Italie - Danemark (4 mai 2008)

 

Championnat du monde 2008, premier tour, groupe B.

Tournant de l'histoire

L'Italie a choisi ce match crucial pour arborer son maillot vintage, mais plus que le charme de 1933, ce sont les glorieux oriundi des années 90 qui lui manquent. Les rares survivants de cette époque sont en bout de course, et les nouveaux ont un pedigree qui ne peut rivaliser avec celui d'un Nardella ou d'un Orlando.

La soirée revêt aussi une importance particulière pour la France, dans la mesure où le système de relégation a été modifié cette année. Il n'y aura pas de poule réunissant les derniers de chaque groupe, mais deux séries au meilleur des trois manches, organisées selon un tableau prédéterminé. C'est ainsi que le dernier de la poule A, celle de la France et du Belarus, sera opposé au dernier de la poule D, celle de l'Italie et du Danemark. Cette mesure avait déjà été évoquée lors du Mondial 2006, mais avait été rejetée, notamment à cause de l'hostilité danoise. Finalement, des considérations pratiques (en l'occurence la géographie canadienne) ont eu raison des réticences.

Cet affrontement italo-danois ressemble donc à un tournant de l'histoire. D'un côté un outsider déchu du hockey international, équipe symbole de la frime des années 90, qui a tout de même permis de faire exister le hockey dans de grosses nations européennes, fût-ce pour un court moment de gloire.

Et de l'autre, le Danemark. Son revers de fortune est certes spectaculaire, et l'avenir pourrait lui appartenir. Mikkel Bodker (dont le frère Mads est dans l'alignement ce soir) sera l'une des principales attractions de la prochaine draft. Mais c'est aussi et avant tout une nation qui se situe dans la sphère d'influence de la Suède. Lars Eller, choix de premier tour des Blues de St. Louis, est danois, mais les recruteurs nord-américains le considèrent souvent comme suédois du fait de son parcours de formation, qui doit beaucoup au pays des Trois Couronnes.

L'émergence du Danemark symbolise donc la polarisation du groupe A autour de blocs précis : Europe de l'Est, Europe germanique, Europe du nord... Un chapelet de régions balkanisées desquelles il devient de plus en plus difficile de tirer des affiches excitantes pour le grand public international. Le hockey fait avec ce qu'il a et cultive ses forces, mais il retrouve par là même l'habit de sport de niche qu'il avait espéré quitter voilà une quinzaine d'années.

Comment les fragiles Azzuri vont-ils s'accommoder de ce choc crucial contre un prédateur aux dents longues ? Thomas Tragust, élu meilleur joueur transalpin dans la lourde défaite concédée face à la Russie malgré quelques erreurs de jeunesse, est reconduit dans l'alignement de départ.

Le match commence sur un rythme satisfaisant. Mais l'Italie se montre passablement imprécise. Elle est gênée par le pressing des Danois qui prennent l'ascendant après seulement une poignée de minutes. Les rouge et blanc sont plus vite sur les palets, plus appliqués, et ne perdent guère de temps à concrétiser cette supériorité technique. Madsen et Staal s'emploient derrière la cage italienne pour gratter le palet. Ce dernier remet à Green grossièrement abandonné dans le slot, qui a tôt fait de fusiller Tragust. Ce but concédé dès la 4ème minute fige un peu plus encore les Italiens, et la domination danoise n'en est que plus dangereuse.

Ce n'est pas la première pénalité du match, concédée en zone offensive par Andreas Lutz, qui va arranger les choses. Staal et Madsen sont encore au bon endroit, cette fois-ci devant le filet pour créer le trafic, et c'est finalement Staal qui obtient le but en déviant de façon passablement chanceuse et "sautillante" un palet envoyé du haut de la zone par Eller.

La mauvaise fortune des Italiens ne s'arrête pas là puisqu'Armin Helfer concède une pénalité pour retard de jeu. Il est bientôt rejoint au banc d'infamie par Margoni, coupable d'une crosse haute sur Regin pendant un duel à la bande. Les jambes italiennes paraissent lourdes, bien loin de l'allure déterminée affichée par le teigneux vétéran Chitarroni au moment de pénétrer sur la glace du Colisée. C'est donc parti pour un 5 contre 3 de plus d'une minute en faveur des Danois. Dans ces circonstances, il ne faut que 13 secondes à Morten Green pour trouver l'ouverture et lancer plein axe. Jannik Hansen, à qui on reproche parfois son manque de réalisme, est ici parfaitement placé. Non content de masquer la pauvre Tragust, il dévie légèrement le tir de Green pour s'adjuger le but.

Trois "pions" en à peine plus de 10 minutes, c'en est trop pour le jeune portier de Fassa, qui est chassé au profit de Günther Hell dans un second match consécutif. Hell, vétéran parfois mésestimé, entre en jeu dans des conditions particulièrement difficiles puisque la seconde pénalité doit encore être tuée. Heureusement pour lui, la première prison danoise du match - un retenir de Nielsen - vient prématurément remettre les équipes à égalité numérique.

C'est bientôt au tour des Azzuri de bénéficier de l'attaque massive. Mais ni sur cette première prison, ni sur la seconde - une obstruction de Damgaard en fin de période - ils ne se montreront dangereux. Le rapide Luca Ansoldi tente bien d'aller seul à la cage, mais il en faut plus pour surprendre Hirsch. Ce n'est guère mieux en haut de la boîte, à l'image de Trevisani qui balance le palet sans conviction. De Bettin bénéficie quant à lui d'une chance à mi-distance, peu après le retour au jeu de Damgaard, mais son tir non masqué ne suffit pas à conclure. La première période se solde sur un bien triste bilan, autant comptable que stylistique pour la Nazionale, qui semble encore un ton au dessous des Français sur cette entame de match.

Même cause, mêmes effets en début de deuxième période. Regin s'implique dans une lutte à proximité de la bande et écope de deux minutes pour avoir trop joué du bâton. Le jeu de puissance italien tourne cette fois de manière correcte mais la finition fait toujours défaut. On n'arrive pas à trouver Rolly Ramoser stationné dans le slot et les tentatives plus lointaines restent prévisibles.

En définitive, les Italiens s'emmêlent les pinceaux et Iannone doit entraver illégalement Dahlmann, plus prompt sur le palet, pour empêcher ce dernier de dégager son camp. S'ensuit une phase de 4 contre 4 durant laquelle Hansen se signale à nouveau par sa technique, puis le Danemark récupère l'avantage d'un homme, avantage qui va se révéler décisif pour la troisième fois de la soirée. C'est encore un tir de Morten Green qui est à l'origine du but, mais c'est cette fois Nielsen qui dévie.

4-0, la messe semble dite mais les pénalités continuent de s'enchaîner à un rythme soutenu. C'est d'abord un Danois, Madsen, qui se distingue par un geste peu amène dans le feu de l'action, en écartant Borgatello du coude. Puis c'est une percée de Fontanive qui donne lieu à une petite échauffourée devant le filet gardé par Hirsch. Enfin Trevisani se venge d'une charge à la hanche de Hardt en rudoyant passablement ce dernier alors qu'il se relève. Hell sauve la baraque de quelques jolis jetés de bottes, avant que deux shifts énergiques ne remettent les italiens dans le bain à la quinzième minute de ce tiers médian.

Ce sont d'abord les oriundi qui jouent leur rôle de joueurs d'énergie (y compris le petit Pittis), avant que le trio formé de Luca Ansoldi (sans doute l'Italien le plus en vue ce soir), Fontanive et Ramoser ne frappe plusieurs fois à la porte de Hirsch.

Mais finalement ce sont bien les "italos" qui débloquent le compteur italien à leur retour sur la glace. Et avec la manière puisque la combinaison proposée par le tandem Scandella/Cirone, en entrée de zone et dans un périmètre très réduit, est un modèle d'élégance. Le Québécois décale l'Ontarien d'une passe acrobatique, qui permet à celui-ci d'ajuster Hirsch depuis l'aile droite. L'Italie a fait meilleure figure en cette fin de deuxième tiers, mais c'est trop peu, trop tard. Le but de Cirone est le produit d'un jeu si parfait qu'on n'imagine pas vraiment la Nazionale réitérer l'exploit.

Au retour du vestiaire, les deux équipes s'échangent les chances de marquer. L'Italie profite notamment d'un revirement que Scandella, moins inspiré qu'en fin de période précédente, convertit en lancer au lieu de chercher Cirone qui semblait libre.

Le Danemark est dans un fauteuil, et fait parler sa profondeur enviable pour une nation de ce standing. C'est notamment le jeune Nichlas Hardt qui se signale. Ce joueur né en 1988 fait preuve d'une opiniâtreté remarquable et il faut un retour laborieux de Trevisani pour l'empêcher d'aller défier Hell. Il trouve également un poteau. Quand Eller échoue dans sa tentative de tour de cage, c'est encore lui qui manque de dévier victorieusement la rondelle libre traversant l'enclave. Hélas, Hardt n'est pas payé de ses nombreux efforts, et demeurera absent de la feuille de pointage. C'est au contraire sa prison pour cinglage qui permet le deuxième but italien, inscrit par Fontanive bien campé devant le filet.

L'Italie est même à deux doigts de revenir à 3-4 mais Scandella, qui a fait irruption sur l'aile droite, contrôle mal la passe au cordeau de Cirone et ne peut conclure. L'attaque italienne se voit cependant offrir une ultime chance de rachat, Borgatello obtenant une faute du maître défenseur danois Jesper Damgaard. Hélas le powerplay reste toujours aussi poussif. C'est en fait un cafouillage de Hirsch sur un tir en angle fermé de Trevisani qui offre sa meilleure occasion à l'Italie.

Malheureusement, la fin de pénalité se profile déjà. Damgaard sort de sa boite et, sur un long service de Dahlmann, s'échappe dans le dos de la défense pour tromper Hell en un contre un, scellant la rencontre de manière quasi-définitive. C'est 5-2 pour le Danemark, mais le jeune Hardt n'en a pas fini et obtient une autre occasion nette, que Strazzabosco stoppe sans ménagement en lui balançant sa crosse dans les côtes alors qu'il était clairement en retard. Cette incartade lui vaut de rejoindre le banc des pénalités, mais pas seul puisque Chitarroni, qui n'a plus ses jambes d'antan mais a conservé un caractère bien trempé, est envoyé lui tenir compagnie pour méconduite.

Eller passe près d'alourdir la note à bout portant mais Hell sort une belle mitaine pour maintenir le score dans des proportions raisonnables. Les supporters danois n'en tiennent pas rancune à leur joueur, et entament une joyeuse procession à travers les tribunes quasi-désertes du Colisée. Il fallait bien ça pour donner une once de vie à cette vénérable enceinte, qui n'est certainement pas garnie des 6838 spectateurs généreusement annoncés. C'est que le Canada, toute patrie du hockey qu'il soit, a fait - comme d'autres avant lui - du remplissage en réservant le gros de la période de pré-vente à des lots de billets incluant plusieurs parties, afin de pouvoir afficher des affluences dignes de son rang tout au long du tournoi.

La défaite est inévitable, mais force est de constater que les Italiens y mettent les formes, et Fontanive traîne encore devant Hirsch à l'affut. Hélas le sort s'acharne sur eux. Un sévère embouteillage dans la neutre entraîne un surnombre danois en zone transalpine. Les rouge et blanc peuvent ainsi tourner autour de leur proie pendant plusieurs secondes, avant que Kasper Degn ne se retrouve en position favorable face au but. Il rate son tir mais récupère aussitôt la rondelle, contourne la cage par derrière et décide de tenter à nouveau sa chance malgré un angle fermé. C'en est trop pour Günther Hell qui accorde le sixième but de la soirée, et le troisième à son compteur personnel. Le kop danois exulte et sérénade ses protégés, qui terminent la partie sur une dernière supériorité numérique, gage d'un dénouement tranquille.

L'Italie a fait preuve de coeur et a eu son lot de tirs au but, mais elle n'est tout simplement plus une vraie nation du groupe A mondial. Sa défense bétonnée qui, il y a quelques années encore, pouvait donner du fil à retordre aux meilleurs, a fait triste figure à l'image du double-passeport André Signoretti, auteur d'une prestation approximative face à des joueurs qu'il connaît pourtant bien puisqu'il a exercé ses talents au Danemark durant la saison.

Désignés joueurs du match : Christian Borgatello pour l'Italie et Jesper Damgaard pour le Danemark.

 

Commentaires d'après-match

Morten Green (attaquant du Danemark) : "C'était un bon match pour moi personnellement, mais aussi pour l'équipe. Nos powerplays ont fonctionné et nous avions un bon gardien. Au prochain tour, nous rencontrerons sans doute le Bélarus et la Suède. Ils ont été devant nous depuis cinq ou six ans, et ce serait bien de changer ça. Dans cinq ou six ans [il en aura 32-33], je ne serais sans doute plus capable d'intégrer l'effectif, les jeunes qui intègrent l'équipe nationale sont si bons. Je pense qu'on peut dire qu'on a établi notre position dans le hockey mondial."

Peter Hirsch (gardien du Danemark) : "Nous avons abordé le match avec un jeu physique et discipliné, et nous avons construit la moitié de notre succès en dix minutes. La vieille garde qui a connu le groupe B se considérait satisfaite du maintien dans l'élite. Mais ce n'est pas assez pour la nouvelle génération de joueurs. Ils en veulent plus, et cette attitude a un effet sur nous."

 

Italie - Danemark 2-6 (2-2, 0-2, 0-1)

Dimanche 4 mai 2008 à 19h00 au Colisée Pepsi de Québec. 6838 spectateurs.

Arbitrage de Sami Partanen et Jyri Petteri Rönn (FIN) assistés de Thomas Gienke (NOR) et Anton Semionov (EST).

Pénalités : Italie 28' (6', 8', 4'+10'), Danemark 12' (4', 4', 4').

Tirs : Italie 28 (7, 9, 12), Danemark 32 (12, 10, 10).

Évolution du score :

0-1 à 03'54" : Green assisté de Staal et Madsen

0-2 à 08'11" : Staal assisté d'Eller et Green (sup. num.)

0-3 à 10'26" : Hansen assisté de Green et Regin (double sup. num.)

0-4 à 23'31" : Nielsen assisté de Green et Staal (sup. num.)

1-4 à 37'48" : Cirone assisté de Scandella et Strazzabosco

2-4 à 47'09" : Fontanive assisté de Signoretti et Ansoldi (sup. num.)

2-5 à 50'32" : Damgaard assisté de Dahlmann et Hirsch

2-6 à 56'03" : Degn assisté de Kjaergaard

 

Italie

Gardien : Thomas Tragust puis Günther Hell à 10'26".

Défenseurs : Armin Helfer - Christian Borgatello ; André Signoretti - Michele Strazzabosco ; Carter Trevisani - Carlo Lorenzi ; Andreas Lutz ; Armin Hofer [à 40'].

Attaquants : Pat Iannone - Jason Cirone - Giulio Scandella ; Stefano Margoni - Mario Chitarroni (C) - Giorgio De Bettin ; Nicola Fontanive - Luca Ansoldi - Roland Ramoser ; Manuel De Toni - Paolo Bustreo ; Jonathan Pittis [à 20'].

Danemark

Gardien : Peter Hirsch.

Défenseurs : Stefan Lassen - Jesper Damgaard (C) ; Andreas Andreasen - Daniel Nielsen ; Morten Dahlmann - Mads Bødker.

Attaquants : Jannik Hansen - Peter Regin (A) - Kasper Degn ; Kim Staal (A) - Morten Madsen - Morten Green ; Christoffer Kjærgaard - Lars Eller - Nichlas Hardt ; Rasmus Olsen - Bo Nordby - Kim Lykkeskov.

Remplaçants : Patrick Galbraith (G), Mads Bech Christensen. Absent : Mads Christensen.

 

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