Match comptant pour la onzième journée de Ligue nationale A.

Il y eut par le passé la "Main de Dieu" de Diego Maradona lors du Mundial mexicain de 1986. Chacun se remémore également le fameux épisode de la "Cuisse de Zidane", presque une affaire d'État en avant-goût d'un morne Mondial 2002. Désormais, il faudra se souvenir du "Doigt de Ruhnke"...

Pour une seconde d'égarement lors du succès de ses troupes sur celles de Davos (3-2) et ce geste peu élégant envers le banc adverse (un doigt d'honneur), l'entraîneur Kent Ruhnke s'est mis au ban de la LNA. Puni d'un match de suspension (purgé la veille à Langnau), Ruhnke n'a pas échappé, outre l'amende réglementaire (1000 francs suisses), à la critique unanime du petit monde du hockey helvétique. Cet "incident", immortalisé par les caméras de télévision, aura déclenché une vive polémique et perpétué la sulfureuse réputation associée au Canadien, qui peinera désormais à la faire mentir. Car le bougre, nullement assagi par cette levée de bouclier, a aussitôt récidivé en se crêpant le chignon avec l'arbitre suédois Thomas Andersson, mobilisé pour le match Berne-Bâle (4-3)... Et tout cela, entre gentlemen, ne se fait évidemment pas...

Pour le reste, Bâle a bien amorcé sa remontée après une série creuse de cinq défaites consécutives. Après Davos, Bâle s'est donc incliné de peu chez le favori bernois (3-4) avant d'assommer un peu plus des ZSC Lions en pleine déconfiture (3-2 en fusillade). Les SCL Tigers partagent avec leur hôte quelques similitudes, à commencer par un parcours irrégulier fait de hauts (victoire contre Davos et blanchissage de Zurich au Hallenstadion) mais surtout de bas. C'est donc sans surprises qu'Emmentalois et Rhénans se côtoient dans le ventre mou du classement. Les SCL Tigers ont toutefois repris l'avantage en s'imposant hier aux tirs aux buts (3-2). Bâle n'avait alors pas su conserver son avance en se faisant rejoindre au score avant que Michael Liniger ne creuse leur tombe en assortissant son doublé du penalty décisif...

Pour la revanche en terre rhénane, Kent Ruhnke reprend du service derrière son banc après l'intérim de son assistant Olivier Horak, et dans une assistance presque clairsemée. Plus qu'à l'accoutumée à "Federer-City" en raison des "Swiss Indoors" de tennis se déroulant à quelques mètres de là... Pourtant, les deux kops rivaux qui se font face donnent de la voix, mais l'un des deux va vite devenir aphone. On le comprend après l'entame de match désastreuse des SCL Tigers, sanctionnés juste après le coup d'envoi (0'08") et aussitôt mis sous pression par le jeu de puissance local. Après un essai inaugural de Thomas Nüssli (00'55") et une reprise à ras de glace de Gaétan Voisard (01'05"), le puck va finir par rentrer sur bon travail initié par Éric Landry ligne de fond. Le Canadien s'amène dans le coin près de Matthias Schoder et le pousse à concéder un rebond chaud-brûlant repris par Jussi Tarvainen dans la mêlée (1-0 à 01'24").

Cela ne pouvait pas plus mal commencer pour des Tigres emmentalois oppressés et indisciplinés, bien heureux de voir leur adversaire faire quelques mauvais choix en attaque. Ce n'est que partie remise pour un EHC Bâle conquérant et décidé à perpétuer un rythme d'enfer. Ne lâchant rien en zone d'attaque, les locaux ont un tigre dans le moteur et gagnent tous les duels. À l'image de cette bataille contre la bande aboutissant à une remise en retrait vers Markus Wüthrich qui, posté en entrée de zone, arme son slap pour voir son rebond être repoussé par Schoder devant l'opportuniste Stefan Schnyder. Le lutin bâlois se charge ainsi de régler la note, du revers (2-0 à 04'28").

L'entame est rude pour Langnau, déjà poussé dans ses derniers retranchements et visiblement pas dans son assiette. Ne se montrant dangereux qu'en supériorité numérique, comme sur ce slap de Brad Fast, capté au vol par Daniel Manzato devant Lee Jinman (07'29"), les SCL Tigers rivalisent d'impuissance tout en commettant trop d'erreurs face à des Rhénans bien organisés. S'appliquant jusqu'alors à gérer leur pécule, les hommes de Kent Ruhnke en profitent pour reprendre position dans une tanière ouverte à tous vents où le gardien du temple, Matthias Schoder, reste heureusement vigilant. Sans forcer outre mesure son talent, Bâle regagne sereinement les vestiaires, forts d'une avance de deux buts sur des Emmentalois aux jambes lourdes et pas encore rentrés dans la partie.

N'ayant jusqu'alors pas - ou si peu - montré le bout de leur museau, les Tigres de l'Emmental signent ça et là quelques timides incursions en zone offensive avant la déferlante de pénalités. Celle-ci s'ouvre sur un début de brassage entre Matthias Joggi et Andreas Camenzind (22'16") avant qu'une indiscipline de Ralf Bundi n'offre aux visiteurs une confortable opportunité en double avantage numérique. Enfin, pas pour longtemps, car le Suédois Peter Högardh, coupable d'un faire-trébucher sur Éric Landry (23'08"), nivelle quelque peu les forces en présence. Un homme de plus sur le glaçon, c'est bien assez suffisant pour Langnau qui fait alors tourner son jeu de puissance et finit par trouver l'ouverture sur une passe devant la cage de Miettinen, qui temporise bien et profite de l'écran de Jinman devant le gardien pour servir au second poteau un Martin Stettler libre de toute contrainte pour réduire le score (2-1 à 23'28").

Peut-être les dieux sont-ils fâchés avec Kent Ruhnke car l'averse redouble sur la tête de ses tuniques noires. Mais cette fois-ci, le penalty-killing tient bon malgré une sentence (comprenez une cage vide) ratée par le bourreau Michael Liniger (25e). Mieux encore, Bâle se sort des griffes de son prédateur pour titiller Schoder, impeccable sur le tir excentré de Della Rossa (25'01") et secondé par son montant droit sur un lancer flottant de Wüthrich (25'06").

Malgré ces coups de semonces, le tigre a clairement repris du poil de la bête. Plus affûté, le félidé griffe davantage une arrière-garde rhénane plus si fringante qu'en début de partie. Heureusement, Daniel Manzato pallie ces absences passagères et permet à son équipe de repartir sur de meilleures bases après l'incarcération du turbulent Matthias Joggi (30'49"). Et si quelques bons essais en déviation ne touchent pas le cible (33e), la distribution de pénalités ne cesse elle d'enfler, débouchant sur un quatre contre quatre surtout marqué par un bon tir du poignet de Peter Högardh en breakaway (34'20").

La menace se précise d'autant plus que Franco Collenberg a alors le mauvais réflexe de dégager dans les estrades (34'27"). Ni une ni deux, Bâle se retrouve en désavantage numérique mais fait front, avec une hargne récompensée par l'abnégation d'un Alex Chatelain s'arrachant le long de la bande en récupération puis s'extirpant de la tenaille côté gauche pour s'en aller déjouer Schoder d'un tir bien placé à ras de glace (3-1 à 35'44"). Une fois encore, le réalisme à la rhénane a parlé et voilà les SCL Tigers devenus dindons de la farce !

Passablement déstabilisés par la réalisation du capitaine rhénan, les Bernois retombent alors dans leurs travers, laissant les locaux retrouver un second souffle. Mieux embarqués dans la dernière période, les Bâlois se signalent d'entrée sur un festival de dribbles signé de leur top-scoreur Thomas Nüssli et détourné du bout du gant par Matthias Schoder (40'41"). Les Tigres eux, se jettent dans la gueule du loup et se font prendre sur une contre-attaque saignante où Chris Bright, interceptant une passe en zone neutre, se fait une joie de lancer en profondeur son compatriote Éric Landry qui lui, ne tremble pas pour placer son revers sous la barre (4-1 à 41'15").

L'histoire semble se répéter pour les SCL Tigers, d'autant plus que Bâle est passé en mode "occupation maximum du glaçon". Même les pénalités locales ne leur profitent plus, la faute à une défense solide les bloquant avant la ligne bleue mais aussi à un manque de chance certain, comme sur une reprise dans le slot de Simon Lüthi, aussitôt suivie d'un cafouillage non exploité devant le filet de Manzato (44e). Cette première alerte n'inquiète pas outre mesure des Bâlois sûrs de leur fait. Un peu trop même car Daniel Manzato, derrière sa cage, négocie mal une passe en retrait et se fait chiper l'objet de tous les désirs par Marko Tuomainen, dont le forecheck se voit ainsi payé en retour puisqu'il sert sur un plateau d'argent Fabian Sutter, lequel n'a plus qu'à marquer dans la cage désertée (4-2 à 47'24").

Ce regain de vitalité des Tigres emmentalois, soudain plus rebelles, gêne au plus haut point un EHC Basel brusquement redevenu plus fébrile. Certes, la défense repousse encore nombre de tentatives mais la fatigue semble jouer dans cette fin de partie. Accumulant les pénalités, les locaux tendent le bâton pour se faire battre mais résistent farouchement pour conserver leur acquis des attaques adverses, fréquentes mais désordonnées. Bien aidés en soi par un Daniel Manzato prenant soin de fermer son loquet à double tour, sauf sur cette reprise en angle très fermé de Marko Tuomainen (4-3 à 59'26"). Alors que la cause semblait entendue voilà moins de vingt minutes, Langnau a su exploiter l'irrégularité rhénane à son profit. Hélas pour les visiteurs, leur assaut désespéré ne trouvera pas le salut attendu, Bâle enlevant là une victoire sacrément importante dans la course aux playoffs.

Bâle, irrégulier, a failli payer cher son indiscipline et une défense modifiée où les absences conjuguées de Mark Astley (touché au genou la veille et indisponible pour trois semaines) et Shawn Heins se seront fait sentir en fin de partie. Après une entame de rêve, Bâle a plutôt bien géré ses affaires malgré la montée en puissance progressives de SCL Tigers vaillants mais brouillons. Langnau n'est pas la pire attaque de LNA pour rien et l'impuissance offensive aura perduré une grande partie de la soirée. Hormis quelques individualités remuantes (notamment son premier bloc), l'escouade offensive, pas toujours très inspirée, a mis du temps avant de trouver la faille dans un bloc rhénan bien en place mais moins rigoureux qu'à l'accoutumée, surtout vers la fin.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

Bâle - Langnau 4-3 (2-0, 1-1, 1-2)

Samedi 21 octobre 2006 à la St.Jakob-Arena. 2711 spectateurs.

Arbitrage de M. Prügger assisté de MM. Arm et Küng.

Pénalités : Bâle 34' (4', 12', 18'), Langnau 18' (8', 10', 0').

Évolution du score :

1-0 à 01'24" : Tarvainen assisté de Landry et Anger (sup. num.)

2-0 à 04'28" : Schnyder assisté de Wüthrich

2-1 à 23'28" : Stettler assisté de Miettinen et Leuenberger (sup. num.)

3-1 à 35'44" : Chatelain assisté de Plavsic (inf. num.)

4-1 à 41'15" : Landry assisté de Bright

4-2 à 47'24" : Sutter assisté de Tuomainen

4-3 à 59'26" : Tuomainen assisté de Joggi et Neff

Gardien : Daniel Manzato.

Défenseurs : Ralf Bundi (A) - Markus Wüthrich ; Adrien Plavsic - Gaétan Voisard ; Chris Bright - Lukas Gerber.

Attaquants : Thomas Nüssli - Alex Chatelain (C) - Stefan Voegele ; Niklas Anger - Éric Landry (A) - Jussi Tarvainen ; Patric Della Rossa - Andreas Camenzind - Régis Fuchs ; Stefan Schnyder - Sandro Tschuor - Julian Walker ; Franco Collenberg.

Remplaçant : Daniel Rüfenacht (G). Absents : Shawn Heins (malade), Mark Astley (genou), Ralph Stalder, Stefan Tschannen (prêt d'un mois à Langenthal).

Gardien : Matthias Schoder [sorti de sa cage à 59'18"].

Défenseurs : Brad Fast - Simon Lüthi ; Martin Stettler - Marc Leuenberger (A) ; Christian Moser - Arne Ramholt ; Eric Blum - Daniel Aegerter.

Attaquants : Tommi Miettinen - Niki Sirén - Lee Jinman ; Peter Högardh - Fabian Sutter (A) - Marko Tuomainen ; Matthias Joggi - Michael Liniger (C) - Claudio Neff ; Fabian Debrunner - Adrian Gerber - Antonio Rizzello.

Remplaçant : Alexander Beekman (G). Absents : Reto Schürch (blessé), Stefan Moser (blessé).

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