Danemark - Ukraine (1er mai 2007)

 

Championnats du monde, premier tour, groupe D.

Les Cosaques encornés

C'est la journée décisive dans ce groupe D. la Khodynka Arena accueille à la suite les deux rencontres qui vont désigner la première place du groupe entre la Russie et la Finlande (à 20h15) et la dernière place synonyme de poule de relégation entre le Danemark et l'Ukraine à 16h15. Un match couperet entre deux équipes qui n'ont pas vraiment brillé depuis le début du mondial, le Danemark perdant 9-1 et 6-2 contre la Russie et la Finlande, et l'Ukraine s'inclinant 8-1 et 5-0 contre ces mêmes adversaires.

Malgré la tension, les supporters des deux camps arrivent tranquillement et pacifiquement vers l'immense patinoire du champ de la Khodinka, juste derrière le complexe sportif du CSKA. Pas mal de supporters danois en bande dans le métro, dont certains cherchent leur chemin, car les organisateurs n'ont pas considéré utile d'indiquer le chemin de la patinoire en anglais ! Sur le quai de la station de métro "Dynamo", la plus proche de la patinoire, a été posé un simple panneau où il est écrit en russe "en direction du palais des glaces", pas un logo du mondial, pas un mot en caractères latins... Mais les Danois n'ont qu'à suivre les nombreux supporters ukrainiens, dont beaucoup portent le maillot de l'équipe nationale avec le numéro 8 du mythique Dmitro Khristich, l'ancien joueur de LNH.

Une fois dans l'immense arène, on s'aperçoit, sans surprise, que si la foule n'est pas nombreuse (6 700 spectateurs quand même), elle est très majoritairement en faveur de l'Ukraine. Il y a d'abord un gros "kop" venu du pays, plus certainement des Ukrainiens de Moscou, sans oublier les spectateurs Russes qui ont choisi de soutenir le "frère" slave et qui ont massivement pris les petits drapeaux ukrainiens donnés par le sponsor principal du Mondial, le constructeur de voiture tchèque racheté par le géant allemand de l'automobile...

À noter, que les moyens financiers des supporters ne sont pas les mêmes. Les Ukrainiens sont en haut, avec les places à 450 roubles, les Danois au milieu, occupant les places à 850 roubles !

À la présentation des joueurs, même si la sono est particulièrement pourrie, et surtout à l'entrée des joueurs, on voit bien qu'à l'applaudimètre, c'est l'Ukraine qui gagne. Sur la glace, c'est d'entrée autre chose. Trente secondes de jeu et déjà le premier tir du match, il est l' uvre du Danois évoluant en AHL, Kim Staal. Mais Olexandre Fedorov, qui lui joue dans le championnat du Bélarus au Khimvolokno Mahilau, bloque bien la tentative. Une petite réplique ukrainienne, trente secondes plus tard, et sur l'action suivante, les Danois ouvrent la marque. Un but marqué par un Russe en plus ! Un palet mal dégagé par le défenseur ukrainien Iouriï Navarenko (passé par Jaca en Espagne), un premier tir danois, un rebond et Kirill Starkov trompe Fedorov (1-0, 01'26"). Un but inscrit par un Russe, puisque le jeune Kirill Starkov, émigré au Danemark à quatre ans, est natif de Iekaterinbourg dans l'Oural, comme Boris Eltsine, mais ce dernier n'a pas été naturalisé danois...

Sur leur lancée, les Danois poussent en direction de la cage d'Olexandre Fedorov. Les Ukrainiens ne mettent pas le nez dehors avant la cinquième minute et leur deuxième tir du match... qui passe à côté de la cage de Peter Hirsch.

Tout change sur la première pénalité, une charge dans le dos de Michael Smidt. Les Ukrainiens s'installent dans leur zone d'attaque, ils travaillent, travaillent, et cela paie juste après la fin de la prison dans la continuité de l'action. Une passe en retrait d'Oleh Chafarenko pour une reprise sans contrôle et magnifique d'Olexandre Materoukhine (1-1, 07'36"). L'Ukraine a relancée la partie, d'autant plus que le Danemark se retrouve peu de temps plus tard encore en infériorité pour un "faire trébucher" de Morten Green (9'39"). Pas pour longtemps puisque trente secondes plus tard, c'est au tour du buteur ukrainien, Materoukhine, d'être à son tour sanctionné. À quatre contre quatre, les Danois s'engouffrent dans les espaces et il ne leur faut que vingt secondes pour trouver la faille. Un tir de Rasmus Pander file entre les jambes de Fedorov, masqué sur ce coup. Le Danemark reprend donc l'avantage dans ce match de la peur (2-1, 10'31").

Cela sent même le roussi pour les Cosaques Zaporogues ukrainiens, lorsque leur rare joueur issu de la Superliga russe, le champion avec Magnitogorsk, Viatcheslav Zavalniouk, est à son tour envoyé en prison. Ils résistent à trois contre quatre, puis à trois contre cinq, puis à quatre contre cinq... Mais pas à cinq contre cinq. À peine la pénalité de Zavalniouk est-elle terminée qu'un tir du revers (et en pivot) de Kim Staal trompe Olexandre Fedorov, peu inspiré sur cette action (3-1, 13'13"). "Danmark ! Danmark !" scandent les supporters rouges et blancs.

Pas très longtemps ! À peine le temps d'engager que les Ukrainiens sont dans la zone défensive adverse. Un premier tir du revers de Vassyl Bobrovnikov est repoussé par Peter Hirsch, mais le gardien de Leksand, en Suède, ne peut rien, lobé par la seconde tentative d'Olexandre Matviïtchouk. L'Ukraine ne veut pas mourir et revient à 3-2 !

Ce but redonne du mordant aux Ukrainiens qui dominent cette fin de tiers. Surtout lorsqu'à 16'44, le jeune Mads Christensen (20 ans) met une vilaine charge dans le dos et à hauteur de la tête... sous le nez de l'arbitre ! Le Canadien Brent Reiber, professionnel en LNA suisse, n'hésite pas et donne 2'+10' au jeune joueur de Herning. Le problème pour les Jaunes et Bleus est que le défenseur Iouriï Hounko trouve le moyen d'être sanctionné juste après. Adieu la supériorité ! Hounko est pourtant expérimenté, 35 ans et un passé de joueur en Russie (Kazan, CSKA), DEL (Hanovre), mais bon, c'est la pénalité qu'il ne fallait pas prendre ! Cela n'empêche pas l'excellent Olexandre Materoukhine de semer le trouble dans la défense danoise, avec un super slalom et un joli tir, bien bloqué par Hirsch. Materoukhine, qui a passé quelques années en Amérique du Nord, est le meilleur Ukrainien dans ce match. Il donne d'ailleurs un nouveau festival à la 19e. Mais Hirsch est encore là, tout comme sur une tentative lointaine du capitaine ukrainien, Serhyï Klimentiev. Le premier tiers se termine donc sur ce score de 3-2, qui laisse de l'espoir aux deux équipes.

La période suivante débute par une surprise. Olexandre Seukand, l'inamovible entraîneur du Sokil de Kyïv et de la sélection nationale, change de gardien. Exit Olexandre Fedorov et place à Vadim Seliverstov. Le gardien du Berkout de Brovary-Région de Kyïv est normalement le quatrième gardien dans la hiérarchie ukrainienne. Mais Konstantin Simtchouk a eu peur de venir, Ihor Karpenko est blessé et Fedorov pas vraiment décisif... Alors, comme la patrie est en danger, autant lancer ce gardien qui a toujours évolué dans les clubs de la capitale ukrainienne, même si ce n'est aujourd'hui que le troisième match de sa carrière en championnat du monde...

Mais c'est plutôt Hirsch qui est mis à contribution. Durant les premières minutes, il bloque en trois temps un palet chaud (21e), puis se couche sur sa ligne (23e). Quand à Seliverstov, sa première action délicate intervient également à la 23e, lorsqu'il doit se coucher sur le dos et sur le palet pour éviter le but. Je ne sais pas si cette action, à la limite de la panique, a vraiment rassuré sa défense..

Les Ukrainiens ne sont pas poursuivis par la chance, lorsque quelques secondes plus tard, le défenseur Olexandre Pobiedonostsev est séché, étendu sur la glace et doit être aidé par les soigneurs pour rentrer, difficilement, sur son banc. Mais cela n'empêche pas la charge des cosaques. Comme de fiers descendants de Taras Boulba, les Ukrainiens partent à l'assaut de la forteresse viking ! Une grosse domination des jaunes... qui doivent cependant ne pas laisser la maison abandonnée sur les contres danois. C'est le cas à la 27e, lorsque Seliverstov a difficilement renvoyé un palet très chaud et que la cage est vide... Il faut un super geste défensif de Zavalniouk qui presse l'attaquant danois et l'empêche ainsi de pousser le palet dans la cage désertée.

L'Ukraine reprend alors sa domination, mais cela reste stérile. Et à la première pénalité (Pobiedonostsev, accrocher), le Danemark reprend de la marge. Un tir dans l'axe de Kim Staal traverse une forêt de jambes et transperce Seliverstov (4-2, 30'36"). Les affaires danoises sont à la hausse.

Mais l'Ukraine ne renonce toujours pas, à l'image une fois de plus de Materoukhine qui voit son tir parfaitement bloqué par Hirsch (34e). Peter Hirsch qui est encore là à la 38e sur une belle déviation de Valentin Oletskiï. En revanche, le portier Danois a beaucoup de chance lorsqu'à quatre secondes de la sirène, alors que son équipe est en infériorité (Morten Madsen, retenir, 39e), il voit le palet lancé par Artiom Hnidenko filer juste à côté de sa cage, alors qu'il était totalement battu. L'Ukraine a raté l'occasion idéale, parfaite, de se remettre en selle, ce qui pour un cosaque zaporogue est utile...

Vingt minutes à tenir pour le Danemark, vingt minutes à espérer pour l'Ukraine. Le scénario de cette ultime période est clair. En avant toute pour les jaunes, ne prendre aucun risque pour les rouges !

C'est donc la charge de la cavalerie ukrainienne qui débute avec un tir puissant de Roman Salnikov, mais la mitaine de Hirsch ne tremble pas. Mais, le temps passe et l'on sent que l'Ukraine ne trouve pas les solutions offensives. Et l'on peut même être sacrément inquiet pour les jaunes, lors des rares contres adverses. C'est le cas à la 48e où Seliverstov doit se servir de son corps pour renvoyer un tir, après avoir perdu sa crosse !

Petit à petit, les Ukrainiens semblent dans le doute. Ils poursuivent cependant leur offensive, avec par exemple ce beau tir dans l'axe du défenseur Andryï Srioubko (52e). Et au moment où l'on commence à ne plus trop y croire, le match bascule à nouveau ! Un tir lointain (et désespéré ?) de Roman Salnikov trouve la cible, après il est vrai avoir été détourné par un défenseur danois dans sa propre cage (4-3, 52'23"). Un but certes un peu chanceux, mais qui a le mérite de rendre tout à nouveau possible.

Sous l'impulsion du kop ukrainien, le public se met à scander des "Oukraïna" des plus vifs ! Portés par la foule, les Ukrainiens sont déchaînés et il faut que Hirsch s'y prenne à trois fois pour éviter l'égalisation à la 54e !

Le problème pour les Ukrainiens, ce sont les pénalités en cette fin de match. Dmitro Tsiroul en prend une première à la 56e, et même si elle est atténuée par une prison danoise infligée quelques secondes plus tard à Morten Green, cela fait tourner le chrono. Mais que dire de la seconde pénalité concédée par Tsiroul, encore lui, à 58'34 ? Rien, à part qu'elle empêche son équipe de jouer sa chance ! C'est donc tranquillement, en supériorité numérique, que les Danois attendent la sirène (normal, une Sirène pour des Danois !).

Une sirène qui déclenche également une bagarre entre Frans Nielsen et Viatcheslav Zavalniouk qui doit être ceinturé par un juge de ligne et qui écope d'une pénalité de match (5'+20'). Visiblement, l'Ukrainien n'a pas apprécié une parole de Nielsen au coup de sifflet final. Zavalniouk qui sera même empêché par les arbitres d'aller saluer son public, puisqu'il a été expulsé...

Les Danois sont donc soulagés. Ils chantent leur hymne à gorge déployée. Ils ont sauvé leur tête en élite et prouvent qu'ils sont une nation qui monte, puisqu'ils sont dans l'élite mondiale en junior 18 et 20 ans et en senior ! Chapeau !

Quand aux Ukrainiens, ils vont devoir, encore, jouer leur peau en poule de relégation, en espérant battre deux adversaires. Pas évident, avec tous ces joueurs absents et peut-être une suspension sévère pour Zavalniouk, l'un des piliers de l'équipe. Les Ukrainiens ont montrés beaucoup de c ur, mais les trois autres équipes menacées de relégation, en auront tout autant...

Enfin, il reste une famille franco-ukrainienne qui sort déçue de la Khodinka, après avoir usé ses cordes vocales à scander en rythme "Oukraïna" et à dépenser de l'énergie à agiter les drapeaux or et azur du sponsor motorisé et tchèque ! Méchants vikings !

Désignés joueurs du match : Stefan Lassen pour le Danemark et Vitali Lyutkevich pour l'Ukraine.

Bruno Cadene

Commentaires d'après-match :

Mike Sirant (entraîneur du Danemark) : "C'était difficile et stressant comme prévu. Les deux équipes luttaient pour leur survie, par conséquent le match s'est achevé avec un but d'écart. L'important pour nous est d'avoir atteint notre objectif."

Aleksandr Seukand (entraîneur de l'Ukraine) : "En commettant de telles erreurs, il est difficile d'espérer la victoire. Ces erreurs sont inadmissibles dans un championnat du monde. Notre équipe n'est pas plus faible qu'avant, d'ailleurs le Danemark lui-même est plus faible que dans les tournois précédents. Mais que faire si certains n'appliquent pas ce que l'on a convenu avec eux avant le match ? Pourquoi encaisse-t-on deux buts pendant que Klimentiev doit être au marquage ? Vous aurez remarqué qu'on a changé les lignes. Tout cela aurait dû être testé plus tôt, mais on n'en a pas eu la possibilité, on part d'une feuille blanche. Nos adversaires font beaucoup de choses non par intuition mais par habitude. C'est la différence. J'espérais que le passage de Zavalnyuk sur la quatrième ligne donnerait stabilité et confiance. Ce n'était pas le cas, tout le monde était inerte. La poule de maintien sera très difficile. Le jour de repos supplémentaire est plutôt un moins qu'un plus. Selon mon expérience, il vaut toujours mieux une journée de match."

 

Danemark - Ukraine 4-3 (3-2, 1-0, 0-1)
Mardi 1er mai 2007 à 20h15 à la Khodynka Arena, Moscou. 6720 spectateurs.
Arbitrage de Brent Reiber assisté de Tobias Wehrli et Luca Zatta
Pénalités : Danemark 22' (16', 4', 2') ; Ukraine 37' (6', 2', 4'+5'+20').
Tirs : Danemark 15 (6, 6, 3) ; Ukraine 22 (7, 5, 10).

Évolution du score :
1-0 à 01'26" : Starkov assisté de F. Nielsen et Regin
1-1 à 07'36" : Materukhin assisté de Shafarenko
2-1 à 10'31" : Pander assisté de Regin
3-1 à 13'13" : Staal assisté de Pander et Regin
3-2 à 13'39" : Matvychuk assisté de Bobrovnikov
4-2 à 30'36" : Staal assisté de Damgaard et Green (sup. num.)
4-3 à 52'23" : Salnikov assisté d'Oletsky et Zavalnyuk
 

Danemark

Attaquants :
Bo Nordby (-1, 2') - Morten Green (A, 4') - Kim Staal (+1)
Kirill Starkov (+2) - Frans Nielsen (A, +1) - Peter Regin (+2)
Morten Madsen (-2, 2') - Mads Christensen (-2, 2'+10') - Christoffer Kjærgaard (-1)
Thor Dresler - Michael Smidt (-1, 2') - Rasmus Olsen

Défenseurs :
Mads Bødker (-2) - Jesper Damgaard (C, -1)
Rasmus Pander (+3) - Daniel Nielsen (+2)
Stefan Lassen (-1) - Andreas Andreasen (-1)
Mads Møller

Gardien :
Peter Hirsch

Remplaçants : Michael Madsen (G), Jens Nielsen.

Ukraine

Attaquants :
Dmitro Tsyrul (+1, 4') - Valentin Oletsky - Roman Salnikov (+1)
Oleksandr Materukhin (-1, 2') - Oleg Shafarenko - Vitali Donika (+1)
Oleksandr Matvichuk (+1) - Vasyl Bobrovnikov - Vitali Semenchenko (-1)
Artem Hnidenko - Vyacheslav Zavalnyuk (A, 2'+5'+20') - Siarhei Kharchenko

Défenseurs :
Yuri Hunko (A, +1, 2') - Oleksandr Pobedonotsev (2')
Sergei Klimentiev (C, -1) - Yuri Navarenko (-1)
Vitali Lyutkevich - Andrei Sryubko
Denis Isayenko - Vyacheslav Timchenko

Gardien :
Oleksandr Fedorov puis à 20'00" Vadim Seliverstov

En réserve : Igor Karpenko (G).

 

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