États-Unis - Finlande (10 mai 2007)

 

Quart de finale des championnats du monde 2007.

Les Américains font durer le suspense

Six sur six. C'est le score de la Finlande face aux États-Unis lors de leurs dernières confrontations directes. La plupart du temps, elle les a pris à son propre piège, sur le physique, sur l'énergie, sur la volonté. Mais cette année, en a-t-elle les moyens face à une jeune équipe américaine débordante d'envie comme jamais ?

Chaque équipe aborde cette phase éliminatoire avec un blessé. Erik Cole, sorti sur blessure au genou contre le Canada, est bien de retour dans l'équipe américaine, qui a besoin du duo crucial qu'il forme avec Stastny. Par contre, le capitaine Chris Clark n'est toujours pas remis. Il est donc remplacé par un joker, Zach Parisé, le jeune centre des New Jersey Devils. Dans le camp finlandais, c'est le défenseur Tuukka Mäntylä qui s'est blessé. On a rappelé Ville Koistinen, un joueur d'AHL, mais uniquement comme remplaçant. C'est Jukka-Pekka Laamanen qui intègre l'alignement titulaire.

La clé du match peut venir des gardiens. Erkka Westerlund a l'embarras du choix entre Norrena et Lehtonen, qui ont joué trois matches chacun. Il opte pour Kari Lehtonen, qui a de meilleures statistiques que son collègue même si son but contre son camp face à la Suède assombrit le bilan. De son côté, Mike Sullivan a surtout le choix de l'embarras. N'a-t-il pas grillé son titulaire John Grahame, sorti en cours de match contre le Canada ? Il choisit quand même de faire confiance à son expérience, au lieu d'envoyer sa doublure Bacashihua.

Et c'est Grahame qui cède le premier. À la fin d'une première période équilibrée, il est battu par un tir bas de Tuomo Ruutu, sur un palet gagné dans la bande par Kallio (0-1, 17'03"). La Finlande enfonce un peu plus le clou avant la pause avec une démonstration de maîtrise pendant une pénalité différée sifflée contre Hall : le palet circule de crosse en crosse pendant près d'une minute, sans qu'à aucun moment un Américain ne puisse se saisir de cette rondelle voltigeuse. Ce n'est qu'au troisième tir que l'arbitre juge que Grahame a suffisamment contrôlé le palet pour mettre fin au supplice.

La Finlande reprend donc le jeu en supériorité numérique, avec évidemment l'homme-orchestre Petteri Nummelin sur la glace. Sauf que le talentueux maestro néglige un petit détail appelé repli défensif. Chad Larose reçoit donc une longue passe de Greene et adresse une passe transversale à Tobias Petersen pour une contre-attaque rondement menée (1-1, 20'40"). Paul Stastny part à son tour en prison, mais les Américains, meilleure équipe en infériorité, ne laissent pas les Finlandais respirer. Et c'est encore un 2 contre 1, pour Parisé et Backes. Lorsqu'on revient à cinq contre cinq, les États-Unis essaient de s'installer en zone offensive, mais ce sont eux qui se font prendre en contre : Niko Kapanen trouve une superbe passe pour la reprise de Pekka Saravo (1-2, 24'33"). Trente secondes plus tard, c'est Laamanen qui est pénalisé. On n'a pas plus confiance dans le powerplay américain, qui met une minute et demie à s'installer. Sur le peu de temps restant, c'est la star en puissance Phil Kessel qui est à la manœuvre. Une première fois, il y va tout seul - c'est une résurgence de "l'ancien Kessel" - mais sur une seconde entrée de zone, il initie un mouvement collectif - ça c'est le "nouveau Kessel" qui a apparemment mûri - en passant latéralement à Bochenski en relais qui sert Tyler Arnason laissé seul devant la cage pour un but à l'échéance de la pénalité (2-2, 27'05").

À la mi-match arrive une grosse erreur de relance de John Grahame, contré par Jere Lehtinen. L'attaquant de Dallas fait le tour de la cage vide sur son revers. Grahame plonge pour rattraper son erreur, mais sa défense reste forcément désorganisée. Il fait encore un arrêt de la jambière face à Peltonen dans la continuité de l'action, mais finit par s'incliner sur le rebond de Kari Viuhkola (2-3, 30'27"). Cela pourrait assommer les Américains, mais ils ne s'avouent jamais vaincus. Keith Ballard près de la cage effectue une passe sous la crosse de Kari Lehtonen mal collée à la glace, et Lee Stempniak n'a plus qu'à la rediriger dans les filets ouverts (3-3, 34'08"). Dans la même minute, Greene est envoyé en prison et Sullivan hurle des amabilités à l'arbitre. En montant sur les joueurs adverses en infériorité, les Américains mettent la pression mais peuvent aussi laisser de plus grands espaces près de leur cage. Petteri Nummelin trouve ainsi une excellente passe pour Tomi Kallio seul au second poteau qui place son palet en haut et fait sauter la gourde de Grahame (3-4, 35'32"). Ballard s'énerve et prend une méconduite.

Après ce chassé-croisé infernal, la première moitié du troisième tiers-temps est plus calme, même si les Américains peuvent toujours amener très rapidement le danger dans le slot via les bandes comme le montre le trio Larose-Petersen-Arnason. Les pénalités se sont raréfiées en même temps que les buts, jusqu'à ce que la crosse de Backes atteint Lehtinen au visage à dix minutes de la fin. L'agressivité de la boîte finlandaise ne laisse la Finlande s'installer que dans les quinze dernières secondes de la supériorité. Et dès la sorte de prison de David Backes, les Américains attaquent la cage de Lehtonen avec la même énergie. Une minute plus tard, Erik Cole entre dans l'enclave et dribble Laamanen qui l'accroche. Les États-Unis mettent eux aussi le temps à entrer en zone offensive, mais la trentaine de secondes restantes leur suffit. Tyler Arnason gratte efficacement le palet et attire suffisamment la défense pour délivrer une passe transversale d'Andrew Hutchinson isolé de l'autre côté pour une reprise dans le haut du filet (4-4, 54'20").

Tout peut encore se produire dans les dernières minutes, vu que chaque équipe commet son lot d'erreurs. La Finlande perd le palet en zone neutre pendant un changement de ligne, et Paul Stastny part seul au but sans conclure. Mais il y a aussi cette relance dans l'axe de Brian Pothier qui arrive dans la crosse de Kapanen dont le tir est contré par Tobias Petersen. Mais le fait marquant de cette fin de match se produit à l'avant-dernière minute : Petteri Nummelin remonte toute la glace avec le palet pour la seconde fois du tiers, prend un tir en angle fermé... et se fait renverser par une charge avec la hanche qui lui emporte le genou. L'homme aux treize Mondiaux et aux vingt-deux minutes de temps de jeu ce soir quitte la glace avec la patte levée. Comment les Finlandais réagiront-ils à ce coup dur ? Ils accusent un peu le coup, et Stempniak, jamais rassasié, tente encore un dernier tir, son 26e du tournoi, à dix secondes de la fin.

En prolongation, la domination est finlandaise mais les meilleures occasions sont américaines avec un poteau de Parisé et une passe de Stastny qui lance Cole dans le dos de la défense. Le rythme est évidemment haletant, l'arbitre ne veut plus siffler même quand Petersen accroche nettement Kukkonen. Le gardien américain John Grahame s'est bien repris dans ces dix minutes capitales pour ne plus laisser le moindre rebond, sauf sur un tir de Jere Lehtinen qui lui atteint le bas du masque. À une minute de la fin de la prolongation, c'est le retour inattendu : Nummelin fait son apparition sur la glace... pour un test de patinage d'une dizaine de secondes. Deux petits ronds et puis s'en va... Le verra-t-on dans l'exercice de tirs au but où il a excellé en NHL avec 6 réussites sur 7 tentatives ? On a d'ailleurs sur les deux bancs des tas de spécialistes à en croire les statistiques de la saison nord-américaine : Kessel (4/7), Stempniak (4/8), Peltonen (3/7), Parisé (7/14) et Mikko Koivu (8/15). Les entraîneurs ont les mêmes fiches que tout le monde puisqu'on tient là les six joueurs qui vont s'élancer. Rien d'original.

Tandis que tout le monde se prépare aux tirs au but, on entend des "Rossiya, Rossiya" retentir. Le public russe va se délecter du clou du spectacle en attendant l'adversaire de son équipe favorite pour la demi-finale.

C'est parti... En homme d'expérience, Ville Peltonen sait qu'il n'a pas besoin de beaucoup de vitesse. Il feinte totalement Grahame et...voit son tir en cage ouverte miraculeusement dévié par son bâton. Le jeune Phil Kessel choisit lui l'option ultra-rapide qui réussit rapidement et va se planter devant le gardien.

Et voilà... l'éclopé Nummelin. Sa tentative est parée par Grahame, de la jambière. Ni Stempniak ni Koivu ne parviennent à embarquer les gardiens. Parisé dans l'axe essaie de placer son revers, mais Kari Lehtonen repousse de la mitaine avec beaucoup de sang-froid. 0-0 après trois tireurs de chaque côté. Tant pis pour la consultation des statistiques NHL. Les chiffres n'ont pas parlé, place maintenant à la créativité.

Tuomo Ruutu est prêt à y aller mais l'arbitre explique qu'il faut changer l'ordre pour les tentatives individuelles. C'est donc à Mike Sullivan de désigner le suivant. Il tente un coup de poker appelé Zach Parisé. On se souvient du pari (raté) du match contre l'Ukraine en 2005 où son prédécesseur Laviolette avait envoyé le tout jeune attaquant tenter un penalty décisif. Cela ne réussit pas plus cette fois. Le joker voit carrément le palet lui échapper au moment du tir. Ruutu ne trouve que la jambière de Grahame, Kessel celle de Lehtonen. Là où l'entraîneur américain insiste avec les mêmes tireurs, Westerlund choisit la variété et se démarque des données brutes.

Il envoie Jere Lehtinen. C'est le premier à choisir de tirer avant d'arriver devant le gardien, au moment il passe entre les cercles, et il vise parfaitement la gourde (photo de droite). L'expérience a parlé. Le champion du monde 1995, auteur d'un match moyen qui aurait pu conclure une saison moyenne, redevient héros au meilleur moment

Après Suède-Slovaquie, on a donc eu droit à un deuxième festival offensif dans ces quarts de finale. Et le plus incroyable, c'est que ces deux matches fous ont été livrés et gagnés par les deux équipes nordiques, qui ne nous avaient pas habitués à ça. Elles y ont été poussées, hier par le talent offensif slovaque, aujourd'hui par l'inépuisable énergie de ces Américains qui n'abandonnent jamais et qui sont revenus quatre fois au score. Mais eux non plus n'avaient pas une énorme densité en défense, où le junior Jack Johnson est resté encore une fois sur le banc, même pour les penaltys où il avait livré un duel mémorable avec Toews lors des derniers Mondiaux 20 ans. Le solide Ryan Suter a eu un temps de jeu énorme avec son collègue Greene.

Cela ne ressemblait vraiment pas à un match de gardiens, et pourtant ça l'est devenu, en prolongation et surtout aux tirs au but. Par sa solidité durant la séance, Kari Lehtonen a conquis sa place dans le cœur des Finlandais. Une mention aussi pour Tomi Kallio, l'éternel vétéran qui les avait désenchantés, et qui a livré un match étonnant en se mettant au diapason du duo Koivu-Ruutu à ses côtés. Mais l'inquiétude vient surtout de l'état du genou de Petteri Nummelin : s'il y a un joueur indispensable, c'est lui. Et les difficultés défensives du duo Saravo-Laamanen ce soir n'incitent pas à penser le contraire.

Un clin d'œil enfin : est-ce pour envoyer un message caché à Bruno, actuellement à Tallinn ? Est-ce pour apaiser les relations russo-estoniennes au moment où elles affrontent un tournant délicat ? En tout cas, les organisateurs moscovites, au moment de célébrer la victoire de la Finlande et de lever le drapeau de ce pays, font jouer l'hymne... de l'Estonie !

Désignés joueurs du match : Tobias Petersen pour les États-Unis et Kari Lehtonen pour la Finlande.

Trois meilleurs Américains du tournoi selon leur coach : Paul Stastny, Lee Stempniak et Tobias Petersen.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match :

Mike Sullivan (entraîneur des États-Unis) : "J'ai le sentiment que c'était le meilleur match que nous ayons joué dans ce tournoi. Nous avons joué avec beaucoup de cœur, nous avons résisté et nous n'avons jamais lâché, mais perdre aux tirs au but est une dure façon de finir. Je suis fier de notre effort tout au long du tournoi et je pense que nous avons extrêmement bien représenté notre pays."

Jere Lehtinen (attaquant de la Finlande) : "C'est un soulagement. J'étais un peu nerveux, mais notre gardien Lehtonen m'a rendu la tâche plus facile en arrêtant la tentative américaine qui précédait la mienne. L'important, c'est de gagner, même aux tirs au but. Tout le monde sait que la Russie a une superbe équipe dans ce tournoi, nous avons pu nous en convaincre en match de poule. Nous avions pris trop de pénalités et donné trop de liberté aux rapides et techniques attaquants russes. En aucun cas il ne faut leur laisser d'espaces. Il n'y a qu'en étant compact face à son attaque qu'on peut battre la Russie. Mais nous ne ferons pas que rester chez nous, nos quatre lignes se battront de toutes leurs forces et les défenseurs russes n'auront pas la vie facile."

 

États-Unis - Finlande 4-4 (0-1, 3-3, 1-0, 0-0) / 0-1 aux tirs au but
Mercredi 10 mai 2007 à 20h15 à la Khodynka Arena de Moscou. 6 500 spectateurs.
Arbitrage de Marcus Vinnerborg assisté d'Anders Karlberg et Milan Masik
Pénalités : États-Unis 20' (4', 4'+10', 2') ; Finlande 8' (2', 4', 2').
Tirs : États-Unis 32 (5, 14, 9, 4) ; Finlande 33 (9, 7, 9, 8).

Évolution du score :
0-1 à 17'03" : T. Ruutu assisté de Kallio et Koivu
1-1 à 20'48" : Petersen assisté de Larose et Greene (sup. num.)
1-2 à 24'33" : Saravo assisté de Kapanen et Söderholm
2-2 à 27'05" : Arnason assisté de Bochenski et Kessel
2-3 à 30'27" : Viuhkola assisté de Peltonen
3-3 à 34'08" : Stempniak assisté de Ballard et Backes
3-4 à 35'32" : Kallio assisté de Nummelin et T. Ruutu (sup. num.)
4-4 à 54'20" : Hutchinson assisté d'Arnason et Kessel

Tirs au but :
Finlande : Peltonen (arrêté), Nummelin (arrêté), Koivu (arrêté)
États-Unis : Kessel (arrêté), Stempniak (arrêté), Parisé (arrêté)

Tirs supplémentaires :
États-Unis : Parisé (manqué), Kassel (arrêté)
Finlande : T. Ruutu (arrêté), Lehtinen (réussi)
 

États-Unis

Attaquants :
Lee Stempniak - Zach Parisé - David Backes (+1, 2')
Adam Hall (2') - Paul Stastny (-1, 2') - Erik Cole (A, -1)
Chad Larose - Phil Kessel - Brandon Bochenski (-1)
Nathan Davis - Tobias Petersen (+1) - Tyler Arnason (+1)

Défenseurs :
Ryan Suter (-1) - Matt Greene (2')
Keith Ballard (+1, 10') - Brian Pothier (A, +1)
Andrew Alberts (2') - Andrew Hutchinson (-1)
Erik Johnson

Gardien :
John Grahame

Remplaçants : Jason Bacashihua (G), Jack Johnson. Absents : Cory Schneider (G), Chris Clark (contusion à la jambe).

Finlande

Attaquants :
Ville Peltonen (C, -1) - Jari Viuhkola (-1) - Jere Lehtinen (-2)
Tomi Kallio (+1) - Mikko Koivu (+1) - Tuomo Ruutu (+1)
Antti Miettinen (+1) - Niko Kapanen - Jukka Hentunen (+1)
Sean Bergenheim - Mika Pyörälä - Jarkko Ruutu (A)

Défenseurs :
Lasse Kukkonen - Petteri Nummelin (A)
Pekka Saravo - Jukka-Pekka Laamanen (-1, 4')
Aki-Petteri Berg (4') - Toni Söderholm

Gardien :
Kari Lehtonen

Remplaçants : Fredrik Norrena (G), Timo Pärssinen, Petri Kontiola. Absents : Sinuhe Wallinheimo (G), Tuukka Mäntylä (genou).

 

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