Bâle - Berne (19 novembre 2006)

 

Match comptant pour la vingtième journée de Ligue nationale A.

C'était écrit et Éric Landry a fini par quitter Bâle par une porte dérobée. Tout avait commencé lors d'un match - perdu - face à Kloten fin octobre où le centre canadien, en conflit avec son entraîneur Kent Ruhnke, s'était vu infliger une mise à pied par sa direction. Depuis, l'incertitude régnait sur son avenir mais les rumeurs allaient bon train sur sa future destination.

Dans ce "conflit", c'est bien Ruhnke qui aura eu le dernier mot en poussant deux joueurs majeurs (ou prétendus dans le cas du décevant Shawn Heins) vers la sortie et affirmant davantage sa place dans la hiérarchie du club rhénan. Dans tous les cas, Éric Landry semble ne pas être perdant au change. Avec Berne, il intègre une formation ambitieuse et à forte connotation "franco-canadienne" avec comme chefs de file les Sébastien Bordeleau, Simon Gamache et Christian Dubé. La perte est toutefois conséquente pour l'EHC Bâle, déjà dépourvu de gros bras aux avant-postes malgré l'émergence de Thomas Nüssli. C'est dire la pression qui incombera au successeur de Landry, l'ailier Jim Campbell, lui aussi dans le feu de l'action à la fin du mois d'octobre. En effet, Campbell (33 ans), embauché cet été par Viège (LNB), a récemment défrayé la chronique en frappant Kevin Ryan, l'entraîneur haut-valaisan, à coups de bâton lors d'un match pourtant sans histoires face au néo-promu Thurgovie. Viré sur le champ, l'Américain aura fini par rapidement retrouver un emploi mais devra rester dans ses petits souliers pour éviter de réveiller le volcan Ruhnke...

L'autre à en faire les frais à Bâle, le blueliner Shawn Heins, est lui parti plus anonymement, à l'image de son apport sur la glace. Le Canadien arrivé de DEL, trop peu rassurant, n'était décidément pas à la hauteur et très loin d'être un leader comme le fut Olivier Keller il y a peu. Le robuste Canadien, parti se relancer à Fribourg-Gottéron, s'est vu remplacé par un autre joueur coupé récemment, le routinier suédois Petri Liimatainen (37 ans), engagé cet été par Lugano. Surnuméraire dans le Tessin, l'ancien défenseur-étoile de DEL s'est vu libéré de ses obligations et est parvenu à conclure un pacte d'un mois avec l'état-major de l'EHC. Et peut-être plus si affinités, à l'image de Jim Campbell, lui aussi mis à l'essai. Enfin, notons également dans ce tohu-bohu Stefan Tschannen, de retour de prêt de Langenthal (LNB).

Un rideau de fer à la sauce bernoise

En fin de compte, ce match pauvre en occasions peut facilement se résumer tant la mainmise bernoise fut totale sur l'ensemble des débats. En exploitant une relance hasardeuse de Daniel Manzato le long de la bande puis en repiquant au centre pour scorer du revers, l'international helvète Patrik Bärtschi donne, déjà, un avantage quasi-définitif à ses couleurs (0-1 à 01'39"). Car un but d'avance semble être largement suffisant pour l'entraîneur canadien John Van Boxmeer, tissant dès lors une véritable toile d'araignée en zone neutre. Les Bernois semblent à l'aise dans ce système ultra-protectionniste et n'ont aucun mal à cueillir les tentatives de relances locales, toutes interceptées avant la ligne médiane.

C'est dire toute la difficulté proposée à Bâle pour construire ses sorties de zone devant un tel mécanisme défensif, couvrant à merveille la largeur du glaçon et offrant à ses auteurs un nombre conséquent de contre-attaques. Rapides comme l'éclair, les contres bernois sont percutants et font souffrir une formation rhénane toujours diminuée défensivement. Notamment impulsés, surtout en début de partie, par un Éric Landry transcendé, ces raids tiendront Daniel Manzato en haleine durant de longues minutes, et accentueront la domination bernoise sur son premier jeu de puissance du match (02'52"). Là-dessus, la garde québécoise fait des dégâts mais Manzato sort le grand jeu pour éviter le naufrage de ses coéquipiers.

Sitôt sortis de cette situation brûlante, les Rhénans retrouvent cette fameuse trappe les stérilisant totalement. Un contraste assez saisissant quand on connaît les aptitudes développées ces dernières saisons par Kent Ruhnke dans ce domaine. Mais voilà, le technicien bâlois ne trouve pas l'ombre d'une solution, comptant exclusivement sur le talent de Thomas Nüssli pour porter un tant soit peu le danger aux abords de la cage de Marco Bührer. Le top-scoreur frontalier peut en effet se targuer d'être le seul à jouer au passe-muraille au cours de ces premières minutes mais son apport reste trop isolé pour espérer contrecarrer les desseins bernois.

C'est dire toute la quiétude des Ours, seulement dérangés dans leurs plans par trois infériorités successives. En effet, seules leurs indisciplines passagères permettent aux locaux de voir s'entrouvrir la passage vers la terre promise. Mais le jeu de puissance, à chaque fois bien installé, ne parvient pas à mettre Bührer en danger malgré une certaine activité et deux grosses occasions de Jim Campbell à bout portant (13e). Bâle a laissé passer sa chance et son adversaire reprend alors ses positions pour poursuivre sa guerre d'attente. Toujours aussi sereinement même si une montée commune de Patric Della Rossa et Adrien Plavsic viendra donner quelques sueurs froides aux partenaires de Sébastien Bordeleau (19e).

Le scénario reste évidemment inchangé à l'entame du tiers médian, débuté par les joueurs de la capitale en supériorité numérique à la faveur d'un pénalité de Jim Campbell en fin de première période (19'57"). Nerveux et régulièrement chassé des mises au jeu, l'attaquant américain n'est pas d'une grande aide à ses coéquipiers et les laisse affronter un powerplay redoutable. Les assiégeants déchaînent comme prévu l'enfer sur la cage d'un Daniel Manzato solide devant le rude Thomas Ziegler (21e) et chanceux de voir Marc Reichert trouver le petit filet extérieur (22e).

Les débats, malgré l'emprise bernoise, n'en restent pas moins âpres car Bâle n'est pas encore résigné à lâcher l'affaire. La tension se fait ainsi sentir sur la glace et les Rhénans, à l'usure, parviennent enfin à briser très occasionnellement le faux-rythme ambiant. Des piqûres de rappel plus douloureuses que dangereuses en raison de la fébrilité légendaire de l'EHC Basel dans le dernier geste, illustrée une fois encore par ces deux cages quasi-vides ratées par Della Rossa (27e) et Bundi (30'13"). Impardonnable !

Il n'en faut pas plus au SCB pour donner un tour de vis supplémentaire, cadenassant désormais totalement le match. Même les avantages numériques se voient stoppés avant terme et cette situation occasionne bien entendu un nombre conséquent de contres. Sur l'un d'eux, Sébastien Bordeleau, parti s'engouffrer dans le dos de la défense, fixe bien Manzato mais ne parvient pas à cadrer son tir du poignet (32'27"). Le Franco-Canadien obtiendra bien une nouvelle chance peu de temps après en powerplay mais l'(ex?)international tricolore ne sera pas assez opportuniste pour parvenir à trouver la faille. Il sera en revanche suffisamment près de Manzato pour déclencher un début d'hostilités dans le slot et récolter 2'+2' pour cinglage et jeu dur (34'55").

Rien n'y fait cependant pour les locaux, toujours aussi perturbés par ce placement en zone neutre. Ne sachant alors plus trop quoi faire pour venir à bout de cette toile d'araignée, les Rhénans finissent ainsi par tomber dans l'approximation, eux qui au départ sont déjà loin d'être des monstres de régularité ! Mais, fort heureusement, leur portier rattrape le coup en restant bien sur ses appuis pour mettre en échec un Simon Gamache échappé (39'26").

Jusqu'ici l'attentisme des Bernois leur aura permis d'éviter un maximum de situations compromettantes. Mais pas d'empêcher un certain ennui dans les travées pour une fois bien garnie (merci les partisans bernois !) de l'arène Saint-Jacques. Toutefois, John Van Boxmeer sait bien qu'il n'est jamais bon d'enterrer trop vite l'EHC Bâle, capable par moments de sacrés retournements de situations. C'est pourquoi son équipe reste dans sa configuration fétiche à l'entame des vingt dernières minutes. Mais voilà, c'est sans compter avec le concours de la chance (ou de la malchance selon le camp où l'on se place)...

L'inspiration fatale de Nüssli

Tout laisse pourtant présager de bonnes choses aux Bâlois, obtenant rapidement une situation de pénalité différée et tentant par conséquent de gagner un maximum de temps en zone offensive. Logiquement, Daniel Manzato quitte sa cage pour laisser place à un sixième attaquant. Jusque là, rien que du classique, et Bâle ne court théoriquement aucun danger; le jeu s'arrêtant inévitablement dès qu'un Bernois touchera le puck. En théorie car ce qui va suivre défiera toute logique... Toujours en possession de la rondelle, l'EHC Basel poursuit son occupation provisoire de la zone offensive en tentant de faire circuler le disque. C'est alors que celui-ci arrive sur Thomas Nüssli, posté à gauche du gardien sur la ligne de fond. Désireux de servir sans tarder un de ses arrières positionnés à la bleue, le top-scoreur confond vitesse et précipitation en ajustant mal sa passe en retrait. Trop appuyée en plus de ça, celle-ci ne trouve personne, et le hic, c'est que derrière justement, il n'y a plus de couverture, plus de gardien et que ce palet glisse trop vite pour être récupéré à tant. Et ce qui devait arriver arriva, dans l'incompréhension générale, le palet finissant tranquillement sa course au fond des filets. En moins de dix secondes, le ciel est tombé sur la tête de tout le camp bâlois...

Comment réagir en pareil cas ? C'est toute la question posée aux officiels, aussitôt assaillis de protestations bâloises arguant que des Bernois auraient (et cela semblait bien être le cas) interféré durant cette pénalité différée et que le jeu aurait dû arrêté. Difficile de déterminer ce qu'il en est au juste et le trio arbitral finira, après moult palabres, par accorder ce but invraisemblable (0-2 à 41'12").

Ce coup du sort est de trop pour Bâle, récupérant malgré tout sa supériorité numérique initiale. Les coéquipiers de l'infortuné Thomas Nüssli, auteur ce soir du but le plus incroyable de l'année, n'ont dès lors plus les ressources morales pour perpétuer la lutte devant un opposant toujours aussi solide défensivement. Cette tenaille bernoise, véritable modèle du genre, confère aux nouveaux coéquipiers d'Éric Landry une maîtrise absolue de son adversaire. Rien ne traversera plus ce rideau étanche et suffisamment rôdé pour que le gardien international Marco Bührer puisse dormir de ses deux oreilles... Tout cela donne par conséquent une fin de match encore plus ennuyeuse que le match en lui-même, Berne ayant également cessé toute velléité offensive depuis belle lurette. Pour la forme, Kent Ruhnke fait sortir son gardien à l'entame des ultimes minutes pour tenter un improbable coup de poker mais la fortune ne lui réussit pas plus, Patrik Bärtschi récupérant un puck fuyant sur le côté gauche pour faire apprécier la précision de son revers vers une cage ouverte à tous vents (0-3 à 58'31"). Cette ultime réalisation du grand espoir formé à Kloten donne plus de relief à un succès total. Ses couleurs auront en effet gagné sur toute la ligne, asphyxiant avec une déconcertante facilité un EHC Bâle trop limité.

Plus que la victoire bernoise en elle-même, infiniment logique au vu de la physionomie des débats, c'est surtout ce but-gag qui restera dans les mémoires. Davantage due à une succession de coïncidences qu'autre choses, cette passe fuyante de Thomas Nüssli, l'âme de l'attaque, aura achevé un ensemble bâlois trop rapidement mené au score. Contraints ensuite d'aller s'embourber dans la toile tissée en zone neutre par John Van Boxmeer, les frontaliers n'auront jamais pu faire douter une formation bernoise impressionnante dans sa couverture défensive et terriblement saignante dans ses contre-attaques. Face à une telle maîtrise collective, les hommes de Kent Ruhnke n'ont finalement jamais trouvé les solutions, et n'auront par conséquent pas pu gâcher le retour d'Éric Landry, qui se sera effectué dans une relative indifférence. Comme la première de son remplaçant Jim Campbell, largement moins convaincant sur ce match que le défenseur Petri Liimatainen.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Bâle - Berne 0-3 (0-1, 0-0, 0-2)

Dimanche 19 novembre 2006 à 15h45 à la St.Jakob-Arena. 4531 spectateurs.

Arbitrage de M. Kunz assisté de MM. Hoffmann et Schmid.

Pénalités : Bâle 16', Berne 18'.

Évolution du score :

0-1 à 01'39" : Bärtschi assisté de Reichert et T. Ziegler

0-2 à 41'12" : Steinegger

0-3 à 58'32" : Bärtschi assisté de Steinegger

 

Bâle

Gardien : Daniel Manzato.

Défenseurs : Gaétan Voisard - Adrien Plavsic ; Ralf Bundi (A) - Chris Bright ; Petri Liimatainen - Lukas Gerber; Franco Collenberg.

Attaquants : Patric Della Rossa - Jim Campbell - Niklas Anger (A) ; Stefan Voegele - Alex Chatelain (C) - Thomas Nüssli ; Jussi Tarvainen - Andreas Camenzind - Régis Fuchs ; Julian Walker - Sandro Tschuor - Stefan Schnyder ; Stefan Tschannen.

Remplaçants : Daniel Rüfenacht (G), Corey Ruhnke. Absents : Mark Astley (genou), Markus Wüthrich (blessé), Ralph Stalder.

Berne

Gardien : Marco Bührer.

Défenseurs : Dominic Meier - Rolf Ziegler ; Beat Gerber - Martin Steinegger (C) ; David Jobin - Tommi Söderholm.

Attaquants : Sébastien Bordeleau - Éric Landry - Christian Berglund ; Ivo Rüthemann - Simon Gamache - Christian Dubé (A) ; Patrik Bärtschi - Thomas Ziegler (A) - Marc Reichert ; Raeto Raffainer - André Rötheli - Corsin Camichel ; Daniel Meier.

Remplaçant : Marco Wegmüller (G). Absents : Reto Kobach et Philippe Furrer (blessés).

 

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