Épinal - Amiens (2 février 2008)

 

Match comptant pour la vingt-troisième journée de la Ligue Magnus.

Les Gothiques broient du noir

En se laissant submerger par l'envie dijonnaise quelques jours auparavant, les hommes de Shawn Allard ont concédé un quatrième revers de rang depuis le début de l'année, compromettant de ce fait la quête du huitième accessit. Certes, l'absence de Jan Plch pèse lourdement dans la balance mais force est de constater qu'elle ne responsabilise jusqu'alors pas suffisamment un "boys band" en perte de vitesse. Et de surcroît trop vite résigné.

Pourtant, un sursaut d'orgueil est fermement espéré, quoiqu'également réclamé par le premier intéressé, Shawn Allard. Même si l'attaque, devenue inconsistante, doit encore patienter deux bonne semaines avant que Plch ne rejoigne l'escouade et ne redonne au jeu de puissance son envergure coutumière.

Voilà autant de facteurs à priori favorables à des Gothiques d'Amiens vivant-là une énième saison de transition avec leur traditionnelle ossature tricolore agrémentée, cette année encore, d'une pincée de vétérans étrangers (et comme souvent décriés). Ainsi l'Américain T.J. Guidarelli, loin des attentes nées d'une carrière jusqu'alors prolifique dans la partie bavaroise de la 2e Bundesliga, est reparti en terres alémaniques, du côté des Suisses d'Olten cette fois-ci. Reste donc, pour encadrer la majorité silencieuse, l'expérimenté Pavel Kowalczyk et le routinier Rod Stevens, pourtant tous deux crédités d'une solide carte de visite entre ligues majeures européennes (les deux Extraliga pour le défenseur offensif tchèque) et deuxième chapeau continental (dans le cas du Canadien).

Pour autant, n'allez pas en déduire que ces deux-là font la pluie et le beau temps dans le contingent fidèlement entretenu par Denis Perez. Malgré une lassitude persistante régnant dans les estrades du Coliséum, quelques révélations s'annoncent comme Grégory Béron, rapidement promu sur le premier trio, et surtout Henri-Corentin Buysse. Ces deux bleuets, après un dernier Mondial junior de triste facture pour l'équipe de France, prennent ainsi du galon aux côtés des quelques internationaux survivants en ces rangs.

À leurs actes manqués

Buysse, l'homme masqué, est le premier des siens à entrer dans la partie, la faute à une amorce virulente de locaux visiblement déterminés à marquer au plus vite. Seulement, le gardien international espoir ne s'en laisse pas compter et tient tête à ses contradicteurs, Chassard (en débordement sur Jestin, 02'53") et surtout un Salmivirta encore une fois omniprésent.

De leur côté les Gothiques commencent eux leurs vendanges. Une constante ce soir, même s'il convient de souligner la performance de Stanislav Petrik devant son filet. Et lorsque sa cage s'ouvre en grand aux attaquants picards, volontiers enclins à partir à l'abordage, ces derniers se montrent incapables de cibler. Qu'il s'agisse de Vincent Bachet, en relais d'Anthony Mortas (4e), ou des autres, tous ont semble-t-il oublié d'ôter leurs moufles pour l'occasion !

Un signe, assurément, pour des Dauphins assidus et passionnés, comme le réclamait éperdument Shawn Allard dans la presse locale. Faute d'avoir été entendu à Dijon, le Québécois peut ce soir constater que ses troupes ont enfin rectifié le tir. Même sans Jan Plch, dont l'absence ce soir fut moins perceptible malgré quelques imprécisions d'un trident Petrak-Gervais-Chassard sur le coup lors des premiers avantages numériques maison.

Dans ce match où l'envie est présente (mais le déchet aussi, il faut bien l'avouer), "Pistol Pete" Listiak n'attend lui qu'une dizaine de minutes pour signer sa boulette hebdomadaire, à savoir une relance cette fois-ci expédiée dans l'axe, vers un Julian Marcos aussi mal inspiré que ses collègues (10e). Et même servi par son frère cadet, cet ancien du Pôle France local trouve le moyen de rater le disque à bout portant (18e)...

Il faut dire que ses Gothiques alternent le bon, avec des attaques relativement fluides et parfois pertinentes, et le moins bon avec cette récurrente maladresse offensive. Et malgré le métier (et la précision de passes) de Pavel Kowalczyk, hybride des deux ex-Spinaliens Jan Bohacek et Pavel Blaha (tout aussi robuste que le All-Star Piémontais et surtout moins cubique que l'actuel Piranha de Rostock, en Oberliga allemande), leur ligne bleue a grand peine à se verrouiller devant des attaquants vosgiens prenant aisément de la vitesse en zone neutre. Ces derniers ne tarderont d'ailleurs pas à tirer les marrons du feu...

Colts fumants et cibles dérobées

Dès lors, le ver entre inexorablement dans le fruit et Ilpo Salmivirta en sera la pomme de discorde. Le renard des surfaces, diabolique d'efficacité, remet ça au terme d'une action confuse où Buysse, sous pression, semble s'emmêler les crayons (1-0 à 20'27"). Il ne fallait pas la concéder, cette infamie à une seconde d'un premier thé. Désormais, la machine est lancée...

Mais comme c'est à la fin de la bataille que l'on compte les blessés, les Picards n'abdiquent pas encore. Trouvant encore quelques ressources, ils cherchent à riposter dans la foulée et bloquent un temps la rondelle en zone offensive. En pivotant dans l'axe sur un slap contré de Pavel Kowalczyk, Grégory Béron embrasse le montant droit d'un Stanislav Petrik battu à plate couture (21'50"). Béron le hardi, s'il tranche avec l'attentisme de Stevens et Mortas, ne remettra pourtant pas les Gothiques dans le droit chemin.

C'est bien connu, la chance sourit aux audacieux. Marc-André Crête, venu à l'automne du junior majeur québécois, a rapidement confirmé ses talents de défenseur défensif. Par définition, il n'est guère fréquent de le voir fréquenter les avant-postes. Et pourtant, sur une séquence à quatre contre quatre, le Canadien voit une ouverture se profiler côté gauche et s'engouffre dans la brèche, bien lancé par Salmivirta. Et là, Crête étonne par sa lucidité offensive, allant provoquer Buysse pour servir au centre son acolyte finlandais, qui avait évidemment suivi (2-0 à 23'36").

Davantage réputé à faire parler la poudre, son compatriote Stéphane Gervais ne pouvait décemment pas être en reste. Dans son élan, le Franco-Ontarien remonte à son tour un flanc gauche déserté pour s'avancer et déjouer à ras de glace Henri-Corentin Buysse d'un tir du poignet décroisé (3-0 à 24'06"). Amiens n'a rien vu venir.

Forcés à se découvrir, sans toutefois montrer une créativité débordante, les hommes de Denis Perez boivent proprement la tasse, trahis par des avants manchots devant le filet et des arrières persistant à laisser des boulevards. Il va sans dire qu'en pareil cas, Jan Simko est le premier à flairer le bon coup. Seulement, le Slovaque reste l'un des derniers grands mystères de la science par sa légendaire médiocrité en breakaway. Au tour de Buysse d'en faire la démonstration (26e).

Simko devenu trop désespérant, c'est vers l'inattendu Marc-André Crête, par ailleurs très sûr dans son rôle naturel à l'arrière, que se braquent une fois encore les projecteurs. Éclairé au second poteau par tout un mouvement de Shawn Allard, qui enrhume étonnement son vis-à-vis, le jeune Montréalais repique dans le slot et fait parler son revers avec sang-froid (4-0 à 29'14"). Quelle mouche l'a piqué ? Sûrement l'appel du grand air ! Et des grands espaces...

Shawn Allard, s'il désirait une totale adhésion de ses boys après deux semaines de dilettantisme, doit forcément être comblé après une séquence aussi irrésistible. On peut même deviner, ce soir, quelques dons divinatoires chez l'entraîneur-joueur canadien, qui a appelé Stanislav Petrik, dans les colonnes du quotidien local, à réaliser sa meilleure production de la saison. Avec des arrêts décisifs et une régularité retrouvée, le Slovaque prend une part active dans ce succès dessiné, plus tôt dans le match, en quelques minutes...

Puisque chacun a droit à sa part du gâteau, Luc Mazerolle revendique lui aussi la sienne. Un palet de relance égaré en zone neutre, et distribué par Peter Slovak, lui ouvre grand les portes de son second but de la saison. Mais voilà, l'ex-Clermontois, logiquement cantonné à un rôle de second-couteau, a depuis longtemps perdu son instinct de finisseur et termine dans les bottes de Buysse (37'02").

Mille sabords ! S'ils avaient converti leurs nombreuses occasions (et limité les courants d'air durant l'acte médian), les Amiénois ne seraient sûrement pas tombés aussi bas. Aussi tentent-ils, en mitraillant copieusement la cage vosgienne, de refaire un retard devenu pour le moins conséquent. Mais voilà Épinal, soutenu par un Petrik des grands soirs (et diablement chanceux en plus de cela), défend chèrement son butin. Et les Gothiques, perdus corps et biens quelques instants auparavant ne font, par cette pression stérile, que mettre en valeur la prestation quasi-parfaite du dernier rempart de l'ICE.

Mais pour qu'elle le soit vraiment, il aurait fallu concéder moins de rebonds et, surtout, rester blanc comme neige, chose rendue impossible par un tir flottant dégainé à mi-distance par Élie Marcos (4-1 à 47'49"). Petrik n'avait pas encore alloué de mauvais goal ce soir. C'est désormais chose faite.

L'effort collectif consenti par les Dauphins les préserve toutefois d'un retour désespéré. Car même si le danger se veut plus présent en fin de partie devant Petrik, les occasions ne manquent pas de corser l'addition. Échappé en désavantage numérique, Michal Petrak choisit d'ignorer Ilpo Salmivirta, monté à ses côtés, pour vainement tenter d'embarquer "HCB" (45'33").

En ces dernières minutes, Amiens retrouve donc un net aplomb offensif, certes favorisé par la nervosité de Marc Lefebvre et les siens. Denis Perez y croit encore et sacrifie sa dernière carte en osant une stratégie qu'il espère gagnante. En retranchant Buysse pour ajouter un joueur de champ supplémentaire, l'ex-international double l'avantage numérique des siens. Prise de risques maximum... mais résultat minimum puisque le disque finit par ressortir une fois de trop. Manque de chance, c'est dans la palette d'un Jan Simko qu'il atterrit, ce dernier n'ayant logiquement aucun mal à griller Pavel Kowalczyk. En vitesse pure, s'entend, car le vétéran tchèque se rattrape en harponnant le soliste slovaque aux abords d'un filet livré à lui-même. En pareil cas, c'est but automatique (5-1 à 57'22").

Sorti en boitant bas, Simko laisse ses partenaires finir un travail qui obtint, ce soir, un juste salaire. Celui d'une tranquillité retrouvée avec, notamment, l'officialisation d'une qualification pour les séries. Cette relative sérénité comptable suffit à oublier les errances d'un mois de janvier noir. Les membres du compartiment offensif ont enfin su prendre leurs responsabilités et jouer avec fierté, deux ingrédients absents de la récente mayonnaise dijonnaise. En cela l'influence d'Ilpo Salmivirta fut évidemment remarquable tant le Finlandais, plus polyvalent que jamais, aura une fois encore su briller dans les deux sens du glaçon.

La garde rapprochée de Petrik aura su, tant bien que mal, dérouter les velléités d'Amiénois sans grande personnalité. Et tendres défensivement en plus de s'être montrés inconstants et définitivement empruntés dans le dernier geste. Après avoir chassé le naturel devant Briançon au Coliséum la semaine passer (5-4), Amiens l'a vu revenir au galop, payant ce soir (et au prix fort) la Somme de toutes ses erreurs. Après le couac strasbourgeois, ce revers stigmatise les maux actuels d'un HCAS plus insondable que jamais. Sans leaders offensifs, puisque le talent d'un Rod Stevens ne s'exprime pas vraiment et que le duo Sadoun-Gras manque encore de tranchant (l'air des playoffs devrait leur faire le plus grand bien), les Gothiques se sont retrouvés fort dépourvus lorsque la brise du deuxième tiers fut venue.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Épinal - Amiens 5-1 (0-0, 4-0, 1-1)

Samedi 2 février 2008 à 20h15 à la patinoire de Poissompré. 900 spectateurs.

Arbitrage d'Alexandre Bourreau assisté de Yann Furet et Jérémy Rauline.

Pénalités : Épinal 20' (4', 6', 10'), Amiens 14' (6', 6', 2').

Tirs : Épinal 30 (11, 14, 5), Amiens 43 (9, 17, 17).

Évolution du score :

1-0 à 20'27" : Salmivirta assisté de Chassard et Petrak (sup. num.)

2-0 à 23'36" : Salmivirta assisté de Crête

3-0 à 24'46" : Gervais assisté de Petrak et Simko

4-0 à 29'14" : Crête assisté d'Allard

4-1 à 47'49" : E. Marcos

5-1 à 57'22" : Simko (cage vide)

 

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik.

Défenseurs : Peter Slovák - Stéphane Gervais (A) ; Marc-André Crête - Peter Listiak ; Lionel Simon - Radoslav Regenda [en alternance avec Borislav Ilic].

Attaquants : Ján Simko - Michal Petrák - Guillaume Chassard (C) ; Ilpo Salmivirta - Simo Romo - Shawn Allard ; Luc Mazerolle (A) - Marc Lefebvre - Guillaume Papelier.

Remplaçants : Franck Constantin (G), Tarik Chipaux, Daniel Scott, Anthony Pernot. Absents : Ján Plch (convalescent), Sébastien Geoffroy (blessé).

Amiens

Gardien : Henri-Corentin Buysse [sorti de sa cage de 55'53" à 57'22"].

Défenseurs : Mathieu Jestin - Pavel Kowalczyk ; Vincent Bachet (C) - Thomas Roussel ; Fabien Leroy - Benjamin Dieude-Fauvel.

Attaquants : Loïc Sadoun (A) - Laurent Gras (A) - Simon Petit ; Rod Stevens - Anthony Mortas - Grégory Béron ; Élie Marcos - Julian Marcos - Mickaël Bardet ; Brian Henderson.

Remplaçants : Nicolas Husarek (G), Mans Papaux, Lionel Wiotte. Absents : Landry Macrez (blessé), Pierre-Charles Hordelalay, Alexis Birolini.

 

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