Épinal - Morzine-Avoriaz (7 mars 2006)

 

Premier tour des play-offs de Ligue Magnus 2006, match 1.

Épinal était prêt pour la bataille !

Cette fois-ci c'est la bonne ! Pour la première fois depuis son retour en élite, l'ICE goûte enfin à la saveur des playoffs. Certes, sa participation n'est due qu'à la bonne grâce des décideurs du hockey tricolore d'élargir de huit à douze le nombre des qualifiés pour les séries. Piètres onzièmes, les Spinaliens ont laissé une drôle d'impression jusqu'ici, mêlée de frustration, d'amertume et d'incompréhension. Malgré un potentiel intrinsèque certain, la troupe vosgienne a toujours, ou presque, tourné en sous-régime. Montrant également de grosses lacunes dans la construction du jeu et la condition physique, Épinal n'a guère d'atouts dans ses manches avant de s'engager dans la lutte face à Morzine-Avoriaz.

Doubles vainqueurs (3-1 et 5-2) en saison régulière, les Morzinois partent nettement favoris. En confiance après leur carton passé à Amiens (l'adversaire programmé du vainqueur de cette série), les Pingouins peuvent compter sur leur force de frappe nordique et une certaine profondeur de banc. Parfois irréguliers en première phase, les Morzinois ont une belle carte à jouer dans ces séries et Morzine-Avoriaz veut encore franchir un palier pour renforcer les rangs d'une meute de prétendants affamés mais semblant sous-armés pour espérer contrecarrer la mainmise et la souveraineté des Dragons de Rouen. Mais avant de tirer des plans sur la comète, il reste encore ces fameux Dauphins d'Épinal à écarter.

La coutume dit qu'avec le début des playoffs, une nouvelle saison commence. Charge aux hommes de Joakim Nilsson (qui fustigeait lundi dans les colonnes du quotidien local La Liberté de l'Est un manque chronique d'investissement et d'intensité de certains) de faire oublier les mois précédents en se sublimant car sur un match tout est possible !

Des Spinaliens alléchés par l'odeur des playoffs

Les Dauphins, conscients de cette réalité, entament la partie avec ardeur. Parti en deux-contre-un, le vieux renard Roman Trebaticky choisit judicieusement d'ignorer Ján Šimko sur sa gauche pour ajuster Johan Bäckö d'un slap aussi puissant que précis dans sa lucarne droite (1-0 à 1'55"). Pris à froid, les Pingouins tentent de refaire surface mais se heurtent à une défense solide, bien placée et à un Petrik vigilant. Ripostant par contres, les Spinaliens manquent d'un cheveu le break mais Šimko, décalé par Trebaticky, voit Bäckö repousser de la jambière (3'09"). Premier raté d'une longue série pour le dragster slovaque arrivé de Tours à l'intersaison...

Que ce match semble bien engagé, serait-on tenté de penser lorsque Kevorkian se fait prendre en flagrant délit (5'46") mais Épinal, trop statique en powerplay, perd une rondelle se voyant récupérée par ce diable de Johan Forsander qui lance sur le côté droit son compère Tobias Holm qui envoie un missile téléguidé sur lequel Stanislav Petrik ne peut rien. Le slap dans la course du Suédois rentrant même avec l'aide du poteau (1-1 à 6'53").

Coup de froid dans les travées de Poissompré. L'ICE, irréprochable depuis le début de la partie, venait de commettre sa première bourde, aussitôt exploitée par l'adversaire. Une supériorité plus tard, le constat est toujours le même pour les locaux : peu d'initiatives et aucune prise de responsabilité, même si sur ce slap de Lubomir Duda, Johan Bäckö perd de vue la palet en croyant l'avoir gelé (10'24"). Hésitation révélatrice de la petite forme affichée par le gardien suédois du HCMA. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de le vérifier plus tard.

Mais pour l'heure, deux faire trébucher quasi-simultanés d'Ilic et Åblad offrent une situation de double avantage numérique aux Morzinois. Installés en zone, les Pingouins perdent la rondelle et Radoslav Regenda lance en profondeur Ján Plch qui se débarrasse de ses chiens de garde mais ne peut tromper la vigilance de Bäckö (12'58"). Si Tobias Holm manque une cage vide (14e), le penalty-killing vosgien fait bonne figure et se tire sans dommages d'une situation pour le moins compromettante. Appliqués et sans complexes, les Spinaliens sont en passe de réaliser une période de référence dans leur saison et montrent qu'ils n'ont pas grand-chose à envier sur leur adversaire. Ainsi, ils regagnent les vestiaires sur un score de parité révélateur de vingt premières minutes assez équilibrées même si Halttunen manque de peu de doubler la mise en échouant dans sa tâche de déjouer Petrik sur son côté gauche (19e).

Pas de doutes, Épinal est bien passé en "mode playoffs". Combativité, envie et solidarité, tous les ingrédients semblent réunis pour faire un coup. Mais pourront-ils garder le rythme et résister aux flèches nordiques des Pingouins ?

Un scénario à rebondissements, aux saveurs hitchcockiennes

Cela s'engage mal aux retour des vestiaires car une pénalité sévère (injustifiée pour certains) appelée à l'encontre de Tobias Åblad donne une nouvelle situation de cinq-contre-quatre aux Morzinois. Ceux-ci s'installent rapidement en zone offensive, font bien tourner le puck et Arto Miettinen, recevant le disque derrière la cage, sert dans le slot Marc Billieras (Miettinen d'après la feuille de match...) qui place sa tentative du revers dans la lucarne gauche (1-2 à 22'36"). Dès lors, les chances spinaliennes semblent déjà s'amenuiser, d'autant plus que le slap en entrée de zone de Santeri Immonen flirte avec le montant droit de la cage de Stanislav Petrik (23'20").

Accusant le coup, les Dauphins d'Épinal montrent toujours autant de déchet dans la finition alors que Morzine-Avoriaz semble prendre doucement l'ascendant comme en témoigne cette récupération de l'intenable Johan Forsander, qui s'enfuit à grandes enjambées et fausse compagnie en deux coups de patins à sa garde rapprochée. En duel singulier avec Stanislav Petrik, la gâchette suédoise des Pingouins ne peut glisser le palet dans le but malgré s'être créée un espace sur sa droite (26'14"). Toujours dangereux en contres, les Spinaliens pêchent donc par manque de lucidité devant Bäckö comme sur cette déviation de Haapasaari (28e) et se voient à nouveau dans le collimateur du trio arbitral. Si Johan Ohlsson vient accompagner Lubomir Duda au cachot (28'35"), les deux minutes paraissent sévères pour l'ex-Angloy. Malgré une première alerte de Forsander (29'18"), le quatre-contre-quatre manque d'un poil de sourire aux locaux mais Ján Šimko, lancé en breakaway par Ján Plch, vendange à nouveau en visant le buste de Johan Bäckö (29'52"). Encore une nouvelle preuve de l'inefficacité chronique du patineur lauréat des "Skill Games" du Match des Étoiles 2005.

Mis en garde à vue (31'01"), Anthony Maurice doit laisser ses compagnons se coltiner le jeu de puissance du HCMA pendant deux minutes. Enfin, cinquante-quatre secondes très précisément puisque le capitaine Tony Bergin, opportunément placé à la gauche de Stanislav Petrik, prend le rebond de Santeri Immonen et glisse le puck dans un trou de souris (1-3 à 31'55"). Cela semble mal engagé désormais pour l'ICE mais un contre initié par Ján Šimko, qui laisse dans son dos à Ján Plch, conduit à une situation de pénalité différée puisque Plch se voit accroché devant la cage après avoir fait la différence. Bénéficiant de l'avantage, les Dauphins font tourner et Regenda plein axe mystifie Bäckö d'un frappé court côté mitaine (2-3 à 32'46").

L'égalisation redonne du poil de la bête aux Lorrains alors que les indisciplines se succèdent en quelques instants. Toujours improductifs en powerplay, les Vosgiens se font cueillir en toute fin d'avantage numérique et Arto Miettinen (Immonen d'après la feuille de match...), bénéficiant d'une ligne bleue désertée, entre comme dans du beurre en zone offensive et ajuste Petrik d'un slap limpide dans son petit filet gauche (2-4 à 36'42").

Errements défensifs rédhibitoires et coupables mais Épinal ne laisse pas le doute s'installer. Parti comme une fusée en contre sur le flanc droit, Martin Kotásek s'échappe et trouve Jussi Haapasaari qui, profitant du décalage, reprend victorieusement au second poteau (3-4 à 37'39"). Une dernière frayeur de Peter Slovák, qui relance en plein sur Tomas Lindgren, n'est heureusement d'aucune fâcheuse conséquence pour ses couleurs (39'52") et Épinal conclut ce tiers médian en étant mené d'un seul petit but. Les erreurs défensives et un arbitrage tatillon auront favorisé Morzine-Avoriaz alors que les deux cerbères préposés devant leur filet ne semblent guère souverains au cours de ce match pour le moins explosif.

La mort aux trousses et le couteau entre les dents

L'IC Épinal s'est incontestablement hissée au niveau de l'événement et son collectif donne quelques légers signes de progrès. La défense connaît-elle quelques moment d'égarements comme cette incursion de Halttunen dans le gruyère (42e) mais l'attaque elle ne se pose pas de questions. Une superbe remontée de puck depuis sa zone de Jussi Haapasaari, relayée par Martin Kotásek, envoie Shawn Allard (employé en alternance sur le second bloc avec Luc Mazerolle) en orbite sur l'aile droite qui trouve au second poteau ce même Haapasaari pour l'égalisation (4-4 à 46'26"). La fièvre gagne les travées de Poissompré : voilà l'ICE revenue au contact de Morzine-Avoriaz et toujours dans le coup pour réaliser la première grosse sensation de ces séries finales !

Sentant ainsi l'exploit à portée de crosse, les Spinaliens se ruent à l'attaque à l'image d'un Shawn Allard dynamisant une paire Haapasaari-Kotásek très convaincante mais tergiversent trop en défensive, offrant de nouvelles munitions aux Haut-Savoyards. Si Immonen ne cadre pas devant Petrik (49'38"), Ohlsson slalome à travers la défense sans pour autant trouver la faille (51'47"). Qu'importe, un faire trébucher d'un Tomas Lindgren plutôt discret ce soir (53'32") va briser définitivement toute le dynamique morzinoise. En toute fin de supériorité numérique, Luc Mazerolle dans le slot s'essaye en pivot devant Bäckö mais le gardien suédois relâche un dernier rebond exploité comme il se doit par Jussi Haapasaari. Le buteur venu du froid, à l'affût sur la gauche de Bäckö, offre un succès invraisemblable à ses couleurs en glissant sa troisième rondelle de la soirée dans les filets alpins (5-4 à 55'25").

Cela sent le vinaigre pour des Morzinois en nette baisse de régime depuis le début du tiers et désormais dépassés par le rythme imprimé par des Spinaliens revigorés. Stéphane Gros demande le temps mort (59'03") et sort son gardien pour tenter le tout pour le tout et arracher une mort-subite paraissant bien illusoire. Qu'importe, ses Pingouins poussent et instaurent durant les cinquante dernières secondes un siège intensif, mais stérile devant la cage d'un Stanislav Petrik solide au poste. Ça y est, Épinal tient-là son succès, une victoire inconcevable ou presque avant le début de la partie. Mais visiblement, la magie des play-offs a encore opéré dans la vétuste arène de Poissompré. Jamais l'adage "la vérité des séries n'est pas toujours celle de la saison régulière" n'aura paru aussi juste. Montrant plus d'intensité que son adversaire, Épinal a logiquement remporté la première manche et se trouve désormais en position de force dans cette série.

Une première manche enlevée avec les tripes !

Dans une arène de Poissompré transformée en chaudron malgré une assistance famélique (moins de 700 spectateurs), Épinal, victime toute désignée au début de la série, a su se sublimer pour exploiter les faiblesses de Johan Bäckö et un certain manque de lucidité des Pingouins. Le suspens aura été présent de bout en bout et, malgré un arbitrage défavorable, l'ICE a su renverser la vapeur pour venir à bout de sa bête noire. Montrant du panache, les Dauphins ont entendu l'appel de Joakim Nilsson et ont su montrer un tout autre visage qu'au cours des tristes semaines passées. Plus enclins à jouer en équipe et plus audacieux, les Bleus ont bien été les meilleurs, comme le dit un célèbre chant de supporters spinaliens, et les Jussi Haapasaari et autres Roman Trebaticky ont sans doute livré là le meilleur match de leur saison.

Et pourtant, Morzine-Avoriaz tenait fermement son match, en menant à deux reprises (3-1 puis 4-2). Mais ces Spinaliens-là, volontaires comme jamais, sont revenus du diable vauvert pour punir des Morzinois paraissant trop sereins et incapables de les tenir à distance. Voilà maintenant les Pingouins dos au mur avec l'obligation de prendre les Dauphins dans leurs filets vendredi pour ne pas se retrouver en vacances. Des congés qui seraient bien sûr anticipés compte tenu des ambitions affichées et du matériel dont dispose le HC Morzine-Avoriaz !

Si la tendance tendrait à aller vers l'allégresse, il reste toutefois des points négatifs. Outre ces étourderies occasionnelles en défensive et une cohésion encore limitée, l'inconsistance de Ján Šimko - aussi bien face au gardien que dans le jeu où son obsession à jouer le un-contre-un le conduit trop souvent à s'empaler sur son vis-à-vis - sur sa lancée de son non-match contre Angers, reste inquiétante. Mais qu'importe, Épinal a réussi l'impossible et presque sauvé une saison en demi-teinte sur ce match. C'est avec une confiance retrouvée que les Dauphins s'en iront vendredi en Haute-Savoie jouer leur qualification pour les quarts de finale. Qui l'eût crû ?

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Commentaires d'après-match (dans La Liberté de l'Est)

Joakim Nilsson (entraîneur d'Épinal) : "Ce n'est pas notre meilleur match de la saison d'un point de vue technique mais c'est notre meilleur match depuis les fêtes de fin d'année. Avec le mental qu'on a montré ce soir, je suis persuadé qu'on peut gagner à Morzine et même aller loin par la suite."

Jussi Haapasaari (attaquant d'Épinal) : "Tout est possible dans les playoffs, on en a encore la preuve ce soir. L'équipe a fait un de ses meilleurs matchs de la saison avec la victoire à Dijon. Pour moi, c'est presque mon meilleur match. Le meilleur, il va arriver vendredi à Morzine !"

Stéphane Gros (entraîneur de Morzine-Avoriaz) : "On a eu l'occasion de muscler le match, notamment au cours du deuxième tiers, mais on ne l'a pas fait. Après, il suffit d'un contre, deux contres et la situation s'inverse."

 

Épinal - Morzine-Avoriaz 5-4 (1-1, 2-3, 2-0)

Mardi 7 mars 2006 à 20h15 à la patinoire de Poissompré. 666 spectateurs.

Arbitrage d'Alexandre Hauchart assisté d'Éric Bouguin et Sébastien Moine.

Pénalités : Épinal 12' (4', 8', 0'), Morzine-Avoriaz 14' (4', 6', 4').

Tirs : Épinal 28 (11, 11, 6), Morzine-Avoriaz 48 (16, 18, 14).

Évolution du score :

1-0 à 01'55" : Trebaticky assisté de Plch

1-1 à 06'54" : Holm assisté de Forsander et Ohlsson (inf. num.)

1-2 à 23'50" : Miettinen assisté de Billieras et Lindgren (sup. num.)

1-3 à 31'55" : Bergin assisté de Forsander

2-3 à 32'46" : Regenda assisté de Plch

2-4 à 36'42" : Immonen assisté de Holm

3-4 à 37'39" : Haapasaari assisté de Kotásek et Åblad

4-4 à 46'26" : Haapasaari assisté de Kotásek et Allard

5-4 à 55'25" : Haapasaari assisté de Mazerolle (sup. num.)

 

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik.

Défenseurs : Lubomir Duda - Radoslav Regenda ; Borislav Ilic - Tobias Åblad ; Peter Slovák - Milan Sejna.

Attaquants : Ján Šimko - Roman Trebaticky (A) - Ján Plch ; Luc Mazerolle [ou Shawn Allard] - Jussi Haapasaari - Martin Kotásek ; Guillaume Papelier - Anthony Maurice - Guillaume Chassard (C).

Remplaçants : Franck Constantin (G), Lionel Simon. Absents : Christophe Ribanelli (blessé), Djamel Zitouni, Gaëtan Gavoille.

Morzine-Avoriaz

Gardien : Johan Bäckö (sorti de sa cage à 59'03").

Défenseurs : Santeri Immonen, Johan Ohlsson, James Hutchinson, Mathieu Mille, Tony Bergin (C).

Attaquants : Johan Forsander (A) - Tobias Holm - Kévin Enselme ; Aram Kevorkian - Arto Miettinen - Niko Halttunen ; Tomas Lindgren - Marc Billieras (A) - Mickaël Bardet.

Remplaçants : Olivier Courally (G), Anthony Richard.. Absents : Tibor Schneider (entorse de la cheville), Thibault Geffroy (doigt cassé), Cyril Trabichet, Christian Élian.

 

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