Bordeaux - Gap (13 octobre 2007)

 

Match comptant pour la quatrième journée de division 1.

Le match de ce soir devait être un véritable test pour les deux équipes : d'un côté il y a les Boxers de Bordeaux, outsiders modestes et discrets, de l'autre Gap, favori annoncé pour la montée en Ligue Magnus. Certains remettaient d'ailleurs en cause le statut actuel des Boxers. Les trois victoires ne seraient pas significatives (Viry sans patinoire ni préparation, Montpellier pas encore en place, Le Vésinet dernier de la classe) et Bordeaux ne mériterait donc pas sa place de co-leader de la Division 1, à égalité avec Neuilly. En face, Gap arrive avec une obligation de victoire pour ne pas renouveler l'écueil déjà subi lors de la première journée (match nul à Amnéville). Les avis divergents se rejoignent néanmoins : il s'agit d'un match capital pour les deux équipes.

Comme d'habitude dans ce genre de rencontre, les Boxers ont tendance à subir un peu le jeu dans un premier temps, pour jauger l'adversaire, mettre en place le système adéquate et ne pas partir à l'aveuglette. Et c'est pour cela que dans les premières minutes, on assiste à un round d'observation. Il y a bien quelques tentatives, mais toutes sont avortées au moment de la dernière passe. Gap semble pour le moment être mieux rentré dans le match mais c'est avec une relative surprise que le premier but survient : un palet qui traîne, un défenseur qui oublie son marquage et voilà Nicolas Ravoire qui sert, de derrière le but, un Alexandre Cornaire complètement esseulé qui trompe sans coup férir le portier bordelais (0-1, 03'42"). Dans la continuité de ce but, Gap bénéficie d'un premier avantage numérique. Un joli jeu à trois entre Jelen, Kutnansky et Cornaire permet à ce dernier d'avoir une occasion franche qu'il envoie au-dessus du cadre. Puis c'est au tour des lourds lancers de s'essayer depuis la ligne bleue : si celui de Lafreniere est capté par Burnet, celui de Luciak finit sa course dans le petit filet. Néanmoins, les Boxers parviennent à tuer cette infériorité et profitent à leur tour d'une supériorité. Même si cette situation ne dure pas longtemps (faute de Majercak suite à un mauvais contrôle), Tartari parvient à offrir une belle situation d'égalisation à Raphaël Larrieu, mais le nouveau portier gapençais Greg Blais veille. Le jeu s'équilibre alors et tout le monde parvient à se créer des occasions. La plus spectaculaire intervient peu avant la moitié du tiers lorsque Courally intercepte dans la neutre, lance Lesur à sa gauche qui envoie au fond : le palet longe tout la balustrade et revient sur la ligne bleue, côté opposé, où Christophe Perez envoie un missile que Blais capte en deux temps.

Au bout de onze minutes vingt de jeu intervient un évènement qui explique beaucoup de choses. Pourtant le fait que Stéphan Tartari remporte une mise en jeu peut paraître anodine, mais il faut préciser qu'il s'agit du premier engagement gagné par Bordeaux. À ce moment-là, Gap en avait déjà remporté seize ! Les Boxers ont beau bien jouer et se créer des occasions, ils se mettent en difficulté rien que sur cette phase de jeu. Les Rapaces en profitent amplement, puisque chaque engagement est propice à la construction d'une phase offensive. La domination gapençaise n'est donc pas le fruit d'une supériorité technique criante mais plus d'une sérieuse défaillance bordelaise dans ce secteur du jeu. Du coup, il n'est pas étonnant de voir les visiteurs se créer les actions les plus intéressantes : à chaque supériorité, Jiri Jelen, comme il en avait l'habitude à Limoges, aligne les lancers de la bleue, quelle que soit sa position ou son angle. Et comme son alter ego Ondrej Mertl a la même habitude, Christophe Burnet a souvent l'occasion de briller. La principale riposte des Boxers intervient lorsque Lafrancesca et Patard partent conjointement en contre mais l'ex-Angloy rate son contrôle... En fin de tiers, Majercak perce la défense de Gap, lance un palet détourné par l'épaule de Blais. Sur le contre, Rambousek décale Moussier qui, seul devant le but, rate le cadre.

Cette dernière action est finalement symbolique du jeu mis en place par les Boxers : elle sera quasiment la seule action de gloire du premier trio de Gap (Moussier-Charrette-Rambousek) que les Bordelais auront su maîtriser et museler. Cela explique en partie le fait que Gap ne mène qu'avec un but d'avance puisque ce sont les deux autres lignes qui se doivent de faire le jeu.

Bordeaux débute le deuxième tiers en infériorité et ne pourra quitter sa zone qu'après près de trois minutes de jeu ! Du coup, Gap s'en est donné à cœur joie avec les habituels lancers de Jelen et Mertl mais aussi par la lourde frappe de Halverson après seulement quarante secondes. Mais la physionomie du match a changé : non seulement les Boxers font jeu égal avec Gap sur les engagements, mais en plus, ils parviennent à camper dans le camp adverse afin de trouver d'intéressantes positions de tir (Vojtek, Patard, Lafrancesca...). À 25'20", Michou reçoit un palet de Vojtek, dribble deux défenseurs et se retrouve seul face au but, mais au moment où il déclenche son tir, un défenseur parvient à contrer le palet du bout de sa palette.

La suite de la période est partagée : les Boxers sont souvent pénalisés mais dès lors qu'ils sont à égalité numérique, ils se ruent à l'attaque et se créent de belles occasions, notamment lorsque Perez lance depuis son camp lors d'un changement de ligne gapençais... Le palet rebondit derrière la balustrade et revient plein axe mais Vincent Cadren manque le puck de quelques millimètres, alors qu'il était totalement isolé.

Le tournant du match intervient à la trente-huitième minute : Romain Moussier lance de la bleue, Burnet capte le palet et l'arbitre siffle l'immobilisation de la rondelle. Néanmoins, Moussier a poursuivi sa course et vient s'arrêter devant le portier bordelais. Lesur s'intercale alors entre les deux mais se fait pousser dans le dos par l'attaquant gapençais. Le défenseur bordelais réplique mais l'arbitre n'a pas vu le premier geste de Moussier et seul Lesur part faire un tour en prison. Si on ajoute l'obstruction pas évidente du tout de Larrieu (sans doute les deux seules erreurs probables d'arbitrage), cela offre une situation très favorable à Gap. Et il ne leur faut que quinze secondes pour en profiter : Jelen passe dans l'axe à Kutnansky, qui s'avance et fusille Burnet pour le second but de la soirée (0-2, 38'26"). Sur la remise en jeu, Gap récupère le palet, Mertl allume une nouvelle fois de la bleue un palet dévié à bout portant par Rambousek. Burnet réalise alors un arrêt réflexe en repoussant le puck du bouclier.

Deux tiers-temps joués, deux buts marqués, la marche en avant des Rapaces semble implacable, d'autant plus que les locaux ne parviennent pas à réaliser le dernier geste qu'il faut. Mais le visage du dernier tiers sera complètement bouleversé par la hargne des Boxers. Les joueurs de Gap n'y sont plus, on a l'impression qu'ils sont complètement dépassés par les évènements tant les Bordelais ont la mainmise sur cette ultime période. Mises en échec viriles mais correctes, passes éclaires, diagonales millimétrées, supériorité numérique joliment provoquée, tout y est. Enfin, presque tout, car il manque encore l'essentiel : marquer ! Tartari, Patard s'y essayent sans réussite, Lesur frappe même le bas du montant de Blais, mais pour l'instant il y a toujours deux buts à rattraper. Le réaction gapençaise est fort discrète : cinq tirs en tout dont quatre lors de la première supériorité et un seul lors de la suivante. En dehors de ça, Gap se repose sur un Blais exceptionnel qui repousse tout ce qui se présente. Une exception tout de même : en supériorité, Courally lance au but, le portier québécois laisse le rebond que reprend victorieusement Lecompère (1-2, 45'52"). Peu de temps après, on assiste à l'action "litigieuse" du match : Lafrancesca récupère le palet dans sa zone, perce rapidement la défense de Gap et assène un lourd lancer qui trompe Greg Blais. Mais là, c'est le trou, et les divergences de points de vue : le palet a frappé la transversale ? le palet est rentré ? le palet a rebondi devant la ligne ? le palet a rebondi derrière la ligne ? Tout le monde a son avis, mais le principal intéressé, Monsieur l'arbitre, dit qu'il n'y pas but et le jeu continue.

Le reste du tiers se résume à un remake de Fort Alamo. Les Boxers s'essayent dans toutes les positions : de près, de la bleue, en déviation devant le but et même un très joli lancer de Tartari, de la neutre, que Blais capte joliment dans sa mitaine. Pour se sauver, Gap n'hésite pas à user de toutes les petites feintes possibles : à l'entrée de la zone offensive, Vojtek tombe au sol. Un défenseur visiteur décide alors de se coucher, volontairement, sur lui pour obliger les locaux à jouer dans la neutre, faute de quoi un hors-jeu serait sifflé.

La fin du match est chaotique : Burnet quitte son but à l'entame de la dernière minute de jeu. Et durant cette ultime minute, Gap va se jeter corps et âmes dans la bataille.

À 59'29" : Jelen vient nettoyer la surface de son gardien de manière plus que véhémente (ça n'est que la troisième fois du match pour lui), entraînant un échange de gentilles baffes avec Peter Vojtek, Slovaque du camp d'en face. À six contre cinq, Gap gagne la mise en jeu, Ravoire tente de filer vers le but vide mais se fait accrocher... Le souci est que le Gapençais en a "rajouté trois tonnes" en plongeant vers l'avant alors que le geste du défenseur bordelais aurait dû le faire tomber vers l'arrière. Deux minutes de pénalité contre Gap et Bordeaux se retrouve en double supériorité. À peine quatre secondes plus tard, c'est Mertl qui se retrouve en prison pour une crosse haute.

Il ne reste que vingt-quatre petites secondes à jouer et Bordeaux joue désormais à 6 contre 3 ! Lafrancesca tente sa chance de la bleue puis Majercak est contré par le couché d'un défenseur des Rapaces. Excès de précipitation, Gap n'a plus qu'à envoyer le puck au loin et la sonnerie de fin retentit, une sonnerie libératrice pour des Gapençais qui ont souffert mais n'ont pas craqué sur cette fin de match homérique !

Victoire finale de Gap, le favori, mais Bordeaux aura opposé une belle résistance. On a assisté ce soir à un match de haut niveau, "le plus beau match vu à Mériadeck depuis de longues années" soulignera Stéphan Tartari alors que le coach bordelais Michel Girard parlera "d'un match à la nord-américaine avec deux gros gardiens". Pour illustrer ses propos, il suffit de jeter un coup d'œil aux statistiques des deux portiers de ce soir : si Burnet affiche un énorme 94,4% d'arrêts que dire des 97,8% de Greg Blais, le portier de Gap.

Il n'aura pas fallu grand-chose pour que Bordeaux reparte avec le point du nul. En fait tout s'est joué sur quelques millimètres : les millimètres d'un contrôle raté par un Patard seul face au but, les millimètres de l'épaulière de Blais pour dévier le palet envoyé par Majercak, les millimètres de la palette d'un défenseur gapençais au moment du lancer de Michou, les millimètres d'épaisseur de la barre transversale sur le tir de Lafrancesca... Ce sont ces millimètres qui font la différence entre un outsider potentiel comme Bordeaux et un favori conquérant comme Gap.

Une équipe de Gap dont on sent le plus grand métier, capable de gérer des situations de triple infériorité, capable d'user de petites astuces plus ou moins licites pour gagner du temps, capable d'avoir les contres favorables... Gap a confirmé ce qu'on pensait d'elle, une belle équipe solide, avec trois blocs de bon niveau, mais elle a dû batailler jusqu'au bout face à une équipe de Bordeaux qui a montré qu'il faudrait compter avec elle cette saison.

Compte-rendu signé Alex Mondin ; photo de Nini Calimoutou

 

Bordeaux - Gap 1-2 (0-1, 0-1, 1-0)

Samedi 13 octobre 2007 à la patinoire de Mériadeck. 900 spectateurs.

Arbitrage de Frédéric Barré assisté de Laurent Garbay et Laurent Antunes.

Pénalités : Bordeaux 32' (8', 8', 6'+10'), Gap 24' (4', 4', 16').

Tirs : Bordeaux 45 (7, 8, 30), Gap 36 (15, 16, 5).

Engagements : Bordeaux 28 (5, 12, 11), Gap 43 (25, 12, 6).

Évolution du score :

0-1 à 03'42" : Cornaire assisté de Ravoire et Correia

0-2 à 38'26" : Kutnansky assisté de Jelen (double sup. num.)

1-2 à 45'52" : Lecompère assisté de Courally (sup. num.)

 

Bordeaux

Gardien : Christophe Burnet (sorti à 59'00").

Défenseurs : Yann Lecompère - Jean-François Savage ; Sébastien Lesur - Christophe Perez ; Jan Majercak - Peter Vojtek.

Attaquants : Steve Michou - Stéphan Tartari - Raphaël Larrieu ; Vincent Cadren - Yann Vannienwenhove - Nicolas Mariage ; Jérôme Patard - Nicolas Courally - Gautier Lafrancesca.

Remplaçants : Xabi Chatelin (G), Cyril Boubé, Jill Cauly, Cyril Lambert. Absent : Sébastien Cadren (tendinite).

Gap

Gardien : Greg Blais.

Défenseurs : Yohan Orsoni - John Halverson ; Ondrej Mertl - Andrei Kutnansky ; Matus Luciak - Alexandre Cornaire.

Attaquants : Eric Lafreniere - Jiri Jelen - Julien Maréchal ; Nicolas Ravoire (C) - Julien Correia [ou Sébastien Vidal] - Fabien Matheron [ou Matthieu Hottegindre] ; Romain Moussier - Jean-Charles Charrette - Jiri Rambousek.

Remplaçant : Mickael Gasnier (G). Absents : Frédéric Roussin-Bouchard.

 

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