Épinal - Grenoble (31 octobre 2006)

 

Match comptant pour la neuvième journée de la Ligue Magnus.

Le temps des regrets

La montagne, ça vous gagne ! Rarement slogan publicitaire n'aura si bien résumé l'état d'esprit spinalien après sa victoire sur les hauteurs de Saint-Gervais (3-1). Malgré un environnement hostile et de regrettables incidents d'après-match (certains individus ont même crevé les pneus du bus vosgien...), les Dauphins ont su répondre au défi montblanais. Ce succès alpin ne fait que confirmer le potentiel spinalien et aura permis à Milan Buda de superbement remonter sa cote après plusieurs semaines d'errances. Son inconsistance lui ayant valu auparavant une mise au point présidentielle, Buda a su rebondir en quittant la troisième ligne pour remplacer Ján Šimko le temps de son indisponibilité. Aligné avec la paire Petrák-Plch, Buda a signé là-haut un match plein pour sauver sa tête in extremis... En même temps, il est difficile de ne pas briller aux côtés d'un Ján Plch plus dominateur que jamais et assurément au sommet de son art sous la tunique bleue.

C'est donc confiants en leurs moyens que les Lorrains accueillent leur premier gros calibre de la saison en championnat. Pourvu d'une défense de fer (la meilleure de Ligue Magnus) et restant sur un énième blanchissage (2-0 devant Chamonix), Grenoble vire en tête à l'amorce du mois de novembre, non sans avoir connu quelques frayeurs, comme à Strasbourg voilà deux semaines. Leur gardien Eddy Ferhi ayant réalisé samedi son quatrième jeu blanc de la saison, les Brûleurs de Loups s'appuient plus que jamais sur cette solide assise défensive pour compenser un rendement offensif actuellement altéré par la blessure de leur leader Roger Jönsson. Voilà l'ICE mise à l'épreuve du feu...

Épinal, au cśur du sujet

Après une entrée en matière plutôt grenobloise, Vosgiens et Isérois se neutralisent au petit jeu des pénalités. Les premières escarmouches sont pourtant visiteuses et Stanislav Petrik connaît ses premières frayeurs face au remuant duo de pointe Broz-Masa (4e) alors que son alter-ego Eddy Ferhi doit lui se montrer solide devant Milan Buda (04'49"). Le ton est donné et Épinal semble plus décidé que jamais à jouer sa chance. Celle-ci désigne d'abord Grenoble, profitant d'une première salve de supériorités pour s'affirmer aux abords de la cage vosgienne. La défense locale s'échine donc à résister à une présence inquiétante mais Petrik fait le métier en repoussant de la botte une reprise de Baptiste Amar (08'04") avant de frustrer une première fois Ludek Broz (08'37"). Mais voilà, la pénalité a beau avoir été tuée, la rondelle demeure en zone offensive et Jean-François Bonnard, sur une remise en jeu, adresse depuis l'aile gauche un tir plongeant, presque une feuille morte, qui vient mourir dans les filets spinaliens (0-1 à 08'41").

Assurément pas payés en retour, les hommes de Pierre-Yves Eisenring tentent de repartir de l'avant mais se voient freinés dans leur progression par une succession de petites erreurs. Prenant alors soin de corriger le tir en démontrant une capacité de résistance jusqu'alors insoupçonnée en infériorité numérique, même en l'absence du toujours sûr Peter Slovák (forfait suite à une charge encaissée ce week-end), ils tiennent bon. Mieux encore, l'ICE se procure la meilleure occasion sur un break de Chassard et sort ragaillardie de ces minutes de pénitence. Obtenant compensation sur un cinglage de Broz (13'48"), Épinal cherche alors à fructifier sa bonne dynamique en prenant à défaut un carré grenoblois pas totalement souverain. Pas assez en tout cas pour empêcher Ján Plch, même bousculé, de créer le danger auprès d'Eddy Ferhi (15'18"). L'ex-portier angloy, qui avait connu ici même une soirée noire voilà onze mois, s'emploie encore en détournant une nouvelle salve d'un Plch déchaîné (15'25"). La menace se précise aux abords de sa cage mais une transmission mal assurée en sortie de zone va se voir récupérée par Martin Paquet, qui part en break mais bute sur un Petrik héroïque (15'52").

Un parfum des grands soirs

Ayant pris le parti d'évoluer à deux lignes, par la force des choses et d'un troisième bloc vraiment trop limité à ce niveau, les Dauphins consentent à une sacré débauche d'énergie et font mieux que se défendre devant des Brûleurs de Loups mordants en contre-attaque sous l'impulsion de Ludek Broz et Martin Masa. Toutefois, ce sont eux qui profitent pour l'heure du rythme élevé de ces premières minutes devant des Vosgiens étonnants et confiants.

Pourront-ils tenir longtemps à ce rythme effréné ? La question brûle les lèvres dans des estrades de Poissompré bondées, comme au bon vieux temps. Les intéressés semblent infatigables et poursuivent dans cette voie avant que la tour de contrôle Jan Bohácek ne se voit appelée au banc d'infamie (20'31"). Est-ce pour autant le début des ennuis spinaliens ? Eh bien pas le moins du monde car la défense poursuit ses prouesses en désavantage numérique, allant jusqu'à faire bégayer le jeu de puissance et le Canadien Martin Paquet, pressé à la bleue par un Guillaume Chassard omniprésent et surpris au point de laisse filer le capitaine local, pas verni de voir son échappée se terminer sur le poteau gauche de Ferhi (22e). Trop imprécis et contrariés par la fougue des Dauphins, les Isérois basculent alors rapidement dans la nervosité et l'indiscipline...

Un scénario propice aux techniciens slaves de l'ICE, en particulier un Ján Plch prenant un malin plaisir, comme à son habitude, à mettre à mal toute l'organisation défensive adverse (22'15"). Celle-ci tient malgré tout le choc devant les coups de boutoirs, soutenue avec brio par un Eddy Ferhi bien présent. Mais voilà, l'effet de répétition va jouer son rôle et la muraille, réduite à trois hommes, va craquer une première fois devant le jeu rapide déployé par le trio de choc des Dauphins. Ainsi, Milan Buda se voit - enfin - conclure au second poteau une belle séquence en zone offensive après un jeu à trois initié par Jan Bohácek et relayé par l'inévitable Ján Plch (1-1 à 25'26"). Épinal obtient là une juste récompense mais ne veut pas s'arrêter en si bon chemin, profitant de la seconde pénalité adverse pour perpétuer le danger. Dans un souffle conquérant, l'ICE prend même l'avantage sur une nouvelle démonstration de sa rapidité d'exécution. Cette fois-ci, c'est la deuxième ligne et Guillaume Chassard qui trouve la faille dans la confusion (2-1 à 26'21"). l'ICE vient de réussir en soixante secondes là où son cher voisin strasbourgeois avant échoué durant tout le match voilà moins de deux semaines...

Actes de bravoure

Reste désormais à tenir devant des BDL piqués dans leur orgueil, qui réagissent aussitôt sur une interception et une échappée de l'espoir Sacha Treille, bien contrecarrée par Stanislav Petrik (27'32"). Fêtant une de ses rares apparitions par une nouvelle pénalité (27'44"), la troisième ligne vosgienne reste stupéfiante de fébrilité et ramène Grenoble en supériorité numérique. Mais comme la défense locale reste au diapason de l'ensemble, jouant avec du cśur et une sacré intensité, les assiégeants peinent à prendre le dessus. Il leur faudra une sanction sévère appelée à l'encontre du remuant Tomáš Jelínek (29'25") pour faire la différence et créer l'égalité sur un décalage et une passe devant la cage de Benoît Bachelet, reprise imparablement au second poteau par Christophe Tartari (2-2 à 29'39"). Épinal paye-là sa débauche d'efforts et entame une période difficile où les prouesses de Stanislav Petrik lui sauvent la mise. En y mettant même la petite dose de spectacle nécessaire, comme sur cette récupération de Benoît Bachelet et cet essai à bout portant qu'il gobe de la mitaine sur sa ligne de but (31'24").

Impuissants à faire fléchir le dernier rempart, les Grenoblois retombent dans leur travers disciplinaires mais gardent à distance leurs hôtes, où plutôt essayent car il ne leur est guère facile de contenir une telle vivacité. Cette rapidité peut ainsi faire la différence à tout moment et cette montée de Michal Petrák, détournée in extremis par Eddy Ferhi en fin d'infériorité (34'14"), en est la parfaite illustration. Assez régulièrement débordés, les Isérois s'en remettent donc à leur portier, intransigeant de la mitaine devant Ján Plch (39'01"). Cet acte médian de haute tenue, conclu sur un remarquable travail collectif, souligne fort bien l'abattage spinalien. Mais où s'arrêteront-ils ?

Épinal laisse passer sa chance...

Pas avant d'avoir repris l'avantage pardi ! Autour d'un Plch rayonnant et se donnant sans compter, les Dauphins tirent profit de l'indiscipline adverse pour poursuivre leur entreprise de déstabilisation, bien aidés en cela par deux premières lignes de très haut niveau et plus complémentaires que jamais. Tout y passe mais rien n'y fait en dépit de la vista de Ján Plch. Le stratège venu d'Extraliga met le feu aux poudres mais ne peut venir à bout d'un Eddy Ferhi suffisamment bien placé pour tenir la boutique. Et quand leur bon génie slovaque n'est pas sur la glace, c'est la deuxième ligne et plus particulièrement Luc Mazerolle qui s'illustre, sans pour autant faire plier l'international français (42'58"). Secoués sur ces dernières minutes, les hommes de Gérald Guennelon enchaînent les pensums, filant assurément un mauvais coton. Ainsi, ses troupes passeront de longues minutes en double désavantage numérique, ne devant leur salut qu'à la bienveillance de Ferhi devant leur filet face à une escouade bleue transcendée, mais pas toujours inspirée dans ses options.

Grenoble, réputé pour sa solidité défensive, montre ce soir ses limites devant la vaillance et l'envie spinaliennes. Éprouvant les pires difficultés à maîtriser l'influence d'un Ján Plch transparaissant sur ses partenaires, les Brûleurs de Loups se mettent en danger mais résistent comme ils peuvent pour finalement sortir indemnes d'une situation fort compromettante. Les Dauphins en revanche peuvent se mordre les nageoires de n'avoir su capitaliser pareilles occasions. C'est le tournant du match...

...Grenoble la saisit

Car, si l'ICE n'a pu faire sauter la banque, Grenoble va se faire une joie de servir à son hôte une leçon de réalisme. Sur une seule supériorité numérique, les BDL prennent l'avantage sur un rebond gagnant de Martin Masa, repris en pivot après un tir préalable de Viktor Walllin, et assènent un terrible coup au moral des Spinaliens (2-3 à 51'43").

Nourrissant le sentiment légitime de passer à côté d'un exploit pourtant largement à portée de crosse, les Dauphins tentent de retrouver des ressources. Mais ces dernières s'épuisent au fil du temps et les joueurs de la Cité des Images, au courage, essayent un ultime baroud d'honneur. Puisant dans l'énergie du désespoir, ceux-ci n'abdiquent en aucun cas mais payent en retour un certain manque de lucidité, à l'instar de ce nouveau breakaway vendangé par Ján Šimko (54'24"). Redoublant d'efforts pour arracher une hypothétique prolongation, Épinal presse, presse encore mais ne parviendra jamais à refaire son retard. Le dénouement est donc rude et les Dauphins pourront regretter amèrement cette fameuse succession d'avantages numériques en début de troisième période...

Le gâteau sans la cerise

C'est le temps des regrets pour des Spinaliens parés de la tenue des grandes soirées, combatifs et tenaces à souhait, mais finalement battus sur la plus courte des marges. S'ils sont tombés les armes à la main devant un leader grenoblois loin d'être souverain, les Vosgiens ne peuvent cacher leur déception d'être passés à un battement d'aile d'une performance retentissante. Bien organisés défensivement, solidaires dans l'effort et percutants aux avant-postes, les hommes de Pierre-Yves Eisenring ont fait douter jusqu'au bout leurs adversaires, au point de furtivement mener au score avant de payer leur manque de fraîcheur physique en fin de partie. Comment pouvait-il en être autrement en tournant à deux lignes, la troisième n'étant pas assez compétitive et logiquement réduite à un rôle de faire-valoir ?

Certes, les cols-bleus Michal Petrák (quelle activité dans les deux sens !), Tomáš Jelínek et autres Guillaume Chassard ont rivalisé de vaillance et de labeur pour compenser le manque de rotations. Certes Ján Plch aura une nouvelle fois illuminé le jeu de sa clairvoyance, se comportant en véritable poison aux-côtés d'un Milan Buda revigoré. Certes Stanislav Petrik fut "petrikéen" comme à ses plus belles heures. Certes, la défense fut remarquable, à l'image d'un Jan Bohácek impressionnant de rigueur, mais le résultat est là. Brut. Sévère.

Pour avoir joué ce match avec une telle intensité, Épinal méritait la victoire. Celle-ci lui tendait pourtant les bras, on connaît la suite...

Après être passés bien près de la correctionnelle, les Grenoblois repartent des Vosges avec deux points. Sans convaincre, notamment à l'arrière où la vivacité de la légion tchécoslovaque fut diablement ardue à contenir, mais avec le sentiment du devoir accompli. Plus réalistes et surtout plus riches en rotations, les Isérois se sont pourtant fait de belles frayeurs. Chahutés et souvent fautifs, les Brûleurs de Loups ont clairement manqué de discipline et auraient pu le payer très cher. Mais voilà, quelques bonnes parades d'Eddy Ferhi, un manque de réussite locale et un brin de chance ont fait pencher la balance de leur côté. Pour ce second déplacement dans l'est de l'Hexagone, Grenoble a donc évité le piège. Mais sans spécialement y mettre la manière.

Si le spleen laissera place à la satisfaction d'avoir livré-là une sacré bataille, l'ICE doit s'en servir comme tremplin avant d'aborder le déplacement à Rouen. Après avoir résisté au feu des Brûleurs de Loups, les Spinaliens devront faire de même devant les flammes du Dragon et des frères Thinel...

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Épinal - Grenoble 2-3 (0-1, 2-1, 0-1)

Mardi 31 octobre 2006 à la patinoire de Poissompré. 1200 spectateurs.

Arbitrage de Didier Bocquet assisté de Damien Bliek et Jeremy Rauline.

Pénalités : Épinal 22' (12', 8', 24'), Grenoble 28' (6', 14', 8').

Tirs : Épinal 25 (7, 11, 7), Grenoble 27 (18, 10, 9).

Évolution du score :

0-1 à 08'41" : Bonnard assisté de Lindström

1-1 à 25'26" : Buda assisté de Plch et Bohácek (double sup. num.)

2-1 à 26'21" : Chassard (sup. num.)

2-2 à 29'39" : Tartari assisté de B. Bachelet (sup. num.)

2-3 à 51'43" : Masa assisté de Wallin (sup. num.)

 

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik [sorti de sa cage à 59'35"].

Défenseurs : Jan Bohácek - Radoslav Regenda ; Peter Strapatý - Peter Lištiak ; Borislav Ili&c - Lionel Simon.

Attaquants : Milan Buda - Michal Petrák - Ján Plch (A) ; Luc Mazerolle [puis Ján Šimko] - Tomáš Jelínek - Guillaume Chassard (C) ; Ján Šimko - Anthony Maurice (A) - Guillaume Papelier.

Remplaçants : Franck Constantin (G), Anthony Pernot, Kévin Benchabane, Sébastien Geoffroy. Absent : Peter Slovák (blessé).

Grenoble

Gardien : Eddy Ferhi.

Défenseurs : Baptiste Amar (A) - Brad Woods ; Viktor Wallin - Jean-François Bonnard (A) ; Simon Bachelet - Teddy Trabichet.

Attaquants : Martin Masa - Ludek Broz - Kévin Hecquefeuille ; Cyril Papa - Christophe Tartari - Jimmy Lindström ; Sacha Treille - Martin Paquet - Benoît Bachelet (C).

Remplaçants : Frédéric Dorthe (G), Quentin Garcia, Nicolas Prophette. Absents : Antonin Manavian (déchirure), Roger Jönsson (genou), Martin Millerioux (commotion), Nicolas Antonoff (épaule), Joan Montesinos (genou).

 

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