Suisse - Bélarus (16 mai 2006)

 

Championnats du monde 2006, deuxième tour, groupe F.

Quitte ou double... ou doute

Avant ce match décisif pour les deux formations, la situation est claire et seul un match nul pourrait qualifier les deux équipes au détriment de la Slovaquie, qui affronte l'Ukraine plus tard dans la journée (pour plus d'explications, voir le compte-rendu de Suède-Russie). Ce contexte rappelle qu'il y a 24 ans à Klagenfurt, lors du championnat du monde du groupe B, la Suisse et la Roumanie s'étaient séparées sur un peu glorieux match nul qui avait condamné la Chine à la relégation.

Dans de telles circonstances, les deux équipes abordent les premières minutes avec une grande prudence. Cependant, ce sont davantage les protégés de Glen Hanlon qui prennent l'initiative. Ils en sont récompensés quand le vétéran Andreï Skabelka (le meilleur buteur de tous les temps de la formation biélorusse) ouvre le score à la dixième minute en armant un tir du poignet, sans rencontrer une opposition trop vivace dans la défense helvétique (0-1, 09'04"). Les Suisses, bien timorés jusqu'alors, n'ont pas encore inquiété Mezin. Le gardien d'Ufa ne doit intervenir sérieusement qu'à partir de la douzième minute, lors d'actions successives de Rüthemann puis de Streit. Ensuite, c'est Marc Reichert, planté au premier poteau, qui le sollicite sur un service de Paterlini. Cependant, les Biélorusses se montrent aussi dangereux par l'entremise d'un essai d'Antonenko, pendant que Grabovsky masquait la vue d'Aebischer.

Quelques secondes plus tard, Denisov est pénalisé de manière sévère pour avoir fait trébucher. Sur le jeu de puissance qui s'ensuit, une chance échoit à Romano Lemm, ce qui contraint Makritsky à commettre une irrégularité sur l'attaquant de Kloten. Voilà une belle occasion pour les Helvètes de recoller au score puisqu'ils vont pouvoir évoluer à cinq contre trois pendant une minute et quatorze secondes, au grand dam de Glen Hanlon qui gesticule et crie à l'injustice en direction de l'arbitre. Mais cette double supériorité numérique est mal exploitée par les Confédérés que l'on sent alors crispés par l'enjeu et qui font preuve d'un manque de clairvoyance criant, tandis que les Biélorusses restent bien compacts et disciplinés. On entre dans la dix-septième minute lorsque le défenseur genevois Bezina se fait pénaliser (l'attaquant biélorusse se laisse à vrai dire bien tomber) et, lors du jeu de puissance qui en découle, c'est Dimitri Meleshko qui se met à deux reprises en évidence, sans parvenir à tromper Aebischer toutefois.

Lors de l'entame de la deuxième période, la Suisse apparaît toujours aussi empruntée face au roc biélorusse. Puis, sur une légère faute sur Martin Plüss qui en rajoute, l'arbitre sévit, ce qui provoque l'ire de l'ancien gardien des New York Rangers Glen Hanlon qui estime que le joueur de Frölunda s'est laissé tomber. Mais c'est à ce genre de décisions auquel on a droit depuis le début du tournoi. Sans dommage toutefois, puisque les Suisses ne se montrent guère menaçants.

Meleshko se procure encore une chance de premier plan, imité peu après par Erkovich sur un tir lors d'une supériorité numérique, alors que Paterlini était en prison. Exactement à la mi-match, la Biélorussie aggrave même le score grâce à Zadelenov plus prompt au rebond après une parade d'Aebischer, qui n'y peut pas grand-chose en la circonstance (0-2, 29'58").

Les Suisses n'ont plus le choix : ils doivent réagir, si possible immédiatement, afin de recoller au score, car Mezin passe un après-midi plutôt tranquille jusque là. Ils ont le mérite d'y croire, et sur un jeu de puissance, seul Valentin Wirz parvient à inquiéter le dernier rempart. Il est bientôt imité par Steinegger et Reichert qui exercent une bonne pression autour des buts de Mezin, mais le score en reste à 0-2 après quarante minutes.

Dès le début de l'ultime période, les protégés de Krueger (lequel introduit alors le défenseur Seger dans l'alignement) lancent toutes leurs forces dans une bataille pas encore perdue et tant Rüthemann que Plüss parviennent à s'approcher de la cage de Mezin. Cependant, ils s'exposent forcément de plus en plus aux contres, et c'est sur l'un d'eux qu'Andreï Kostytsin puis Meleshko se trouvent en position favorable.

Néanmoins c'est Martin Plüss qui profite d'une mauvaise relance de Makritsky et de l'une des rares erreurs biélorusses pour réduire le score (1-2, 48'17"). Tout reste encore possible désormais, d'autant que les Helvètes se montrent beaucoup plus entreprenants que lors des deux premières périodes. Malheureusement pour eux, leur élan est quelque peu coupé par une pénalité pour obstruction sifflée à l'encontre de leur capitaine Streit, sur une mise en échec à priori légale. Seul Erkovich inquiète Aebischer lors de l'attaque à cinq, puis ce sont Plüss et aussi le nouveau venu Alain Demuth qui inquiètent Mezin.

Le temps s'écoule inexorablement et Dmitri Meleshko bénéficie à nouveau d'une occasion (sa plus grosse) lorsqu'ils subtilise la rondelle à Mark Streit à sa propre ligne bleue et s'en va affronter Aebischer qui parvient à faire l'arrêt. Malgré des tentatives des deux côtés (Antonenko et Deruns sur un travail de Bezina) et une sortie d'Aebischer pour un sixième homme alors qu'il restait 55 secondes à l'horloge, plus rien ne bouge.

La Biélorussie a de bonnes chances de dépasser la meilleure performance de son histoire en championnat du monde (en faisant abstraction des Jeux olympiques), huitième à l'issue d'une formule de poules en 1998. Cela signifie qu'elle jouera pour la première fois les quarts de finale des Mondiaux.

Quant à la Suisse, elle peut être légitimement déçue de devoir en rester là. En revanche, elle peut être satisfaite de sa performance d'ensemble avec entre autres deux matches nuls face à la Suède et la Slovaquie après avoir été menée au score dans la troisième période.

Compte-rendu signé Stéphane Matthey

 

Commentaires d'après-match

Ralph Krueger (entraîneur de la Suisse) : "Sortir de scène ainsi est terrible, parce que nous avions notre destin en main. Mais la Biélorussie, qui dispute le meilleur tournoi de son histoire, a mieux joué que nous et mérite de passer en quart de finale à notre place. Nous n'avons pas manqué de volonté, mais de fraîcheur. Paradoxalement, nous nous sommes débloqués seulement après le 0-2, mais une demi-heure n'a pas suffi. Nous avons payé les énormes efforts prodigués Pour revenir au score dans cinq des six matches disputés : j'ai sollicité plus que de coutume un nombre plus restreint de joueurs, et leurs réserves d'énergie se sont épuisées à la longue."

Alain Demuth (attaquant de la Suisse) : "J'ai appris hier que je jouerais. Quand Ralph m'en a fait part, j'avais peur d'être à court de rythme : d'accord, je m'entraîne tous les jours, mais ça fait deux semaines que je ne jouais pas un match. À vrai dire, vu comment les choses se sont passées, j'aurais préféré être en tribunes et applaudir la victoire ou à la limite le match nul qui nous auraient portés en quart de finale. Je n'arrive pas à comprendre notre première période. Nous les avons attendus au lieu d'être agressifs sur le porteur du palet. Les choses ont changé après le premier but, mais il n'est pas facile de revenir contre un adversaire pareil. Je ne crois pas que nous ayons eu peur, il suffit de voir notre troisième période où nous les avons écrasés pendant vingt minutes."

Glen Hanlon (entraîneur du Bélarus) : "Je sais ce que Ralph ressent, je suis désolé pour la Suisse. Je sais que nous avons démenti de nombreux bookmakers qui n'ont même pas voulu publier de cotes pour le match nul. Mes joueurs sont tournés vers l'attaque, et on ne change pas sa psychologie fondée sur la victoire. Nous avons joué honnêtement, même si nos nerfs étaient à rude épreuve face à une équipe suisse capable de remonter autant de buts qu'elle le souhaite. La Suisse est un modèle de développement de hockey, je rêve qu'on travaille de même au Bélarus. [...] Sean [Simpson, entraîneur de Zoug et adjoint choisi par Hanlon] a rendu nos chances dans ce match décisif meilleures que l'an passé. À l'époque, je n'avais pas la moitié des informations que je possède aujourd'hui sur l'équipe de Krueger. Je ne doute pas qu'ils en ont collecté aussi sur nous, néanmoins notre base de données est impressionnante. [...] Avant le match, nous avons diffusé un clip de cinq minutes en musique sur notre parcours dans ce championnat du monde. Ça a produit une forte impression sur l'équipe, et ça a fait effet sur le score."

 

Suisse - Bélarus 1-2 (0-1, 0-1, 1-0)

Mardi 16 mai 2006 à 15h15 à l'Arena Riga. 3170 spectateurs.

Arbitrage de David Hansen (USA) assisté de Joseph Ross (USA) et Lars Schröter (ALL).

Pénalités : Suisse 10' (4', 4', 2'), Bélarus 10' (4', 4', 2').

Tirs : Suisse 30 (10, 9, 11), Bélarus 21 (8, 5, 8).

Évolution du score :

0-1 à 09'04" : Skabelka assisté de Grabovsky

0-2 à 29'58" : Zadelenov assisté de Skabelka et Meleshko

1-2 à 48'17" : Plüss assisté de Rüthemann

 

Suisse

Gardien : David Aebischer (sorti à 59'05").

Défenseurs : Julien Vauclair - Martin Steinegger ; Mark Streit (C) - Beat Forster  ; Beat Gerber - Goran Bezina ; Mathias Seger (à 48').

Attaquants : Ivo Rüthemann - Martin Plüss - Patric Della Rossa ; Marc Reichert - Andres Ambühl - Thierry Paterlini ; Romano Lemm - Sandy Jeannin - Raffaele Sannitz ; Thomas Déruns - Kevin Romy - Valentin Wirz ; Alain Demuth.

Remplaçant : Jonas Hiller (G). Absents : Severin Blindenbacher, Timo Helbling.

Bélarus

Gardien : Andrei Mezin.

Défenseurs : Aleksandr Makritsky (A) - Vladimir Dzianisau ; Vladimir Kopat (A) - Viktor Kastyuchonak ; Vladimir Svita - Sergei Erkovich.

Attaquants : Dmitri Dudik - Andrei Mikhalev - Aleksei Ugarov ; Mikhaïl Grabovsky - Sergei Zadelenov - Andrei Kostsitsyn ; Dmitri Meleshko - Evgeny Kurilin - Yaroslav Chupris ; Oleg Antonenko (C) - Sergei Kukushkin - Andrei Skabelka.

Remplaçants : Sergei Shabanov (G), Aleksandr Ryadzinsky, Aleksei Savin. Absents : Aleksandr Zhurik, Evgeny Esaulov.

 

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