Norvège - États-Unis (26 décembre 2005)

 

Championnats du monde des moins de 20 ans 2006, premier tour, groupe A.

C'est le match des extrêmes entre le grand favori, les États-Unis, et le petit poucet, la Norvège. Les Norvégiens redécouvrent l'élite junior pour la première fois depuis 1991, un tournoi qui se jouait alors déjà au Canada, à Saskatoon. À cette époque l'équipe avait encaissé sept défaites de rang et avait été dominée 75 buts à 8, dont un 19-1 face aux États-Unis. Les hommes de Petter Thoresen (trois participations aux JO et quatre championnats du monde) visent le maintien mais savent que la mission s'annonce plus que difficile. De plus l'équipe est globalement de petite taille et moins solide que ses adversaires. La plupart des joueurs évoluent au pays même si Mathis Olimb a joué dans l'Ontario la saison dernière, où son jeu a été comparé à l'ancien All-Star NHL Espen Knutsen. Joakim Jensen de son côté évolue actuellement au Drakkar de Baie-Comeau en ligue du Québec, ancienne équipe du fils du sélectionneur, Patrick Thoresen, où il compte 24 points en 31 matchs.

En face, c'est un véritable ogre qui se présente. Les États-Unis sont les favoris du tournoi pour la première fois. Avec dix-huit joueurs draftés par des équipes NHL, dont plus de la moitié au premier tour (et quatre probables de plus l'été prochain), le talent est incontestablement présent. La moitié des joueurs a subi une défaite cruelle en prolongation pour le bronze à domicile l'an passé et la motivation est à son sommet. Walt Kyle, ancien assistant coach de la NHL et actuel entraîneur de Northern Michigan dans le championnat universitaire, a choisi la taille et la puissance pour sa troisième apparition comme sélectionneur. Dans les cages le duo était logique, Schneider, remplaçant l'an dernier, devient numéro 1 et est secondé par Jeff Frazee, incomparable de calme lors de la médaille d'or en moins de 18 ans au printemps dernier. La défense est emmené par Johnson & Johnson, Jack et Erik. Les deux démolisseurs n'ont aucun lien de parenté mais ces apprentis Scott Stevens peuvent à la fois marquer des points et des poings... Brian Lee revient, suivi par Matt Niskanen, concentré sur le hockey après un titre régional en football américain en parallèle l'an dernier. Chorney, Butler et Mitera ont finalement évincé Lashoff, Yandle et Sauer, non-sélectionnés surprises. L'attaque est... Impressionnante reste un mot faible. Phil Kessel, étincelant l'an passé avec un triplé en quarts face à la Suède, est appuyé par une pléthore de buteurs purs. Son rival Jack Skille, l'imposant Bobby Ryan, le maître du jeu de puissance Robbie Schremp, le déjà professionnel Chris Bourque (fils du mythique défenseur Ray), le capitaine Kevin Porter, le petit poucet Nathan Gerbe (plus petit que Theo Fleury, c'est dire), le passeur Tom Fristche, frère de l'attaquant de Columbus, le meneur TJ Oshie, le rugueux Peter Mueller, le géant Blake Wheeler... L'équipe possède la plus haute moyenne de taille et de poids de tout le tournoi, même avec Gerbe et Bourque pour descendre le compteur. David contre Goliath...

Mais contrairement à David, la Norvège n'a pas de fronde. Le match déséquilibré se déroule comme prévu : une avalanche de buts. Pourtant le public canadien y met du sien. Il siffle plus ou moins l'hymne américain, avant de proposer un silence de cathédrale à chaque but américain et de supporter ouvertement la Norvège... Pas très fair-play, mais la troupe de Kessel n'en a cure. La Norvège est rapidement dépassée par les événements, n'ayant guère d'autre solution que de faire des fautes. Les Américains commencent par un quatre-contre-trois inhabituel mais attendent que Stensund repose le pied sur la glace pour ouvrir la marque. C'est T.J. Oshie, choix surprise de Saint-Louis au premier tour de la dernière draft, qui marque, effaçant la défense sur une mise au jeu gagnée par lui même en zone offensive, pour battre le gardien entre les jambières. Les États-Unis percutent leurs adversaires sans ménagement, au risque d'être pénalisés. Pas moins de quatre pénalités de suite, mais Schneider tient le choc. Puis la Norvège écope d'un surnombre et d'une obstruction. Quelques secondes après la fin du double avantage numérique, Erik Johnson lance de loin servi par Robbie Schremp pour le 2-0. Trois pénalités norvégiennes à une plus tard, et Jack Skille marque le 3-0 d'un tir ralenti par le gardien après avoir éliminé un défenseur en un contre un par un geste incroyable, le tout servi par Erik Johnson, qui a décidément à cœur de montrer qu'il peut être choisi dans le top-5 de la prochaine draft NHL. Un ultime surnombre américain ne bénéficie pas à une équipe norvégienne qui prend l'eau de toute part...

En deuxième période, c'est le début du festival Kessel-Bourque. Le premier lance, le deuxième profite du rebond du revers après 80 secondes pour le 4-0. Quelques minutes plus tard, Peter Mueller offre son troisième point du jour à Erik Johnson pour le 5-0, en plaçant un tir dans la lucarne sur un palet récupéré par le défenseur. Ce même Mueller prend ensuite une méconduite de dix minutes lors d'un incident avec Sveum. La Norvège s'incline à nouveau en supériorité sur un but de Bourque, grâce à un lancer devant une cage ouverte : Jack Johnson lance Kessel dans le dos de la défense, celui-ci fixe tout le monde pour déposer le palet sur la crosse de Bourque. Finalement, Sveum revient sur la glace pour réduire la marque à 6-1 en supériorité numérique (pour changer), bénéficiant d'une échappée en sortant de prison et concluant en beauté par une feinte de tir pour placer le palet entre les jambières de Schneider. C'est le moment que choisit Thoresen pour changer de gardien... Mais Lars Haugen ne tient pas une minute que Bourque termine son hat-trick, le tout en dix minutes, exploitant une belle transversale de Jack Johnson qui avait feinté le tir. Cette fois-ci Kessel n'est pas de la partie, mais Porter, si. Porter décide d'ailleurs d'y aller tout seul pour le 8-1 trois minutes plus tard en slalomant dans la défense, encore en avantage numérique et avec l'aide de Kessel... Au final, un deuxième tiers outrageusement dominé, avec des balustrades qui ont souffert sur les charges rugueuses de Johnson & Johnson. Les Norvégiens qui jouaient le rôle de jambon dans ce drôle de sandwich ont souffert aussi, cela dit.

Comme l'entraînement est décidément instructif, la troupe de Walt Kyle poursuit son travail de démolition avec un but de Schremp quelques secondes après la reprise. Même pas en équipe spéciale ! Les temps changent... Niskanen décide alors d'aider un peu l'adversaire et se repose deux minutes en prison, le temps de voir Mathis Olimb transformer un deuxième but, aidé par l'excellent Mathias Trygg et un bon travail de Joakim Jensen. L'arbitrage continue son travail, donnant une méconduite à Kristian Forsberg. Chris Bourque décide alors de boucler la soirée, avec le 10e but américain du revers (servi par Kessel) à dix minutes de la fin, suite à une série de passes lasers en zone offensive de ses coéquipiers. Puis Bourque s'offre le 11e en infériorité, son cinquième du match, servi pour la cinquième fois par Kessel qui avait tranquillement passé en revue toute la défense dans le sens de la longueur... La fin est un peu confuse mais la démonstration est terminée : 11-2 pour les États-Unis, voila qui frappe les esprits... La Norvège pour sa part sait ce qu'il lui reste à faire dans le match vital face à la Suisse demain, car le maintien se jouera plutôt là. Pour Bourque, 5 buts, c'est tout simplement l'égal de la performance de Markus Näslund face au Japon en 1993. L'arbitrage fut bel et bien la clé du match : 5 sur 18 pour les USA, 2 sur 13 pour la Norvège... l'IIHF ne badine pas avec la discipline.

Meilleurs joueurs du match : Chris Bourque pour les États-Unis, Mathias Trygg pour la Norvège.

Compte-rendu signé Nicolas Leborgne

 

Commentaires d'après-match :

Walt Kyle (entraîneur des Etats-Unis) : "Ce que j'ai aimé, c'est que parfois il y a une tendance à prendre de haut l'adversaire et ce ne fut pas le cas ici. Je suis content de la mentalité des joueurs qui a permis de tenir à distance les Norvégiens. Ce sont des adversaires très nobles, malheureusement cela n'a pas bien tourné pour eux. C'était un bon début, j'ai trouvé que nous jouions de mieux en mieux et nous allons utiliser ce match pour construire notre tournoi."

Ruben Smith (gardien de la Norvège) : "Ils étaient très forts sur les rebonds et ont marqué des buts faciles que j'aurais aimé bloquer... Ils ont été très forts en supériorité et en infériorité."

Petter Thoresen (entraîneur de la Norvège) : "Nous savons que nous revenons dans le groupe A après 14 ans d'absence et nous devons utiliser ce match pour préparer la Suisse demain. Nous devons gagner deux matchs pour rester dans l'élite. Nous voulons faire de meilleurs matchs, mais là, nous n'avions pas la capacité de jouer à ce niveau."

 

Norvège - Etats-Unis 2-11 (0-3, 1-5, 1-3)

Lundi 26 décembre 2005 à 20h00 au Pacific Coliseum de Vancouver. 12232 spectateurs.

Arbitrage de Rafail Kadyrov (RUS) assisté de Konstantin Gordenko (RUS) et Fredrik Ulriksson (SUE).

Pénalités : Norvège 44' (14', 10', 20'), États-Unis 36' (14', 14', 8').

Tirs : Norvège 19 (8, 6, 5), États-Unis 56 (19, 24, 13).

Évolution du score :

0-1 à 02'19" : Oshie

0-2 à 12'22" : E. Johnson assisté de Schremp et Mueller (sup. num.)

0-3 à 17'30" : Skille assisté de E. Johnson (sup. num.)

0-4 à 21'23" : Bourque assisté de Kessel et Porter

0-5 à 26'14" : Mueller assisté de E. Johnson

0-6 à 27'32" : Bourque assisté de J. Johnson et Kessel (sup. num.)

1-6 à 29'00" : Sveum assisté de Aasen et Hagen (sup. num.)

1-7 à 31'11" : Bourque assisté de Porter et J. Johnson (sup. num.)

1-8 à 34'54" : Porter assisté de Kessel (sup. num.)

1-9 à 40'32" : Schremp assisté de Fristche et Mueller

2-9 à 43'44" : Olimb assisté de Trygg et Grafsronningen (sup. num.)

2-10 à 51'38" : Bourque assisté de Kessel et Porter (sup. num.)

2-11 à 53'03" : Bourque assisté de Kessel (inf. num.)

 

Norvège

Gardiens : Ruben Smith puis Lars Haugen à 30'13".

Défenseurs : Henrik Borge - Jonas Holos ; Lars Løkken Østli - Alexander Bonsaksen ; Jonas Nygard - Dennis Sveum ; Eirik Grafsronningen.

Attaquants : Kristian Forsberg - Per Ferdinand Stensund - Mathis Olimb ; Martin Røymark - Stian Høygård - Mathias Trygg ; Martin Hagen - Morten Rolstad - Fredrik Thinn ; Mats Aasen - Marius Mathisrud - Joakim Jensen ; Niklas Roest.

États-Unis

Gardien : Cory Schneider.

Défenseurs : Jack Johnson - Erik Johnson ; Taylor Chorney - Brian Lee ; Chris Butler - Matt Niskanen ; Mark Mitera.

Attaquants : Phil Kessel - Kevin Porter - Chris Bourque ; Nathan Davis - Tom Fristche - Geoff Paukovich ; TJ Oshie - Nathan Gerbe - Jack Skille ; Bobby Ryan - Blake Wheeler - Robbie Schremp ; Peter Mueller.

Remplaçant : Jeff Frazee (G).

 

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