du visage de Brown. La pénalité est tiée aussi facilement que les précéentes, et Chimera a un palet de contre à sa sortie de prison, mais il manque son tir qui passe à côté des cages.

Les plus belles occasions sont toujours américaines : la superbe passe du revers de Phil Kessel décale Adam Burish, le treizième attaquant américain dont les mauvaises langues diront qu'il a surtout été recruté pour tenir un blog à propos du quotidien son équipe sur le site de sa fédération. Presque la chance de sa vie pour Burish qui arrive seul devant la cage et tire droit devant lui en direction de la lucarne... Cam Ward attrape ce palet d'une belle mitaine.

Les Canadiens mènent au score malgré leurs trois pénalités stupides, comme s'ils étaient amusés avec ces jeunes Américains qui se sont dépensés pour rien. Tim Thomas n'a reçu que quatre tirs jusqu'à présent, mais sa défense tarde à dégager ce qui doit être le dernier palet du premier tiers. Dany Heatley vient glisser un rebond en angle fermé à dix secondes de la pause (2-0). Les blancs ont été insolents d'efficacité...

Et à la reprise, ils en deviennent même écoeurants. La deuxième ligne américaine, alignée en premier cette fois, se prend la pression. Tim Thomas se met en papillon très vite sur le lancer de Jonathan Toews, mais celui-ci est contré au départ, et le Canadien renvoie donc tout de suite le palet dans le haut du filet ouvert (3-0). Les inexpérimentés Américains vont-ils s'en remettre ? Oui, en 34 secondes, et un peu grâce au relâchement de la paire Jovanovski-Bouwmeester. L'Américano-Québécois Jason Pominville suit un lancer non cadré qui frappe la bande et remet directement le palet devant la cage pour Zach Parise qui marque (3-1).

Les États-Unis n'ont même pas eu le temps de douter. Ils repartent de l'avant comme si rien ne s'était passé. Tom Gilbert réussit une longue relance, O'Sullivan s'échappe entre les défenseurs et bat Ward côté plaque (3-2). On enchaîne avec un 2 contre 1 de Parise et Brown, qui tire au-dessus. On retrouvera le même duo à la mi-match avec un tir de Parise repoussé, un palet qui ricoche sur la tête de Pominville puis sur celle du gardien, avant de revenir sur Brown qui feinte Ward dans son élan mais tire... juste à côté. La réussite n'est pas avec lui. Dustin Brown humiliera aussi Brent Burns d'une fantastique feinte, mais échouera encore sur le gardien.

Les vagues bleues ont déferlé dans ce deuxième tiers-temps presque sans arrêts de jeu. Mais ces Américains ont parfois été emportés dans leur élan offensif face à un Canada qui n'attendait que ça. Sur la contre-attaque la plus saillante à 3 contre 1, Derek Roy a fait un premier une-deux avec Jovanovski, puis a cherché Spezza seul au second poteau... mais la crosse de Tim Gleason a coupé in extremis la passe.

L'autre alerte pour les Américains, c'est de voir leur gardien Tim Thomas grimacer, blessé aux adducteurs en ayant eu la jambière un peu emportée par l'élan de Heatley. Il se relève sur le coup, mais au retour des vestiaires, il est sur le banc, et c'est le vétéran Craig Anderson qui prend place dans les cages. Thomas était clair n°1 et n'avait pas manqué une seule minute jusqu'ici...

L'autre évènement du début de troisième tiers, c'est la première pénalité américaine du match. Les États-Unis sont aussi premiers en infériorité numérique, et cette statistique-là, ils l'améliorent. Le problème, c'est qu'ils encaissent un but dès le retour à cinq contre cinq. Derek Roy, oublié devant la cage, reçoit la passe du coin de Chris Kunitz et fusille Anderson (4-2).

Une crosse haute de Toews peut aider les Américains. Même si Mayers les alerte en s'échappant eninfériorité, ils se réinstallent et réalisent un jeu en triangle étourdissant de vitesse (même et surtout pour le défenseur Bouwmeester) avec O'Sullivan à la pointe, Parise à droite ligne de fond et Brown au second poteau pour conclure (4-3). Heatley lève les bras au visage du capitaine américain Jeff Halpern qui vient le mettre en échec, et c'est un nouveau jeu de puissance : magnifique passe transversale de Patrick Kane pour le tir sur réception de Jason Pominville (4-4). On comprend mieux maintenant pourquoi il faut se méfier du powerplay américain.

À neuf minutes de la fin, David Backes retient Rick Nash au moment où celui-ci sort de sa zone. Sur l'infériorité, Craig Anderson sort un peu précipitamment derrière sa cage et se retrouve un peu penaud en voyant arriver un Canadien de chaque côté. Il rentre vite au bercail et pousse un ouf de soulagement. Le gardien américain réussit un arrêt important durant cette pénalité, sur un tir du haut de l'enclave d'Eric Staal qui a failli passer sous son bras. Quelques minutes plus tard, Jason Chimera tire au-dessus de la cage ouverte alors qu'il a la victoire au bout de la crosse.

L'équipe américaine n'est pas vernie ce soir. À deux minutes de la fin, c'est au tour de son capitaine Jeff Halpern de sortir blessé. Il est retombé sur son genou après un contact de Nash qui l'a envoyé sur Burns. Et puis à une minute de la fin, sur un 3 contre 2, Dany Heatley descend sa jambe gauche pour un tir sur réception propulsé dans les filets d'Anderson (5-4). C'est son sixième but et son dixième point dans ces Mondiaux. Oui, nous n'en sommes qu'au premier tour... L'entraîneur américain John Tortorella, qui avait un air perpétuellement amusé même quand il n'y avait rien de drôle, a perdu d'un coup son petit sourire et est même franchement énervé quand il s'agit de dicter ses consignes pendant le temps mort. À trente secondes de la fin, Derek Roy envoie le palet en tribune et les Américains finissent le match à six contre quatre, en vain.

Il est clair que l'immense différence d'état d'esprit entre les deux équipes vient de leur moyenne d'âge. On a vu des jeunots qui se lancent à fond pendant soixante minutes avec l'insouciance de leurs vingt ans, face à des vieux loups de mer qui en ont vu d'autres et qui mettent les voiles quand ils le décident. Le Canada, en uniforme de la Coupe Canada 1976 pour mieux exprimer son antériorité, pensait que son calme et son métier lui assureraient la victoire, mais il a failli déchanter car les Américains n'ont vraiment rien lâché alors que le sort semblait leur être contraire. Ce sont sans doute eux qui ont le plus impressionné ce soir par leurs qualités mentales, même si les trois points sont canadiens.

Désignés joueurs du match : Cam Ward pour le Canada et Dustin Brown pour les États-Unis.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Shane Doan (attaquant du Canada) : "Porter ces uniformes était spécial. La tradition et l'histoire du hockey, c'est quelque chose de formidable que nous avons au Canada. Je vis à Phoenix et ils en parlent dans le baseball, mais je pense que l'histoire du hockey est bien meilleure. C'est notre sport et nous devons gagner. Ce n'est pas vraiment un choix. L'action a commencé quand Getzlaf est allé à la cage. C'est dur de demander à votre centre n°1, un joueur phénoménal à sa première année aux championnats du monde, de foncer vers le but comme ça. Mais s'il ne le fait pas, Dany Heatley n'a pas le champ libre derrière lui."

Ryan Getzlaf (attaquant du Canada) : "Nous avons joué dur jusqu'à la fin. Nous prenons fierté dans ce genre de victoires. Nous avons été élevés comme ça. Nous n'avions pas le choix. Nous allons dîner avec ces gars [les vainqueurs de la Coupe Canada 1976] après le match. J'ai vite compris mon rôle sur cette ligne. Mon boulot est de faire de la place pour ces deux autres gars. Avec Danny qui joue comme il joue, l'idée est de lui donner le palet aussi vite que possible. J'ai confiance en allant à la cage. C'est la façon dont je joue tous les jours."

John Tortorella (entraîneur des États-Unis) : "Quel match de dingues. Nous étions menés 2-0 après le première période et je pense que c'était peut-être notre meilleure période dans le tournoi. C'est décevant d'avoir perdu, mais je considère que c'est une chance d'avoir un match de si haut niveau si tôt dans le tournoi. C'était fun. C'était explosif."

 

Canada - États-Unis 5-4 (2-0, 1-2, 2-2)

Mardi 6 mai 2008 à 16h30 au Metro Centre de Halifax. 9192 spectateurs.

Arbitrage de Vyacheslav Bulanov (RUS) et Christer Lärking (SUE) assistés de Frantisek Kalivoda (TCH) et Yuri Oskirko (RUS).

Pénalités : Canada 20' (6', 0', 14'), États-Unis 12' (0', 0', 12').

Tirs : Canada 29 (6, 11, 12), États-Unis 33 (13, 8, 12).

Évolution du score :

1-0 à 08'26" : Burns assisté de St.-Louis et Staal

2-0 à 19'49" : Heatley assisté de Getzlaf et Nash

3-0 à 20'18" : Toews assisté de Kunitz et Doan

3-1 à 20'52" : Parise assisté de Pominville et Brown

3-2 à 23'09" : O'Sullivan assisté de Gilbert et Stafford

4-2 à 43'29" : Roy assisté de Doan et Kunitz

4-3 à 45'18" : Brown assisté de Parise et O'Sullivan (sup. num.)

4-4 à 46'54" : Pominville assisté de Kane et Kessel (sup. num.)

5-4 à 59'13" : Heatley assisté de Nash et Getzlaf

 

Canada

Gardien : Cam Ward.

Défenseurs : Ed Jovanovski - Jay Bouwmeester ; Dan Hamhuis - Brent Burns ; Steve Staios (A) - Duncan Keith ; Mike Green.

Attaquants : Rick Nash - Ryan Getzlaf - Ryan Heatley ; Chris Kunitz - Jonathan Toews - Shane Doan (C) ; Eric Staal - Martin Saint-Louis (A) - Jason Spezza ; Jason Chimera - Patrick Sharp - Jamal Mayers ; Derek Roy.

Remplaçant : Pascal Leclaire (G).

États-Unis

Gardien : Tim Thomas puis à 40'00" Craig Anderson [sorti à 59'15"].

Défenseurs : Mark Stuart - Matt Greene ; Tim Gleason - Paul Martin ; Keith Ballard - Tom Gilbert  James Wisniewski.

Attaquants : Dustin Brown - Zach Parise (A) - Jason Pominville ; David Backes - Jeff Halpern (C) - David Booth ; Lee Stempniak (A) - Peter Mueller - Patrick Kane ; Patrick O'Sullivan - Phil Kessel - Drew Stafford ; Adam Burish.

 

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